Les glaucomes chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 173 du 01/01/2012
Pratique Vétérinaire Equine n° 173 du 01/01/2012

Article de synthèse

Auteur(s) : Sébastien Monclin*, Franck Ollivier**

Fonctions :
*DMV, diplômé ECVO, MRCVS, Ophtalmovet,
Animal Clinic, avenue Brugmann 425,
1180 Bruxelles (Uccle), Belgique
**DMV, PhD, diplômé ACVO et ECVO,
Centre vétérinaire DMV, 2300,
54e Avenue, Montréal (arrondissement
de Lachine), Québec, Canada

L’évolution d’un glaucome chez le cheval est insidieuse, ce qui rend le diagnostic parfois difficile à établir et souvent tardif.

Le glaucome ne correspond pas à une affection unique, mais regroupe un ensemble de maladies qui ont comme point commun la destruction irréversible des cellules ganglionnaires de la rétine (CGR) et de leurs axones. L’interaction de plusieurs mécanismes (hypoxie, effets directs de la pression et réactions toxiques) explique ces destructions cellulaires, et rend la compréhension, donc le traitement, du glaucome difficiles [21, 33, 34]. Ces troubles ont été décrits chez la plupart de nos animaux domestiques, mais se manifestent cliniquement très différemment selon l’espèce. Chez le cheval, les glaucomes sont habituellement de progression lente, avec des manifestations de douleur très discrètes et une perte de vision insidieuse. Aux États-Unis, leur incidence est estimée à 0,07 % de la population équine [3, 9, 23].

Étiologie et physiopathologie du glaucome

Comme chez le chat, les glaucomes du cheval sont le plus souvent secondaires. L’uvéite en est incontestablement la cause la plus fréquente, suivie par les néoplasmes intra-oculaires, les traumatismes et la luxation de cristallin (photos 1, 2 et 3) [3, 16]. De manière anecdotique, des glaucomes congénitaux (goniodysgénésie) ont été décrits chez de jeunes individus, sans toutefois qu’une prédisposition raciale ait été démontrée [4, 16, 21, 33]. Les iridocyclites (actives ou latentes), l’âge (15 ans et plus) et la race (appaloosas) représentent des facteurs de risque de développement d’un glaucome [3, 9, 23, 33].

Équilibre de la pression intra-oculaire

Production d’humeur aqueuse

La pression intra-oculaire (PIO) est dépendante du volume d’humeur aqueuse (HA) dans la chambre antérieure. L’HA est produite par les corps ciliaires, s’accumule dans la chambre postérieure et gagne la chambre antérieure via la pupille. Elle transporte les nutriments vers la cornée et le cristallin, tous deux avasculaires, et élimine leurs déchets. Sa formation s’effectue selon trois processus différents :

– une diffusion simple ;

– une ultrafiltration ;

– une sécrétion active.

Le phénomène de diffusion simple a lieu selon le gradient de concentration, principalement pour les molécules liposolubles, alors que l’ultrafiltration fait référence à la sécrétion d’une molécule au travers des membranes cellulaires, aidée par la pression hydrostatique (différence entre la pression sanguine des capillaires ciliaires et la PIO).

La sécrétion active, processus primaire, requiert de l’énergie et la présence de l’anhydrase carbonique, une enzyme constamment recyclée se trouvant dans l’épithélium non pigmenté des corps ciliaires. Ce mode de sécrétion, s’opposant au gradient de concentration, est le plus important des trois.

Élimination de l’humeur aqueuse

Deux voies d’élimination de l’HA sont décrites : conventionnelle et non conventionnelle [12, 18, 28, 29].

La voie conventionnelle fait référence à l’élimination de l’HA en regard de l’angle iridocornéen (AIC). Chez le cheval, des ligaments pectinés épais séparent l’angle iridocornéen de la chambre antérieure. Ils sont facilement visibles, médialement et latéralement, près du limbe (photo 4) [5, 12, 18, 28, 29]. L’HA qui est évacuée par l’AIC rejoint les réseaux trabéculaires cornéoscléral et uvéoscléral pour atteindre la circulation veineuse via les veines vortex.

La voie non conventionnelle correspond à l’évacuation de l’HA par la voie uvéosclérale, c’est-à-dire à l’absorption de l’humeur par l’iris, les corps ciliaires et la sclère. Si la voie conventionnelle est influencée par la pression intra-oculaire, ce n’est pas le cas pour la voie non conventionnelle, qui dépend davantage de l’état de contraction/relaxation des corps ciliaires (quand ils sont relâchés, l’élimination est plus importante).

Les deux voies d’élimination sont essentielles, mais leur champ relatif varie selon les espèces. Chez le cheval, la voie non conventionnelle semble être au moins d’égale importance à la voie conventionnelle. Cette dernière est, en revanche, majoritaire chez les petits animaux [5, 12, 18, 28, 29].

Modification de la pression intra-oculaire

La pression intra-oculaire résulte de l’équilibre entre la formation et le drainage de l’HA. Une PIO comprise entre 15 et 30 mmHg est considérée comme physiologique chez le cheval. Au-delà de ces valeurs, il s’agit d’une hypertension intra-oculaire [13, 20, 21, 24, 30]. Une pression élevée persistante conduit à la mort des cellules ganglionnaires rétiniennes. Cependant, un œil glaucomateux peut se présenter avec une altération de la vision malgré une PIO dans les normes. Et, inversement, la PIO peut atteindre 50 mmHg pendant plusieurs jours sans affecter la vision de manière détectable, ce qui est presque inconcevable chez un chien. De nombreux facteurs externes peuvent influencer la PIO. L’akinésie du nerf auriculo-palpébral n’a pas d’effet sur celle-ci. Elle permet de ne pas exercer une pression sur le globe lors de la mesure, donc d’éviter une surestimation de la PIO [30]. De même, lorsque la tête de l’animal est plus basse que la base du cœur dans les minutes qui précèdent la mesure, une augmentation atteignant 32 % de la valeur prise avec la tête en position haute a été décrite, avec, en moyenne, une différence de 8 mmHg entre les deux données [30]. Inversement, l’administration d’un sédatif tel que la xylazine peut entraîner une diminution de 23 à 27 % de sa valeur [15].

Dans le cas particulier de l’uvéite, la formation d’adhérences à la base de l’iris (synéchies périphériques) conduit à la fermeture partielle de l’AIC, alors que celle de synéchies postérieures (entre le bord pupillaire et la capsule antérieure du cristallin) empêche dans un premier temps le passage de l’HA vers la chambre antérieure, puis provoque l’adossement de la face antérieure de l’iris à l’endothélium cornéen, induisant un glaucome par bloc pupillaire (photo 5) [8, 33]. De plus, des membranes fibrovasculaires préiridiennes recouvrent parfois l’AIC et réduisent la capacité de filtration de l’HA. L’élimination de celle-ci est également entravée par la présence de matériel protéinique ou de débris composés de cellules inflammatoires et/ou néoplasiques. Enfin, la présence de masses intra-oculaires et les luxations antérieures de cristallin (couramment rencontrées chez les appaloosas et les rocky mountain horses) accompagnées ou non d’une hernie du vitré sont autant de processus qui mènent à l’obstruction de l’AIC et/ou de la pupille [3, 6, 33, 34]. L’ensemble de ces phénomènes, qui affectent principalement la voie conventionnelle, apparaissent comme des processus majeurs dans la pathogenèse du glaucome secondaire équin. La présence d’un AIC large et la proportion importante de la voie non conventionnelle dans cette espèce pourraient alors, au moins partiellement, expliquer l’incidence relativement faible du glaucome chez le cheval, en comparaison avec l’homme ou le chien [33].

Conséquences de l’augmentation de la pression intra-oculaire

L’augmentation de la PIO entraîne une distorsion par compression de la lamina cribrosa (le site où les CGR quittent la rétine pour former le nerf optique). Cette déformation s’accompagne d’un effondrement des pores et des canaux de la lamina, ce qui réduit ou même bloque les flux axoplasmiques et sanguins, entraînant la mort des CGR [6, 7, 10]. L’élargissement de la cupule optique est un symptôme typiquement rencontré en cas de glaucome chronique qui résulte de la disparition des axones, de la compression de la lamina et d’un élargissement du canal scléral [21, 33]. Ces changements sur la lamina et les axones conduisant au phénomène d’“excavation” (cupping) de la tête du nerf optique sont spécifiques du glaucome et ne sont rencontrés dans aucune autre neuropathie.

Des études portant sur des modèles de glaucome ont permis de conclure que la concentration extracellulaire en glutamate, un neurotransmetteur toxique selon la quantité présente, augmente lorsque les CGR meurent. L’élévation de la concentration en glutamate est due à sa libération par les cellules qui meurent, à la décharge de glutaminase (qui transforme la glutamine en glutamate) par les CGR en souffrance et à un dysfonctionnement des cellules de Müller censées réabsorber le glutamate extracellulaire. Ce phénomène entraîne la mort des autres cellules de la rétine par “excitotoxicité” [6, 7, 10]. De plus, pour certains glaucomes primaires, la vascularisation normale n’est maintenue ni dans la tête du nerf optique ni dans des zones ponctuelles de la rétine, ce qui explique la progression de la neuropathie, même en l’absence de pic de PIO [2, 7]. Ces mécanismes sont à l’origine, au moins pour une partie d’entre eux, de l’évolution des lésions rétiniennes et du nerf optique décrites lors du développement, puis de la progression du glaucome [6, 33, 34].

Signes cliniques du glaucome

Les signes cliniques peuvent être subtils. Une très légère dilatation de la pupille, avec des symptômes de douleur presque imperceptibles, est souvent observée, ainsi que les très grandes variations de la PIO rencontrées dans cette espèce. Toutes ces particularités rendent l’établissement du diagnostic de glaucome difficile chez le cheval et il convient fréquemment de recourir à des mesures répétées afin de mettre en évidence des élévations transitoires de la PIO (encadré) [21, 23].

Lors de glaucome débutant, les symptômes varient selon la cause primaire et la valeur de la PIO. Parmi ceux-ci, des réflexes pupillaires et visuels diminués ou absents, une buphtalmie légère, un blépharospasme, la fermeture de l’AIC, un œdème cornéen diffus, la présence de stries cornéennes (ramifiées ou non) correspondant à des amincissements de la membrane de Descemet, une dilatation de la pupille et une légère iridocyclite sont les plus communément observés (photos 6 à 9). Le cristallin peut être instable ou luxé. Dans le cas d’une uvéite récurrente équine, un myosis, des synéchies postérieures et un iris bombé sont régulièrement rencontrés [4, 5, 9, 16, 21, 23, 34].

Lors d’une uvéite récurrente, l’iridocyclite associée induit une hypotonie (par diminution de la production d’HA par les corps ciliaires). Cependant, certains cas se présentent sous la forme d’un glaucome si une phase d’hypertension intra-oculaire survient. Il est d’ailleurs parfois difficile de différencier le glaucome primaire de ces uvéites hypertensives, qui entraînent tous deux la mort des CGR [9, 21].

Dans les cas plus sévères apparaissent un œdème cornéen dense, une vascularisation de la cornée, des kératites ulcératives par exposition ou éclatement de bulles d’œdème, une buphtalmie, une dégénérescence de la rétine et du nerf optique marqué par une excavation de la papille, une cécité et, enfin, des manifestations de douleur (photos 10 à 12). Bien que, dans un premier temps, l’œil du cheval soit capable de tolérer de fortes valeurs de PIO, la cécité est également la conséquence du glaucome dans cette espèce, à plus ou moins long terme [9, 21].

Traitements médical et chirurgical du glaucome

La prise en charge du glaucome vise à préserver la vision et à contrôler la douleur. Qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, les traitements hypotenseurs augmentent l’élimination de l’HA ou réduisent sa production. Le traitement médical du glaucome équin suit les mêmes principes que chez les autres animaux domestiques (photos 13 et 14). En plus de diminuer la PIO, chez le cheval, il convient aussi très souvent de contrôler l’iridocyclite. Même si initialement la réponse aux médicaments est satisfaisante, le pronostic visuel à long terme est réservé en l’absence de traitement chirurgical associé. Les glaucomes décrits chez les appaloosas en particulier sont plus agressifs et difficiles à contrôler [9, 21].

Traitement médical

Diminution de la pression intra-oculaire

La production d’HA peut être diminuée par l’application locale de β-bloquants, comme le maléate de timolol 0,5 % qui réduit la PIO jusqu’à 17 à 27 % s’il est administré une ou deux fois par jour chez le cheval sain (Timoptol®(1), Gaoptol®(1), etc.), ou d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, tels le dorzolamide 2 % (Trusopt®(1)) ou le brinzolamide 1 % (Azopt®(1)), qui baissent la PIO respectivement de 10 % et de 21 % s’ils sont administrés deux fois par jour chez le cheval sain [17, 31, 32]. Les analogues de prostaglandine (latanoprost 0,005 %, Xalatan®(1)) augmentent l’élimination de l’humeur aqueuse par la voie uvéosclérale dans de nombreuses espèces par contraction des muscles ciliaires et l’ouverture du réseau trabéculaire. Toutefois, chez le cheval, ils ne semblent avoir qu’un effet minimal sur la PIO et doivent être utilisés avec précaution dans la mesure où ils sont susceptibles de potentiellement aggraver l’uvéite [11, 36].

Une réduction à court terme uniquement de la PIO est également notée après administration par voie systémique d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamide, diclofénamide ou méthazolamide) [1, 21].

Traitement anti-inflammatoire

Les uvéites prédisposant au glaucome, l’administration d’anti-inflammatoires systémiques et locaux est le plus souvent nécessaire, afin de contrôler l’iridocyclite. Pour de meilleurs résultats, il convient d’associer localement les anti-inflammatoires stéroïdiens (acétate de prednisolone, VT Cort(1), Pred Forte(2) ; dexaméthazone, Fradexam(1), Maxidex(1), Maxidrol(1)) et non stéroïdiens (diclofénac sodique, Voltarene(1)). Pour ce qui est de l’administration systémique, les deux familles peuvent également être utilisées, les auteurs ayant une préférence pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens (flunixine méglumine, phénylbutazone) [9, 21].

Atropine

Contrairement à ce qui est publié dans les ouvrages plus anciens, il ne semble pas que l’atropine soit hypotensive, même si, théoriquement, elle est censée augmenter l’élimination de l’humeur aqueuse par la voie uvéosclérale. L’application d’atropine une fois par jour n’a pas d’effet sur la PIO du cheval sain, mais provoque une mydriase. Son application deux fois par jour a réduit de façon modérée la PIO (11 %) chez une majorité de chevaux, alors qu’elle a entraîné une augmentation significative de celle-ci chez l’un des animaux testés [9, 19, 21, 27]. Son administration n’est ainsi plus conseillée, voire contre-indiquée (comme pour les autres animaux domestiques) dans le traitement du glaucome chez le cheval, sauf cas particulier. En entraînant une mydriase, l’atropine ferme l’AIC et, de ce fait, peut induire une augmentation de la pression intra-oculaire. Cela est particulièrement vrai lors d’uvéite hypertensive où l’AIC est déjà compromis par l’inflammation de l’iris, et la présence de débris d’inflammation ou de membranes. Dans de tels cas, l’atropine ne doit être employée que si la PIO peut être suivie de très près dans les heures et les jours qui suivent son application. Enfin, les effets potentiels de l’application locale ou de l’injection sous-conjonctivale d’atropine sur la motilité intestinale et les risques de coliques associés chez le cheval sont à considérer [35].

Suivi et ajustement du traitement

Le traitement médical du glaucome chez le cheval peut être complexe et frustrant. Il requiert un suivi de la PIO, de la taille de la pupille et du degré d’inflammation intra-oculaire, ainsi que son ajustement fréquent. Il n’est pas rare de devoir opter pour des traitements légèrement différents pour les deux yeux d’un animal. Une fois la PIO stabilisée, les chevaux requièrent également des contrôles réguliers afin de prévenir les récidives.

Traitement chirurgical

L’association des traitements médicaux et chirurgicaux est parfois nécessaire pour réduire la PIO jusqu’à obtenir une pression “idéale” qui restaure la vision et qui est compatible avec sa préservation. Cet objectif est atteint par le contrôle de l’œdème cornéen et l’augmentation de la perfusion vasculaire. Une PIO inférieure à 20 mmHg semble un objectif raisonnable de la prise en charge [9, 21].

Réduction de la production d’humeur aqueuse

La chirurgie est utilisée si le traitement médical est insuffisant, mais elle offre également le meilleur pronostic visuel possible si le glaucome est détecté au début du processus [9, 21]. L’objectif de la chirurgie est de réduire la production d’humeur aqueuse en détruisant de manière contrôlée les corps ciliaires (cyclo-ablation) par laser (cyclophotocoagulation) et/ou en augmentant son élimination par la mise en place d’un gonio-implant. La cyclocryothérapie (protoxyde d’azote) est une autre technique de cyclo-ablation rarement utilisée en raison de l’importance de l’uvéite postopératoire et de la courte durée de l’hypotension qui s’ensuit (photo 15) [9, 14, 21]. La cyclophotocoagulation transclérale (TSCPC) par le laser Nd : YAG (neodymium : yttrium-aluminum-garnet) ou le laser diode représente une solution alternative afin de contrôler la PIO à long terme (photo 16). L’emploi du laser peut cependant entraîner une augmentation transitoire de l’œdème cornéen et la formation d’ulcères superficiels dus à une diminution de la sensibilité cornéenne et à l’exposition peropératoire [9, 21, 25, 32]. Récemment, l’utilisation d’un laser endo-oculaire a donné des résultats encourageants de contrôle de la PIO chez le chien et pourrait être envisagée chez le cheval. La mise en place d’un gonio-implant permet de court­circuiter l’AIC obstrué et de rediriger l’HA vers l’espace sous-conjonctival. La fibrose du tube et la formation d’une “coque” de filtration réduisent la durée de vie de l’implant, et sont les principales complications décrites. Malgré des résultats encourageants, la pose de gonio-implants chez le cheval reste anecdotique [9, 21].

Cas des yeux buphtalmiques

La destruction des corps ciliaires, l’énucléation et la prothèse intrasclérale sont les trois options chirurgicales à envisager pour les yeux buphtalmiques, non visuels et douloureux [9, 21].

La destruction chimique des corps ciliaires est recommandée lors de cécité associée à une PIO non contrôlée par un traitement médical. Cette procédure consiste en l’injection intravitréenne de gentamicine (25 mg) associée à de la dexaméthasone (1 mg). Une diminution permanente de la production d’HA en résulte, avec un contrôle plus ou moins marqué de la douleur (photo 17). La destruction des corps ciliaires s’accompagne parfois d’une baisse sévère de la production d’HA et, par conséquent, d’une atrophie du globe. Une seule injection suffit dans la majorité des cas, mais le propriétaire doit être averti qu’une seconde est envisageable [9, 21]. Cette intervention requiert de la part du clinicien une parfaite maîtrise de l’anatomie de l’œil. En effet, si l’injection n’est pas exactement réalisée en regard de la pars plana, dans le corps vitré, et selon de bonnes conditions de stérilité, des complications comme un décollement de rétine, une hémorragie, une endophtalmite ou une uvéite phacoclastique (lors de perforation du cristallin) risquent de survenir. Si tel est le cas, l’énucléation est difficilement évitable. L’énucléation est particulièrement indiquée lors de glaucomes secondaires à des infections et à des néoplasmes intra-oculaires. Elle peut également être réalisée, tout comme l’éviscération et la mise en place d’une prothèse intrasclérale, lors de luxation du cristallin associée à une douleur, à une buphtalmie sévère, ou dans tous les autres cas où la souffrance ne peut être contrôlée. Les prothèses intrasclérales et intra-orbitaires offrent de meilleurs résultats esthétiques, permettant la conservation de l’œil ou évitant l’excavation habituellement présente quelques semaines après l’énucléation, avec un taux de complications acceptable. Elles devraient être proposées plus souvent (photo 18) [9, 21, 22].

Conclusion

Si les glaucomes sont rarement diagnostiqués dans l’espèce équine, c’est sans doute qu’il est difficile d’en déceler les signes cliniques, le plus souvent minimes, et que le cheval peut supporter de grandes variations de pression intra-oculaire, ce qui empêche de se fonder seulement sur la tonométrie pour établir le diagnostic. La plupart des glaucomes équins sont secondaires à une uvéite active ou latente. Les animaux qui en sont atteints devraient tout particulièrement être l’objet de l’attention du clinicien car ils rejoignent le groupe des individus à risque, avec les chevaux âgés et les appaloosas. D’autres causes, telles que les luxations de cristallin, les traumas, les tumeurs intra-oculaires ou les goniodysgénésies, sont également possibles, et les traitements doivent être adaptés en conséquence. Le pronostic reste réservé chez le cheval. Cependant, il est meilleur si le diagnostic est anticipé et le traitement mis en place au plus tôt.

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  • (1) Médicament humain.

  • (2) Médicament humain, Belgique.

Éléments à retenir

> Les chevaux (ayant été) atteints d’uvéite ou âgés et les appaloosas sont plus à risque de développer un glaucome.

> Les glaucomes équins sont le plus souvent secondaires (uvéite, traumatisme, tumeur intra-oculaire, luxation de cristallin).

> Le cheval supporte de grandes variations de pression intra-oculaire (parfois physiologiques), rendant le diagnostic de glaucome difficile à établir.

> La progression du glaucome est souvent lente et peu ou pas symptomatique chez le cheval.

Encadré : Mesure de la pression intra-oculaire chez le cheval

> Chez le cheval, la pression intra-oculaire doit idéalement se mesurer sans tranquillisation et en maintenant la tête de l’animal en position élevée pour ne pas sous- ou sur­évaluer sa valeur. Il convient également de ne pas exercer de pression sur l’encolure et de maintenir l’animal le plus calme possible.

> Mesurer la pression avec un tonomètre de Schiotz n’est pas réalisable chez les grands animaux. Un tonomètre à applanation (TonoPen) ou à rebond (TonoVet) est requis. L’anesthésie de la cornée n’est pas nécessaire avec un tonomètre à rebond, alors qu’elle l’est strictement pour l’obtention d’une valeur fidèle lors de l’utilisation d’un appareil à applanation. L’application de plusieurs gouttes de tétracaïne (0,5 % ou 1 %) semble permettre une meilleure anesthésie de la cornée que la proparacaïne [26].

> L’akinésie du nerf auriculo-palpébral facilite la mesure mais n’est pas strictement nécessaire.

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