La surveillance des avortements équins par le Respe : Mise en place du sous-réseau “avortement” et bilan de sa première année de fonctionnement - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Respe

Auteur(s) : Stéphane Chaffaux*, Xavier d’Ablon**, Denis Dugardin***, Marc Foursin****, Etienne Gavart*****, Marie-Claude Guerrier-Chatellet******, Estevan Guix*******, Pascal Hendrikx********, Claire Laugier*********, Christel Marcillaud-Pitel**********, Sophie Paul***********, Pierre-Huges Pitel************, Jackie Tapprest*************, François Valon**************

Fonctions :
*Inra 78352 Jouy-en-Josas, stephane.chaffaux@jouy.inra.fr
**Praticien, xavier.d-ablon@wanadoo.fr, dugardin@wanadoo.fr, cli.eq.laboisrie@laposte.net, clieq.flechet@orange.fr, francois.valon@wanadoo.fr
***Praticien, xavier.d-ablon@wanadoo.fr, dugardin@wanadoo.fr, cli.eq.laboisrie@laposte.net, clieq.flechet@orange.fr, francois.valon@wanadoo.fr
****Praticien, xavier.d-ablon@wanadoo.fr, dugardin@wanadoo.fr, cli.eq.laboisrie@laposte.net, clieq.flechet@orange.fr, francois.valon@wanadoo.fr
*****Responsable GDS, herve.petit.fngds@reseaugds.com, mc.guerrier.fngds@resaugds.com
******Responsable GDS, herve.petit.fngds@reseaugds.com, mc.guerrier.fngds@resaugds.com
*******Respe, 23, rue Pasteur 14120 Mondeville, c.pitel@cg14.fr, e.guix@dozule.afssa.fr
********Épidémiologiste, Afssa Lyon, p.hendrikx@afssa.fr
*********Anatomo-pathologiste, Afssa Dozulé, c.laugier@afssa.fr, j.tapprest@afssa.fr
**********Respe, 23, rue Pasteur 14120 Mondeville, c.pitel@cg14.fr, e.guix@dozule.afssa.fr
***********Praticien, xavier.d-ablon@wanadoo.fr, dugardin@wanadoo.fr, cli.eq.laboisrie@laposte.net, clieq.flechet@orange.fr, francois.valon@wanadoo.fr
************Biologiste, laboratoire Frank-Duncombe, ph.pitel@cg14.fr
*************Anatomo-pathologiste, Afssa Dozulé, c.laugier@afssa.fr, j.tapprest@afssa.fr
**************Praticien, xavier.d-ablon@wanadoo.fr, dugardin@wanadoo.fr, cli.eq.laboisrie@laposte.net, clieq.flechet@orange.fr, francois.valon@wanadoo.fr

Pourquoi la mise en place d’un sous-réseau “Avortement” du Respe ?

Chez la jument, les pertes du produit de la fécondation pendant la gestation et au cours des premières heures suivant la parturition ont des causes nombreuses et variées. Elles sont encore trop fréquentes. Ainsi, leur effet sur la productivité numérique de la jument pèse lourdement sur l’économie de la filière. L’ensemble des pertes consécutives à une affection de la gestation peuvent être divisées en pertes embryonnaire, fœtale et causes de mortinatalité.

Les pertes fœtales, ou avortements proprement dits surviennent après la fin de l’organogenèse (au 40e jour de la gestation et avant le 300e jour). À ces accidents de la gestation s’ajoutent les pertes néonatales dues à la mortinatalité, conséquence d’une affection de la femelle gravide qui se manifeste, à terme, par l’expulsion d’un poulain mort ou vivant, mais qui ne survit que quelques heures. L’augmentation de la productivité numérique de la jument passe donc principalement par une diminution de l’ensemble de ces pertes. En effet, une augmentation du taux de gestation, après les avancées dues aux suivis gynécologiques et au développement de l’échographie, ne peut actuellement être obtenue que de façon très marginale.

Le Respe est le seul réseau européen d’épidémiosurveillance des équidés fondé sur un ensemble de vétérinaires sentinelles. Ceux-ci réalisent la collecte des informations cliniques et épidémiologiques, ainsi que des prélèvements biologiques. Les objectifs du réseau sont :

– d’estimer l’incidence d’un certain nombre d’affections équines (cet objectif est pris en charge par la création de sous-réseaux spécialisés) ;

– de développer un système d’alerte lors d’épizooties ;

– de détecter précocement les maladies exotiques, émergentes ou réémergentes.

La mise en place, en 2008, du sous-réseau “avortement” correspond à ces objectifs. De plus, par cette initiative, le Respe répond à une demande forte des acteurs de la filière : chiffrer et comprendre les causes des pertes fœtales afin de les maîtriser et/ou de les prévenir.

Le premier objectif que s’est fixé ce nouveau sous-réseau est la surveillance des avortements infectieux contagieux de la jument, d’importances sanitaire, économique et/ou zoonotique, en France. Son action prioritaire est donc le diagnostic de trois infections :

– les herpèsviroses (EHV1 et EHV4) ;

– l’artérite virale ;

– la leptospirose, zoonose considérée comme maladie émergente chez le cheval. L’incidence et la répartition géographiques de ces trois types d’avortements contagieux sont ainsi estimées, la description de leurs manifestations cliniques affinée et leur couverture vaccinale évaluée.

Par ailleurs, de nouveaux outils diagnostiques de ces maladies sont développés et expertisés. Enfin, des informations épidémiologiques sont récoltées afin de préciser les facteurs de risque de ces avortements en vue de leur prévention. L’objectif ultime est la sensibilisation de l’ensemble des acteurs de la filière aux maladies abortives contagieuses et, à terme, à l’ensemble des avortements équins.

Comment ce sous-réseau fonctionne-t-il ?

Sont inclus dans l’étude :

– toute jument qui expulse un fœtus mort, ce qui exclut les cas de mortalité embryonnaire ;

– les poulains nés vivants, mais qui meurent dans les 3 premiers jours de vie. Ils sont considérés comme ayant été contaminés in utero.

En revanche, sont exclus :

– les poulains qui présentent à la naissance des malformations congénitales graves létales ;

– les cas d’interruption de la gestation pour lesquels ni annexe fœtale, ni fœtus, ne sont retrouvés. Mais, la présence de lochies au col de la jument autorise l’inclusion du cas.

La déclaration est réalisée à l’aide de deux fiches :

– une fiche “Déclaration Respe” qui recueille l’ensemble des éléments synthétiques indispensables à une veille sanitaire ;

– une fiche complémentaire “Annexe clinique, spécifique avortement”. Elle sert de guide d’investigations au vétérinaire sentinelle. Elle permet d’appréhender les maladies émergentes et d’étudier les facteurs de risques.

La réalisation de ce protocole repose sur le vétérinaire sentinelle.

Tout vétérinaire sanitaire peut devenir “vétérinaire sentinelle”, en signant une “Charte d’adhésion du vétérinaire sentinelle au Respe”, et participer activement au réseau, par la déclaration de cas. Cette charte, après avoir défini les objectifs du réseau, énonce les obligations et les droits des vétérinaires sentinelles.

La recherche des trois agents (herpès virus équin HVE-1 et HVE-4, virus de l’artérite virale équine et leptospires) sur le fœtus et son placenta est effectuée par la technique polymerase chain reaction (PCR). Elle est aussi entreprise sur un prélèvement intra-utérin de la jument afin de valider la sensibilité de cette technique de prélèvement. Ce prélèvement serait, en effet, plus simple de réalisation et d’expédition que sur des organes et enveloppes du fœtus.

Cette mise en évidence par la technique de biologie moléculaire des agents pathogènes autorise :

– la surveillance de leurs caractéristiques génétiques ;

– la distinction des groupes de foyers apparentés ;

– l’amélioration de l’efficacité vaccinale par un meilleur recrutement des souches. Pour la leptospirose, l’analyse sérologique effectuée sur le sang de la jument ayant avorté, a pour objectif :

– la détermination de la séropositivité et l’étude des sérovars impliqués lorsque l’avortement leptospirosique est identifié par PCR ;

– l’étude de la séroprévalence des avortements PCR négatifs pour cette affection ;

– l’apport d’informations pour une étude épidémiologique dans le foyer et pour la mise en place d’un plan de prophylaxie par le vétérinaire traitant.

Toutes ces analyses sont prises en charge par le réseau. Pour la saison de reproduction 2008-2009, elles ont toutes été réalisées par le laboratoire vétérinaire départemental Frank-Duncombe.

Bilan de la première année de fonctionnement du sous-réseau “Avortement”

Entre décembre 2008 et août 2009, 109 déclarations d’interruption de la gestation et/ou de mortinatalité dans les 3 premiers jours qui suivent le poulinage ont été envoyées au Respe.

Ces déclarations concernent principalement des juments de sang : 30 trotteurs français, 29 pur-sang et 24 selle français. Parmi les autres juments ne figurent que 7 poneys, une seule jument de trait et une ânesse.

Dans 83 % des cas (n(1) = 89), le cheptel a été correctement vacciné contre la rhinopneumonie (un rappel annuel), dans 9 % de ces cas, le protocole renforcé a été appliqué (trois injections de rappel pendant la gestation). La jument présentant l’accident de gestation est en moyenne une jument de 11,5 ans au moment de l’avortement (extrêmes de 3 à 27 ans) (n = 80). Dans 41 % des cas, l’accident survient à terme et dans 25 % au cours du 10e mois, les cas plus précoces étant minoritaires.

L’avortement est accompagné et/ou suivi de symptômes généraux chez seulement 15 % des juments (n = 80).

Le fœtus/poulain est expulsé vivant dans 29 % des cas (n = 97), il meurt alors dans les quelques heures qui suivent cette mise bas.

Des lésions macroscopiques laissant suspecter une placentite ont été constatées sur 41 placentas examinés sur 90, soit 45 %. Dans 6 cas, une suspicion de torsion et/ou une anomalie du cordon a été émise, soit 6 %.

Le fœtus ou le poulain ont été examinés et/ou autopsiés dans 97 cas, par le vétérinaire traitant. Pour 40 d’entre eux, aucune anomalie macroscopique ni lésion ne sont constatées (41 %).

La recherche du virus EHV-1 par technique PCR est positive pour 5 cas sur 108 recherches (4,6 %). Dans 2 cas, le virus a été trouvé dans le foie, le poumon et le placenta, dans 1 cas dans le foie et le poumon seulement, dans un quatrième cas, dans le foie, le poumon, le placenta et l’écouvillon du col, et pour le cinquième cas, sur l’écouvillon du col seul. Pour ce dernier, EHV-4 a également été mis en évidence (faiblement) sur l’écouvillon (tableau 1). La technique PCR a toujours été négative pour le virus de l’artérite. De même, la recherche des leptospires par cette technique a toujours été négative. La recherche sérologique des anticorps antileptospirose a été effectuée par micro-agglutination (MAT) dans 59 cas sur 109. Elle s’est révélée positive pour 41 juments (69 %). Ce pourcentage correspond exactement à celui qui a été trouvé en France en 1998 sur 1 452 chevaux testés. Il était alors de 68,4 % [1]. Parmi les sérologies positives, seules 9 juments (22 %) ont présenté des sérologies positives vis-à-vis d’un seul antigène. Pour toutes les autres, la technique détecte des seuils de positivité. Pour plusieurs antigènes et jusqu’à cinq antigènes différents.

Les antigènes les plus fréquemment révélés par cette technique ont été :

– IH (sérogroupe Icterohaemorrhagiae), 20 fois ;

– AUT (sérogroupe Autumnalis), 20 fois ;

– GRIP (sérogroupe Grippotyphosa), 18 fois ;

– PYR (sérogroupe Pyrogenes), 19 fois ;

– CAN (sérogroupe Canicola), 14 fois.

– AUS (sérogroupe Australis), plus marginalement, 5 fois, et SJ (sérogroupe Sejroe), 3 fois.

Les titres les plus élevés (1/1 600 et plus) sont observés avec trois sérovars : IH, GRIP et PYR (tableau 2). Plusieurs questions s’imposent à propos de ces résultats sérologiques :

– comment expliquer ce pourcentage élevé de sérologies positives des juments, très souvent vis-à-vis de plusieurs sérovars, alors que la PCR n’a pas révélé de leptospires dans les produits d’avortement ? Ces prélèvements négatifs ont-ils été correctement réalisés et acheminés ? Un prélèvement de sang du cordon ne devrait-il pas y être associé ?

– certains taux sont très élevés. Ces avortements associés à ces taux élevés sont-ils liés directement ou indirectement à une infection leptospirosique ou s’agit-il d’une découverte fortuite ? Au Kentucky, de tels taux ont également été observés de façon simultanée pour plusieurs sérovars chez la même jument avortant, mais des leptospires ont été alors mises en évidence chez le fœtus [2] ;

– les taux les plus importants le sont vis-à-vis de sérovars réputés “non adaptés” à l’espèce équine, donc potentiellement pathogènes pour celle-ci [2, 3].

Quoi qu’il en soit, une enquête épidémiologique et une recherche sérologique sur l’ensemble du cheptel s’imposent.

Pour une première saison de fonctionnement du sous-réseau, l’ensemble de ces résultats sont très encourageants et justifient la poursuite et l’extension, si possible, de son activité. Cependant, certains points sont à revoir ou à améliorer :

– en général, si les fiches de déclaration sont correctement renseignées, les fiches complémentaires (fiche annexe clinique avortement) sont la plupart du temps manquantes ou remplies de façon très succincte. Les renseignements sur l’examen du fœtus et/ou les résultats de son autopsie et des examens bactériologiques éventuels effectués sur ses organes et son placenta sont souvent parcellaires, voire inexistants ;

– pour la gestion des données, l’absence de leur saisie en temps réel, due à des délais importants de transmission des fiches aux référents du réseau, a empêché la relance des vétérinaires déclarants lorsque les informations étaient incomplètes ;

– les alertes EHV ont été correctement transmises, mais aucune enquête sur les foyers n’a été entreprise.

C’est pourquoi, nous proposons :

– d’enregistrer les résultats en temps réel afin d’obtenir les renseignements manquants auprès des différents intervenants, dont les résultats des examens complémentaires (autopsie et bactériologie) lorsque ceux-ci sont réalisés ;

– de mieux définir les symptômes et les lésions en établissant, par exemple, des catégories syndromiques pour faciliter le renseignement des fiches et leur interprétation. Cela impose la révision complète des fiches de déclaration actuelles, avant la saison suivante ;

– de poursuivre l’expérimentation de la double recherche sur les organes fœtaux (ou du poulain mort) et le placenta, d’une part, et sur un écouvillon de col, d’autre part, afin de confirmer à partir d’un plus grand nombre de prélèvements, les résultats vérifiés sur un seul cas.

Par ailleurs, le réseau de vétérinaires sentinelles devrait davantage se diversifier pour que certaines productions de l’élevage équin (trait, poney, etc.) y soient mieux représentées.

Respe contact :

Virginie Maisonnier – Dr Christel Marcillaud Pitel Afssa Lerpe, site de Dozulé, Service d’épidémiologie, Goustranville, 14430 Dozulé

Tél./Fax : 02 31 79 79 87

Email : respe-ldfd14@cg14.fr/c.marcillaud-pitel@afssa.fr

  • (1) n = nombre d’observations renseignées

Références

  • 1 – André-Fontaine G. Leptospirose, rapport d’activité diagnostique 1998. Disponible auprès de l’auteur : Madame le professeur André-Fontaine, Laboratoire des leptospires, Unité de pathologie infectieuse de l’École nationale vétérinaire de Nantes, BP 40706, 44307 Nantes Cedex 03. Dans : Euzéby JP. Dictionnaire de bactériologie vétérinaire. 2009. http://www.bacdico.net
  • 2 – Donahue JM, Williams NM. Emergent causes of placentitis and abortion. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2000; 16(3): 443-456.
  • 3 – Donahue JM, Smith B. Equine leptospirosis. Equine Disease Quartely. 2004; 31(2): 4-5. http://www.ca.uky.edu/gluck/q/2004/apr04/q_apr04.htm
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