L'analyse des gaz sanguins artériels dans l'examen du cheval contre-performant - Pratique Vétérinaire Equine n° 162 du 01/04/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 162 du 01/04/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Tatiana Art*, Emmanuelle van Erck**

Fonctions :
*Centre de médecine sportive du cheval
Clinique équine
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman, Bât. B42
B-4000 Liège, Belgique
**Centre de médecine sportive du cheval
Clinique équine
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman, Bât. B42
B-4000 Liège, Belgique

Diverses atteintes respiratoires peuvent modifier la qualité des échanges gazeux pulmonaires, donc les valeurs des gaz sanguins artériels.

L'approche diagnostique du cheval contre-performant reste délicate malgré l'évolution des connaissances et du développement de techniques d'investigation de plus en plus sophistiquées. Si, dans certains centres spécialisés, il est possible de faire un bilan complet et ainsi d'augmenter les chances d'établir un diagnostic, il en va différemment lorsque le cheval est examiné dans les conditions du terrain. Cependant, ces dernières années, les équipements portables disponibles pour travailler hors des infrastructures spécialisées se multiplient et les praticiens équins sont de mieux en mieux outillés pour l'investigation des chevaux de sport. Parmi les instruments récemment passés des laboratoires vers la pratique de terrain se trouvent les endoscopes, les cardiofréquencemètres couplés à des GPS et les échographes portables. Des analyseurs de gaz sanguins portables fonctionnant sur batterie ont également fait leur apparition sur le marché. Principalement employés par les vétérinaires lors de maladies respiratoires, de troubles de l'adaptation du nouveau-né, pour le contrôle des déséquilibres acido-basiques et le suivi en anesthésie, ces appareils pourraient-ils être utiles dans la recherche des causes de contre-performance ?

Échanges gazeux alvéolo-capillaires

La mesure des pressions partielles, ou tensions, en oxygène (O2) et en gaz carbonique (CO2) dans le sang artériel (c'est-à-dire dans le sang venant de passer dans les zones d'échanges gazeux pulmonaires) permet d'apprécier l'aptitude du poumon à remplir son rôle physiologique, à savoir enrichir le sang en O2et rejeter le CO2vers le milieu ambiant (figure 1). Cette analyse permet d'objectiver la qualité des échanges gazeux pulmonaires. Le CO2est très diffusible (vingt fois plus que l'O2) et l'équilibre entre les pressions alvéolaire et capillaire est atteint à la sortie des zones d'échanges, ce qui n'est jamais complètement le cas pour l'O2. Il existe donc toujours une petite différence alvéolo-artériel en O2(A-adO2). En théorie, quatre types de troubles fonctionnels sont susceptibles de perturber les échanges gazeux : l'hypoventilation, les shunts pulmonaires, les troubles de la diffusion et les inadéquations du rapport ventilation/perfusion [24].

Hypoventilation

L'hypoventilation peut être liée à différentes causes : une dépression des centres bulbaires respiratoires (d'origine pathologique ou iatrogène), des douleurs ou des lésions thoraciques, des résistances importantes à l'écoulement de l'air dans les voies aériennes, (obstruction des voies respiratoires supérieures, bronchospasme). La conséquence est une diminution de la pression partielle en O2et une augmentation de la pression partielle en CO2dans les alvéoles (PaO2et PaCO2respectivement), donc dans le sang artériel, tandis que la différence alvéolo-artérielle (A-adO2) reste dans des limites physiologiques (figure 2).

Shunts pulmonaires

Les shunts pulmonaires sont occasionnés par des vaisseaux pulmonaires qui transitent dans le poumon sans passer par une zone d'échange gazeux. Cela signifie que du sang veineux pauvre en O2et riche en CO2se mélange à du sang correctement artérialisé. Ce phénomène influence surtout la PaO2, rarement la PaCO2(figure 3).

Les différences alvéolo-artérielles locales restent physiologiques puisqu'il n'existe pas de trouble de la diffusion.

Troubles de la diffusion

Les troubles de la diffusion peuvent survenir pour deux raisons : soit il existe un épaississement de la membrane alvéolo-capillaire (œdème par exemple), soit le débit sanguin est élevé au point de ne pas laisser suffisamment de temps pour que les échanges gazeux soient complets. Lors de troubles de la diffusion, une diminution de la PaO2et un élargissement de la A-adO2sont principalement observés (figure 4).

Inadéquations du rapport ventilation/perfusion

La cause la plus fréquente des troubles des échanges gazeux est l'inadéquation du rapport ventilation (V)/ perfusion (Q). En effet, pour un fonctionnement optimal du poumon dans chaque zone pulmonaire, les alvéoles doivent être bien ventilées et bien perfusées.

Un rapport optimal de 0,8 doit exister entre la ventilation et la perfusion. Sur les millions d'unités pulmonaires constituant le poumon, même sain, il existe une certaine inhomogénéité de ce rapport V/Q, néanmoins sans répercussion fonctionnelle.

L'inadéquation du rapport V/Q devient significative et engendre des conséquences sur les échanges gazeux lors de troubles respiratoires. Ceux-ci peuvent être associés soit à des atteintes ventilatoires (V/Q est alors < 0,8), par exemple dues à une subobstruction des petites voies aériennes et à une inhomogénéité de la ventilation, soit à des atteintes circulatoires (V/Q est alors >0,8), par exemple lors d'embolie pulmonaire (figure 5).

Dans ces cas, dès que l'inadéquation du rapport V/Q atteint un nombre significatif d'unités pulmonaires, une répercussion sur les gaz sanguins artériels (GSA) est observée.

• Ainsi, l'examen des GSA peut aider à la détection d'un dysfonctionnement. Néanmoins, il convient de souligner les points suivants :

– en cas de maladie respiratoire, il est fréquent que plusieurs troubles fonctionnels cités plus haut coexistent ;

– tous les troubles respiratoires ne s'accompagnent pas de modification des GSA ;

– l'analyse des GSA permet de mettre en évidence les répercussions fonctionnelles d'un trouble respiratoire, mais en aucun cas de préciser l'étiologie de ce dernier.

Méthodologie

Site de prélèvement

Le prélèvement doit s'effectuer sur une artère superficielle. La littérature cite une multitude d'artères accessibles pour cela (artères carotide, transverse de la face, faciale, auriculaire, palmaire, brachiale, etc.) [8]. En pratique, chez le cheval adulte vigilant, la carotide est l'artère la plus facilement accessible, avec un risque minimal pour le cheval et/ou pour l'opérateur (encadré 1).

Si plusieurs prélèvements doivent être effectués dans un laps de temps relativement court, ou s'ils sont réalisés à l'effort, il convient de poser un cathéter. Dans ce cas, l'artère transverse de la face est le site de choix. Le geste, aisé chez un cheval anesthésié, demande une certaine maîtrise et de l'habitude chez le cheval vigile (encadré 2).

Matériel

Le prélèvement s'effectue avec une seringue contenant un anticoagulant. Les bulles d'air présentes doivent être chassées et le sang est isolé de l'air ambiant en obturant la seringue. De simples seringues de 2 ml rincées à l'héparine et munies d'un bouchon sont une excellente solution alternative peu onéreuse aux seringues conçues spécialement à cet usage, actuellement disponibles sur le marché. Lors de l'utilisation d'une seringue en plastique, l'analyse doit être réalisée dans les 10 minutes qui suivent le prélèvement. Si un délai plus long (1 heure au maximum) est prévu entre le prélèvement et l'analyse, il est préférable d'utiliser des seringues en verre déposées sur de la glace [18].

Analyseurs

Il existe des analyseurs fixes et portables (tableau 1). Quel que soit l'appareil utilisé, il est programmé pour l'homme, chez qui la température corporelle est de 37 °C. Il est donc indispensable d'introduire dans l'appareil une correction pour la température. En effet, le non-respect de cette règle conduit à une sous-estimation systématique des pressions partielles en O2et CO2affichées.

Si cette sous-estimation existe déjà pour des températures supérieures de quelques centigrades à 37 °C, elle est beaucoup plus importante lorsque la température du cheval est franchement plus élevée que 37 °C, comme c'est le cas lors de fièvre ou d'hyperthermie d'effort (figure 6).

Délai pour les analyses

Idéalement, l'analyse du sang est réalisée dans les quelques minutes qui suivent le prélèvement. En effet, le sang est un liquide “vivant” et les érythrocytes qu'il contient continuent à “respirer”, consommant de l'O2et rejetant du CO2.

Si l'analyse des gaz sanguins n'est pas effectuée immédiatement, l'échantillon doit rester sur de la glace pilée (pas sur des glaçons car il peut y avoir un risque de congélation du sang) pour ralentir les processus enzymatiques et donc les métabolismes. Même refroidi, le sang doit être analysé dans l'heure qui suit, faute de quoi les résultats seraient erronés.

Interprétation des résultats : cheval au repos

Animal sain

Les valeurs normales sont différentes chez le cheval sain et chez les poulains nouveau-nés pour lesquels la PaO2est basse durant les premières heures et jours de vie (tableau 2).

Lorsque le prélèvement est effectué chez un cheval stressé (ou en douleur), l'hyperventilation qu'il présente peut se traduire par une PaO2anormalement élevée et une PaCO2anormalement basse. Le même phénomène s'observe après un effort.

Animal atteint de troubles respiratoires

La modification des gaz sanguins traduit un trouble respiratoire ou circulatoire pulmonaire, mais tous les troubles respiratoires ne s'accompagnent pas de modifications des gaz sanguins. De plus, les maladies respiratoires induisent en général plusieurs troubles fonctionnels à des degrés divers (hypoventilation et troubles de la diffusion par exemple). Ainsi, dans la pratique, il est rarement observé des modifications de gaz sanguins reflétant un seul des troubles fonctionnels précités. Pour l'examen du cheval de sport contre-performant mais non “pathologique (sans pneumonie, ni pleuropneumonie, etc.), seuls les animaux présentant une obstruction récurrente des petites voies aériennes (recurrent airway desease, RAO), et atteints de bronchospasme, peuvent éventuellement avoir des modifications des GSA mesurés au repos. Lorsque c'est le cas, les troubles fonctionnels sont généralement évidents à l'examen clinique ou lors d'un test de mécanique ventilatoire.

En revanche, les inflammations des petites voies aériennes (inflammatory airway desease, IAD), les syndromes d'inflammation trachéale, les hémor-ragies pulmonaires induites par l'exercice et les infections bactériennes secondaires n'induisent pas de trou-bles des échanges gazeux détectables au repos.

De même, les désordres cliniques ou subcliniques des voies hautes ne modifient pas, au repos, la qualité des échanges gazeux.

L'examen des GSA dans le sang prélevé au repos apporte donc rarement une information déterminante sur l'origine des troubles du cheval contre-performant. Cependant, il permet parfois de mettre en évidence les répercussions fonctionnelles d'un bronchospasme chez un cheval qui présente une crise d'obstruction récurrente des voies aériennes.

Interprétation des résultats : cheval à l'effort

Cheval de sport sain

Dans la très grande majorité des cas, chez l'homme et chez le chien, les GSA restent inchangés au cours de l'effort, quelle qu'en soit l'intensité. A contrario, il a été démontré que les chevaux de course présentent une diminution de la tension en oxygène du sang artériel (hypoxémie) lors d'effort même d'intensité relativement modérée, c'est-à-dire au-delà de 65 % de la VO2max[1, 16, 23]. Chez le trotteur et le galopeur, lors d'effort d'intensité croissante (par exemple, 1 minute à 9, 10, 11, 12, 13 m/s), une hypoxémie de plus en plus sévère (PaO2inférieure à 70 mmHg) est observée et s'accompagne d'une hypercapnie (PaCO2supérieure à 55 mmHg), apparaissant plus tardivement (à 85 % de VO2maxet plus).

L'hypoxémie d'effort, lors d'un effort intense à une vitesse maintenue constante (12 à 13 m/s) jusqu'à la fatigue (180 à 210 secondes), s'intensifie au cours du temps. Elle est donc en relation avec l'intensité, mais aussi avec la durée de l'exercice [6].

Cette observation, unique dans le monde animal (étudié), peut sembler surprenante au regard de l'augmentation spectaculaire de la ventilation en réponse à l'exercice dans cette espèce (tableau 3) [2]. Plusieurs mécanismes sont proposés pour expliquer ce phénomène et parmi les principaux (figure 7) :

– une relative hypoventilation alvéolaire, principalement liée à une limitation (saturation) des débits aériens. Celle-ci est due à diverses caractéristiques physiologiques (respiration obligatoire par le nez, compliance des voies respiratoires hautes) et morphologiques (longueur des voies aériennes, existence de rétrécissement tel le larynx) qui rendent le coût énergétique de la respiration élevé et qui contraigent le cheval à respirer à un niveau trop bas par rapport à ses besoins musculaires. Elle interviendrait pour 6 à 7 mmHg de diminution de la tension artérielle en O2à l'effort intense [1] ;

– Une inadéquation modérée du rapport V/Q. Des expériences ont montré qu'un rapport V/Q inférieur à 0,8 peut contribuer à l'hypoxémie d'effort à concurrence de 40 à 96 % de VO2maxchez le trotteur et de 25 à 80 % chez le galopeur à VO2max[14, 21] ;

– une pression partielle en O2dans le sang veineux mêlé revenant de la périphérie excessivement basse (des valeurs de PvO2de 14 mmHg ont été rapportées [1]. Ce phénomène est en relation directe avec la capacité aérobie, très élevée, des muscles (qui implique un prélèvement en oxygène très important à la périphérie) ;

– un trouble de la diffusion, principal responsable de l'hypoxémie et de l'hyper-capnie d'effort [1, 23]. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'épaississement de la membrane alvéolo-capillaire mais du fait que le débit cardiaque est si élevé que le temps de transit du sang dans la membrane alvéolo-capillaire est raccourci, à tel point que les échanges ne s'effectuent plus complètement.

Les deux derniers facteurs sont importants à considérer dans la mesure où ils influencent d'autant plus les échanges gazeux que le cheval est bien entraîné. En effet, l'entraînement augmente, d'une part, le débit cardiaque et, d'autre part, le prélèvement musculaires en O2(vu l'amélioration de la perfusion musculaire et l'augmentation des capacités aérobies de ce tissu). Ainsi, la sévérité de l'hypoxémie et l'hypercapnie d'effort dépendent aussi et de l'état d'entraînement du cheval. Des études ont confirmé cette influence de l'entraînement en montrant soit l'aggravation de l'hypoxémie d'effort avec l'entraînement chez des pur-sang, soit la relation étroite entre la VO2maxet la chute de la PaO2à l'effort maximal chez des trotteurs [4, 7, 19].

• Enfin, l'hypoxémie d'effort n'existe pas chez le poney ce qui confirme également que le phénomène est plus lié à la capacité athlétique du cheval sportif qu'à une caractéristique physiologique ou morphologique commune à tous les équidés [15].

Cheval de sport atteint de troubles respiratoires

• Toute difficulté respiratoire, même subclinique, peut influencer et aggraver l'hypoxémie d'effort. Une résistance anormale à l'écoulement de l'air liée à un trouble morphologique ou fonctionnel, des inhomogénéités de la ventilation dues à la présence de sécrétions ou de sang dans les voies respiratoires, des inflammations des petites voies aériennes sont autant de facteurs susceptibles de perturber les échanges gazeux déjà déséquilibrés lors de l'effort. Plusieurs études ont examiné l'influence des troubles respiratoires (des voies hautes ou des voies basses, ou les deux) sur l'hypoxémie et l'hypercapnie d'effort.

• Une étude rapporte les effets du bronchospasme chez des chevaux de selle atteint de RAO. Les chevaux, en rémission puis en crise, ont été comparés à eux-mêmes : l'hypoxémie au cours de l'effort est plus sévère quand ils sont en bronchospasme [3].

• Une étude portant sur des chevaux atteints de bronchiolite modérée ne montre aucune différence entre les animaux sains et les malades subcliniques [17]. De même, le fait que le cheval ait présenté une pneumonie à Rhodococcus étant poulain ne semble pas influencer ses GSA à l'effort une fois devenu adulte [13]. En revanche, dans d'autres études, des troubles subcliniques de types “IAD” et hémorragie pulmonaire s'accompagnent parfois d'hypoxémie plus sévère [9, 10, 11].

• Lors d'obstruction des voies hautes, certains auteurs ne constatent pas de différences par rapport aux chevaux sains, d'autres rapportent des hypoxémies plus prononcées mais pas systématiquement [10, 12, 20]. De tous ces travaux, il ressort que l'association de plusieurs désordres au niveau des voies hautes et/ou des voies profondes favorise l'aggravation de l'hypoxémie d'effort.

• La mesure des GSA est considérée comme un moyen d'évaluation des répercussions fonctionnelles à l'effort d'un éventuel trouble respiratoire, donc comme un outil diagnostique lors de l'examen du cheval contre-performant. Néanmoins, la mesure des GSA a ses limites.

Limite de la validité de la mesure des GSA chez le cheval contre-performant

Plusieurs difficultés rendent l'interprétation de la mesure des GSA à l'effort plus délicate qu'il n'y paraît.

Que convient-il de considérer comme anormal ?

Le plus grand problème dans l'interprétation des données est le choix de la norme. La plupart des expérimentateurs ont utilisé un lot de chevaux sains (ou considérés comme tels) comme groupe contrôle.

Dans l'étude de Durando et coll, le groupe témoin est composé de seuls pur-sang, tandis que le groupe principal comprend également des trotteurs et des chevaux d'autres disciplines [11]. Des animaux qui diffèrent notamment sur le plan de la locomotion et de leurs métabolismes à l'effort peuvent-ils être comparés ?

De plus, dans les recherches précédemment publiées, des groupes de plusieurs dizaines de chevaux sont comparés statistiquement, ce qui est scientifiquement correct.

En revanche, lors de l'utilisation clinique de la mesure des GSA à des fins diagnostiques, il est beaucoup plus discutable de tirer des conclusions en comparant un seul individu à un groupe, comme devrait le faire le clinicien équin réalisant ce test chez un cheval.

Enfin, dans aucune de ces études, il n'est fait mention du niveau d'entraînement des chevaux alors qu'il influence la sévérité de l'hypoxémie et qu'a priori il n'est pas similaire pour tous les animaux examinés. Dans cet ordre d'idée, de plus en plus de scientifiques s'accordent pour dire que la mesure des GSA à l'effort n'a de valeur que si elle s'accompagne d'une mesure simultanée de la consommation d'oxygène, ce qui, de toute évidence, n'allège pas la procédure.

Quel type d'effort réaliser ?

L'effort doit-il être standardisé ou réalisé jusqu'à épuisement ? Dans la plupart des études, les tests ont été pratiqués jusqu'à la fatigue, ce qui implique que, selon les chevaux, l'effort a une durée et une intensité différentes. Or ces deux facteurs influent sur l'hypoxémie d'effort. Il est possible d'imaginer qu'un cheval plus courageux et/ou mieux entraîné, qui a couru plus vite et/ou plus longtemps, pourrait être considéré comme atteint de troubles des échanges gazeux car sa PaO2en fin de test est plus basse que celle d'un individu moins entraîné et/ou moins volontaire.

Et en pratique ?

Concrètement, lorsque le praticien équin souhaite faire une évaluation des GSA au cours de l'effort, il se trouve confronté à plusieurs difficultés.

• La première est la pose et la fixation d'un cathéter artériel avec un prolongateur et l'accessibilité du système de prélèvement pour l'opérateur. Le test est réalisable seulement si un tapis roulant à grande vitesse est disponible.

• La deuxième est la standardisation de l'effort. Une fois de plus, celle-ci implique la quasi-obligation de travailler avec un tapis roulant. De plus, s'il est possible de trouver des propositions de protocoles déjà publiées pour les galopeurs et les trotteurs, rien de tel n'existe pour les chevaux de selle, quelle que soit la discipline considérée. En outre, le choix d'un protocole idéal est difficile : travailler en test standardisé (temps, vitesse et distance fixés) ou en test jusqu'à la fatigue.

• La troisième est la nécessité de mesurer la température artérielle du cheval testé. En effet, il est illusoire de corriger les analyses avec la température rectale, car celle-ci varie avec une inertie bien plus grande que ce qui se passe en réalité au niveau sanguin, et, de plus, elle est toujours inférieure à la température artérielle. Une microsonde thermique doit être placée dans le cathéter de prélèvement, ce qui rend la tâche plus compliquée (achat du matériel, risque d'obturation du cathéter, etc.). Une autre solution, plus invasive, consiste à descendre, par le biais d'un cathéter jugulaire (14G), une sonde thermique dans l'oreillette droite.

• La quatrième est l'absence de normes. Si certains chiffres sont disponibles (pour des trotteurs et des galopeurs), il reste néanmoins hasardeux de poser un diagnostic sur la base d'un test isolé comparé à une courbe type. L'influence de l'état d'entraînement sur les gaz sanguins à l'effort complique encore les choses (figure 8).

Les auteurs pensent donc que ce type de test n'a de valeur que si un même cheval est comparé à lui-même, avant et après un traitement médical ou chirurgical par exemple, dans un intervalle de temps suffisamment court pour que l'entraînement n'ait pas changé et à l'aide d'un test en tous points identique d'une fois sur l'autre [5, 22].

L'examen approfondi du système respiratoire du cheval contre-performant peut actuellement être réalisé de façon fiable grâce à des tests fonctionnels (mesure de la mécanique ventilatoire, endoscopie d'effort) et par l'examen des liquides respiratoires. La mesure des gaz sanguins artériels au cours de l'effort peut parfois trouver sa place dans la batterie des tests réalisés lors de l'examen du cheval contre-performant.

Néanmoins, la lourdeur de la procédure et son coût, ainsi que les limites dans son interprétation doivent être mis en balance avec le bénéfice éventuel qu'elle peut apporter dans le diagnostic d'une intolérance à l'effort.

Selon les auteurs, la mesure des GSA a sa place en médecine sportive en respectant certaines conditions. Elle doit être envisagée :

– chez des chevaux de course (vu qu'il n'existe actuellement aucune information sur les chevaux de selle et qu'il est difficile de réaliser des tests jusqu'à fatigue chez ces derniers) ;

– dans des cas bien précis, par exemple lorsqu'un trouble respiratoire est détecté et qu'il entraîne des répercussions fonctionnelles lors de l'effort ;

– en mesurant systématiquement la température sanguine ;

– en réalisant un test couplé dans un intervalle de temps limité (3 semaines au maximum) pour comparer un individu à lui-même dans deux situations cliniques différentes.

Références

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Éléments à retenir

–  L'analyse des gaz sanguins artériels n'apporte pas d'informations sur l'origine des troubles fonctionnels respiratoires.

–  L'analyse des gaz sanguins au repos apporte rarement des informations déterminantes lors de l'examen d'un cheval contre-performant.

–  Les résultats d'une analyse séquentielle des gaz sanguins artériels au cours d'un effort doivent être comparés avant et après traitement, dans un intervalle de temps suffisamment court et à l'aide d'un test identique.

Encadré 1 : Ponction artérielle chez un cheval au repos

→ La ponction artérielle au repos s'effectue préférentiellement dans l'artère carotide. L'aiguille démontée (20 G x 2” 3/4) est placée démontée en prenant les repères suivants : à la base de la gouttière jugulaire, un travers de main au-dessus de la pointe de l'épaule en direction de la hanche controlatérale. La peau est soigneusement désinfectée au préalable, mais pas nécessairement rasée. Il est conseillé de dégager la gouttière jugulaire en relevant la tête du cheval du côté opposé à la ponction et en essayant de positionner l'antérieur ipsilatéral vers l'arrière. La région est peu sensible et seul le passage de la peau peut donner lieu à une réaction.

→ Lorsque l'aiguille est dans l'artère, il en jaillit un sang rutilant, sous pression et parfois de façon pulsatile. La ponction de la veine jugulaire donne un sang beaucoup plus foncé, coulant goutte à goutte. Il est conseillé de faire une compression prolongée après le retrait de l'aiguille afin d'éviter la formation d'un hématome.

Encadré 2 : Ponction de l'artère transverse de la face

→ L'artère transverse de la face se situe en position rostrale en surface du masséter, 1,5 cm sous l'arche zygomatique et parallèle à la fissure palpébrale. Le cathétérisme de l'artère transverse de la face s'effectue sous le canthus latéral de l'œil. Certains auteurs recommandent de réaliser une anesthésie locale par injection au site de ponction de 0,2 ml de lidocaïne à 2 %. Cependant, cette injection peut entraîner un petit œdème ou un hématome dans la région, qui rend l'artère difficilement palpable, ou un blocage du nerf facial. D'autres recommandent l'application cutanée d'une pommade anesthésiante (Emla®) après une tonte de la zone, 45 minutes avant la mise en place du cathéter. Pour une efficacité optimale, le site doit être enveloppé avec un pansement occlusif pendant 30 à 45 minutes, ce qui présente quelques difficultés à cet endroit et peut donc nuire à la qualité de l'anesthésie.

→ Après rasage et asepsie rigoureuse de la région, un cathéter de dimension 18 G ou 20 G est inséré dans l'artère, repérée par palpation (attention, la veine se trouve juste à côté et peut être cathétérisée par erreur). Une fois le cathéter inséré correctement, il est connecté à un prolongateur muni d'un robinet à trois voies dont la lumière est préalablement remplie par du sérum physiologique hépariné (4 IU d'héparine/ml de NaCl 0,9 %) et rincé avec ce même liquide. L'ensemble est fixé à la peau avec de la colle super glue. La plus grande prudence est recommandée lors du retrait du cathéter et du prolongateur, car l'arrachement du matériel ainsi collé peut occasionner des dépilations relativement inesthétiques et incommodant le propriétaire. La réalisation de ce type de prélèvements au cours de l'effort implique la mesure de la température centrale soit par l'insertion d'une sonde thermique dans le cathéter artériel, soit, éventuellement, en plaçant un cathéter de Swan-Ganz dans l'artère pulmonaire, ce qui est nettement plus invasif.

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