Correction chirurgicale de la déviation congénitale du nez : étude de 13 cas - Pratique Vétérinaire Equine n° 167 du 01/09/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 167 du 01/09/2010

Article original

Auteur(s) : Jim Schumacher*, Palle Brink**, Jack Easley***, Patrick Pollock****

Fonctions :
*DVM, MS, Dipl. ACVS, MRCVS
Department of Large animal clinical sciences,
University of Tennessee, Knoxville, TN
**DVM, Dipl. ECVS
Malmö Equine ATG Clinic, Jägersro, SE-212 37
Malmö, Sweden
***DVM, MS, DABVP
Equine Veterinary Practice, Shelbyville, KY
****BVMS, CertES (Soft Tissue), Dipl. ECVS,
MRCVS
Division of Companion animal sciences, Institute
of comparative medicine, Faculty of veterinary
medicine, University of Glasgow, Bearsden Road,
Glasgow G61 1QH, Scotland

La déviation congénitale du nez, en plus de son aspect inesthétique, peut compromettre la respiration et l’alimentation du cheval. La technique de transsection et fixation offre de bons résultats, tant esthétiques que fonctionnels.

La déviation congénitale du nez (campylorrhinus lateralis, ou wry nose en anglais) est une anomalie congénitale définie par une déviation des os maxillaires, prémaxillaires et nasaux, du vomer et du septum nasal (photo 1) [2, 5, 8, 11]. Cette malformation peut être modérée ou sévère, et, selon nos observations, elle s’accompagne parfois d’un raccourcissement des os déviés, ainsi que d’une courbure des os nasaux et du palais dur. Plus rarement, d’autres aberrations sont associées, telles que la présence d’une fente palatine.

Généralités

Certains auteurs suggèrent que l’incapacité de l’utérus, surtout chez une primipare, à se dilater pour accompagner la croissance du fœtus pourrait être responsable de cette anomalie [12]. D’autres estiment que celle-ci serait plutôt héréditaire puisqu’elle est plus fréquemment notée dans la race arabe et chez les chevaux miniatures [1, 6, 7]. L’héritabilité n’a pas été démontrée. Néanmoins, la littérature rapporte le cas d’une jument thoroughbred qui aurait successivement pouliné deux poulains issus du même étalon et atteints de déviation congénitale du nez [4].

Signes cliniques

Cette affection congénitale est facilement diagnostiquée par l’examen visuel de la face. Cependant, l’angle de déviation est plus aisément mesuré par l’examen radiographique. Certaines incisives maxillaires du cheval atteint, voire toutes, peuvent ne pas s’apposer convenablement vis-à-vis des incisives mandibulaires (photo 2). Dans certains cas, la langue dépasse de la bouche du côté convexe de la déformation (photo 3). La majorité des poulains réussit à téter sans difficulté. Cependant, un poulain sévèrement touché peut être incapable de se nourrir de façon adéquate [5]. Selon la sévérité de la déviation du septum nasal, le cheval présente un stridor respiratoire et une dyspnée plus ou moins importants. Dans ce cas, la cavité nasale du côté convexe de la déformation est plus sévèrement obstruée que celle du côté concave [9]. La déviation latérale de la mandibule se limite normalement au côté convexe de la déformation. Cela provoque une usure anormale des dents jugales pouvant entraîner le développement d’une irrégularité de la table dentaire. Les chevaux atteints présentent habituellement des difficultés lors de la préhension de l’herbe.

Traitement

Le plus souvent, les chevaux atteints d’une déviation congénitale du nez ne requièrent aucun soin spécifique et survivent avec très peu d’aide. Cependant, les animaux sévèrement touchés nécessitent parfois une trachéotomie ou l’insertion d’un tube endotrachéal dans une des cavités nasales afin de soulager la dyspnée due à l’obstruction nasale. Les déviations légères peuvent se résoudre avec la croissance du poulain [12]. Nous avons traité certains cas modérés avec succès en retardant la croissance du côté convexe de la déviation avec des cerclages orthodontiques. Néanmoins, les chevaux présentant des déviations sévères relèvent d’un traitement chirurgical plus radical afin de restaurer une mastication normale, de supprimer l’obstruction des cavités nasales et d’améliorer l’aspect esthétique.

Technique de distraction osseuse

La littérature rapporte un cas de déviation nasale sévère chez un cheval résolu par distraction osseuse [8]. Cette méthode est réalisée sous anesthésie générale. Les os prémaxillaires/maxillaires sont sectionnés transversalement en leur point de courbure maximale. Ensuite, une distraction osseuse unilatérale est mise en œuvre en appliquant un fixateur externe du côté concave de la déformation. En retirant périodiquement les clous de Steinmann situés rostralement et caudalement au site d’ostéotomie, la croissance de l’os maxillaire/prémaxillaire est amplifiée du côté concave de la déviation. Bien que seuls le prémaxillaire et le maxillaire soient soumis à une distraction osseuse, les os nasaux et le septum se sont aussi redressés. Cette procédure présente certains désavantages. D’une part, un fixateur externe placé chez un poulain allaitant peut gêner ou même blesser la jument. D’autre part, le cheval doit être hospitalisé pour une période prolongée afin d’ajuster fréquemment le fixateur externe et de maintenir ainsi une force de distraction satisfaisante.

Technique de transsection et fixation

La déviation congénitale du nez peut être corrigée chirurgicalement par transsection et fixation des os maxillaires, prémaxillaires et nasaux en position anatomique, puis par l’exérèse du septum nasal (figures 1 et 2) [9, 11]. Ces procédures peuvent être espacées de plusieurs mois, comme le décrivent Valdez et coll. [11]. Cependant, cela augmente les coûts et le temps de convalescence. Dans cet article, nous rapportons les techniques utilisées pour corriger cette déformation en une seule étape anesthésique chez 13 chevaux âgés de 4 à 17 mois (âge moyen 7,5 mois), ainsi que les complications rencontrées. Les méthodes employées chez 4 de ces animaux ont été décrites dans un article précédent et sont similaires à celles de ce rapport [9].

Traitement chirurgical de 13 chevaux par transsection et fixation

Préparation

Chaque cheval est évalué afin de détecter la présence éventuelle d’une pneumonie par aspiration ou d’anomalies congénitales concomitantes telle qu’une fente palatine. Les dents jugales sont râpées afin d’établir une occlusion normale et les incisives sont nivelées. Une heure avant l’intervention chirurgicale, l’animal reçoit une antibiothérapie et un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Une trachéotomie temporaire est pratiquée à la jonction du tiers proximal et du tiers moyen de l’encolure, soit avant l’opération, alors que le cheval est encore debout, ou juste après l’induction.

Anesthésie

L’anesthésie gazeuse est maintenue grâce à un tube endotrachéal muni d’un ballonnet inséré dans le site de trachéotomie. La profondeur de l’anesthésie générale nécessaire pour effectuer cette procédure peut être réduite en désensibilisant les régions prémaxillaires et maxillaires. Les nerfs infra-orbitaux sont anesthésiés lors de leur passage dans les canaux infra-orbitaux avec un produit de longue durée d’action, tel que la bupivacaïne. Durant l’opération chirurgicale, le cheval reçoit une solution électrolytique équilibrée par voie intraveineuse. Les pertes de sang sont parfois importantes. Cependant, les transfusions sont rarement nécessaires.

Technique chirurgicale

Afin de corriger la déformation en une seule intervention, les quatre phases suivantes doivent être effectuées :

– la transsection, le redressement et la fixation des os maxillaires et prémaxillaires ;

– la récolte d’une section de côte pour la greffe au site d’ostéotomie ;

– la transsection, le redressement et la fixation des os nasaux ;

– l’exérèse de la portion nasale du septum nasal.

Une laryngotomie est parfois nécessaire si la cavité orale est trop petite pour permettre à une main d’accéder au nasopharynx lors de l’exérèse du septum nasal. Bien que la greffe osseuse soit habituellement récoltée en premier pour assurer l’asepsie, l’ordre dans lequel ces actes sont effectués n’est pas essentiel. La longueur de l’intervention chirurgicale peut être réduite si une première équipe exécute la récolte de greffe alors qu’une seconde procède aux autres gestes de l’opération. L’ordre dans lequel les procédures sont présentées ici est celui que nous utilisons.

Récolte de la greffe osseuse

Selon l’ordre des procédures, la portion de côte qui va servir de greffe au site d’ostéotomie maxillaire/prémaxillaire est récoltée chez le cheval en décubitus latéral ou dorsal. Si l’excision du septum nasal ou le redressement des os nasaux est la première procédure effectuée à la suite de la récolte de la greffe, le cheval est placé en décubitus latéral. L’animal est mis en décubitus dorsal si le redressement des os maxillaires et prémaxillaires est la prochaine procédure prévue. Un anesthésique local, par exemple de la bupivacaïne, est injecté autour du site chirurgical afin de désensibiliser le nerf intercostal de la côte concernée et d’offrir une analgésie de la zone lors du réveil.

Après une préparation aseptique du site, une incision cutanée de 10 à 12 cm de long est effectuée au-dessus de la côte sélectionnée. La greffe est plus facilement obtenue sur une côte située dans la moitié caudale de la cage thoracique. L’incision doit débuter à la jonction costo-chondrale et s’étendre dorsalement à travers la peau, les tissus sous-cutanés, le muscle cutané et le périoste, suivant l’axe longitudinal de la côte. Le périoste est ensuite élevé sur toute sa circonférence. En se servant d’un fil obstétrical ou d’une scie osseuse oscillante, une section de côte mesurant 2 à 4 cm de long est excisée (photo 4). La préservation du périoste minimise les dommages aux vaisseaux sanguins associés à la côte et facilite la formation rapide du nouvel os sur le site de la résection. Il convient de faire particulièrement attention à ce que la scie oscillante ne pénètre pas l’espace pleural. La portion de côte ainsi obtenue est conservée dans des compresses imbibées de solution saline (NaCl 0,9 %), en attendant d’être utilisée plus tard comme greffe.

Le périoste, la musculature et les tissus sous-cutanés sont suturés en trois plans séparés à l’aide d’un surjet simple avec un fil synthétique résorbable 3-0. La peau est suturée ou fermée avec des agrafes. Un bandage compressif est suturé par-dessus le site chirurgical.

Exérèse du septum nasal

• Pour exciser le septum nasal, le cheval est placé en décubitus latéral avec le côté concave de la déformation vers le haut. La face frontale de la tête est surélevée de 45° avec une cale ou un sac de sable. Les régions frontale et nasale sont préparées stérilement. Les faces caudales des os nasaux droit et gauche sont exposées par deux incisions cutanées semi-circulaires effectuées rostralement à la face rostrale des sinus concho-frontaux, où les os nasaux commencent à s’élargir. L’incision est approfondie à travers le périoste et le lambeau de peau et de périoste ainsi créé est récliné. À l’aide d’un trépan Galt de 15 à 25 mm de diamètre, une section circulaire des os nasaux est retirée sur la ligne médiane de la face, rostralement aux sinus. Le cartilage pariétal du septum nasal ainsi dévoilé est incisé parallèlement à l’axe long de la tête avec une lame de bistouri afin d’exposer les cavités nasales droite et gauche. L’incision du cartilage pariétal, plutôt que son excision, permet de minimiser l’hémorragie. Ces incisions vers les cavités nasales droite et gauche fournissent une voie d’accès pour les incisions caudales et dorsales du septum.

• Le septum est excisé avec du fil obstétrique grâce à une technique similaire à celle décrite par Tulleners et Raker et par Doyle et Freeman [3, 10]. Ses bords ventral, dorsal et caudal sont incisés en utilisant un fil obstétrique formant une boucle autour de chacune de ces parois. L’ordre dans lequel les fils sont posés est sans importance. Chaque boucle de fil mesure plus de 1 m de long et ses extrémités sont glissées dans un cathéter urinaire de chien afin de protéger la muqueuse nasale. Le bord rostral du septum est incisé avec une lame de bistouri.

• Pour réaliser l’incision dorsale du septum, une extrémité du fil obstétrique est glissée dans l’incision créée dans le cartilage pariétal en direction du méat dorsal de la cavité nasale droite, et, de la même façon, l’autre extrémité est glissée dans le méat dorsal de la cavité nasale gauche. Les deux extrémités du fil sont alors orientées rostralement afin de les faire sortir par les narines.

• Pour positionner le fil ventralement, une extrémité est glissée par la narine droite en direction du méat ventral, et l’autre extrémité, par la narine gauche en direction du méat ventral gauche. Les deux extrémités sont alors avancées vers le nasopharynx où elles sont palpées à l’aide d’un doigt inséré via une incision de laryngotomie réalisée ultérieurement. À l’aide du doigt, les extrémités sont guidées à travers le larynx puis sorties par la plaie de laryngotomie. Lorsque le cheval est suffisamment grand pour permettre l’insertion d’une main dans l’oropharynx, les extrémités du fil peuvent être prises par-dessus le bord caudal du palais mou, plutôt que par le site de laryngotomie. Les cathéters urinaires sont alors retirés, les extrémités nouées ensemble et le nœud est couvert par du ruban adhésif pour protéger la muqueuse respiratoire. La boucle est placée autour du bord caudo-ventral du septum en tirant le nœud dans le nasopharynx, puis à travers la narine droite ou gauche jusqu’à son extériorisation.

• Pour l’incision caudale du septum, une extrémité du fil obstétrique est insérée du côté droit du septum à travers l’incision dans le cartilage pariétal et l’autre extrémité est placée de façon similaire du côté gauche du septum. Les extrémités sont ensuite dirigées caudo-ventralement vers le nasopharynx, où elles sont palpées par un doigt à travers la laryngotomie, guidées à travers le larynx, puis sorties par la plaie de laryngotomie. Lorsque le cheval est suffisamment grand pour permettre l’insertion d’une main dans l’oropharynx, les extrémités du fil peuvent être saisies au-dessus du bord caudal du palais mou et extériorisées par la cavité orale plutôt que par le site de laryngotomie. Les cathéters urinaires sont ensuite retirés, les extrémités du fil nouées et le nœud est couvert par du ruban adhésif afin de protéger la muqueuse respiratoire. La boucle nouée est finalement dirigée dans le nasopharynx, et en tirant dans une seule direction, le nœud est extériorisé par le trou de trépanation.

• Le bord caudal du septum est idéalement incisé selon un angle de 120° à 130° par rapport aux os nasaux. De cette façon, la partie caudale du septum, qui est laissé en place et qui s’épaissira inévitablement après l’intervention chirurgicale, reste dans le nasopharynx. Pour orienter la boucle caudale selon cet angle, les mors d’une pince intestinale Doyen droite sont insérés à travers les incisions dans le cartilage pariétal, un mors de chaque côté du septum. Ils sont orientés selon un angle de 120° à 130° par rapport aux os nasaux, jusqu’au contact avec le palais mou. Lorsque la boucle de l’incision caudale est extraite du site de laryngotomie (ou oropharynx) vers le nasopharynx, la boucle se positionne caudalement aux mors de la pince, pour couper l’aspect caudal du septum parallèlement aux mors inclinés des pinces.

Une fois que les trois boucles sont positionnées, les aspects caudal, ventral et dorsal du septum sont incisés simultanément par le chirurgien et deux assistants, chacun faisant une incision avec une des boucles. Une force plus importante est nécessaire pour l’incision caudale puisque le fil doit couper l’os vomer. Lorsque les incisions dorsale et ventrale sont à 2 cm du bord rostral du septum, le bord rostral du septum est incisé avec une lame de bistouri afin de rejoindre les incisions dorsale et ventrale. La portion du septum ainsi réséquée est prise avec une grande pince de type Vulsellum et retirée par une narine (photo 5). Un rouleau de compresses est inséré dans la cavité nasale pour contrôler l’hémorragie et les narines sont suturées afin de le maintenir en place. L’incision de la peau et du périoste au-dessus des os nasaux est fermée en un plan avec des sutures ou des agrafes cutanées.

Redressement des os nasaux

Le redressement des os nasaux s’effectue chez le cheval en décubitus latéral, le côté concave de la déformation vers le haut et l’aspect frontal de la tête incliné à 45° avec une cale ou un sac de sable. Le chanfrein est préparé de façon aseptique et une incision de 6 à 10 cm de long est pratiquée entre les deux narines dans le plan longitudinal, suivant l’incurvation de la tête, et centrée sur le point de déviation maximale des os nasaux. Une attention particulière doit être apportée à ne pas couper le ligament étroit qui relie les os nasaux. Ces derniers sont exposés à l’aide d’un rétracteur Gelpi et le périoste est incisé longitudinalement puis récliné. Avec une scie oscillante, les os nasaux sont sectionnés perpendiculairement à leur axe long au point de déviation maximale. Il convient de prendre garde à ne pas pénétrer le cartilage pariétal du septum nasal en dessous. L’espace créé entre les os nasaux du côté concave de la déviation lorsqu’ils sont tournés et alignés correctement peut être éliminé soit en insérant un segment de cortex en forme de cale en provenance de la portion de côte récoltée, soit en réalisant une ostéotomie en forme de cale sur le site de transsection du côté convexe des os nasaux, avec la scie oscillante. Bien que cette seconde option raccourcisse légèrement les os nasaux, cette technique est beaucoup plus simple que celle qui consiste à ajuster et à fixer un segment d’os dans l’ostéotomie pratiquée du côté concave.

À la suite du redressement, les os de chaque côté de l’ostéotomie peuvent être fixés ensemble avec un ou plusieurs fils Kirschner d’un diamètre de 1 mm ou avec des plaques et vis. Lorsque les os sont fixés avec des fils de Kirschner, un ou deux trous sont pratiqués à l’aide d’une perceuse, en partant caudalement pour se diriger ventralement, entre les lamina interne et externe des minces extrémités de chaque os nasal afin que chaque trou émerge à travers la surface dorsale de l’os et de la peau au niveau des narines externes. Les fils sont ensuite insérés de façon rétrograde entre les lamina interne et externe des os nasaux correspondants. Les extrémités visibles sont coupées au ras de la peau. L’utilisation de fils Kirschner pour stabiliser les os nasaux est difficile car l’épaisseur des os, même chez un thoroughbred âgé de 1 an, ne mesure pas beaucoup plus que le diamètre d’un fil de 1 mm. Cela rend l’insertion d’un fil entre les lamina interne et externe de l’os, sans pénétrer la surface nasale ou faciale de l’os, très délicate.

Le segment sectionné de chaque os nasal peut aussi être fixé à l’os parent grâce à une plaque de compression dynamique de 2,7 mm possédant 6 à 12 trous ou avec une plaque de reconstruction et des vis corticales de 2,7 mm et 6 à 8 mm de long (photo 6). La plaque de reconstruction peut être pliée plus facilement, pour se conformer à la surface de l’os nasal, qu’une plaque de compression dynamique. Les os nasaux sont solidement attachés l’un à l’autre par un ligament, et la fixation d’un seul os avec une plaque est suffisante pour stabiliser les deux. En revanche, la perte d’une seule plaque suivant le desserrage des vis peut entraîner une perte de stabilité et un collapsus des deux os dans les cavités nasales. Pour minimiser le risque de collapsus, chaque os nasal devrait être fixé à son os parent.

Le tissu sous-cutané est fermé avec un surjet continu à l’aide d’un fil synthétique 3-0, la peau est suturée ou refermée avec des agrafes et un bandage de compression est fixé par-dessus le site chirurgical.

Redressement des os maxillaires et prémaxillaires

Le redressement des os maxillaires et prémaxillaires est effectué chez le cheval en décubitus dorsal. La bouche est maintenue ouverte à l’aide d’une cale dentaire ou d’un étroit morceau de bois triangulaire inséré entre les arcades maxillaires et mandibulaires d’un côté. La gencive dorsale aux incisives est exposée en fixant la lèvre supérieure à la peau du chanfrein par des pinces à champ. La portion rostrale de la cavité buccale est alors nettoyée avec un savon antiseptique et rincée à l’eau. Sur le bord ventral de chaque espace interdentaire, une incision longitudinale de 3 à 5 cm est effectuée dans la gencive, centrée sur le point de courbure maximale. L’ouverture s’étend à travers le périoste qui est ensuite dégagé des surfaces médiale et latérale de l’os grâce à un élévateur à périoste.

La gencive est alors rentrée à l’aide de rétracteurs manuels afin de faciliter la transsection de l’os maxillaire et des processus palatins avec une scie oscillante (photo 7). La portion rostrale de la mâchoire ainsi sectionnée transversalement est tournée vers le plan sagittal afin d’aligner les incisives maxillaires et mandibulaires. Un morceau d’os mesurant entre 1 et 3 cm de long, correspondant au trou créé du côté concave de la mâchoire lorsque les os maxillaires et prémaxillaires sont alignés, est obtenu à partir de la portion de côte réséquée avec une scie oscillante. Cette portion d’os est alors étroitement insérée dans le trou à l’aide d’un maillet (photo 8). Il est parfois nécessaire d’exciser une petite portion de l’os maxillaire avec la scie du côté convexe lorsque les tissus mous du côté concave limitent le redressement de la déformation.

Cette section de mâchoire supérieure est finalement stabilisée avec un ou plusieurs clous de Steinmann (4 à 6 mm de diamètre). Pour placer un clou de Steinmann, l’extrémité est d’abord insérée via une incision créée dans la gencive 1 à 2 cm dorsalement à l’espace interdentaire entre les couronnes des incisives centrale et intermédiaire du côté convexe de la déformation. À l’aide d’un foret, le clou est ensuite poussé dans le segment sectionné jusqu’à la cavité médullaire de l’os maxillaire ipsilatéral. Un clou de Steinmann de taille similaire ou deux ou trois fils de Kirschner de 2 mm de diamètre sont insérés de la même manière du côté concave de la mâchoire (photo 9). Ces fils (ou clou de Steinmann) pénètrent également la cavité médullaire de la greffe osseuse. La greffe osseuse est plus facilement engagée en insérant au moins deux petits fils de Kirschner, plutôt qu’un seul large clou de Steinmann. L’ancrage de la greffe avec au moins deux petits fils, plutôt qu’un seul clou, empêche aussi la rotation de la greffe. L’extrémité des fils ou des clous de Steinmann sort fréquemment dans la cavité nasale.

Les clous et les fils sont coupés au ras de la gencive avec une scie ou un coupe-boulon, et sont cachés sous de la gencive avec la mallette ou le perforateur. Les trous laissés dans la gencive par la pénétration des fils ou des clous guérissent par seconde intention. Les incisions gingivales au niveau des espaces interdentaires sont fermées avec un fil de suture synthétique 3-0 résorbable placé en surjet simple discontinu, simple continu ou des points en croix.

Soins postopératoires

Le tube endotrachéal est retiré avant ou après le réveil du cheval, et remplacé par un tube à trachéotomie. L’animal reçoit un traitement antibiotique associé à un AINS pendant un minimum de 5 jours après l’intervention chirurgicale. Une analgésie plus puissante n’est habituellement pas nécessaire. Les rouleaux de compresses dans les cavités nasales et le tube à trachéotomie sont retirés le lendemain de l’opération. Il est parfois difficile d’enlever les premiers s’ils sont insérés sur une extrémité de clou ou de fil qui a pénétré dans la cavité nasale. Les bandages sont retirés le quatrième ou le cinquième jour postopératoire et les sutures, 12 à 14 jours après l’intervention chirurgicale. Les clous de Steinmann et les fils de Kirschner utilisés pour stabiliser les os maxillaires et prémaxillaires sont enlevés entre la quatrième et la cinquième semaine postopératoire. Dans la majorité des cas, les fils et les clous se sont déjà desserrés et s’apprêtent à tomber spontanément. L’oubli des clous mis en place pour immobiliser les os prémaxillaires et maxillaires chez un cheval en croissance peut provoquer un retard de croissance d’un ou des deux côtés de la mâchoire supérieure. Les plaques ou les fils de Kirschner positionnés pour stabiliser les os nasaux ne sont pas retirés. Les chevaux peuvent habituellement quitter la clinique 4 à 5 jours après l’intervention chirurgicale.

Résultats

La durée de l’anesthésie a varié entre 2 et 4 heures. Après l’opération, les chevaux sont alertes, leur appétit est normal et ils ne manifestent pas de signes de douleur extrême, et ce indépendamment du niveau d’analgésie. Nous avons pratiqué cette technique chirurgicale chez des chevaux âgés de 4 à 17 mois (âge moyen de 7,5 mois), pesant entre 105 et 410 kg (poids moyen de 219,7 kg). Ni l’âge, ni la taille de l’animal au moment de l’opération ne semblent affecter la facilité de réalisation de l’acte ou le résultat cosmétique ou fonctionnel. Les propriétaires ont presque tous jugé que la correction chirurgicale de la déviation congénitale du nez a permis d’obtenir une apparence esthétique et une capacité respiratoire satisfaisantes.

Les complications chirurgicales à court terme chez ces 13 chevaux sont la difficulté à retirer les compresses de la cavité nasale, due à la présence de clous de Steinmann ou de fils de Kirschner dans la cavité nasale (majorité des animaux), et l’incapacité de se lever après l’opération (1 cheval). L’animal qui n’a pas réussi à se mettre debout est un poulain affaibli par une pneumonie d’aspiration chronique, probablement une complication secondaire à la déformation. Il a été euthanasié 4 heures après l’intervention.

À moyen terme, 3 chevaux ont développé une infection des tissus mous entourant la plaque sur l’os nasal, 4 à 18 mois après l’intervention chirurgicale, avec pour conséquences le retrait ou la perte spontanée de la plaque. Un autre cheval a présenté un collapsus des deux os nasaux dans la chambre nasale à la suite du desserrage de la plaque de l’os nasal. Chez un cheval, la greffe osseuse a dégénéré en séquestre et a dû être retirée.

Les complications à long terme sont un retard ou un décalage de la croissance des os prémaxillaires et maxillaires, résultant en un brachygnatisme et en une déviation de ces os (1 cheval), et un bruit respiratoire anormal à l’exercice dû à un collapsus des plis alaires, principalement celui du côté convexe de la déformation (4 chevaux). Ce bruit a pu être corrigé chez 2 chevaux par la résection bilatérale des plis. Chez un troisième animal, l’excision des plis alaires ne l’a pas éliminé. Chez le dernier cheval, l’acte chirurgical n’a pas été effectué car le bruit anormal était présent uniquement durant l’exercice à faible intensité et disparaissait complètement lorsque le niveau d’effort augmentait.

Discussion

Bien que la technique n’ait pas été pratiquée chez des chevaux de moins de 4 mois, nous avons observé que ni l’âge ni le poids de l’animal n’affectent la facilité de l’intervention chirurgicale ou le résultat final. En revanche, la mise en place des vis dans l’os nasal est plus difficile chez les jeunes chevaux, en raison probablement des os plus mous de ces derniers. Nous avons aussi noté que l’usage de fils de Kirschner pour stabiliser les os nasaux n’est possible que chez les animaux âgés de plus de 1 an.

Les 13 chevaux ont subi la même méthode chirurgicale, bien que l’ordre des procédures ait pu varier. Nous avons constaté que, en excisant le septum nasal avant le redressement des os nasaux et des os maxillaires et prémaxillaires, moins de force est nécessaire pour les aligner correctement. De plus, lorsque le redressement des os prémaxillaires et maxillaires est effectué avant la résection du septum nasal, les boucles des fils utilisés pour exciser le septum ont tendance à s’accrocher sur les clous ou les fils qui ont pénétré dans la cavité nasale lors de la procédure précédente.

La chirurgie pour corriger une déviation congénitale du nez est indiquée pour améliorer l’apparence esthétique, ainsi que la capacité respiratoire du cheval. Dans les cas où l’aspect inesthétique ne dérange pas le propriétaire et où la capacité respiratoire réduite n’empêche pas le cheval de travailler au niveau désiré, la correction chirurgicale de la déformation n’est pas nécessaire. Il convient d’informer le propriétaire avant l’opération que, bien que l’apparence de l’animal en sera nettement améliorée, le résultat final s’écartera probablement de la normalité (photos 10 et 11). Le propriétaire doit aussi être averti de la nécessité possible d’actes chirurgicaux supplémentaires pour exciser les plis alaires, et éliminer ainsi le bruit respiratoire anormal et améliorer davantage la capacité respiratoire du cheval. Il est également mis au courant de toutes les complications potentielles associées à cette technique.

Les chevaux atteints d’une déviation congénitale du nez ont une apparence esthétique déplaisante, présentent souvent des difficultés respiratoires et une difficulté à la préhension et à la mastication de leur nourriture. Grâce aux techniques que nous avons décrites, cette anomalie peut être corrigée en une seule intervention chirurgicale. Celle-ci améliore leur aspect physique et leur permet de recouvrer une préhension et une mastication normales, ainsi qu’une capacité respiratoire adéquate pour le niveau d’exercice envisagé par les propriétaires.

Références

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Éléments à retenir

→ La déviation congénitale du nez peut entraîner des difficultés de préhension des aliments, une dyspnée, ains i qu’une usure inégale des dents maxillaires.

→ La technique de transsection et fixation consiste à réséquer le septum nasal, et à sectionner les os maxillaires et nasaux, avant de les stabiliser en position anatomique.

→ Cette méthode permet d’obtenir en une seule intervention un résultat esthétique et fonctionnel satisfaisant.

→ Les complications postopératoires incluent le collapsus des os nasaux, l’infection des tissus mous entourant les implants et la sténose des plis alaires.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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