Article de synthèse
Auteur(s) : Peggy Moreau
Fonctions : DMV, ACVIM
Clinique équine
61500 Chailloué
Les diarrhées chroniques peuvent constituer un défi pour le praticien, sur le plan tant diagnostique que thérapeutique. Une démarche rigoureuse et une bonne connaissance des causes possibles sont donc indispensables.
Les diarrhées chroniques sont des affections relativement frustrantes pour le vétérinaire équin à la fois d’un point de vue diagnostique et thérapeutique.
Les diarrhées chez le cheval peuvent être définies comme le passage de matières fécales dont le contenu en eau est augmenté, pouvant varier de crottins mous à liquides (photo 1). Chez le cheval adulte, l’absorption de l’eau se fait majoritairement au niveau du gros intestin (cæcum et surtout côlon), et la plupart des diarrhées impliquent donc ce dernier. Une diarrhée est considérée comme chronique si elle persiste plus d’un mois. Les causes de diarrhées chroniques, nombreuses, sont généralement divisées en deux catégories, selon que le trouble résulte d’un processus inflammatoire ou d’un déséquilibre des phénomènes physiologiques normaux. En cas d’affections inflammatoires, des changements histologiques de la muqueuse du côlon apparaissent, avec soit une infiltration par des cellules inflammatoires (neutrophiles, macrophages, lymphocytes et/ou éosinophiles), soit une congestion, des érosions, des ulcérations ou un œdème de la muqueuse, une congestion capillaire ou lymphatique. Les causes non inflammatoires ne s’accompagnent d’aucune modification morphologique du côlon, et la diarrhée est alors supposée être secondaire à un défaut de synthèse ou d’absorption des acides gras volatils produits dans le côlon lors des fermentations bactériennes. Des maladies primaires autres que digestives peuvent être à l’origine de diarrhées chroniques, comme des insuffisances cardiaques congestives, des affections hépatiques (inflammation du parenchyme hépatique, fibrose, infiltration lipidique ou inflammation biliaire) ou rénales [8, 11].
Les causes inflammatoires infectieuses incluent les salmonelloses chroniques, le parasitisme chronique et les abcès abdominaux (tableau 1). De plus, avec le progrès des techniques de biologie moléculaire, divers agents ont été mis en évidence lors de diarrhée chronique, comme Campylobacter fetus spp. fetus ou Mycobacterium, mais leur véritable rôle pathogène reste encore à déterminer [9, 11, 33].
La diarrhée chronique n’est pas la forme la plus typique de salmonellose chez le cheval. Elle fait parfois suite à une diarrhée aiguë plus ou moins sévère qui persiste. Salmonella peut aussi être isolée chez des chevaux en diarrhée chronique par colonisation de l’intestin en raison d’une modification de la fonction de cet organe secondaire à une autre cause. La plupart du temps, la diarrhée se résout spontanément et ne récidive pas. Les chevaux ne sont pas considérés comme des porteurs à long terme de Salmonella car, à part S. abortus, aucune Salmonella adaptée au cheval n’a été identifiée. Les chevaux restent porteurs et/ou excréteurs de façon transitoire, de quelques jours à quelques mois [11, 34].
Strongylus vulgaris, Strongylus endentatus et les larves de cyathostomes sont à l’origine d’une diarrhée chronique.
La diarrhée secondaire aux grands strongles est due à la migration des larves dans la paroi intestinale et les artérioles. L’œdème, l’inflammation, les hémorragies et la formation de thrombi modifient l’absorption, les sécrétions et la motilité, et contribuent donc à la diarrhée. Les autres signes cliniques lors de strongylose sont des coliques intermittentes, une perte de poids et de la fièvre. Des boiteries postérieures ou une intolérance à l’exercice peuvent être observées secondairement aux thromboses de l’artère iliaque lors de migrations erratiques des parasites.
Pour les cyathostomes, les symptômes sont causés par les stades larvaires en migration dans la muqueuse du gros intestin. Ces larves peuvent rester en hypobiose, période pendant laquelle elles restent enkystées dans la muqueuse.
La sortie d’hypobiose a principalement lieu à la fin de l’hiver et au printemps, ou à l’occasion d’un stress. La présence des larves dans la paroi est à l’origine d’une inflammation et affecte la motilité, ce qui contribue à la diarrhée chronique. Lors de sortie d’hypobiose, l’inflammation, les ulcérations et la nécrose entraînent des diarrhées aiguës [12, 29].
Les chevaux atteints d’abcès abdominaux présentent souvent un historique de coliques chroniques, de fièvre intermittente ou de perte de poids. Une diarrhée est observée dans certains cas. Les agents étiologiques les plus fréquemment impliqués sont Streptococcus equi spp. equi (agent de la gourme), Streptococcus equi spp. zooepidemicus, Rhodoccocus equi, Corynebacterium pseudotuberculosis, Salmonella, Escherichia coli et les bactéries anaérobies [26, 38].
Les causes de diarrhées chroniques classées comme inflammatoires non infectieuses regroupent les maladies intestinales infiltrantes à l’origine de malabsorption (entérite granulomateuse, entérite lympho-plasmocytaire, entérite éosinophilique et lymphome intestinal), les entéropathies secondaires à l’ingestion de sable et les entérocolites dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Ces affections sont caractérisées par une infiltration anormale de la muqueuse intestinale par des cellules inflammatoires. Les chevaux présentent une perte de poids chronique malgré un bon appétit au début de la maladie et des œdèmes périphériques secondaires à une hypoprotéinémie (photo 2). La diarrhée est présente seulement si l’infiltration est étendue au gros intestin. Le type de cellules infiltrées permet de différencier les affections suivantes : les entérites granulomateuses, les entérites lymphoplasmocytaires et les entérites éosinophiliques.
Les entérites granulomateuses sont caractérisées par une infiltration relativement diffuse de macrophages, de cellules géantes, de lymphocytes et de plasmocytes dans la lamina propria, associée à une atrophie des villosités (photos 3a, 3b, 3c, 3d). Les chevaux trotteurs âgés de 1 à 5 ans sont prédisposés.
Les lymphocytes et les plasmocytes sont les cellules majoritairement retrouvées dans les entérites lymphoplasmocytaires.
Les entérites éosinophiliques se divisent en deux groupes :
– les entérocolites éosinophiliques, caractérisées par une infiltration intestinale d’éosinophiles et de lymphocytes ;
– les maladies éosinophiliques multisystémiques, dans lesquelles les éosinophiles infiltrent, en plus de l’intestin, le foie, la peau et le pancréas [3, 20, 30, 33].
Le lymphome intestinal est la tumeur digestive la plus fréquente. Il peut être focal ou disséminé sur une grande partie de l’intestin, résultant alors en un syndrome de malabsorption et de diarrhée. Des chevaux de tous âges peuvent être affectés [3, 30].
Le sable provoque une irritation de la muqueuse et une perturbation de la motilité intestinale, à l’origine de la diarrhée. Des coliques plus ou moins importantes peuvent être associées, secondaires à une impaction aiguë, et parfois une péritonite [12].
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens présentent une toxicité à la fois rénale et gastro-intestinale. Au niveau intestinal, ils entraînent une inflammation, des ulcérations de la muqueuse, des saignements et une perte de protéines sur l’ensemble du tractus digestif, et en particulier au niveau du côlon dorsal droit. Les AINS empêchent la synthèse des prostaglandines par inhibition des enzymes COX-1 et COX-2. Les COX-1 et COX-2 ont notamment un rôle important dans le maintien de la barrière épithéliale de l’intestin et la guérison de l’épithélium en cas de dommages de la muqueuse. Bien que la phénylbutazone soit la plus souvent incriminée, tous les AINS sont susceptibles d’entraîner de telles lésions. Cette toxicité se manifeste chez des chevaux ayant reçu de trop fortes doses d’AINS ou des doses normales sur des périodes prolongées, mais également chez des individus traités avec des doses appropriées. La déshydratation, un sepsis et une endotoxémie exacerbent la toxicité. Celle-ci se manifeste souvent par des signes aigus de diarrhée, une déshydratation, un abattement, des coliques et de la fièvre, mais elle peut être plus chronique, avec également une diarrhée, une léthargie, une anorexie et des œdèmes périphériques [12].
Une fermentation anormale de la cellulose par les bactéries du côlon pourrait être à l’origine d’une diarrhée chronique L’origine de ces fermentations anormales n’est pas connue. Cependant, le type d’aliment chez certains individus sensibles pourrait être un facteur. La comparaison, in vitro, des fermentations de chevaux normaux et de chevaux en diarrhée révèle que les seconds produisent plus de gaz, plus d’acétate et plus de propionate que les premiers. La production anormale d’acétate peut être à l’origine d’une rétention de liquide dans la lumière digestive par inhibition de l’absorption du sodium [11, 22].
Les maladies cardiaques, hépatiques et rénales peuvent être à l’origine de diarrhée chronique.
Bien que peu fréquente, lors d’affection cardiaque congestive droite, la diarrhée est secondaire à un œdème intestinal par défaut du retour veineux [28].
En cas de troubles hépatiques, un déficit biliaire, un œdème intestinal ou une hypertension portale sont parfois à l’origine de diarrhée [27].
La pathogénie de la diarrhée lors de maladie rénale chronique est moins connue. Un œdème intestinal secondaire à une hypoprotéinémie en est probablement un facteur.
L’entéropathie proliférative est une maladie digestive contagieuse due à Lawsonia intracellularis, une bactérie intracellulaire stricte, transmise par voie orale via des aliments et de l’eau contaminés par les fèces d’autres chevaux infectés et d’animaux réservoirs (cochons, animaux sauvages) (tableau 2) [15].
Les poulains âgés de 3 mois à 1 an sont touchés, en particulier au moment du sevrage. Les signes cliniques observés sont une perte de poids chronique, une diarrhée, un abattement, des coliques, des œdèmes secondaires à une hypoprotéinémie et une fièvre variable. Les poulains sévèrement affectés présentent des affections concomitantes, comme des infections respiratoires, un parasitisme et des dermatites [2, 15].
Les poulains présentant des entérites à Rhodococcus equi (entérocolite, typhlite et abcès abdominaux) manifestent généralement des signes respiratoires avant, bien que des cas où la forme digestive est prédominante ont été rapportés.
En plus des signes respiratoires, une diarrhée, une perte de poids, des coliques, de la fièvre, un abattement et une anorexie sont notés [3, 14].
Les poulains affectés par Rotavirus sont âgés de 2 jours à 5 mois. La diarrhée est en général aiguë et se résout dans les 1 à 9 jours, mais elle peut perdurer de façon chronique dans un petit nombre de cas. Le virus envahit les cellules épithéliales du sommet des villosités (source de production des lactases) et se multiplie, ce qui provoque une atrophie de celles-ci, avec un défaut des disaccharidases (lactases en particulier) entraînant une maldigestion et une diarrhée osmotique. Les cellules des cryptes ne sont pas concernées, ce qui permet le remplacement progressif des cellules détruites et donne un caractère autolimitant à cette affection. La sévérité de la diarrhée est variable, allant d’une forme pâteuse chez un poulain en bon état général à une forme liquide et profuse accompagnée d’une déshydratation, de désordres électrolytiques et d’une acidose [6, 17, 18].
L’intolérance au lactose est le plus souvent secondaire à un autre agent étiologique, comme les Rotavirus, les clostridies ou les salmonelles qui endommagent les cellules intestinales épithéliales et entraînent une déficience transitoire en lactase. Le défaut de digestion du lactose signifie que cette source d’énergie n’est plus disponible pour l’organisme, d’où une anomalie de croissance, voire une perte de poids et un abattement. De plus, les autres hydrates de carbone ne sont pas digérés par le poulain, et cette maldigestion résulte en une augmentation de l’osmolarité du contenu digestif à l’origine d’une diarrhée et en la production de gaz entraînant des coliques accompagnées d’une distension abdominale [14].
La diarrhée est un signe du tableau clinique de syndrome d’ulcération gastroduodénale chez le poulain, avec la salivation, le bruxisme, les coliques (position dorsale et postures anormales), une croissance inadéquate et un abattement. Le diagnostic de certitude est établi par gastroscopie après exclusion des autres causes de coliques. Le stress, l’administration d’AINS et les maladies concomitantes sont des facteurs prédisposants [14, 25].
L’approche diagnostique vise à distinguer les diarrhées inflammatoires des diarrhées non inflammatoires. Il convient de prévenir le propriétaire que l’évaluation peut être longue et coûteuse, et néanmoins rester infructueuse quant à la détermination de la cause de la diarrhée [11].
L’examen général permet d’évaluer l’état d’hydratation du cheval. Contrairement aux diarrhées aiguës, les chevaux présentant des diarrhées chroniques sont bien hydratés ou modérément déshydratés car ils compensent leur perte en eau en augmentant leur consommation. Les crottins peuvent être formés, mais plus hydratés que la normale, voire liquides, et la diarrhée est parfois intermittente.
L’état corporel du cheval peut être correct. Cependant, une perte de poids est souvent associée aux diarrhées inflammatoires, parfois jusqu’à un amaigrissement sévère lors de troubles de malabsorption. Une toxémie est suspectée, entre autres, en cas de muqueuses injectées ou congestives. Une auscultation cardiaque anormale (souffle, arythmie) oriente vers une anomalie cardiaque. La présence d’un œdème périphérique suggère une hypoprotéinémie ou une maladie cardiaque congestive (photos 4a et 4b) [11].
La présence de sable peut être détectée par une auscultation attentive d’au moins 5 minutes de la région abdominale ventro-craniale, juste derrière l’appendice xyphoïde. Si du sable est présent de façon significative, le bruit caractéristique d’une vague sur la plage est entendu.
L’hématologie permet de confirmer le degré de déshydratation et d’évaluer les signes d’inflammation chronique :
– diminution du comptage de globules rouges et de l’hématocrite (anémie d’inflammation chronique secondaire à la baisse de l’érythropoïèse par séquestration du fer dans les macrophages de la moelle osseuse) ;
– augmentation du taux de globules blancs et des neutrophiles ;
– élévation du fibrinogène.
L’augmentation des globules blancs et/ou du fibrinogène est dépendante du degré d’inflammation et de son extension. Une hématologie normale lors de diarrhée chronique n’exclut pas une cause inflammatoire. Une neutropénie associée aux signes cliniques correspondants peut suggérer une endotoxémie. Les poulains affectés par une entérite à Rhodococcus equi présentent une leucocytose neutrophilique sévère, une hyperfibrinogénémie et une hyperprotéinémie [11]. En présence de Lawsonia intracellularis, une leucocytose, une neutrophilie et une hyperfibrinogénémie peuvent être observées, associées cette fois à une hypoprotéinémie marquée [15].
Les analyses biochimiques des chevaux en diarrhée chronique varient d’un individu à l’autre. Les chevaux en diarrhée légère ne présentent aucune modification biochimique alors que des diarrhées plus sévères peuvent être à l’origine d’une hyponatrémie, d’une hypochlorémie, d’une hypokaliémie, d’une azotémie ou d’une acidose métabolique [11].
Lors d’inflammation chronique du côlon, une hypoprotéinémie (par hypoalbuminémie) reflète une perte de protéines secondaire à un défaut de l’intégrité de la muqueuse. L’hypoprotéinémie est souvent très sévère chez les poulains atteints d’entéropathie proliférative.
L’augmentation des SDH (sorbitol déshydrogénases), GLDH (glutamate déshydrogénases), AST (aspartate aminotransférases), GGT (gamma-glutamyl-transférases), ALP (alkaline phosphatases), des bilirubines et/ou des acides biliaires indique une maladie hépatique [11].
Une recherche d’œufs de parasites, de toxines de Clostridium perfringens et Clostridium difficile, et une culture et une analyse PCR (polymerase chain reaction) de salmonelles sont réalisées(1)
Trois à cinq prélèvements pour culture sont recommandés lors de recherche de salmonelles en cas de diarrhée aiguë. Lors de diarrhée chronique, l’excrétion étant intermittente, beaucoup plus peuvent être nécessaires pour obtenir un résultat positif. L’association de la PCR et, éventuellement, d’une culture de biopsie de muqueuse rectale augmente les chances d’isoler des salmonelles.
Chez les poulains, la PCR positive à Lawsonia intracellularis confirme la présence de la bactérie et l’excrétion fécale cesse rapidement après la mise en place d’un traitement antibiotique efficace. La sérologie (plus sensible que la PCR mais non disponible en France) met en évidence l’exposition à la bactérie [15].
La microscopie électronique et/ou le test Elisa sont les examens diagnostiques requis pour objectiver un Rotavirus [6, 14].
La palpation transrectale est rarement indiquée, lors de diarrhée aiguë, hormis pour diagnostiquer des intussusceptions iléo-cæcales ou cæco-coliques si des coliques sont associées à la diarrhée. La palpation transrectale est parfois même contre-indiquée lors de diarrhée aiguë si la muqueuse rectale est irritée ou si le cheval présente un ténesme, le risque de lacération rectale étant alors augmenté. En revanche, elle peut être utile lors de diarrhée chronique pour retrouver des abcès abdominaux, des épaississements du petit intestin en cas de malabsorption ou un lymphome intestinal. La palpation requiert encore plus de précautions qu’à l’accoutumée chez un cheval en diarrhée chronique car la muqueuse rectale enflammée peut être fragilisée.
L’échographie transabdominale peut se révéler une aide précieuse lors de diarrhée chronique. Elle permet de mettre en évidence la présence de liquide en quantité anormale ou d’échogénicité anormale, signe possible d’une péritonite, d’un abcès abdominal ou d’une inflammation digestive s’étendant à la cavité péritonéale. L’échographie permet également d’évaluer la paroi du petit intestin et du côlon, à la recherche d’une épaisseur augmentée (supérieure à 5 mm) lors d’entéropathie proliférative, de lymphome intestinal, de maladie inflammatoire intestinale ou de colite (photos 5 et 6). L’épaississement de la paroi est dû à une infiltration de la muqueuse par des cellules inflammatoires ou néoplasiques, ou un œdème et à une inflammation de la paroi. Le côlon dorsal, en particulier droit, doit être évalué entre les 12e et 15e espaces intercostaux, juste sous le poumon et le foie (photo 7). Un abcès, s’il est suffisamment proche de la paroi abdominale, peut être visualisé [8, 13].
L’échographie abdominale peut aussi révéler la présence de sable, bien que cet examen soit moins spécifique que la radiographie. Les signes observés sont une augmentation du contact du gros intestin et de la paroi abdominale, et des images hyperéchogènes associées à une ombre acoustique [37].
Chez le cheval adulte en diarrhée, la radiographie abdominale est utile seulement pour diagnostiquer la présence de sable. Ce dernier apparaît comme une accumulation radiodense homogène ou granuleuse dans l’abdomen cranio-ventral (photo 8). Cependant, chez l’adulte, la radiographie abdominale nécessite des constantes d’exposition très élevées [37].
Des abcès abdominaux peuvent être diagnostiqués radiographiquement chez le poulain.
L’analyse du liquide péritonéal peut révéler une augmentation du taux de protéines ou des leucocytes, indicateur d’un processus inflammatoire dans la cavité péritonéale (abcès, péritonite infectieuse, néoplasie, colite ulcérative, etc.). Dans ce cas, une culture bactérienne est recommandée. Cependant, souvent, une inflammation du côlon n’entraîne pas de modifications du liquide abdominal. Dans quelques cas, un diagnostic de lymphome intestinal peut être établi à la cytologie du liquide péritonéal, mais l’absence de cellules néoplasiques ne permet pas d’exclure un néoplasme. Occasionnellement, des bactéries peuvent être visualisées à la cytologie lors de processus infectieux [8, 11].
Ce test est indiqué en cas de suspicion d’un syndrome malabsorption pour déterminer l’étendue des lésions sur le petit et le gros intestin, si une malabsorption du glucose est concomitante de la diarrhée. Après un jeûne de 12 à 24 heures, 1 g/kg de dextrose à 10 à 20 % est administré par sondage nasogastrique et la glycémie est évaluée toutes les 30 minutes pendant 4 heures. Chez un animal sain, la glycémie augmente de plus de 85 % par rapport à la glycémie de base après 90 à 120 minutes, lors de malabsorption partielle, entre 15 et 85 %, et, lors de malabsorption totale, elle reste inférieure à 15 % de la valeur basale (figure). Ce test est simple et facile à réaliser, mais le type d’alimentation, un retard de vidange gastrique, une anomalie du transit ou un défaut de métabolisme du glucose peuvent entraîner des variations des résultats [1, 21, 24].
Le poulain doit être mis à jeun pendant 4 heures avant le test, et la glycémie est mesurée 30 minutes avant le test et juste avant. 1 g/kg de lactose préparé dans une solution à 20 % est administré par un tube nasogastrique, puis la glycémie est mesurée toutes les 30 minutes pendant 3 heures. Une digestion normale double la valeur de glycémie basale entre 60 et 90 minutes. Une augmentation de la glycémie retardée ou inférieure à 35 % confirme une intolérance au lactose. Le jeûne et le stress peuvent modifier les résultats et doivent être réduits le plus possible [14].
Les biopsies de la muqueuse duodénale par endoscopie sont moins invasives que la technique classique par laparotomie [5, 10]. Elles sont diagnostiques lors de syndrome de malabsorption si le duodénum est impliqué dans le processus. Au moins trois à cinq biopsies sont requises pour être représentatives. L’examen histopathologique doit être interprété par un pathologiste expérimenté en biopsies digestives du cheval, car des études récentes ont démontré la présence normale de cellules inflammatoires (infiltration minimale à modérée) chez des chevaux sains [10, 23].
Si l’inflammation est extensive, les biopsies rectales peuvent mettre en évidence des infiltrations inflammatoires. Les biopsies doivent être évaluées par un pathologiste expérimenté dans l’interprétation des biopsies équines pour ne pas surestimer la présence de quelques lymphocytes, plasmocytes et éosinophiles [11, 19].
Lorsque tous les tests sont négatifs et que la diarrhée est associée à d’autres signes cliniques, comme des coliques et une perte d’état, une laparotomie exploratrice peut être réalisée. En plus de l’évaluation de l’abdomen (recherche de masses et d’abcès), le côlon, le cæcum et le petit intestin sont alors examinés. Des biopsies de toute l’épaisseur de différents sites du côlon, du cæcum et des nœuds lymphatiques mésentériques sont soumises pour l’histopathologie et la culture de salmonelles [11]. En revanche, les laparotomies exploratrices chez des chevaux en état catabolique et/ou en hypoprotéinémie présentent un risque de complications accru (retard de cicatrisation et infection des plaies, baisse d’immunité, thrombophlébites, etc.), par rapport à des chevaux normaux [5, 20]. La laparoscopie debout sous sédation permet également une exploration de l’abdomen. Cependant, contrairement à la laparotomie, l’ensemble de l’intestin grêle et du côlon n’est pas visualisable. Récemment, une technique de biopsies pleine épaisseur sous laparoscopie a été proposée [1]. Elle présente moins de danger pour un cheval en état catabolique puisque les plaies sont plus petites et qu’elle ne nécessite pas d’anesthésie générale.
Le traitement des chevaux en diarrhée chronique est souvent empirique car la cause n’en est pas toujours déterminée.
Le pronostic des maladies intestinales infiltrantes est mauvais. Un traitement à base d’anti-inflammatoires stéroïdiens (déxaméthasone, 0,1 mg/kg, par voie intraveineuse ou intramusculaire, 1 fois/j, ou prednisolone, 1 mg/kg, per os, 1 ou 2 fois/j) est proposé. Cependant, très souvent, les entérites granulomateuses ne répondent pas au traitement. Quelques cas rapportés de colite éosinophilique et d’entérite lymphoplasmocytaire ont été traités avec succès avec des corticoïdes, mais le pronostic global reste mauvais. Le lymphome intestinal ne relève d’aucun traitement [3, 5, 30, 33].
Le parasitisme doit être traité avec les antiparasitaires appropriés. Le fenbendazole (10 mg/kg, per os, 1 fois/j pendant 5 jours) et l’ivermectine (200 µg/kg, per os) sont efficaces contre les larves Strongylus vulgaris en migration. Pour les cyathostomes, le fenbendazole (10 mg/kg, per os, 1 fois/j pendant 5 jours) et la moxidectine (400 µg/kg, per os) sont recommandés pour les stades larvaires enkystés [12, 29].
La salmonellose chronique ne nécessite pas de traitement particulier, les antibiotiques étant le plus souvent inefficaces. Il convient de garder les chevaux isolés tant qu’ils sont excréteurs, de prendre les mesures de précaution pour prévenir une transmission et de faire régulièrement des contrôles pour déterminer si le cheval est toujours porteur [11, 34].
Le traitement spécifique des clostridioses est le métronidazole (15 à 25 mg/kg, per os, 3 ou 4 fois/j). Il est en général efficace, bien que des cas de résistance au métronidazole aient été rapportés. Cependant, les souches résistantes au métronidazole sont sensibles à la vancomycine.
Les entéropathies prolifératives à Lawsonia intracellularis sont communément traitées à l’aide d’érythromycine (20 à 25 mg/kg, per os, 3 ou 4 fois/j), avec ou sans rifampicine (5 à 10 mg/kg, per os, 2 fois/j), administrée pendant 2 à 3 semaines. Les solutions alternatives à l’érythromycine sont l’azytromycine (10 mg/kg, per os, 1 fois/j), l’oxytétracycline (6,6 mg/kg, par voie intraveineuse, 1 ou 2 fois/j) et la doxycycline (10 mg/kg, per os, 2 fois/j) [15, 16, 32].
La vidange du sable hors du côlon est parfois difficile. Le cheval doit d’abord être placé dans un environnement où il n’a plus accès à cet élément. Le psyllium (0,25 à 0,5 kg/500 kg), qui forme un gel agglomérant le sable, est souvent utilisé. Cependant, une étude expérimentale n’a démontré aucun bénéfice de cette thérapeutique [7]. Une alimentation riche en fibres peut favoriser l’élimination des particules de sable et la chirurgie représente la dernière option si l’impaction ne se résout pas [12].
Le misoprostol (2 mg/kg, per os, 3 ou 4 fois/j) est un analogue des prostaglandines (PGE2) parfois utile lors de toxicité due à des AINS. Certains chevaux manifestent un inconfort abdominal à ces doses. Le misoprostol ne doit pas être administré chez les juments gestantes [13].
Des changements de régime alimentaire sont parfois efficaces lors de diarrhée chronique non inflammatoire. Différents types de fourrages peuvent être essayés pour trouver celui qui crée le meilleur environnement métabolique du côlon. Si aucun fourrage n’a permis la résolution de la diarrhée, le foin peut être supprimé complètement et remplacé par des aliments complets sous forme de granulés (au moins 25 à 30 % de fibres, 12 à 14 % de protéines). Ces aliments très digestibles diminuent la charge alimentaire du côlon et en affectent positivement la production d’acides gras volatils, facilitant l’absorption de l’eau. Ils sont également un élément important du traitement des colites [11].
Chez les poulains qui présentent une intolérance au lactose, un supplément en lactases est administré (3 000 à 6 000 UI/50 kg, per os, 4 fois/j). Ce traitement peut être curatif, mais doit souvent être poursuivi sur une longue période. Dans certains cas, un sevrage précoce est nécessaire [14].
Les ulcérations gastriques sont traitées avec des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, 4 mg/kg, per os, 1 fois/j), par des antagonistes des récepteurs H2 (cimétidine, 6,6 à 20 mg/kg, per os, 3 ou 4 fois/j, ou ranitidine, 6,6 mg/kg, per os, 3 fois/j, ou 1 à 2 mg/kg, par voie intraveineuse, 3 fois/j) et du sucralfate (1 à 2 g/50 kg, per os, 3 ou 4 fois/j) pour son effet couvrant sur les ulcères [14, 25].
Le sucralfate (20 mg/kg, per os, 4 fois/j) est supposé favoriser la guérison de la muqueuse du côlon, mais son efficacité chez le cheval est discutée [12].
La smectite, le kaolin ou le charbon sont souvent employés lors de diarrhée aiguë pour augmenter la consistance des crottins et piéger les toxines. Leur utilité lors de diarrhée chronique n’a pas été déterminée et leur administration à long terme pourrait diminuer l’absorption des nutriments. Le salicylate de bismuth est efficace dans certains cas de diarrhée chronique. L’inhibition de la synthèse des prostaglandines et probablement d’autres mécanismes mal définis sont supposés être à l’origine de son action. Chez des chevaux adultes, des doses de 1 à 4 l/j sont requises [11].
Les probiotiques et les levures sont de plus en plus souvent utilisés. L’apport de micro-organismes vivants maintiendrait une flore bactérienne qui réduirait la croissance de potentielles bactéries pathogènes par compétition, par production de substances inhibitrices et en favorisant la réponse immunitaire locale [35]. Cependant, peu d’études ont analysé l’efficacité et l’innocuité de ces traitements. L’administration de la levure Saccharomyces boulardii diminuerait la sévérité et la durée des signes cliniques lors d’entérocolite aiguë [4]. En revanche, celle de Lactobacillus pentosus à des poulains ne préviendrait pas les diarrhées et serait, au contraire, associée à leur augmentation, en comparaison au groupe contrôle [36]. Tous les probiotiques non testés devraient donc être prescrits avec précaution. D’autres thérapeutiques peuvent être instaurées occasionnellement, comme la transfaunation fécale ou la consommation de yaourts, mais leur efficacité et leur innocuité n’ont, là encore, pas été documentées [11].
La gestion des diarrhées chroniques passe par un suivi rigoureux des étapes diagnostiques pour confirmer ou infirmer les hypothèses étiologiques au fur et à mesure. Si un diagnostic de certitude est établi, un traitement spécifique, s’il existe, peut être mis en place. Dans le cas contraire, des thérapeutiques non spécifiques et des changements d’alimentation sont tentés.
(1) Voir l’article “Analyse critique des tests réalisables sur les prélèvements de crottins” du même auteur, dans ce numéro.
• Une diarrhée est considérée comme chronique quand elle persiste plus d’un mois.
• Il est possible de différencier les diarrhées d’origine inflammatoire des diarrhées non inflammatoires. La démarche diagnostique vise à les distinguer.
• Le propriétaire doit être prévenu que la recherche de l’origine de la diarrhée peut être longue et coûteuse, et néanmoins infructueuse.
• Le traitement des diarrhées chroniques est principalement symptomatique, à moins qu’une cause ait pu être déterminée.
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