La paracentèse abdominale - Pratique Vétérinaire Equine n° 162 du 01/04/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 162 du 01/04/2009

Fiche technique

Auteur(s) : Valérie Deniau*, Anne Couroucé-Malblanc**, Fabrice Rossignol***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire, Domaine de Grosbois, 94470 Boissy-Saint-Léger
**Clinique équine, ENV de Nantes, Atlanpôle - La Chantrerie, 44307 Nantes Cedex
***Clinique vétérinaire, Domaine de Grosbois, 94470 Boissy-Saint-Léger

Indications

Nombreuses sont les situations en médecine équine pour lesquelles une évaluation de la cavité abdominale est requise : coliques aiguës ou chroniques, mais aussi syndrome hémorragique, fièvre récurrente, amaigrissement chronique. Les seules données cliniques, limitées à l'auscultation abdominale et à la palpation transrectale, sont insuffisantes dans un grand nombre de cas pour établir un diagnostic précis. Si le développement des méthodes d'imagerie, invasives ou non, a considérablement fait progresser l'exploration et le traitement précoce des affections des viscères abdominaux, le prélèvement d'un échantillon de liquide abdominal peut apporter un complément d'information utile en première intention pour orienter la conduite diagnostique ou formuler un pronostic vital dans les cas les plus aigus.

Préparation

Effectuer une palpation transrectale avant une abdominocentèse permet d'évaluer la topographie abdominale et surtout le volume du gros intestin : une forte distension de ce dernier représente un facteur de risque de rupture pariétale en cas de ponction accidentelle [8].

Une contention appropriée est indispensable en raison de la localisation exposée du site de prélèvement, à portée des coups de pied des membres postérieurs, et de la sensibilité relative de la peau fine de l'abdomen ventral. La mise en place d'un tord-nez nous semble un minimum, l'utilisation d'un travail apporte une sécurité supplémentaire appréciable. Une contention chimique (α2-agonistes, opioïdes) est souhaitable chez les chevaux peu coopératifs. Des doses réduites de sédatifs sont préférables pour limiter l'ataxie : par exemple, 0,025 à 0,035 mg/kg de romifidine (Sedivet®, 1,5 à 2 ml/500 kg) et 0,1 à 0,2 mg/kg de butorphanol (Torbugesic®, 0,5 à 1 ml/500 kg), doses à adapter selon la réponse du cheval.

Réaliser une paracentèse dans des conditions optimales requiert la présence de trois personnes : l'une pour assurer la contention du cheval, une autre pour réaliser la ponction de façon stérile, une troisième pour manipuler les tubes de prélèvement et recueillir le liquide.

Le matériel requis, d'usage courant, comporte :

– un nécessaire pour une préparation stérile de la peau ;

– des gants stériles (éventuellement des gants de latex imbibés d'alcool) ;

– des tubes EDTA et secs ;

– pour un prélèvement à l'aiguille, une aiguille de 18 ou 20 G x 40 mm. Chez les animaux de grand format et/ou à forte masse adipeuse (chevaux obèses, ânes et poneys), une aiguille plus longue, de 50 à 70 mm, est à prévoir ;

– pour un prélèvement à la canule, une canule stérile de type sonde trayeuse, une lame de bistouri n° 15, des compresses stériles et un anesthésique local (par exemple lidocaïne 2 % : Lurocaïne® ou Xylovet®) (photos 1a et 1b).

Réalisation pratique

Site de prélèvement

L'abdomen est généralement ponctionné dans sa partie la plus déclive, légèrement à droite de la ligne blanche pour limiter le risque de traumatisme splénique et en évitant les vaisseaux cutanés (photo 2).

Lorsqu'il est possible, un repérage échographique préalable sur la partie ventrale de l'abdomen est précieux à la fois pour localiser d'éventuelles zones de collection liquidienne et pour préciser la position de la rate (photos 3a et 3b). Si cette dernière n'est pas déplacée et que son bord ventral est suffisamment éloigné de la ligne blanche, la paracentèse peut être réalisée à son niveau, ce qui réduit le risque d'hémorragie et/ou d'œdème sur le site de ponction.

Technique

Le site de ponction est préparé de manière stérile [4, 8].

La présence d'un aide est souhaitable pour manipuler et échanger les tubes de prélèvement non stériles. La position des deux opérateurs est fonction des habitudes de chacun et du comportement du cheval ; nous préférons opérer avec une personne de chaque côté du cheval, positionnée à hauteur du thorax. Si l'espace est insuffisant ou que le cheval est instable, les deux opérateurs et la personne de contention se placent du même côté. Dans ce cas, ils doivent prendre garde à ne pas se gêner et sont plus exposées au membre postérieur homolatéral.

Accidents et complications possibles

(tableau 1)

Exploitation du prélèvement

Il est possible de réaliser rapidement :

• une évaluation macroscopique (aspect et quantité de liquide) ;

• une mesure du taux protéique au réfractomètre ;

• éventuellement :

– un comptage leucocytaire avec un appareil d'hématologie ;

– une mesure des lactates avec un appareil portable (type Accusport) [1] ;

– une mesure des phosphatases alcalines avec un automate de biochimie.

Les paramètres varient selon les types d'épanchements abdominaux (tableau 2). Les modifications cyto-biochimiques du liquide de paracentèse font suite à l'installation des lésions digestives et n'en sont pas concomitantes [2].

La fiabilité limitée de la mesure des protéines et des éléments nucléés dans le liquide de paracentèse pour l'orientation diagnostique lors de coliques aiguës a été soulignée [6]. Le dosage des lactates semble accroître le pouvoir discriminant de l'épreuve, mais les résultats sont toujours à mettre en balance avec les autres critères cliniques et para-cliniques dans la décision chirurgicale [1, 7].

En dehors du cadre de l'urgence, il est souhaitable de procéder à un examen cytologique complet qui inclut un différentiel leucocytaire, la recherche de signes de carryorhexie, d'érythrophagocytose, voire de cellules néoplasiques, même si ces dernières ne sont qu'exceptionnellement retrouvées [2, 3].

La paracentèse abdominale est une procédure diagnostique simple et rapide, qui ne nécessite aucun matériel spécifique et peut être mise en œuvre à l'écurie. Ses complications, parfois graves, restent rares et surviennent surtout avec la technique à l'aiguille, qu'il importe de ne pas trop répéter et de proscrire en cas de distension colique sévère.

Cette procédure est principalement utilisée pour l'orientation chirurgicale ou médicale (ou l'euthanasie) des chevaux en syndrome abdominal aigu, même si son interprétation en situation d'urgence doit être prudente. Elle reste, en revanche, probablement sous-utilisée dans l'exploration des syndromes chroniques pour lesquels elle constitue pourtant un très bon complément aux examens sanguins de première intention.

Références

  • 1 – Delesalle C, Dewulf J, Lefebvre RA, Schuurkes JAJ, Proot J, Lefere L, Deprez P. Determination of lactate concentrations in blood plasma and peritoneal fluid in horses with colic by an Accusport Analyzer. J. Vet. Intern. Med. 2007;21:293-301.
  • 2 – Fortier G, Boureau V. Examens complémentaires de laboratoire en gastro-entérologie équine. Proceedings Congrès de Genève. 2003:97-106.
  • 3 – Garma-Avina A. Cytology of 100 samples of abdominal fluid from 100 horses with abdominal disease. Equine Vet. J. 1998;30(5):435-444.
  • 4 – Glüntz X, Gogny M. Les coliques du cheval. Éd. du Point Vétérinaire. 2007;50-52.
  • 5 – Ivancich-Richer S. La paracentèse abdominale : indications, réalisation pratique et intérêt diagnostique. Prat. Vét. Équine. 1999;31(n° spéc. “Coliques”):71-75.
  • 6 – Kistler V, Winnepennickx V, Leguillette R, Vrins A. Remise en cause de la paracentèse abdominale d'urgence. Prat. Vét. Équine. 2002;34(136):51-54.
  • 7 – Latson KM, Nieto JE, Beldomenico PM, Snyder JR. Evaluation of peritoneal fluid lactate concentration as a marker of intestinal ischemia in equine colic. Equine Vet. J. 2005;37(4):342-346.
  • 8 – Mair T. Abdominocentesis. In: Manual of Equine Gastroenterology. Ed. Mair T, Divers TJ, Ducharme N. WB Saunders Company, Philadelphia. 2002;13-16.
  • 9 – Saulez MN, Cebra CK, Tornquist SJ. The diagnostic and prognostic value of Alkaline Phosphatase activity in serum and peritoneal fluid from horses with acute colic. J. Vet. Intern. Med. 2004;18:564-567.

Technique à l'aiguille

L'aiguille est insérée perpendiculairement au plan cutané, progressivement, jusqu'à l'apparition de gouttes de liquide qui sont recueillies par gravité dans un tube EDTA pour examen cytologique et un tube sec pour analyses bactériologique et biochimique (photo 4).

Si aucun liquide n'est récolté avec l'aiguille enfoncée jusqu'à la garde :

– effectuer de légers mouvements de rotation de l'aiguille (jamais de mouvements transversaux) ;

– la retirer de quelques millimètres ;

– prendre une aiguille plus longue (50 à 70 mm) et ponctionner sur un site légèrement décalé, en gardant la première aiguille en place.

Il est aussi possible d'injecter 1 ml d'air pour expulser d'éventuels éléments tissulaires qui peuvent obstruer le corps de l'aiguille.

Technique à la canule

Une anesthésie locale sous-cutanée et intramusculaire (quelques millimètres) est réalisée sur le site de ponction avec 3 à 5 ml de lidocaïne 2 % (photo 5a).

La lame de 15 est maintenue entre le pouce et l'index placés juste à la base de la partie coupante, pour ne pas risquer de l'enfoncer trop profondément (photo 5b).

La peau et les muscles superficiels sont incisés en croix, sur une largeur suffisante pour permettre le passage de l'extrémité de la canule (photo 5c). Les gouttes de sang sont essuyées avec des compresses stériles.

La canule est maintenue à sa base et enfoncée au travers de quelques compresses dépliées qui recouvrent les doigts et servent à isoler le prélèvement des saignements de la paroi (photo 5d).

La canule est enfoncée à travers l'orifice préparé, avec une force mesurée pour traverser les derniers plans musculaires et le péritoine. La ponction de ce dernier donne une sensation nette de fin de résistance et la mobilité de la canule dans tous les plans permet de vérifier la pénétration dans la cavité abdominale.

De petits mouvements de va-et-vient de la canule dans différentes directions sont alors effectués jusqu'à apparition du liquide (photo 5e). Ce dernier s'écoule le plus sou-vent lorsque des mouvements de retrait de l'instrument sont réalisés. Si l'abondance du liquide le permet, il est préférable de préparer un second tube EDTA, après avoir recueilli quelques gouttes dans le premier, afin d'obtenir un échantillon moins contaminé par le sang de la paroi abdominale.

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