Le point sur les liquides de perfusion - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Fonctions : DMV, dipl. ACVA Place Marin 14740 Bretteville-L’Orgueilleuse

La connaissance de la composition et de la dynamique hydroélectrolytiques corporelles et de la pharmacologie des solutés de perfusion permet la mise au point d’une fluidothérapie efficace et limite l’apparition d’effets secondaires.

Les liquides de perfusion sont des médicaments. À ce titre, pour chaque type, il existe des indications, des contre-indications et des risques d’effets secondaires. Chez le cheval, la fluidothérapie repose sur l’administration de solutions cristalloïdes qui permettent de traiter un large éventail de déséquilibres hydroélectrolytiques pour un coût raisonnable. Les colloïdes sont vite incontournables dans la fluidothérapie du cheval en état critique. Leur emploi peut rester limité en raison de leur prix. Lors de l’examen d’un cheval requérant une fluidothérapie intraveineuse, il convient de préparer un plan de traitement pour les 12 à 24 premières heures, puis de surveiller l’amélioration de l’état de l’animal et la survenue possible d’effets secondaires.

Solutés cristalloïdes

Les solutés cristalloïdes sont des solutions composées d’eau et d’ions (tableau 1). Lors de l’administration intraveineuse, leur devenir dépend de leur osmolarité :

– lorsque l’osmolarité de la solution est inférieure à celle du plasma, le soluté (cristalloïde hypotonique) se répartit entre les compartiments intra- et extra-cellulaires ;

– les solutions d’osmolarité égales au plasma (cristalloïdes isotoniques) restent dans le compartiment extra-cellulaire ;

– lorsque l’osmolarité de la solution est supérieure à celle du plasma, le soluté (cristalloïde hypertonique) reste dans le compartiment extracellulaire, mais provoque en plus, par osmose, un appel d’eau intracellulaire vers le compartiment extracellulaire. Initialement, lors de la perfusion, le soluté reste dans le compartiment vasculaire, et entraîne un appel d’eau de l’interstitium et du compartiment intracellulaire. Puis, en moins d’une heure, il se redistribue à l’ensemble de l’espace extracellulaire, mobilisant toujours l’eau intra-cellulaire.

Solutés hypotoniques

• Les solutés hypotoniques contiennent en général moins de sodium et plus de potassium que les solutions isotoniques. Leur composition se rapproche de celle du liquide intracellulaire. Ils sont une source d’eau libre (non liée à des ions) et favorisent la réhydratation intracellulaire. Ils permettent de corriger les déshydratations hypertoniques (perte d’eau supérieure à celle en électrolytes comme dans le diabète insipide). Ils sont adaptés pour couvrir les besoins d’entretien et utiles lors de fluidothérapie prolongée sur plusieurs jours. Ils s’administrent lentement. L’administration en bolus ou en perfusion rapide est à l’origine de complications graves : une hémolyse intravasculaire aiguë et des troubles électrolytiques marqués peuvent entraîner un collapsus cardiovasculaire. Ils sont moins employés et disponibles que les solutés isotoniques. Ils peuvent être remplacés par des solutés polyélectrolytiques isotoniques qui sont normalement destinés à la réhydratation et à l’expansion vasculaire. Toutefois, à long terme, ces solutés apportent trop d’ions (sodium et chlorure) par rapport aux besoins de l’organisme, mais tant que la fonction rénale est performante, l’excès est éliminé dans l’urine. Un suivi du ionogramme plasmatique est conseillé lors de fluidothérapie prolongée.

• Les solutés glucosés représentent un cas particulier : le soluté de glucose 5 % (pH : 3,5 à 6,5) est isotonique dans l’outre de perfusion (278 mOsm/l). Toutefois, une fois dans l’espace vasculaire, il devient vite hypotonique car le glucose est rapidement métabolisé. Les solutés de glucose pur sont donc considérés comme biologiquement hypotoniques et constituent une source d’eau libre qui se répartit entre compartiments extra- et intracellulaire. Pour cette raison, ils sont classés dans les solutions d’entretien à administrer en perfusion lente. Ils ne sont pas efficaces et ne doivent pas être utilisés comme solutés de remplissage vasculaire car l’eau libre se distribue dans les différents compartiments hydriques de l’organisme selon leur taille respective (encadrés 1, 2 et figure). Le plasma ne représentant que 6 à 7 % du volume d’eau corporelle totale, très peu de soluté reste dans ce compartiment.

Solutés isotoniques

Les solutés isotoniques polyélectrolytiques servent à réhydrater le compartiment extracellulaire. Ils sont qualifiés de solutions de remplacement, de remplissage ou encore de réhydratation. Ils permettent de corriger une déshydratation extravaculaire et d’augmenter momentanément le volume circulant, sachant que 75 % du volume perfusé passe dans l’interstitium dans l’heure qui suit la perfusion.

Chlorure de sodium isotonique

Le chlorure de sodium isotonique (0,9 %) est légèrement plus concentré en ions sodium et chlorure que le plasma. Il a un effet acidifiant par dilution des bicarbonates plasmatiques, mais aussi en raison de son excès de chlorure qui entraîne une diminution de la réabsorption et une augmentation de l’excrétion rénale des ions bicarbonates à plusieurs niveaux. Cet effet acidifiant est relativement bien toléré, sauf si une acidose métabolique est présente. Le chlorure de sodium isotonique est bénéfique lors d’alkalose métabolique, par exemple lors d’obstruction œsophagienne ou de reflux gastrique. Ne contenant aucun potassium, il permet de traiter une hyperkaliémie dans la mesure où il n’entraîne pas d’acidose qui aggraverait l’état d’hyperkaliémie déjà présent (passage du potassium intracellulaire dans le plasma sous l’effet de l’acidose). En revanche, chez un individu normokaliémique, administré en grande quantité, la baisse de potassium plasmatique est à surveiller.

Le NaCl 0,9 % peut servir de soluté réhydratant l’espace extracellulaire (avec les réserves émises ci-dessus). Il est tout aussi efficace que le lactate de Ringer pour l’expansion plasmatique et la réhydratation de l’interstitium. Toutefois, il corrige plus justement les déshydratations accompagnées d’hyponatrémie, d’hypochlorémie et/ou d’hyperkaliémie. Il est aussi utile dans le traitement de l’hypernatrémie lorsqu’une diminution très graduelle du sodium est désirée. Il aide à corriger les hypercalcémies par interactions des ions sodium et calcium au niveau rénal. Le chlorure de sodium est aussi largement utilisé comme véhicule pour un apport thérapeutique au même titre que le glucose 5 %. Les deux solutions se mélangent bien avec de nombreuses molécules médicamenteuses intraveineuses et des produits sanguins (transfusion de plasma ou de sang) sans entraîner de précipitation ou d’inactivation du produit.

Le soluté mixte de glucose 5 % et de chlorure de sodium 0,9 % est biologiquement isotonique (hypertonique dans l’outre) et apporte des ions avec du glucose. Il peut être utile pour traiter une hyperkaliémie ou une déshydrataion extracellulaire accompagnée d’une hypoglycémie.

Lactate de Ringer

Le lactate de Ringer est la solution la plus couramment prescrite pour la fluidothérapie équine (photo 1). C’est un soluté de remplacement et de remplissage dont la composition et la tonicité sont proches de celles du plasma équin. Comparé au chlorure de sodium, il contient du lactate qui joue un effet tampon en se liant aux ions H+ et en se dégradant en bicarbonate et en eau dans le foie. Les individus insuffisants hépatiques présentent parfois des difficultés à éliminer les lactates, mais cela est rarement observé.

Grâce à son effet alkalinisant, le lactate de Ringer est adapté à un usage lors d’acidose métabolique, souvent présente lors de déshydratation importante et de choc hypovolémique en raison d’une hypoperfusion et d’un métabolisme anaérobique.

Le soluté contenant un peu de calcium fait précipiter l’anticoagulant utilisé pour conserver les produits sanguins. Il ne doit pas être mélangé dans l’outre, la ligne de perfusion ou le cathéter lors de transfusion. Pour la même raison, il est aussi incompatible avec les solutions de bicarbonate de sodium.

Enfin, le lactate de Ringer est couramment administré comme solution d’entretien pour les fluidothérapies prolongées. Il doit alors être complémenté en potassium (20 à 40 mEq/l), voire en calcium, et il convient de s’assurer que le rein est en mesure d’éliminer l’excès de sodium et de chlorure fourni. Le calcium et le potassium viennent essentiellement de l’apport alimentaire, ce qui explique que leur concentration baisse lors d’anorexie ou de mise à jeun. De plus, l’augmentation de l’excrétion sodique urinaire observée lors de fluidothérapie prolongée avec une solution de remplacement a tendance à aggraver les pertes urinaires de potassium et de calcium.

Solutés hypertoniques

Le chlorure de sodium hypertonique à 7,2 % ou 10 % permet l’expansion du volume plasmatique. Il présente l’avantage de constituer un petit volume à perfuser : 2 à 4 ml/kg par voie intraveineuse pour le 7,2 % et 1 ml/kg par voie intraveineuse pour le 10 %, soit 1 à 2 l de NaCl 7,2 % chez un cheval de 500 kg. Il provoque, en raison de l’augmentation aiguë de l’osmolarité plasmatique, un appel d’eau des érythrocytes, de l’interstitium et de l’espace intracellulaire vers le plasma. 1 l de chlorure de sodium hypertonique 7 % attire environ 3 ml d’eau dans le compartiment vasculaire. Le soluté permet de traiter efficacement et rapidement les chocs hémorragiques, traumatiques, septiques et endo-toxémiques, etc. La perfusion s’effectue en bolus, au rythme maximal de 1 ml/kg/min (500 ml/min pour un cheval de 500 kg). En règle générale, avec un cathéter 14 G, une tubulure de perfusion classique (10 ou 15 gouttes/ml) et la tenue de la bouteille à la main en hauteur, 1 l est administré en moins d’un quart d’heure. En pratique, lorsque le cheval en colique ne tient pas en place et doit être marché, la perfusion s’administre facilement en la tenant à hauteur de bras levé à côté de l’animal en déplacement. L’effet est maximal en 30 minutes et dure 1 heure, le chlorure de sodium se redistribuant peu à peu entre l’interstitium et le plasma. Parce que l’expansion plasmatique est due à 75 % à de l’eau empruntée aux autres compartiments, la solution est employée chez des individus dont l’hydratation de l’espace intracellulaire et de l’interstitium est quasi normale, sous peine d’observer une hypernatrémie et une déshydratation intracellulaire sévères. Pour les mêmes raisons et conséquences, la perfusion doit être suivie d’une administration de 20 à 40 ml/kg d’un soluté de remplacement comme le lactate de Ringer afin que l’eau empruntée soit restituée et que l’action en soit prolongée, à moins qu’une diminution du volume intracellulaire soit désirée (présence d’œdème pulmonaire ou cérébral). En plus de la correction de l’hypovolémie, le chlorure de sodium hypertonique a d’autres effets intéressants :

– une augmentation du débit cardiaque et de la perfusion tissulaire en raison de l’expansion du volume plasmatique, d’un effet inotropique positif (négatif initialement si la perfusion est trop rapide) et une vasodilatation hyper-osmolaire aboutissant à une amélioration de la microcirculation et du transport d’oxygène au niveau cellulaire ;

– une action immuno-modulatrice en inhibant les interactions entre leucocytes et l’endothélium vasculaire, ce qui limite la fuite de fluides vers l’interstitium ;

– une baisse de la pression intra– crânienne et du volume d’eau pulmonaire ;

– une stimulation de la soif liée à l’hyperosmalarité plasmatique.

Les effets secondaires éventuels sont les suivants : bradycardie, diminution de la contractilité myocardique, hypotension et bronchoconstriction lors d’administration trop rapide, hypernatrémie, hyperchlorémie, hyperosmolarité pouvant provoquer une hémolyse intra-vasculaire, hypokaliémie, majoration du saignement lors d’hémorragie non contrôlée ou reprise du saignement liée à l’amélioration de la pression artérielle. Cette solution est donc à administrer avec prudence en présence d’arythmies cardiaques et de coagulopathies.

Solutions électrolytiques spécifiques et alcalinisantes

Lorsque les analyses sanguines montrent des déséquilibres électrolytiques et acido-basiques marqués ou que, en l’absence d’analyse, le cheval ne répond pas au traitement initial, ou encore que la fluidothérapie intra-veineuse se prolonge, une supplémentation et/ou une correction en électrolytes sont parfois nécessaires. Quelques gestes peuvent être réalisés sans le support d’un ionogramme, mais une thérapie ajustée avec une action à long terme demande un suivi des concentrations électrolytiques plasmatiques plus ou moins rapproché suivant l’électrolyte, une surcomplémentation pouvant être plus nocive que le maintien du déficit (tableaux 2 et 3).

Solutés colloïdes

• Les colloïdes les plus connus sont le plasma et le sang(1). En raison des difficultés d’approvisionnement et de stockage, du coût et des effets secondaires possibles des produits sanguins, des substances synthétiques ayant des propriétés colloïdales similaires ont été développées (photo 2). Les colloïdes de synthèse sont des macrolécules trop volumineuses pour traverser la membrane capillaire normale et qui, comme l’albumine, attire l’eau. La pression oncotique créée par ses polymères de sucre ou de protéines permet l’expansion du volume plasmatique et diminue le passage de l’eau du compartiment vasculaire vers l’interstitium. La pression osmotique colloïdale est, pour la plupart de ces solutions, supérieure à la valeur normale de celle du plasma (21 à 25 mmHg). Ainsi, non seulement les polymères retiennent de l’eau une fois dans l’espace intravasculaire, mais ils attirent de l’eau interstitielle vers le compartiment vasculaire (pouvoir d’expansion plasmatique de 100 à 140 % du volume perfusé).

• Les colloïdes sont essentiellement employés pour le traitement du choc :

– hypovolémie (hémorragie, pertes hydriques intravasculaires, vasodilatation excessive);

– diminution du volume plasmatique et formation active ou sous-jacente d’œdèmes (poumons, tissus périphériques) dues à une hypoprotéinémie (choisir un colloïde à action prolongée comme un HEA 200 000);

– accumulation de fluides dans un troisième compartiment (colique, pleurésie);

– soutien de la pression oncotique plasmatique lors de l’administration de cristalloïdes, pendant l’anesthésie générale.

À partir du moment où la membrane capillaire est intègre, les solutions colloïdes traitent essentiellement l’espace intravasculaire. Elles sont donc particulièrement indiquées dans le traitement du choc hypovolémique. Elles remplacent les pertes intravasculaires plus rapidement que les cristalloïdes, mais ne permettent pas de combler efficacement les pertes interstitielles si elles sont utilisées seules. Pour cette raison, il est courant de les administrer avec un cristalloïde, soit en même temps, soit l’un après l’autre.

Lors d’hypoprotéinémie (hypoalbuminémie), la pression oncotique du plasma diminue, ce qui le rend moins apte à garder l’eau dans l’espace vasculaire. L’administration d’un cristalloïde dans cette situation aboutit à une dilution des protéines déjà basses, donc à une diminution supplémentaire et indésirable de la pression oncotique plasmatique, favorisant le passage de l’eau en milieu interstitiel et la persistance d’un volume plasmatique bas. En revanche, le colloïde permet de maintenir, voire d’augmenter, la pression oncotique plasmatique, donc le volume plasmatique, évitant ainsi la fuite de l’eau vers l’interstitium et la formation d’œdème.

Il existe trois grandes familles de colloïdes synthétiques :

– les hydroxyéthylamidons (HEA), polysaccharides modifiés extraits du maïs riche en amylopectine ;

– les dextrans, polysaccharides d’origine bactérienne ;

– les gélatines, polypeptides obtenus par hydrolyse du collagène d’origine animale, soit à pont d’urée, soit des fluides modifiés.

Certaines solutions sont sorties de la réserve hospitalière et disponibles soit auprès du laboratoire producteur, soit en pharmacie (tableau 4). Une solution de gélatine et deux HEA sont disponibles en France pour les vétérinaires. En revanche, les dextrans sont des médicaments de la réserve hospitalière.

Les colloïdes présentent l’avantage de constituer un plus petit volume à perfuser que les cristalloïdes, facile à administrer en bolus rapide, et d’avoir un effet plus prolongé lors de leur emploi en réanimation. En présence d’une hypoprotéinémie, les HEA peuvent être administrés en bolus (5 à 10 ml/kg), lorsqu’une hypovolémie est aussi présente, ou en perfusion continue (0,5 à 1 ml/kg/h) pour soutenir la pression oncotique plasmatique (qu’il est conseillé de maintenir au-dessus de 14 mmHg). Les contre-indications relatives à l’administration de colloïdes sont :

– les interventions chirurgicales majeures avec une grande probabilité d’hémorragie ;

– les états d’hypocoagulabilité (thrombocytopénie, maladie de von Willebrand);

– les syndromes de fuite capillaire (syndrome de détresse respiratoire aiguë);

– les situations dans lesquelles une surchage volumique est indésirable (insuffisance cardiaque et insuffisance rénale anurique).

En revanche, l’administration de colloïdes lors d’états hypercoagulables comme la coagulation intravasculaire disséminée est probablement bénéfique.

Hydroxyéthylamidons

Les HEA sont composés de polymères de plusieurs tailles et sont classés selon leur poids moléculaire (PM) moyen en trois catégories : PM haut, moyen ou bas. L’HEA le plus utilisé dans le monde en médecine vétérinaire est un hetastarch, HEA de PM haut (450 à 480 kDa), alors que les molécules disponibles en France appartiennent à la catégorie de PM moyen (130 à 200 kDa), soit des pentastarch (200 kDa) ou des tetrastarch (130 kDa). L’hydroxyéthylation du polymère ralentit sa dégradation par l’amylase. Plus le taux de substitution est élevé, plus la durée de vie de la molécule est prolongée. Pour cette raison, les HEA de PM moyen ont une action plus courte (60 à 70 % éliminés en 24 heures) que l’hetastarch (33 % éliminés en 24 heures). Les petites molécules (<72 kDa) sont éliminées, inchangées par le rein, alors que les autres sont hydrolysées par l’amylase plasmatique et tissulaire, ou métabolisées par le système réticulo-endothélial. Les données expérimentales disponibles chez les chevaux concernent l’hetastarch, mais peuvent être transférées sur les autres HEA avec quelques variations.

L’hetastarch contient des molécules de 30 à 2 000 kDa, ce qui donne un poids moyen (arithmétique) de 69 kDa et un poids pondéré (dit poids moléculaire moyen et base de la classification des HEA) de 450 kDa. Les effets pharmacologiques de l’hetastarch sont dose-dépendants. Une augmentation de la pression oncotique plasmatique et une hémodilution sont présentes sur plusieurs jours après un bolus. Les effets secondaires notables sont un faible risque de réaction allergique (bien moindre comparé aux dextrans) et une activité anti-hémostatique à surveiller. En raison de l’augmentation du volume plasmatique, une hémodilution est présente avec une diminution de l’hématocrite, des protéines plasmatiques, de la numération plaquettaire et de tous les facteurs de coagulation. De plus, les HEA de haut PM peuvent entraîner une coagulopathie en diminuant les concentrations en facteurs VIII et de von Willebrand sur plus de 48 heures après la perfusion. Il est aussi possible que les grosses molécules interfèrent avec la fixation des ligands à la surface des plaquettes sanguines. Les temps de saignement et de coagulation peuvent en être prolongés. Ces effets paraissent être dose-dépendants. Chez des chevaux et des poneys, plusieurs études ont montré une tendance vers l’augmentation du temps de saignement et/ou du temps de céphaline activée (temps de céphaline kaolin) pour des doses de 15 à 20 ml/kg (solution à 6 %) [5]. En revanche, la dose de 8 à 10 ml/kg semble avoir des effets minimes sur l’hémostase. Deux recommandations découlent de ces résultats :

– les HEA sont à administrer avec précaution chez les chevaux déjà atteints d’une coagulopathie ;

– la dose recommandée est de 10 ml/kg/j de la solution à 6 % à perfuser en bolus ou lentement selon l’indication pour laquelle elle est préconisée (hypovolémie, soutien de la pression oncotique plasmatique, etc.). Il est possible d’augmenter la dose jusqu’à 20 ml/kg/j chez les animaux sans trouble d’hémostase, avec le risque d’entraîner une coagulopathie subclinique à clinique. Une surveillance des paramètres de coagulation est alors conseillée.

HEA 200 000 et 130 000

• Le HEA 200 000 (pentastarch, Plasmohes®) est un dérivé moins substitué de l’hetastarch, duquel les petits et les gros polymères ont été retirés pour donner un produit de poids moléculaire plus homogène avec un poids moyen (arithmétique) de 120 kDa, supérieur à celui de l’hetastarch. Les conséquences de ces modifications sont :

– une durée d’action plus courte et une excrétion plus prédictible avec un risque minimisé d’accumulation ;

– un passage moins important de molécules dans l’intertitium, ce qui paraît avantageux lors de perméabilité capillaire anormalement élevée (sepsis, endotoxémie, syndrome de reperfusion, etc.) et présente un potentiel pour être un meilleur soluté d’expansion plasmatique que l’hetastarch ;

– des effets secondaires sur la coagulation moins importants et de plus courte durée.

L’utilisation du HEA 200 000 6 % associé à 20 ml/kg de lactate de Ringer pour la stabilisation préopératoire des coliques est plus efficace que l’emploi du chlorure de sodium hypertonique associé à la même dose de lactate de Ringer. Le débit cardiaque et la pression artérielle sont meilleurs pendant l’anesthésie avec le HEA [3].

• Le HEA 130 000 (tetrastarch, Voluven®) provoque une expansion plasmatique comparable à celle de l’hetastarch, a une durée plus courte et un effet minime sur la coagulation (données humaines).

• La dose et le rythme d’administration pour les HEA 200 000 et 130 000 à 6 % sont de 10 à 20 ml/kg/j. Les 20 ml/kg/j sont sans doute atteignables sans trouble de l’hémostase plus fréquemment qu’avec l’hetastarch. Ces HEA sont d’ailleurs utilisés à la dose maximale de 33 ml/kg/j chez l’homme et de 25 ml/kg/j chez le chien [2].

Les HEA modifient certains paramètres lors de l’analyse sanguine en raison de l’hémodilution et d’actions pharmacologiques propres. L’amylase plasmatique est souvent augmentée. La mesure des protéines totales par réfractométrie donne le chiffre de 40 à 45 g/l par défaut.

Les HEA sont en général mis en solution de 6 % dans du NaCl 0,9 % pour former un soluté isotonique. Il existe une présentation (HyperHes®) qui combine l’HEA 200 000 6 % et le chlorure de sodium hypertonique à 7,2 %. La dose maximale de 4 ml/kg est à administrer en bolus. Cette solution allie les propriétés des deux composés pour le traitement du choc hypovolémique.

Dextran

Le dextran actuellement disponible en France est le dextran 70 (PM 70 kDa) dans une solution de NaCl hypertonique Rescueflow® (médicament humain de la réserve hospitalière). Cette association en fait un soluté très puissant pour augmenter le volume plasmatique. Son indication en médecine humaine est donc le traitement d’urgence de l’hypovolémie grave associée à une hypotension et à un état de choc. Le dextran 70 augmente à lui seul le volume plasmatique par une à deux fois le volume perfusé, mais seulment pour une courte durée (35 % éliminés en 12 heures et 50 % en 24 heures), les molécules les plus petites étant filtrées par le rein ou extravasées dans l’interstitium. Seule la persistance des molécules plus grosses assurent un effet prolongé. Par conséquent, l’augmentation du volume plasmatique est plus marquée qu’avec les HEA pendant les 2 à 3 premières heures, puis elle devient semblable.

Les effets secondaires des dextrans incluent :

– les réactions anaphylactoïdes et allergiques vraies qui peuvent être sévères et qui sont plus fréquentes qu’avec les autres colloïdes ;

– des troubles de l’hémostase dose-dépendants (coagulopathie dilutionnelle, altération de la surface plaquettaire et inhibition de l’activité, réduction de l’activité des facteurs VIII et de von Willebrand, augmentation de l’activité fibrinolytique);

– une interférence lors de la détermination du groupe sanguin et avec les tests de compatibilité par revêtement de la surface des hématocytes et formation de rouleaux ;

– une insuffisance rénale aiguë avec le dextran 40 (Rhéomacrodex® qui, pour cette raison, a perdu son AMM), surtout en présence d’une hypovolémie et d’un fonctionnement rénal préexistant inadapté, mais un risque faible avec le dextran 70 lors de fonction rénale normale.

Gélatines

Les gélatines ont une durée d’action de 4 à 5 heures (75 % éliminés en 24 heures). Leurs effets d’expansion plasmatiques sont équivalents aux autres colloïdes. Les effets secondaires possibles sont :

– les réactions anaphylactoïdes (six fois plus fréquentes comparées aux HEA chez l’homme) par histamino-libération non spécifique et plus rarement l’anaphylaxie ;

– des troubles de l’hémostase par dilution des facteurs de coagulation et inhibition de l’agrégation plaquettaire ;

– une hypocalcémie ;

– un effet diurétique secondaire à l’élimination rénale des petites molécules de gélatine.

Parmi les trois familles de colloïdes, les gélatines ont l’impact le plus minime sur l’hémostase. En raison de leur courte durée d’action, elles sont indiquées dans le traitement d’urgence de l’hypovolémie.

Les cristalloïdes sont des solutés incontournables de la réanimation et du maintien de la stabilisation hydroélectrolytiques des cas critiques.

D’indications plus restreintes, les colloïdes, en raison de leur coût plus élevé, sont à administrer après une évaluation précise de l’état du cheval.

  • (1) Voir l’article “Urgences hématologiques, transfusion et banque du sang” de A. Benamou-Smith, dans ce numéro.

Références

  • 1 – Forro M, Cieslar S, Ecker GL et coll. Total body water and ECFV measured using bioelectrical impedance analysis and indicator dilution in horses. J. Appl. Physiol. 2000; 89(2): 663-671.
  • 2 – Goggs R, Humm K, Hughes D. Fluid therapy in small animals. 3. Colloid solutions. In Pract. 2008; 30: 136-142.
  • 3 – Halowell GD, Corley KT. Preoperative administration of hydroxyethyl starch or hypertonic saline to horses with colic. J. Vet. Intern. Med. 2006; 20: 980-986.
  • 4 – Mueller POE, Moore JN. Classification and pathophysiology of colic. In: Orsini JA, Divers TJ. Manual of equine emergency, treatment and procedures. 1st ed. WB Saunders Company, Philadelphia, Pennsylvania. 1998: 156-164.
  • 5 – Magdesian KG. Colloid replacement in the ICU. Clin. Tech. Equine Pract. 2004; 2: 130-137.
  • 6 – Schott HC. Fluid therapy : a primer for students, technicians, and veterinarians in equine practice. Vet. Clin. Equine. 2006; 22: 1-14.
  • 7 – Spier SJ, Snyder JR, Murray MJ. Fluid and electrolyte therapy for gastrointestinal disorders. In : Smith BP. Large Animal Internal Medicine. 2nd ed. Mosby-Year Book Inc., St Louis, Missouri. 1996: 775-783.

Éléments à retenir

→ Le lactate de Ringer permet de corriger la plupart des acidoses métaboliques.

→ Le chlorure de sodium hypertonique corrige rapidement, pour une courte durée, une hypovolémie.

→ Ne pas administrer les solutions hypo-toniques et glucosées en bolus ni en perfusion rapide.

→ Les colloïdes sont très utiles lors d’hypo-protéinémie.

Encadré 1 : Indications et précautions d’emploi des solutés glucosés

→ Les indications des solutés glucosés comprennent le maintien d’une glycémie normale, le traitement de l’hypoglycémie et de l’hyperkalémie, ainsi que la correction d’une perte d’eau isolée, cette dernière étant relativement rare. Les contre-indications incluent l’hyperglycémie, le diabète, l’hyponatrémie, l’hypokaliémie et l’acidose métabolique.

→ Le glucose 5 % n’est pas assez concentré pour couvrir les besoins énergétiques d’un animal qui ne mange pas (200 kcal/l). Lors d’hypoglycémie avérée, une solution plus concentrée peut être utilisée. Une dose de 200 à 500 mg/kg de glucose 10 % est perfusé en bolus intraveineux (volume du bolus assez petit pour être bien toléré en intraveineuse rapide), suivi d’une perfusion plus lente de 4 à 8 mg/kg/min de glucose 10 %, soit, pour un poulain de 50 kg, 100 à 250 ml en bolus puis 120 à 240 ml/h. Il convient de réaliser un suivi de la glycémie et d’adapter la vitesse de perfusion. L’utilisation d’un bolus unique d’une concentration supérieure à 10 % (30 %, 50 %) provoque une hypoglycémie rebond dans l’heure qui suit et est irritant pour les veines de petit diamètre.

→ Les solutés glucosés sont disponibles à une concentration de 5 % en outres de 1, 3 et 5 l, et de 30 % en 500 ml. La solution à 30 % (300 mg/ml, 1 780 mOsm/l, pH 3,9) sert de solution mère pour constituer une solution à 10 % ou ajouter du glucose dans une outre de chlorure de sodium ou de lactate de Ringer. Pour obtenir une concentration de 5 % (50 mg/ml) dans 1 l de lactate de Ringer à partir d’une solution à 30 %, il convient d’ajouter 200 ml de glucose 30 % au litre de lactate de Ringer (volume terminal de 1,2l) ou 167 ml d’une solution à 30 % (30 mg/ml x 1000 ml/ 300 mg/ml = 167 ml) après avoir retiré 167 ml de l’outre ou de la bouteille de 1 l. La solution obtenue est hypertonique dans l’outre, mais devient isotonique dès que le glucose est métabolisé.

→ Des solutés polyélectrolytiques avec du glucose déjà prêts à l’emploi sont aussi disponibles. SteroVet® (B Braun VetCare) est une solution d’entretien faiblement dosée en sodium et riche en potassium. En raison de la présence de glucose à 5 %, elle est isotonique (et même légèrement hypertonique) dans l’outre, mais biologiquement hypotonique.

Encadré 2 : Répartition et mouvements de l’eau dans l’organisme

→ L’eau totale corporelle représente 60 à 67 % du poids vif du cheval et se répartit entre deux grands compartiments : les compartiments intracellulaire et extra-cellulaire [1]. L’eau extracellulaire se retrouve dans l’instertitium, le volume plasmatique et les liquides transcellulaires (premièrement dans le contenu du tractus digestif, mais aussi dans les liquides céphalo-rachidien, pleural, péritonéal et articulaire). Le contenu total en eau varie d’un individu à l’autre et pour un même animal. Le contenu total en eau et le volume plasmatique sont plus importants chez le cheval qui a “du sang” que chez les chevaux lourds et ont tendance à augmenter après quelques semaines de mise au travail. Le volume de chaque compartiment varie aussi par passage de l’eau d’un compartiment à l’autre suivant la variation de leur composition liée à l’état d’activité (repos, exercice, gestation, etc.) et la maladie. L’homéostasie a pour rôle de maintenir les concentrations en électrolytes et en protéines constantes dans chaque compartiment.

→ L’équilibre entre le compartiment intra-vasculaire et l’interstitium s’effectue rapidement en raison des pressions osmotiques et hydrostatiques qui existent de part et d’autre de la membrane capillaire. Les ions et le glucose traversent les capillaires par osmose selon les gradients de concentration et entraînent l’eau. Ce phénomène explique la redistribution vers l’intersitium des solutés cristalloïdes isotoniques et hypertoniques administrés par voie intraveineuse. En 30 à 45 minutes, il ne reste qu’un quart à un tiers du volume perfusé dans l’espace vasculaire, l’interstitium étant deux ou trois fois plus volumineux que le compartiment vasculaire. Il en découle les conséquences cliniques suivantes :

– pour corriger une hypovolémie lors d’une hémorragie ou de déshydratation extra-cellulaire, par exemple, le volume de cristalloïde isotonique à perfuser correspond à trois fois au minimum le volume de sang ou d’eau perdu ;

– l’administration d’un soluté hypertonique ou hyperoncotique par voie intraveineuse entraîne un déplacement de l’eau interstitielle et intracellulaire vers le compartiment vasculaire, augmentant ainsi la volémie.

→ L’eau est attirée par les protéines plasmatiques qui ne traversent pas ou peu la membrane capillaire du fait de leur haut poids moléculaire. Ces protéines exercent une pression oncotique (pression osmotique colloïdale) en raison de ce passage limité à travers les capillaires et permettent de retenir de l’eau dans l’espace vasculaire. Ce principe est utilisé lors de l’administration de colloïdes naturels, comme le plasma et le sang, ou synthéthiques, comme les hydro-xyéthylamidons, les dextrans ou les gélatines.

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