Article de synthèse
Auteur(s) : Éric Richard*, Karine Maillard**, Loic Legrand***, Undine Christmann****, Albertine Léon*****, Guillaume Fortier******
Fonctions :
*Laboratoire Frank Duncombe,
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
IFR 146, Icore,
Université de Caen Basse-Normandie
**Laboratoire Frank Duncombe,
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
IFR 146, Icore,
Université de Caen Basse-Normandie
***Laboratoire Frank Duncombe,
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
IFR 146, Icore,
Université de Caen Basse-Normandie
****Cirale-ENVA, RD 675, 14430 Goustranville
*****Laboratoire Frank Duncombe,
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
IFR 146, Icore,
Université de Caen Basse-Normandie
******Laboratoire Frank Duncombe,
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
IFR 146, Icore,
Université de Caen Basse-Normandie
L’analyse microbiologique des liquides respiratoires est un examen complémentaire de choix lors de l’investigation clinique et fonctionnelle du système respiratoire.
L’analyse microbiologique des liquides respiratoires représente, avec l’évaluation cytologique de ces mêmes fluides(1), un examen complémentaire de choix lors de l’investigation clinique et fonctionnelle du système respiratoire. Cette série d’articles de synthèse vise à fournir au praticien suffisamment d’informations pour pouvoir interpréter objectivement les isolements et les quantifications des liquides respiratoires effectués par le laboratoire.
L’évaluation microbiologique regroupe classiquement la virologie, la parasitologie, la bactériologie et la mycologie. Le recours à ces examens se fait classiquement dans trois situations :
– des signes cliniques sont présents, laissant supposer une affection aiguë ;
– des signes cliniques non spécifiques sont observés (toux, etc.) ;
– les signes cliniques sont frustes, voire absents (contre-performance, etc.).
L’objectif de cet article est de présenter, d’une part, l’ensemble des analyses disponibles et les prérequis nécessaires à l’obtention d’un résultat fiable, d’autre part, les possibilités diagnostiques de l’évaluation microbiologique en relation avec les autres examens cliniques et de laboratoire.
Les voies respiratoires supérieures représentent la région majoritairement impliquée dans la réplication primaire de nombreux virus (rhinovirus, herpèsvirus, influenza, etc.). L’analyse de l’écouvillon nasopharyngé est la méthode de choix lors d’affection respiratoire clinique aiguë.
Concernant les liquides respiratoires, le lavage trachéal (LT) est un prélèvement à la fois relativement simple à effectuer et, dans certaines circonstances, riche en informations potentielles. L’ensemble des examens microbiologiques (virologie, parasitologie, bactériologie et mycologie) peuvent ainsi être réalisés à partir de ce liquide. Sur le même principe, du liquide de lavage peut être récolté dans les poches gutturales pour une recherche bactériologique. Alors qu’une contamination de ces différents prélèvements peut se produire lors de leur réalisation, il est presque impossible de réaliser un lavage broncho-alvéolaire (LBA) sans contamination nasopharyngée. L’investigation microbiologique de ce dernier n’est donc pas recommandée comme procédure de routine.
Le liquide pleural, seul fluide respiratoire “endogène” pouvant être examiné microbiologiquement au laboratoire, est également mentionné dans cet article afin de rappeler l’intérêt de rechercher des agents pathogènes, notamment anaérobies, en plus des analyses cytologiques et bactériologiques classiques.
Les conditions idéales de conservation et de transport consistent à placer le liquide dans un tube sec après homogénéisation, et à le faire parvenir le plus rapidement possible au laboratoire (éventuellement sous couvert du froid : + 4 °C pour la bactériologie ; + 4 °C, voire - 20 °C pour la virologie).
Ainsi que le précise le premier article de cette série(2), la méthode utilisée pour le prélèvement peut considérablement en influencer l’interprétation ultérieure [6]. Il est ainsi essentiel que l’échantillon destiné à l’analyse microbiologique soit prélevé, conservé et acheminé dans les meilleures conditions possibles. La première étape doit donc prévenir toute contamination par les voies respiratoires supérieures. Parmi les deux techniques classiquement mises en œuvre pour la réalisation d’un LT, l’aspiration transtrachéale pourrait paraître microbiologiquement plus sûre que la voie endoscopique avec un cathéter protégé. Cependant, une étude a comparé ces méthodes sans observer de différence significative concernant la contamination des échantillons [4]. De plus, la fréquence de LT réalisés par voie endoscopique et ultérieurement qualifiés par le laboratoire de stériles (22 à 36 %) est un argument supplémentaire en faveur de ce procédé de prélèvement, pour autant que le matériel utilisé soit soigneusement désinfecté et rincé [17, 26].
Les techniques d’ensemencement et de dilution bactériologiques ont été décrites récemment, et ne sont donc pas reprises dans cet article (photo 1) [17]. L’identification et le dénombrement des colonies sont pratiqués après une période d’incubation de 24 heures à 6 jours (photo 2). Un délai de 21 jours est également nécessaire pour l’identification des mycoplasmes [25]. Les agents pathogènes peuvent ensuite être classés dans l’une des catégories suivantes : bactéries potentiellement pathogènes, levures et moisissures, contaminants probables.
De même, différents virus sont généralement isolés et caractérisés par culture cellulaire. Cette technique présente l’avantage d’être moins restrictive que la biologie moléculaire, et ainsi de permettre l’isolement d’un agent viral indépendamment de ses éventuelles mutations. La culture cellulaire est cependant une méthode longue (1 à 3 semaines en moyenne), fastidieuse, et manquant parfois de sensibilité.
Plusieurs agents pathogènes peuvent également être rapidement détectés par des outils de biologie moléculaire, tels que l’amplification génomique par PCR (polymerase chain reaction). Cette méthodologie extrêmement sensible, mise au point dans les années 1980, a permis à son inventeur (Kary B. Mullis) d’obtenir du prix Nobel de chimie en 1993 [14]. La PCR est actuellement la méthode de choix la plus fréquemment utilisée en routine clinique, notamment pour la détection d’agents viraux dans les voies respiratoires (photos 3a et 3b). Son usage pour la détection de bactéries est généralement ciblé sur certaines d’entre elles comme Streptococcus equi ss equi, Streptococcus equi ss zooepidemicus ou Rhodococcus equi.
Bien que la plupart des PCR utilisées soient spécifiques d’un pathogène, des méthodes dites “multiplex” sont maintenant développées afin de permettre une détection rapide de plusieurs agents ou familles viraux ou bactériens [8, 22]. Ainsi, une technique de détection d’une région conservée d’un gène commun à tous les herpèsvirus de mammifères (ADN polymérase) a récemment été mise au point, permettant au laboratoire de confirmer précocement au praticien la présence d’un herpèsvirus (de type 1, 2, 4 ou 5) avant d’en faire un “typage” plus précis [10, 13]. D’autres études visent également à augmenter la sensibilité des méthodes employées par le développement de PCR en temps réel, afin de proposer une méthode semi-quantitative [7, 16].
L’interprétation des cultures bactériologiques issues du système respiratoire moyen et profond requiert de la prudence, les agents pathogènes fréquemment détectés faisant généralement partie de la flore nasopharyngée normale (tableau) [19]. Ainsi, quel que soit le mode de prélèvement utilisé, l’isolement de bactéries dans le LT peut représenter une infection, une colonisation transitoire des voies respiratoires ou une contamination de l’échantillon [18]. De la même façon, il convient d’être vigilant lors d’un diagnostic moléculaire par PCR puisque, dans le cas notamment des herpèsvirus, certaines détections peuvent ne révéler qu’un stade latent du virus dans les lymphocytes du liquide de lavage. Cela renforce le caractère indispensable d’un examen cytologique pour affiner le diagnostic [10].
L’interprétation d’une analyse microbiologique repose sur trois paramètres indissociables :
– identification des types de colonies bactériennes et identification de l’ADN (ARN) viral ;
– quantification des agents pathogènes présents (numération bactérienne) ;
– mise en relation avec l’évaluation cytologique de ce même liquide.
Des agents contaminants peuvent être isolés en quantité plus ou moins élevée jusque dans environ 40 % des LT de chevaux cliniquement sains [17]. À l’opposé, les LT obtenus par voie transendoscopique sont, selon les études, stériles dans 22 % à 36 % des cas pour des populations de chevaux respectivement sains et contre-performants [17, 26]. Ces observations tendent ainsi à confirmer que le seul critère “présence/absence” d’agents pathogènes dans un LT ne peut objectivement pas être interprété seul.
Pour une bactérie donnée, la quantification intervient de façon primordiale dans l’interprétation de sa pathogénicité [2]. Un dénombrement inférieur à 103, voire à 105 CFU (colony forming unit)/ml de LT, est généralement jugé non significatif, quel que soit l’agent considéré. En effet, des agents potentiellement pathogènes peuvent être isolés en faible quantité dans la trachée de chevaux sains, et ce sans aucune conséquence clinique. Une étude comparant 22 chevaux contrôles et 33 animaux atteints d’une inflammation trachéale a ainsi montré la présence des mêmes bactéries dans les deux groupes, mais avec un comptage dix à deux cents fois supérieur dans le second, comparativement aux témoins [17]. Le nombre d’agents pathogènes différents isolés dans le liquide est également très pertinent. La présence d’une flore microbienne très diversifiée (plus de trois agents dominants) est, en effet, un signe de contamination “accidentelle” de l’échantillon recueilli, et ainsi un élément en défaveur d’une importance clinique.
L’interprétation des résultats microbiologiques doit de plus toujours se faire à la lumière des autres examens, notamment de l’évaluation cytologique de ce même liquide. En effet, la présence de cellules squameuses dans le LT est typique d’une contamination par le pharynx lors du passage de l’endoscope, et rend donc impossible toute interprétation bactériologique de ce liquide (photo 4). De même, il convient d’interpréter avec prudence toute culture bactériologique, quel qu’en soit le résultat, si celle-ci n’est pas accompagnée de signes cliniques ou cytologiques (tels qu’une neutrophilie, une activation des macrophages ou des polynucléaires, une phagocytose, la présence de bactéries visibles sur les lames colorées). À l’opposé, il convient de ne pas confondre une inflammation et une infection. En effet, une inflammation parfois sévère des voies respiratoires peut être observée en l’absence de toute infection bactérienne.
Plusieurs études épidémiologiques effectuées durant ces dernières décennies ont montré que l’isolement d’agents pathogènes dans le LT peut être associé à une inflammation des voies respiratoires profondes chez le cheval de course [2, 3, 5, 26, 27]. Le risque d’observer une inflammation respiratoire est ainsi significativement augmenté avec le nombre de CFU/ml de LT pour Streptococcus equi ss zooepidemicus, Actinobacillus spp. et Mycoplasma equirhinis [2, 27]. De plus, la toux a été significativement associée à l’isolement de Streptococcus equi zooepidemicus ou de Pasteurella spp., même si chez environ 60 % des chevaux qui présentent ce symptôme, un dénombrement inférieur à 103 CFU/ml de LT a été retrouvé [5].
La recherche de mycoplasmes fait également partie intégrante de tout protocole systématique. Ces agents pathogènes occasionnels interviennent parfois dans l’entretien ou le déclenchement d’une infection de l’appareil respiratoire intermédiaire ou profond, et représentent 1 à 2 % des causes infectieuses de pneumonie chez les adultes [25]. De plus, la mise en évidence de la flore fongique (levures et moisissures), bien que rarement incriminable en tant que pathogène primaire, peut renseigner efficacement sur l’environnement du cheval et son niveau d’exposition aux allergènes potentiels [12]. Le rôle précis des levures ou des moisissures dans le déclenchement ou l’exacerbation des mécanismes allergiques doit encore être précisé.
Plusieurs études ont montré l’intérêt de la PCR dans la détection de différents virus à partir d’écouvillons nasopharyngés chez des chevaux naturellement ou expérimentalement infectés [1, 15]. Cet isolement est cependant souvent limité dans le temps à la phase d’hyperthermie et/ou de jetage séreux (2 à 6 jours en général). À l’opposé, la présence de particules virales grippales a pu être observée dans les liquides respiratoires jusque 21 jours après une infection expérimentale [20]. En pratique, il peut ainsi être pertinent de rechercher le virus influenza par PCR dans le LT (ou le LBA), même après plusieurs jours, particulièrement si un écouvillonnage nasopharyngé n’a pu être effectué lorsque les signes cliniques étaient présents.
À l’instar de l’évaluation bactériologique, un examen virologique ne peut cependant être objectivement interprété seul, notamment dans le cadre d’un diagnostic moléculaire par PCR. Cette méthode étant, en effet, extrêmement sensible, une grande prudence est requise dans l’interprétation puisque, actuellement, aucune information ne peut être directement obtenue sur le statut biologique (latent, réplicatif, lytique, etc.) du virus détecté [15]. Des informations complémentaires sur l’activité des virus isolés et leur importance clinique peuvent notamment être apportées par l’évaluation cytologique des liquides respiratoires, l’examen clinique des chevaux voisins, la situation épidémiologique du cheptel, permettant de confirmer le diagnostic d’affection respiratoire virale. À l’examen cytologique, des anomalies morphologiques des cellules épithéliales (par exemple la ciliocytophthorie) ont été observées dans le LBA de chevaux expérimentalement infectés avec influenza ou herpèsvirus équin de type 1 (HVE-1), de même que dans le LT/LBA d’animaux contaminés par HVE-2 ou HVE-5 (photos 5a et 5b) [10, 20, 21].
Parmi les onze herpèsvirus pouvant potentiellement infecter les chevaux, deux familles sont susceptibles de provoquer, entre autres affections, divers troubles des voies respiratoires [11]. Les HVE-1 et -4 appartiennent ainsi à la famille des alphaherpèsvirus, alors que HVE-2 et -5 sont des gammaherpèsvirus. Si la première famille est particulièrement redoutée pour les manifestations cliniques souvent contagieuses (syndromes respiratoires et neurologiques, avortement, etc.), d’intensité extrêmement variable, qui lui sont imputées, les troubles respiratoires associés aux gammaherpèsvirus, quoique moins renseignés, méritent néanmoins l’attention du praticien. L’usage de la PCR sur des LT et LBA a récemment permis la détection d’HVE-5 chez de chevaux contrôles et contre-performants, alors que ce virus n’était précédemment retrouvé dans le LBA ou le parenchyme pulmonaire que chez des individus atteints de fibrose pulmonaire multinodulaire [9, 23, 24]. Récemment, une étude effectuée sur 647 chevaux a cependant révélé une prévalence d’HVE-2 significativement supérieure dans le LT et le LBA de chevaux contre-performants, comparativement aux contrôles [10]. De plus, la détection virale par PCR était significativement associée à une neutrophilie du liquide correspondant. Ainsi, la détection d’HVE-2 dans les liquides respiratoires représente un facteur de risque potentiel d’une inflammation respiratoire dans les conditions de terrain. Comme cofacteurs d’une inflammation respiratoire, les herpèsvirus (spécialement HVE-2) devraient probablement être suspectés et recherchés dans le LT de chevaux contre-performants.
Des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années concernant l’efficacité des différentes analyses microbiologiques qui peuvent être réalisées sur les liquides respiratoires. Une bonne standardisation dans la mise en œuvre des prélèvements et un conditionnement adapté sont très importants afin de ne pas limiter les possibilités d’interprétation ultérieures. De plus, l’interprétation microbiologique doit s’appuyer sur l’ensemble des éléments cliniques et cytologiques à disposition du praticien et du biologiste.
(1) Voir l’article “Les liquides respiratoires chez le cheval athlète : évaluation cytologique” du même auteur dans ce numéro.
(2) Voir l’article “Les liquides respiratoires chez le cheval athlète : prélèvement, conservation et acheminement” de U. Christmann et coll. Point Vét. 2011 ; 169 : 15-21.
→ Le lavage trachéal, transtrachéal ou transendoscopique, est le liquide respiratoire de choix pour les analyses microbiologiques (virologie, bactériologie).
→ La PCR (polymerase chain reaction) est la méthode de utilisée en routine clinique pour la détection d’agents viraux dans les voies respiratoires.
→ Pour une bactérie donnée, la quantification intervient de façon primordiale dans l’interprétation de sa pathogénicité. Le nombre d’agents pathogènes différents isolés dans le liquide est également très pertinent.
→ L’interprétation des résultats microbiologiques doit toujours se faire à la lumière des autres examens, notamment de l’évaluation cytologique de ce même liquide.
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