Cas de pneumonie interstitielle référés à l’université de Liège - Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011
Pratique Vétérinaire Equine n° 171 du 01/07/2011

Article original

Auteur(s) : Laura Borde*, Manuel De Araújo Pequito**, Céline Molitor***, Valeria Busoni****, Dominique Cassart*****, Hélène Amory******

Fonctions :
*Département des sciences cliniques, médecine
interne équine
**Département des cliniques, médecine
interne équine, faculté de médecine vétérinaire,
université technique de Lisbonne, 1300-477,
Lisbonne, Portugal
***Département des sciences fonctionnelles,
médecine sportive
****Imagerie médicale
*****Département de morphologie et pathologie
Faculté de médecine vétérinaire, université de
Liège, 20, boulevard de Colonster, B41,
4000 Liège, Belgique
******Département des sciences cliniques, médecine
interne équine

La pneumonie interstitielle est une maladie rare chez le cheval adulte. Une étude rétrospective propose de revenir sur 9 cas référés entre 1998 et 2009.

La pneumonie interstitielle (PI) est définie comme un processus inflammatoire, souvent fibrosant, et qui concerne principalement l’interstitium pulmonaire [7]. Ce terme désigne en réalité un groupe hétérogène d’entités pathologiques d’étiologies variées aussi bien chez l’homme que chez le cheval [7, 15, 23] (figure 1). De façon générale, les PI sont rarement rencontrées chez les équidés [23]. La forme juvénile (moins de 6 à 7 mois), plus fréquente, doit être distinguée des PI du cheval adulte chez lequel peu de cas ont été décrits [2, 3, 9, 12, 17, 20, 25]. Cependant, de récentes publications ont rapporté une forme particulière de PI : la fibrose pulmonaire multinodulaire équine (EMPF) [16, 18, 24, 26].

Cette étude rétrospective vise à décrire 9 cas de PI admis à la clinique équine de l’université de Liège entre 1998 et 2009.

Description des cas

Tous les cas âgés de plus d’un an présentant une présomption clinique de PI et dont le diagnostic définitif de PI a été établi sur la base des résultats de l’histologie pulmonaire (biopsie in vivo ou prélèvement post-mortem) ont été inclus dans cette étude.

Pour chacun, le motif de consultation, le signalement, l’anamnèse, les paramètres cliniques, les résultats des examens complémentaires, le traitement instauré, l’évolution et les résultats de l’histopathologie pulmonaire ont été répertoriés.

Identification, motif de consultation et anamnèse

Dans la période d’étude, 8 chevaux de races variées et un âne, âgés de 1,5 à 22 ans, répondaient aux critères d’inclusion. Le motif de consultation était une dyspnée (9 cas) accompagnée de fièvre (7 cas), de jetage (2 cas), d’amaigrissement (2 cas), d’intolérance à l’effort (1 cas) et/ou de décubitus (1 cas) persistant depuis 1 jour à 7 mois malgré les traitements classiques administrés (tableau 1).

Examen clinique à l’admission

À l’admission, tous les cas présentaient une dyspnée, parfois associée à de la toux ou à du jetage, toujours accompagnée d’anomalies à l’auscultation pulmonaire (crépitements et sifflements diffus ou zones silencieuses). Sept cas présentaient une tachypnée, 6 cas une tachycardie avec des muqueuses modifiées et seuls 2 cas une légère hyperthermie (tableau 2).

Examens complémentaires

Analyses sanguines

L’hématologie a montré une leucocytose avec une neutrophilie chez 5 cas parmi les 8 testés, ainsi qu’une élévation des marqueurs inflammatoires chez 5 cas sur les 6 testés. Une hémoconcentration a été notée chez le cas n° 2 (hématocrite : 58 %). L’analyse des gaz sanguins artériels a révélé une hypoxémie modérée à sévère dans 5 cas parmi les 7 évalués avec une hypercapnie dans 2 cas (tableau 3).

Test fonctionnel respiratoire

Sur les 5 cas testés, le test de mécanique ventilatoire par oscillométrie à impulsion (Impulse oscillometric system ou IOS) a montré une nette diminution de la réactance pulmonaire (X) avec une résistance pulmonaire (R) normale ou augmentée (figure 2).

Imagerie

Les radiographies thoraciques ont révélé une densification interstitielle non structurée (cas nos 2 et 3) ou broncho-interstitielle (cas nos 4 à 9) généralisée modérée à sévère, parfois multinodulaire (cas n° 4) (photos 1 et 2). L’échographie thoracique a mis en évidence une surface pleurale irrégulière dans tous les cas avec des lésions alvéolaires périphériques (de 10 à 15 mm) plus marquées en région cranio-ventrale dans 6 cas (photos 3a et 3b).

Une échocardiographie, réalisée seulement pour le cas n° 3, a révélé une dilatation du ventricule droit (4,5 cm) et de l’artère pulmonaire (diamètre interne égal à celui de l’aorte : 8,2 cm).

Autres examens spécialisés

Un lavage broncho-alvéolaire (LBA) a été réalisé sous endoscopie après sédation dans les cas nos 3 et 9.

La cytologie du LBA a révélé une forte densité cellulaire avec une formule élevée en neutrophiles (de 28,8 à 57 %) associée à des cellules géantes multinucléées en quantité anormale dans les cas nos 3 et 9, et à une majorité de lymphocytes dans le cas n° 9 (47,6 %).

Un lavage trachéal a été effectué de façon stérile sous sédation dans les cas nos 3, 6, 7 et 9 à l’aide d’un cathéter introduit dans le canal de l’endoscope (dont l’extrémité distale était protégée par un bouchon de gélose).

Une cytologie sur le lavage trachéal (LT) des cas nos 3 et 6 a révélé une formule très riche en neutrophiles (plus de 90 %) dans les 2 cas et des cellules géantes pour le cas n° 3.

La bactériologie sur le LT était négative pour le cas n° 9 mais positive pour les cas nos 3, 6 et 7, révélant respectivement la présence de Pseudomonas species, Staphylococcus aureus et Streptococcus equisimilis.

Une biopsie pulmonaire a été réalisée dans 3 cas. L’histologie a révélé un épaississement des septa interalvéolaires par du collagène et des cellules inflammatoires à noyaux ronds. Cela a permis d’établir un diagnostic de PI subaiguë à chronique qualifiée de légère à modérée dans les cas nos 6, 7 et de granulomateuse extrêmement sévère dans le cas n° 9 qui montrait de plus de nombreux macrophages et quelques cellules géantes formant des micronodules dans le tissu interstitiel (photos 4 et 5).

Des tests sérologiques pour l’artérite virale, la grippe et l’herpès étaient négatifs dans les 2 cas testés (nos 3 et 9) à l’exception des virus de la grippe et de l’herpès à un seuil de dilution non concluant dans le cas n° 9. La recherche d’herpèsvirus équin par polymerase chain reaction (PCR) sur le lavage trachéal du cas n° 9 était négative.

Traitements et évolution

Considérant le pronostic réservé, les cas nos 4 et 5 ont été euthanasiés à la demande des propriétaires sans essai de traitement.

Les autres chevaux ont reçu :

– des corticostéroïdes par voie générale (dexaméthasone à la dose de 0,1 mg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire toutes les 12 à 24 heures) et/ou par nébulisation (budésonide à la dose de 0,8 mg toutes les 12 heures) ;

– des bronchodilateurs par voie générale (clenbutérol à la dose de 0,8 µg/kg par voie intraveineuse ou per os toutes les 12 heures ou sulfate d’atropine à la dose de 0,1 mg/kg par voie intraveineuse en bolus) ou par nébulisation (ipratropium bromide à la dose de 2 à 3 µg/kg toutes les 8 heures) ;

– une antibiothérapie systémique à large spectre (pénicilline à la dose de 22 000 UI/kg par voie intramusculaire toutes les 12 heures et gentamicine à la dose de 6,6 mg/kg par voie intraveineuse toutes les 24 heures, triméthoprime sulfamide à la dose de 30 mg/kg per os toutes les 12 heures, ou cefquinome à la dose de 1 mg/kg par voie intramusculaire toutes les 24 heures).

Ce traitement a été complété par une oxygénothérapie intranasale dans le cas n° 2 ou par un diurétique (furosémide à la dose de 0,1 mg/kg par voie intraveineuse) dans le cas n° 1.

Le cas n° 2 est mort après 24 heures de soins intensifs. Trois cas (nos 1, 3 et 8) ont été euthanasiés 1 à 5 jours après le début du traitement. Après 5 à 40 jours d’hospitalisation, 3 chevaux (nos 6, 7 et 9) montrant une amélioration sont retournés à l’écurie (tableau 4).

Autopsie

Le diagnostic définitif de PI a été établi sur l’histologie pulmonaire après autopsie dans 6 cas (nos 1 à 5 et n° 8). À l’exception des cas nos 2 et 8 montrant une cardiomyopathie hypertrophique concentrique du ventricule droit, aucune lésion autre que pulmonaire n’a été détectée.

Dans les cas nos 1 et 2, un diagnostic de PI aiguë sévère a été établi. Il repose sur l’observation macroscopique d’un œdème et d’une congestion pulmonaire généralisés, et sur la présence d’une alvéolite aiguë associée à la présence de membranes hyalines, d’un œdème et d’un léger emphysème à l’analyse histopathologique.

Des lésions de PI subaiguë à chronique très sévères à tropisme péribronchique ont été observées dans les cas nos 3 et 5. Elles s’accompagnent d’une congestion localisée des lobes diaphragmatiques et des zones de pneumonie alvéolaire subaiguë, localement granulomateuse (nombreuses cellules géantes) dans le cas n° 3 à l’histologie.

Dans les cas nos 4 et 8, le tissu pulmonaire de consistance caoutchouteuse avec des zones indurées à la palpation était remplacé à l’histologie par une prolifération fibro-conjonctive riche en collagène en présence d’un infiltrat inflammatoire subaigu à aigu interstitiel, d’où un diagnostic de PI chronique extrêmement sévère.

Discussion

Tableau clinique

Dans cette étude, le tableau clinique des PI n’est pas spécifique et rejoint les données de la littérature [5, 8, 10, 20, 23, 26].

La réponse du parenchyme pulmonaire à une agression est peu variée. Elle débute par une phase exsudative (accumulation d’un infiltrat inflammatoire dans les alvéoles et l’interstitium alvéolaire) altérant les échanges gazeux alvéolo-capillaires, suivie d’une phase proliférative (hyperplasie des pneumocytes II, accumulation de fibroblastes et de cellules inflammatoires dans le parenchyme et changements de la matrice extracellulaire) qui conduit progressivement à la fibrose pulmonaire [5, 20, 26].

Ces remaniements structuraux alvéolaires mènent à une perte d’unités fonctionnelles d’échanges gazeux et à une altération des propriétés mécaniques pulmonaires avec pour conséquences cliniques majeures la dyspnée souvent sévère qui constitue le principal motif de consultation, la tachypnée et l’intolérance à l’effort [7, 23]. L’anamnèse rapporte souvent une fièvre fluctuante et une absence de réponse aux traitements classiques. La tachycardie est fréquente avec des muqueuses congestives ou cyanosées lors de détresse respiratoire sévère comme dans le cas n° 1 [9, 20, 26]. La toux et le jetage sont des signes inconstants, de même que l’amaigrissement lors d’évolution chronique. L’auscultation respiratoire révèle des crépitements diffus sur l’ensemble du champ pulmonaire souvent accompagnés de sifflements et plus rarement de zones silencieuses, signe de consolidation pulmonaire localisée.

Diagnostic

Diagnostic différentiel

À ce stade, le diagnostic différentiel comprend le syndrome de détresse respiratoire aigu (ARDS) secondaire à un choc septique ou endotoxique lors d’expression aiguë, et la bronchopneumonie bactérienne et la pousse lors d’évolution plus chronique [23].

Analyses de sang

L’évolution fréquente des PI vers la fibrose pulmonaire rend le diagnostic précoce utile. Les analyses sanguines peuvent révéler un foyer inflammatoire suggérant une bronchopneumonie bactérienne [18, 23, 26]. Lors d’EMPF, ce profil peut s’accompagner d’une lymphopénie, phénomène que nous n’avons pas observé dans cette étude [16]. Une hémoconcentration est également rapportée lors de PI aiguë comme dans le cas n° 2 [20].

L’hypoxémie (avec ou sans hypercapnie), observée fréquemment dans cette étude, peut être liée à la réduction du nombre d’alvéoles fonctionnelles qui affecte la relation ventilation-perfusion [23]. Bien que non spécifique, l’hypoxémie est souvent plus marquée en cas de PI que lors de crise de pousse [8].

Tests de mécanique ventilatoire

La perte d’alvéoles extensibles, l’œdème et la fibrose entraînent une perte d’élasticité pulmonaire qui peut être objectivée par un test de mécanique ventilatoire [8, 23]. Dans cette étude, l’IOS a permis de détecter une réduction de la compliance pulmonaire, plus marquée que lors de crise de pousse (encadré 1), avec une résistance normale ou élevée [14, 21]. Ce test s’avère donc indiqué pour orienter le diagnostic et réaliser un suivi “fonctionnel” en cours de traitement.

Bactériologie

Un examen bactériologique négatif sur le LT peut permettre d’écarter un diagnostic de pneumonie bactérienne, comme dans le cas n° 9 [9, 23]. Chez 3 chevaux, les bactéries isolées, peu pathogènes pour le système respiratoire, pourraient être assimilées à une contamination.

Cytologie

L’examen cytologique sur le LBA et/ou le LT peut évoquer une pousse avec une cellularité et un taux de neutrophiles élevés [9]. Elle est parfois dominée par les lymphocytes lors de PI granulomateuse à l’image du cas n° 9 [18]. La présence occasionnelle de cellules géantes multinucléées peut suggérer une PI de type granulomateuse idiopathique, confirmée à l’histologie dans le cas n° 3, ou une EMPF supposée d’origine virale [9, 18, 24].

Imagerie

La radiographie du thorax lors de PI révèle une densification interstitielle ou broncho-interstitielle diffuse ou nodulaire (à l’exemple du cas n° 4) notamment lors d’EMPF [26]. Des plages alvéolaires peuvent être suspectées mais sont plutôt le produit de la superposition des zones à densification interstitielle sévère et des petites zones de consolidation périphérique. Comme chez l’homme, les zones sous-pleurales semblent les plus affectées et l’échographie thoracique peut se révéler utile pour le diagnostic et le suivi des PI du cheval [7, 9]. Cet examen montre une surface pleurale irrégulière avec des artefacts de type “ring-down” ou “queues de comète” (répétition d’artefacts verticaux à base étroite au niveau de la surface pleurale et qui tendent à s’élargir vers le bas de l’écran de l’échographe), parfois associée à une ligne pleurale épaissie et à des zones hypoéchogènes de consolidation subpleurale.

L’échocardiographie peut être indiquée car l’hypertension pulmonaire et l’hypertrophie concentrique du ventricule droit observées dans 2 cas de notre étude sont des complications de PI qui s’accompagnent d’un mauvais pronostic [26]. Leur origine reste incertaine. Une vasoconstriction hypoxique associée à la production locale de substances vaso-actives comme l’endothéline-1 pourrait altérer la résistance vasculaire pulmonaire [23].

Histologie sur biopsie pulmonaire

Le diagnostic définitif de PI est établi par l’histologie grâce à une biopsie pulmonaire du vivant de l’animal ou à une pièce nécropsique pulmonaire [9]. La biopsie pulmonaire est simple à réaliser sous sédation et bien tolérée chez le cheval (encadré 2) [22].

Classification clinicopathologique

Les causes de PI équines sont nombreuses et variées. Cependant, une évolution insidieuse et une réponse stéréotypée du parenchyme pulmonaire conduisent à un diagnostic fréquent de PI idiopathique comme les 9 cas présentés dans cette étude [23]. Chez l’homme, un consensus multidisciplinaire a permis d’établir une classification des PI idiopathiques en sept entités distinctes selon l’historique, les signes cliniques, le scanner thoracique et l’analyse histologique d’une biopsie pulmonaire [6, 7, 15].

Un tel consensus n’a pas été établi chez les équidés. Cette étude permet cependant de distinguer grossièrement quatre types clinicopathologiques.

Les cas nos 1 et 2 évoquent les PI aiguës décrites chez le cheval comme chez l’homme avec une dyspnée et une hypoxémie sévères, une évolution rapidement défavorable et une alvéolite aiguë à l’histologie [7, 10, 15, 20]. Le diagnostic différentiel doit considérer en particulier les intoxications par ingestion de plantes (Perilla frutescens) ou par inhalation de produits chimiques (paraquat, oxygène), le choc endotoxique, l’ARDS et des complications de pneumonie virale ou bactérienne [10, 20].

Les cas nos 4 et 8 évoquent la fibrose pulmonaire idiopathique humaine ou l’EMPF, récemment décrite chez le cheval, caractérisées par une atteinte fonctionnelle sévère et des lésions hétérogènes avec une perte de l’architecture pulmonaire et une fibrose sévère à l’histologie [7, 15, 26]. L’intervention des herpèsvirus équins EHV2 et notamment EHV5 (ou AHV4 et AHV5 chez l’âne) a été suggérée dans la pathogenèse de l’EMPF, et une sérologie ou la recherche de virus par PCR sur le LT ou la biopsie pulmonaire peut être indiquée [11, 16, 24, 26]. La PCR offre une excellente spécificité alliée à une très bonne sensibilité (même si les faux négatifs sont possibles) et présente l’avantage de pouvoir distinguer les différents EHV [23]. Chez l’âne, des lésions plus diffuses comme dans le cas n° 8 laissent soupçonner une maladie distincte de l’EMPF du cheval [24]. De plus, la fibrose pulmonaire y serait plus fréquente avec un diagnostic plus tardif que chez le cheval (utilisation sportive limitée), comme le suggère le stade avancé de fibrose pulmonaire du cas n° 8 comparé à l’apparition récente de la dyspnée [13].

L’évolution subaiguë des cas nos 5 à 7 rappelle les PI non spécifiques chez l’homme avec une atteinte fonctionnelle moins sévère et des lésions plus diffuses dominées par l’inflammation avec un moindre degré de fibrose à l’histologie [7, 9].

La forme granulomateuse des cas nos 3 et 9, fréquente lors de PI subaiguë chez le cheval, se caractérise par des répercussions systémiques fréquentes (amaigrissement, fièvre), un profil miliaire ou nodulaire à la radiographie, et des cellules géantes multinucléées à tropisme péribronchique à l’histologie [8, 13, 25]. La pathogénie de la forme idiopathique a été comparée à la sarcoïdose ou à la pneumonie d’hypersensibilité chez l’homme avec une réponse immune exagérée à un antigène inconnu impliquant les lymphocytes T [18, 25]. Le diagnostic différentiel comprend notamment la silicose et la coccidiomycose (limitées respectivement à la Californie et au continent américain), les mycobactéries, les mycoses, une dissémination tumorale et une intoxication à Vicia villosa [1, 4, 18, 19, 27].

L’observation de cristaux de silicate dans le cytoplasme des macrophages alvéolaires du LBA (plus sensible que le LT qui demande des prélèvements répétés) permet de poser un diagnostic définitif de silicose [13].

La technique de choix pour mettre en évidence une infection mycobactérienne est la mise en culture (milieu spécial) du LT, du LBA ou de tissu pulmonaire. Une PCR (sensible et spécifique) peut également être réalisée sur ces mêmes prélèvements pour obtenir une réponse plus rapide en évitant soigneusement toute contamination car ces germes sont ubiquitaires [13].

Les mycoses pulmonaires (coccidiomycose, aspergillose, cryptococcose) peuvent être révélées par la cytologie du LT ou du LBA après coloration spéciale (Periodic acid Shiff ou PAS, bleu de méthylène ou coloration de Wright), une culture fongique (milieu Sabouraud) du LT, du LBA ou mieux de la biopsie pulmonaire. Cependant, le délai peut être conséquent (plusieurs semaines) et une contamination par l’environnement n’est pas exclue (à confronter à l’histologie). Enfin, des sérologies sériées peuvent être mises en place car le risque de faux positifs, notamment pour Aspergillus, n’est pas négligeable [18, 23, 27].

Traitements

Les traitements mis en place dans cette étude sont classiquement administrés lors de PI chez le cheval adulte. Une corticothérapie à dose immunosuppressive est recommandée pour limiter l’inflammation et prévenir la fibrose additionnelle avec le risque d’induire une fourbure (rare) et une immunosuppression qui justifie une antibiothérapie à large spectre [9, 26]. Chez l’homme, la corticothérapie permet une amélioration chez environ 26 % des patients avec une meilleure réponse des PI inflammatoires comparées aux formes fibrosantes [6].

Comme chez l’homme, des immunomodulateurs comme l’azathioprine (à la dose de 1,5 mg/kg par voie intraveineuse ou à la dose de 3 mg/kg per os toutes les 24 heures) ou le cyclophosphamide (à la dose de 150 mg/m2 par voie intraveineuse) peuvent être utilisés seuls ou comme adjuvant de la corticothérapie, mais leur utilisation reste limitée chez le cheval (coût prohibitif) [6].

Les bronchodilatateurs sont controversés dans le cadre des PI qui ne sont pas stricto sensu des maladies obstructives, mais plutôt restrictives [9]. Ils peuvent aggraver le shunt alvéolo-capillaire par voie générale et la nébulisation est préférable pour limiter leurs effets systémiques [23]. L’oxygénothérapie (15 l/min) est indiquée lors d’hypoxémie sévère, mais peut aggraver l’alvéolite [5, 20].

En cas d’hypertension pulmonaire, des diurétiques (furosémide) ou des inhibiteurs des phosphodiestérases (sildénafil) peuvent être utilisés [26].

Considérant l’hypothèse de l’intervention des herpèsvirus dans la pathogenèse, certains auteurs préconisent l’utilisation d’antiviraux tels que l’acyclovir (à la dose de 20 mg/kg toutes les 8 heures) avec des résultats variables sur les cas d’EMPF [26].

Dans le futur, l’adaptation chez le cheval de molécules “antifibrosantes” (colchicine, interféron γ), déjà utilisées chez l’homme, peut être espérée [6].

Pronostic

Le taux élevé de mortalité dans cette étude (2/3 des cas) illustre le pronostic vital et sportif réservé à sombre qui caractérise les PI du cheval adulte [10, 23]. Parmi les 5 cas d’EMPF décrits par Wong et coll. en 2008, seuls 2 chevaux ont survécu à long terme (tableau 5) [23]. Chez l’homme, le pronostic comme le plan thérapeutique dépendent du type de PI identifiée [6, 7, 15]. Considérant les quatre entités dérivées de l’histologie pulmonaire, les formes aiguës ou fibrosantes semblent s’accompagner d’un pronostic beaucoup plus sombre (100 % de mortalité) que les formes subaiguës à composante inflammatoire dominante (40 % de mortalité).

Conclusion

En conclusion, le groupe observé dans la présente étude est trop hétérogène et trop limité pour obtenir une réelle classification. Cependant, les données rapportées permettent de souligner le besoin d’une nomenclature des PI équines qui reposerait à la fois sur des critères cliniques, radiologiques et histologiques comme certains auteurs l’ont déjà proposé avec la reconnaissance de l’EMPF comme entité particulière de PI idiopathique.

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Éléments à retenir

→ Le terme de pneumonie interstitielle regroupe des entités variées sur le plan étiologique.

→ La pneumonie interstitielle est rare chez le cheval adulte, mais elle doit être suspectée lors de dyspnée éventuellement accompagnée de fièvre et ne répondant pas aux traitements classiques.

→ Le diagnostic définitif peut être obtenu du vivant de l’animal par une biopsie pulmonaire.

→ Le traitement comprend des corticoïdes à dose immunosuppressive associés à une antibiothérapie à large spectre. Le pronostic reste cependant réservé, voire sombre.

Encadré 1 : Test de mécanique ventilatoire par oscillométrie à impulsions (Impulse oscillometric system ou IOS)

→ Principe

Le système respiratoire est stimulé par des impulsions brèves produites par un haut-parleur à des fréquences différentes. Il répond à cette stimulation par des variations de pression et de débit de l’air mesurées à la sortie des voies respiratoires. La variation de ces signaux en fonction du temps est ensuite analysée par un ordinateur qui calcule l’impédance respiratoire (Z), la résistance (R) et la réactance (X). Une moyenne est calculée sur plusieurs cycles respiratoires pour chaque fréquence.

→ Définitions

Z représente la relation entre le flux et la pression dans les voies respiratoires. Elle a deux composantes : R et X. R est déterminée par la relation entre la pression et le flux à chaque fréquence. X reflète la relation entre le volume et la pression qui dépend des propriétés élastiques des poumons et de la cage thoracique.

→ Réalisation pratique

Un masque facial couplé au système générateur-récepteur de l’IOS est positionné de façon étanche sur le chanfrein du cheval et trois impulsions sont émises par seconde pendant environ 30 secondes pour obtenir des valeurs moyennes. La courbe respiratoire du cheval n’est pas modifiée. Le test est non invasif et parfaitement toléré.

→ Indications usuelles

Test qualitatif et quantitatif de la fonction respiratoire :

– localisation d’une obstruction aux voies respiratoires supérieures (cavités nasales, hémiplégie laryngée) ou profondes (pousse) ;

– suivi thérapeutique des chevaux poussifs.

D’après [14, 21].

Encadré 2 : Technique de biopsie pulmonaire

La biopsie pulmonaire est réalisée sous sédation et anesthésie locale. Le site de biopsie est choisi à l’échographie par rapport à la limite caudale du poumon, au moins 8 cm au-dessus du coude et au moins 3 espaces intercostaux en avant de la limite pulmonaire postérieure à l’expiration. Après tonte et désinfection chirurgicale du site, 5 ml d’anesthésique local (Xylocaine® 2 %) sont infiltrés en sous-cutané et dans la paroi thoracique, puis une incision cutanée de 3 à 4 mm de longueur est réalisée au niveau de la fenêtre échographique choisie. Un pistolet à biopsie automatique (Promag ultra®, Oxford, Royaume-Uni), avec une avance par projection de 25 mm et équipé d’une aiguille type true-cut (14 ou 16G 160 mm), peut être utilisé pour le prélèvement. En passant par l’incision cutanée, l’aiguille est d’abord introduite sous guidage échographique à travers les muscles de la paroi thoracique jusqu’à la limite de l’espace pleural. Ensuite, elle est avancée dans le parenchyme pulmonaire et déclenchée aussitôt, si possible dans une pause respiratoire en fin d’inspiration. Après le déclenchement, l’aiguille est retirée le plus rapidement possible.

D’après [22.

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