Article de synthèse
Auteur(s) : Éric Richard*, Karine Maillard**, Marie-Capucine Dupuis***, Jean-Marie Denoix****, Pierre Lekeux*****, Emmanuelle Van Erck******, Guillaume Fortier*******
Fonctions :
*Cirale-ENVA
RD 675, 14430 Goustranville
**Université de Liège
Faculté de médecine vétérinaire
Département de physiologie
Bât. B42, 20, boulevard de Colonster
4000 Liège, Belgique
***Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
****Cirale-ENVA
RD 675, 14430 Goustranville
*****Université de Liège
Faculté de médecine vétérinaire
Département de physiologie
Bât. B42, 20, boulevard de Colonster
4000 Liège, Belgique
******Cirale-ENVA
RD 675, 14430 Goustranville
*******Université de Liège
Faculté de médecine vétérinaire
Département de physiologie
Bât. B42, 20, boulevard de Colonster
4000 Liège, Belgique
********Université de Liège
Faculté de médecine vétérinaire
Département de physiologie
Bât. B42, 20, boulevard de Colonster
4000 Liège, Belgique
*********Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4
Les liquides de lavage trachéal d'une population de trotteur français à l'entraînement présentés pour contre-performance sont analysés.
Les affections respiratoires sont, avec les troubles locomoteurs, les causes principales de perturbation de l'entraînement et d'interruption de carrière chez le cheval de course. Les affections respiratoires sont identifiées comme une des causes de contre-performance, et leur prévalence parmi celles-ci est maintenant connue [1]. L'inflammation des voies respiratoires profondes (VRP) est une maladie couramment observée, notamment chez les jeunes chevaux de sport [11]. Elle peut s'accompagner de signes cliniques tels qu'une toux ou un jetage. Cependant, ces symptômes sont parfois frustes, voire absents. L'examen endoscopique peut révéler une accumulation excessive de mucus dans la trachée et l'analyse cytologique de prélèvements respiratoires confirme l'inflammation [3, 9]. Plusieurs études récentes ont mis en évidence l'isolement fréquent de bactéries telles que Streptococcus zooepidemicus et Streptococcus pneumoniae, Actinobacillus spp., Pasteurella spp. et Staphylococcus spp. [11, 12]. Leur dénombrement n'était toutefois pas précisé.
Le diagnostic cytologique d'inflammation respiratoire était auparavant fondé sur l'analyse du liquide de lavage trachéal (LT) ou sur celle du lavage broncho-alvéolaire (LBA) [10, 11]. Cependant, une distinction a récemment été établie entre la maladie inflammatoire des petites voies respiratoires (MIPVR) et le syndrome d'inflammation trachéal (SIT) [3]. Le diagnostic cytologique de ces maladies s'effectue ainsi respectivement sur des prélèvements de LBA et de LT. De plus, chez des galopeurs, une inflammation trachéale à médiation neutrophilique avec une augmentation de la production de mucus a été précédemment associée à une diminution des performances en course, alors qu'une valeur élevée de polynucléaires neutrophiles trachéaux n'est pas un facteur de risque en l'absence de mucus [7]. Cependant, aucune analyse microbiologique n'a été effectuée sur l'ensemble des chevaux examinés.
Les objectifs de notre étude étaient de comparer quantitativement et qualitativement la flore bactérienne trouvée dans la trachée chez un groupe de trotteurs français présentant un syndrome d'inflammation trachéale et chez un groupe contrôle (CTL), et d'évaluer l'association entre l'investigation endoscopique et microbiologique de la trachée et l'analyse cytologique du liquide de lavage trachéal.
L'étude inclut 55 trotteurs français âgés de 2 à 8 ans, référés soit pour un bilan sportif soit pour une évaluation de contre-performance entre octobre 2006 et février 2008. Pour être inclus dans l'essai, les chevaux doivent être en phase d'entraînement actif au moment de la réalisation des examens. Avant toute procédure, chaque cheval est soumis à un examen clinique complet afin de déceler une anomalie clinique.
L'endoscopie est réalisée de façon systématique sous sédation 60 minutes après l'effort. L'endoscope (VO143, Optomed, France) est passé par une narine dans le méat ventral jusqu'au pharynx. Une inspection visuelle de la trachée est ensuite effectuée afin de grader l'accumulation de mucus [5]. Le lavage trachéal est réalisé en avançant à travers le canal opérateur de l'endoscope un cathéter stérile en polypropylène, dont l'extrémité est préalablement protégée par de la gélose stérile. 30 ml de liquide physiologique stérile sont instillés et ensuite réaspirés. L'échantillon est réparti dans un tube contenant de l'EDTA pour l'analyse cytologique et dans un tube sec pour l'analyse bactériologique.
La préparation pour l'examen cytologique consiste en une cytocentrifugation (Shandon Cytospin, Thermo Scientific, USA ; 75 G, 10 min) et une coloration au May-Grünwald-Giemsa. Le comptage différentiel est effectué sur un minimum de 200 cellules, et la proportion de chaque type cellulaire est exprimée en pourcentage par rapport au comptage total de leucocytes.
L'ensemencement des milieux de culture avec les prélèvements a été réalisé dès leur arrivée au laboratoire selon un protocole défini (figure 1). Une partie du prélèvement est tout d'abord étalé sur une lame afin d'effectuer une coloration de Gram et une autre partie est ensemencée sur trois milieux sélectifs (tableau 1). Puis une centrifugation (2 500 G, 10 min) est réalisée sur le prélèvement, le surnageant est réaspiré et éliminé afin d'obtenir un volume minimal de liquide avec le culot. De nouveaux ensemencements sur milieux sélectifs, ainsi que des dilutions (10-3, 10-5 et 10-7) sont ensuite mis en œuvre. Les colonies sont dénombrées et identifiées après une période d'incubation de 24 heures à 6 jours. L'identification repose sur les observations microscopiques (coloration de Gram) (photo 1), des tests biochimiques (catalase, oxydase, dépendance à l'oxygène, etc.) et des galeries d'identification biochimique (galeries API, Biomérieux).
Après identification, les agents pathogènes sont classés dans l'une des catégories suivantes : pathogènes potentiels, levures et moisissures, contaminants [6].
Les chevaux ont rétrospectivement été divisés en deux groupes sur la base de l'analyse cytologique du liquide de LT (photo 2). 22 chevaux présentant un taux de neutrophiles > 20 % ont été inclus dans le groupe SIT et 33 chevaux indemnes d'anomalie dans le LT l'ont été dans le groupe CTL [8].
Les données n'étant pas distribuées selon une loi normale standard (test de Kolmogorov-Smirnov), les comparaisons entre groupes pour les différents paramètres et les corrélations ont respectivement été mises en œuvre par les tests non paramétriques de Mann-Whitney et de Spearman. Le seuil significatif a été établi à p < 0,05.
L'âge des chevaux est respectivement de 4,1 ± 1,5 ans (moyenne ± déviation standard) pour le groupe CTL et de 4,9 ± 1,9 ans pour le groupe SIT, et n'est pas significativement différent entre les groupes.
Aucun des chevaux examinés ne présente de signe clinique d'affection respiratoire (toux, jetage) le jour de l'examen. Le grade de mucus trachéal n'est pas significativement différent entre les groupes CTL (1,5 ± 1) et SIT (1,6 ± 1,1). À l'examen cytologique du LT, le pourcentage de neutrophiles du groupe SIT est significativement supérieur à celui du groupe CTL, alors que le taux de macrophages et de lymphocytes est significativement inférieur (figure 2).
L'examen microbiologique du LT est stérile chez 12 (36,4 %) des 33 chevaux CTL et 8 (36,4 %) des 22 chevaux SIT, alors que des contaminants sont présents chez 13 (39,4 %) chevaux CTL et 8 (36,4 %) chevaux SIT (tableau 2). Des bactéries potentiellement pathogènes ont été identifiées chez 4 (12,1 %) chevaux CTL (Streptococcus equi zooepidemicus, Actinobacillus equuli equuli et Actinobacillus equuli haemolyticus, Pasteurella spp.) et chez 3 (13,6 %) chevaux SIT (identiques à celles du groupe CTL + Pseudomonas spp.). Le dénombrement de ces agents pathogènes est < 104 CFU (1 000 à 4 000) pour les chevaux CTL et > 104 CFU (50 000 à 10 000 000) pour les chevaux SIT. Aspergillus spp. a été identifié chez 13 (39,4 %) des 33 chevaux CTL et 8 (36,4 %) des 22 chevaux SIT.
Aucune corrélation significative n'a été mise en évidence entre le score de mucus trachéal et l'analyse cytologique du LT, ni entre celui-ci et la présence ou le dénombrement des agents pathogènes identifiés.
L'étude a porté sur une population de trotteurs français à l'entraînement. Les essais publiés précédemment incluaient souvent de jeunes chevaux de course. Cependant, l'inflammation des voies respiratoires, incluant le SIT et la MIPVR, peut être observée chez des animaux de tous les âges et de toutes les races [3]. De plus, les chevaux examinés dans le cadre de cette étude sont majoritairement référés pour contre-performance et aucun ne présente de signe clinique d'infection respiratoire (fièvre, toux, jetage, etc.).
La constitution des groupes a été rétrospectivement effectuée sur la base du pourcentage de neutrophiles dans le LT pour plusieurs raisons. D'une part, concernant le prélèvement, les praticiens réalisant fréquemment une évaluation endoscopique après l'exercice pour déterminer la quantité de mucus ou de sang dans la trachée, le LT par voie transendoscopique peut être pratiqué à ce moment. D'autre part, les critères cytologiques définissant le SIT, ainsi que ses répercussions sportives sont précisément décrits [7, 8]. Cependant, l'examen du seul lavage trachéal n'est pas toujours représentatif de l'ensemble des voies respiratoires profondes, pour l'évaluation desquelles un LBA est requis. En effet, plusieurs études ont précédemment révélé des écarts parfois importants entre LBA et LT du pourcentage de neutrophiles [1, 8].
Dans notre étude, la quantité de mucus trachéal endoscopiquement visible n'est pas significativement différente entre les groupes. De plus, aucune corrélation n'a été mise en évidence entre le score trachéal de mucus et la cytologie du LT. Un score élevé de mucus peut être observé chez des chevaux sans affection respiratoire et, inversement, un faible score ne permet pas d'exclure un SIT [4]. L'analyse microbiologique du LT montre que le prélèvement est stérile chez un tiers des chevaux examinés, et ce quel que soit le groupe considéré. Ces résultats sont comparables à ceux des études précédentes et confirment la validité de la technique trans-endoscopique pour la réalisation du LT [11, 12]. En effet, cette méthode est simple et moins invasive que la procédure transtrachéale. Les risques de contamination du prélèvement sont limités par une bonne désinfection de l'endoscope et l'utilisation d'une sonde stérile dont l'extrémité peut être bouchée par de la gélose stérile. L'absence d'identification d'agents pathogènes chez les chevaux du groupe SIT peut s'expliquer par l'étiologie multifactorielle et incomplètement définie de l'inflammation respiratoire [3, 9]. Des facteurs environnementaux autant qu'infectieux ont ainsi été précédemment proposés.
À l'opposé, l'analyse d'un tiers des prélèvements a révélé la présence de germes contaminants. À notre connaissance, la proportion “moyenne” de contaminants isolés lors de prélèvements trachéaux n'a été publiée dans aucun essai. Aucun des 55 prélèvements examinés dans cette étude n'a présenté de cellules squameuses à l'examen cytologique, présumant l'absence de contamination pharyngée lors de la procédure. L'étape de centrifugation spécifiquement effectuée au laboratoire pour l'examen bactériologique pourrait cependant expliquer la proportion apparemment élevée d'agents contaminants. Cette étape est réalisée dans le protocole standard du laboratoire dès que le volume recueilli de liquide respiratoire est supérieur ou égal à 30 ml. Cette technique permet d'éliminer le facteur de dilution engendré par une quantité de liquide de lavage parfois très importante (résultats non publiés). En concentrant les bactéries et les cellules, ce procédé isolerait des bactéries pathogènes présentes en faible quantité dans le liquide initial et des bactéries à localisation intracellulaire qui ont montré leur pouvoir pathogène potentiel dans divers travaux [11, 12]. Cependant, les contaminants sont également concentrés par cette étape. Dans le cas de prélèvements fortement contaminés, la concentration très importante d'agents pathogènes peut rendre la lecture des milieux spécifiques difficile en raison de l'envahissement par cette flore annexe, et l'isolement direct (sans centrifugation) sur milieux spécifiques est toujours réalisé parallèlement à cette étape.
Des bactéries potentiellement pathogènes ont été isolées chez plusieurs chevaux du groupe CTL. De plus, la proportion de prélèvements dans lesquels ils ont été identifiés n'est pas significativement différente entre les groupes. Leur identification a précédemment été associée à une inflammation des voies respiratoires profondes [11, 12]. Cependant, le dénombrement des agents pathogènes n'a pas été précisé dans ces études. Lors de l'analyse microbiologique, l'étape de dilution a systématiquement été mise en œuvre afin de dénombrer les contaminants présents dans le prélèvement. Le dénombrement intervient dans l'interprétation de la pathogénicité du micro-organisme [2]. Dans notre étude, les chevaux SIT présentent un dénombrement 10 à 200 fois supérieur à celui des chevaux CTL. De plus, il est probable que l'étape de centrifugation a permis la détection de ces contaminants présents en faibles concentrations chez les chevaux CTL.
Dans cette étude, le score de mucus trachéal et la prévalence de contaminants potentiellement pathogènes sont similaires dans les groupes SIT et contrôle. Le seul isolement d'un agent pathogène, ainsi que le mucus trachéal ne présagent donc pas du niveau d'inflammation des voies respiratoires. À l'inverse, une inflammation trachéale sévère peut être présente en l'absence de toute infection bactérienne.
– L'inflammation des voies respiratoires est fréquemment associée à une contre-performance chez le cheval.
– Les signes cliniques d'affection respiratoire sont parfois absents. L'analyse cytologique du lavage trachéal permet de poser un diagnostic de certitude d'inflammation trachéale.
– L'accumulation de mucus trachéal est un indicateur non spécifique d'une inflammation respiratoire, mais ne présage pas de la sévérité de celle-ci.
– Une inflammation trachéale peut être observée en l'absence d'infection bactérienne. À l'inverse, un faible dénombrement d'agents potentiellement pathogènes est noté en l'absence d'inflammation respiratoire.
Les auteurs souhaitent remercier les Haras nationaux, le conseil régional de Basse-Normandie et le conseil général du Calvados pour leur participation financière.
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