Les leptospires pathogènes - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Fiche technique

Auteur(s) : Albertine Léon

Fonctions : Laboratoire Frank-Duncombe, 14053 Caen Cedex 4

Les leptospires sont des spirochètes (bactéries spiralées) responsables de la leptospirose, zoonose de répartition mondiale dont la gravité des symptômes peut conduire à la mort. Ces bactéries sont réparties en deux espèces (saprophytes et pathogènes) divisées en sérogroupes, eux-mêmes subdivisés en sérovars.

Chaque sérovar a une espèce pour hôte préférentiel, mais cette spécificité réservoir/sérovar n’est pas exclusive. Les principaux sérovars retrouvés chez le cheval sont Pomona, Icterohaemorrhagiae, Grippotyphosa, Autumnalis, Canicola, Sejroe et Bratislava.

→ Épidémiologie de la leptospirose

Les leptospires sont hébergés par des animaux sauvages, surtout les rongeurs terrestres ou semi-aquatiques, qui deviennent, du fait de leur faible sensibilité clinique, des porteurs apparemment sains au niveau des reins, donc des excréteurs urinaires. Ils constituent ainsi les principaux réservoirs “naturels” de l’agent pathogène.

Les animaux porteurs et excréteurs perpétuent l’infection de leurs congénères, des autres espèces animales et de l’homme par transmission directe (passage transplacentaire, sécrétions vaginales, rapport sexuel, allaitement). La transmission peut également s’effectuer indirectement par contact avec le milieu extérieur contaminé principalement par l’urine des animaux infectés.

Les leptospires pénètrent par les muqueuses ou au travers de lésions cutanées.

Après contamination, la bactérie se multiplie dans le sang et gagne différents organes(rate, foie, rein, cerveau, utérus, œil). La période d’incubation varie de 2 à 20 jours. Ensuite, le développement d’une réponse immunitaire entraîne une élimination des bactéries, mais ces dernières peuvent persister dans des sites privilégiés comme les tubules rénaux.

Cette colonisation rénale peut induire un portage et une excrétion urinaire (leptospirurie), dont l’importance et la durée, de quelques jours à plusieurs mois, sont variables selon le sérovar et l’espèce hôte.

→ Signes cliniques chez le cheval

L’infection des chevaux est fréquemment asymptomatique et des anticorps sont régulièrement mis en évidence chez les chevaux en bonne santé. Mais si l’infection est bien souvent inapparente, dans certains cas, la dégradation de l’état général alerte le praticien.

La leptospirose présente différents niveaux d’expression clinique chez le cheval avec une durée d’évolution d’environ 2 semaines :

– une forme aiguë : l’animal peut présenter un syndrome fébrile (hyperthermie de 39 °C à 41 °C), un état de dépression, une anorexie, une conjonctivite ou un ictère. Les urines présentent souvent une coloration brune due à l’hémoglobinurie secondaire. Elle est à différencier des maladies telles que la piroplasmose, l’anémie infectieuse, l’artérite virale, la maladie de Lyme, l’erhlichiose ou certaines formes de rhinopneumonie ;

– une forme suraiguë : elle est rare mais peut être mortelle ;

– une forme chronique : l’animal présente parfois un simple amaigrissement, des épisodes fébriles, un léger ictère, des affections oculaires (uvéites, cataracte) pouvant évoluer jusqu’à la cécité.

→ Implication des leptospires dans les avortements chez la jument

Dans les cas d’avortement, la leptospirose est à différencier, entre autres, de la rhinopneumonie et de l’artérite virale. Les avortements à leptospires peuvent être sporadiques comme épizootiques.

Tout stress ou période de baisse de l’immunité est potentiellement un facteur déclenchant des symptômes, lorsqu’un individu est porteur asymptomatique de cette bactérie.

→ Diagnostic

Diagnostic nécropsique

Les principales lésions observées lors de l’autopsie sont une émaciation, une congestion généralisée, un ictère, des lésions hépatiques et rénales.

Diagnostic histologique

Dans les tissus, la mise en évidence directe des leptospires est réalisée par une coloration argentique des coupes histologiques.

Diagnostic bactériologique

Les leptospires peuvent être recherchés dans le sang, le lait et le liquide céphalorachidien pendant la phase de multiplication dans les 12 premiers jours de l’infection, dans les urines à partir du 12e jour de l’infection pendant la phase d’excrétion et dans les tissus après autopsie (poumon, foie, rein, etc.) (figure).

La recherche des leptospires peut s’effectuer par un examen direct à l’aide d’un microscope à fond noir ou par une mise en culture des prélèvements en milieu liquide spécifique EMJH (Ellinghaussen-Modified-Johnson-Harris) pour isoler la souche infectante. Ces techniques qui doivent être mises en œuvre rapidement (quelques heures après le prélèvement, ce dernier devant s’effectuer de préférence avant toute antibiothérapie) sont difficiles à utiliser en pratique courante et trop longues pour être une aide au diagnostic.

Diagnostic sérologique

Le diagnostic sérologique n’est possible qu’à partir de la deuxième semaine après le début de l’infection, mais une prise de sang est recommandée dès le début des symptômes afin d’effectuer une cinétique d’anticorps 15 jours après. Le test de micro-agglutination (MAT), technique de référence, consiste à évaluer le degré d’agglutination provoquée par des anticorps (Ac) présents dans le sérum des chevaux avec des leptospires “vivants” cultivés en laboratoire sécurisé. Cette technique permet le “titrage” en anticorps, ainsi que l’identification des souches incriminées. C’est donc un diagnostic sérogroupe spécifique qui permet d’observer des résultats positifs 10 à 12 jours après l’apparition des signes cliniques.

Cette méthode demande de maintenir toutes les cultures de leptospires en phase exponentielle de croissance au moment du test. De plus, le MAT ne détecte que les Ac agglutinants et ne différencie pas les animaux infectés de ceux qui sont vaccinés, mais il n’existe aucune préparation spécifique du cheval. Le diagnostic de la leptospirose est réalisé au laboratoire Frank-Duncombe sur 14 sérovars différents représentant les 9 sérogroupes rencontrés le plus fréquemment en France.

Enfin, l’interprétation des résultats obtenus en MAT ne peut être assurée que si l’opérateur dispose des éléments épidémiocliniques. Comme le MAT est complexe à mettre en œuvre et à interpréter, des méthodes de diagnostic sérologiques plus rapides et moins onéreuses sont actuellement développées. C’est le cas des techniques Elisa (enzyme linked immuno-sorbant assay).

Une technique Elisa spécifique des souches pathogènes du cheval est en cours de développement au laboratoire Frank-Duncombe en collaboration avec la société Virbac. Ce test devrait permettre un diagnostic plus rapide et plus précoce des leptospiroses équines tout en différenciant les anticorps produits lors d’une leptospirose évolutive et d’une infection antérieure.

Diagnostic moléculaire

Un test PCR (polymerase chain reaction) spécifique des leptospires pathogènes (société AES-Adiagene) est utilisé en routine lors de suspicion clinique. Ce test est spécifique du gène codant pour la protéine Hap-1, identifiée uniquement chez les leptospires pathogènes. Cette technique consiste en une synthèse d’ADN in vitro, par amplification à l’aide d’amorces spécifiques (primers). La technique PCR, moins longue mais aussi sensible que la culture, permet de travailler sur des échantillons prélevés dans des conditions plus proches que celles de terrain habituelles. À ce jour, des développements sont en cours au laboratoire Frank-Duncombe, pour proposer une méthode de classification génomique des leptospires pathogènes par des techniques de séquençage multilocus, en collaboration avec les médecins hospitaliers et les outils qu’ils utilisent pour “traquer” les bactéries responsables de maladies nosocomiales.

→ Traitement et vaccination

En général, le traitement antibiotique (pénicillines, cyclines) permet de traiter efficacement les animaux malades, si les lésions ne sont pas trop avancées, et réduit la période d’excrétion urinaire. Il est important de choisir un antibiotique à forte biodisponibilité urinaire : pénicillines, céphalosporines, streptomycine, tétracyclines, sulfamide-triméthoprime, par exemple.

Les vaccins vétérinaires disponibles en France, prévenant l’expression clinique de la maladie tout en réduisant le portage rénal, mais sans l’éliminer, sont destinés aux chiens et ne protègent donc pas contre les autres sérogroupes prévalents chez les espèces de rente.

→ Prophylaxie sanitaire

La prophylaxie sanitaire passe par :

– la lutte contre les espèces réservoirs, les rongeurs ;

– le drainage des prairies humides, mares, marais, zones marécageuses ;

– l’assainissement ou la suppression des eaux stagnantes ;

– la désinfection des locaux et l’isolement des malades ;

– des mesures plus spécifiques thérapeutiques et prophylactiques.

Une attention particulière doit être apportée à l’isolement des femelles à la suite d’un avortement et aux modalités d’élimination des placentas et des avortons.

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