Étude de l'administration par inhalation de cefquinome chez le cheval sain - Pratique Vétérinaire Equine n° 158 du 01/04/2008
Pratique Vétérinaire Equine n° 158 du 01/04/2008

Auteur(s) : Tatiana Art*, Emmanuelle van Erck**, Eve Ramery***, Marie Toussaint****, Audrey Fraipont*****, Marie-Christine Wagemans******, Pierre Lekeux*******

Fonctions :
*DVM, PhD, Dipl. ECEIM
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
**DVM, PhD
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
***DVM
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
****DVM
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
*****DVM
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
******DVM
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique
*******DVM, PhD
Centre de médecine sportive du cheval
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Sart-Tilman
4000 Liège
Belgique

L'intérêt et l'innocuité de la cefquinome, utilisée de manière empirique en nébulisation lors d'infection respiratoire chez le cheval, n'ont pas été démontrés. Cette étude propose une première approche de ces données.

Les pneumonies bactériennes sont la cause la plus fréquente des affections respiratoires chez le poulain et le jeune cheval. De plus, ces dernières représentent le deuxième facteur à l'origine d'une baisse de performance et d'une interruption de l'entraînement chez le cheval de sport. Le traitement de ces maladies doit souvent être prolongé, avec les inconvénients que cela entraîne en termes de coût et de complications secondaires (abcès, phlébite, déséquilibre de la flore). De plus, la biodisponibilité des principes actifs dans les voies aériennes est faible [5, 14]. Dans certains cas, l'administration des antibiotiques par aérosol permettrait de contourner ces facteurs limitants. Des études réalisées chez l'homme et certains animaux ont montré que cette voie permet d'obtenir des concentrations effectives en substance active dans le liquide épithélial pulmonaire et les muqueuses des voies aériennes [9, 15, 16]. Les doses de médicaments sont réduites, ce qui permet de minimiser les effets secondaires. Cependant, les seuls antibiotiques disponibles actuellement se présentent sous forme injectable avec un risque de réactions indésirables lorsqu'ils sont nébulisés, en raison notamment de la présence d'agents stabilisateurs et conservateurs [10].

L'antibiothérapie par aérosol est peu documentée chez les équidés. Wilson recommande, sur la base d'observations cliniques de terrain, l'administration par aérosol de gentamicine (150 mg) ou de kanamycine (400 mg) chez le poulain atteint de pneumonie [22]. McKenzie et Murray ont étudié les premiers, de façon scientifique, l'efficacité et la toxicité éventuelle d'aérosols de gentamicine [11, 13]. Récemment, Art et coll. ont démontré l'absence d'effets indésirables d'une administration unique de marbofloxacine et le fait que sa concentration alvéolaire est cinq fois et demie plus élevée après une nébulisation par rapport à l'administration d'une dose trois fois plus élevée du même antibiotique par voie intraveineuse [3].

Objectifs de l'étude

De façon empirique, certains praticiens équins traitent parfois des chevaux atteints d'une affection des voies respiratoires profondes avec des aérosols de cefquinome. Cependant, cette forme injectable contient des substances conservatrices et de support (phosphate disodique dihydraté, alcool benzylique) susceptibles d'irriter la muqueuse respiratoire, et de provoquer une toux ou un bronchospasme. De plus, aucune garantie n'existe concernant la qualité de l'aérosol obtenu, donc de la quantité de substance active déposée dans la région cible, à savoir les parties les plus profondes du poumon.

L'objectif du protocole présenté dans cet article est double.

Premièrement, il vise à démontrer l'absence d'effets indésirables lors d'un traitement de cinq jours avec du Cobactan® 4,5 % administré par inhalation, immédiatement (au cours des 15 minutes qui suivent la nébulisation) et à plus long terme (après cinq jours consécutifs de traitement une fois par jour), sur la fonction pulmonaire et le statut inflammatoire du poumon de chevaux sains. D'une part, la fonction respiratoire a été mesurée avant et après la nébulisation afin de contrôler l'absence de bronchospasme induit par le dépôt de la cefquinome dans la partie la plus profonde du poumon. D'autre part, l'absence de développement d'un processus inflammatoire dû au dépôt répété de l'antibiotique dans le poumon a été contrôlée par le comptage du pourcentage de neutrophiles dans le lavage broncho-alvéolaire (LBA) et le dosage de la myéloperoxydase (MPO), une enzyme libérée par les neutrophiles lorsqu'ils sont activés par un processus inflammatoire [2]. La fonction respiratoire a également été évaluée à la fin du protocole, afin de s'assurer qu'aucun bronchospasme ne s'est pas développé.

Dans un second temps, ce protocole se propose d'évaluer la concentration en cefquinome obtenue dans le LBA après l'administration d'un aérosol unique, par rapport à celle mesurée après cinq jours de traitement à raison d'un aérosol par jour, et de comparer ces concentrations à celles obtenues après une administration par voies intraveineuse (IV) et intramusculaire (IM).

Matériel et méthode

Population

Neuf chevaux sains (six juments et trois hongres ; poids : 514 ± 76 kg ; âge : 11 ± 6 ans) de différentes races sont utilisés. Leur statut respiratoire a été évalué grâce à un examen clinique approfondi, une analyse des gaz sanguins artériels, un bilan hématologique, une endoscopie des voies respiratoires supérieures et inférieures, une analyse cytologique du liquide de LBA et un test de la fonction pulmonaire évaluant la mécanique ventilatoire. De plus, la réactivité bronchique a été contrôlée par l'absence de réaction lors d'une exposition à du foin pendant 15 jours.

Gaz sanguins artériels

Du sang artériel est prélevé à la carotide à l'aide de seringues héparinées, puis analysé immédiatement par un analyseur de gaz sanguins (Osmetech CCA, Mannheim, Allemagne) afin d'évaluer les échanges gazeux. Les données ont été corrigées selon la température corporelle.

Tests de fonction pulmonaire

La fonction pulmonaire est évaluée par la méthode d'oscillométrie à impulsion validée pour le cheval, grâce à un IOS MasterScreen (E. Jaeger GmbH, Würzburg, Allemagne) [21, 22]. Il s'agit d'un test non invasif d'évaluation de la fonction pulmonaire par l'application de forces externes au système respiratoire. Une source d'énergie externe, ici un haut-parleur, est utilisée pour envoyer dans le système respiratoire des impulsions d'une gamme de fréquences continues comprises entre 0 et 100 Hz. Celles-ci sont dirigées, via un masque facial, dans le système respiratoire du cheval. La pose du masque sur les naseaux de l'animal doit être parfaitement étanche et, pour ce faire, il est resserré autour du chanfrein à l'aide d'une bande élastique de façon à prévenir toute fuite, à minimiser l'espace mort sans pour autant comprimer les naseaux ().

La réponse du système respiratoire à ces impulsions est analysée sous forme de signaux de débit et de pression. Ces derniers, mesurés dans le temps, sont convertis dans le domaine fréquentiel, grâce à une transformation de Fourier, afin d'obtenir la résistance (Rrs), qui caractérise la perméabilité des voies aériennes au flux d'air, et la réactance (Xrs), qui reflète les propriétés élastiques du système respiratoire ainsi que l'homogénéité de la ventilation. Seules les mesures de résistance et de réactance à 5 et 10 Hz (R5Hz, R10Hz, X5Hz et X10Hz) sont utilisées car des études précédentes ont montré qu'elles sont les plus sensibles pour évaluer les altérations de la mécanique ventilatoire dans les voies respiratoires profondes [18]. Avant chaque utilisation, le système est calibré à l'aide d'une pompe de 2 l (Medisoft, Dinant, Belgique) reliée au pneumotachographe. Les données atmosphériques (température, degré d'hygrométrie et pression barométrique) sont introduites dans le programme.

Chaque test de la fonction pulmonaire se déroule dans un box, au calme, chez des chevaux non tranquillisés.

Lavages broncho-alvéolaires

Les endoscopies sont réalisées chez les chevaux préalablement tranquillisés avec de la romifidine à la dose de 0,04 mg/kg par voie intraveineuse (Sedivet®). Les animaux sont maintenus dans un travail et un tord-nez est appliqué.

L'endoscopie et les prélèvements sont réalisés à l'aide d'un vidéo-endoscope de 2,6 m de long et de 9 mm de diamètre (Pentax, Breda, Pays-Bas) dont l'extrémité est avancée dans les voies respiratoires profondes jusqu'à se trouver bloquée dans une bronche (). Ainsi, 60 ml de sérum physiologique à température corporelle et 20 ml d'air, pour vider le canal à biopsie, sont successivement envoyés dans la région bloquée, par le biais du canal à biopsies de l'endoscope et suivant le protocole précédemment proposé par McKenzie et Murray [11]. Le liquide est récupéré par aspiration douce. Pour s'assurer que l'opération est réalisée avec succès, le liquide récolté doit contenir de la mousse provenant du surfactant alvéolaire. Sitôt le liquide de LBA prélevé, il est traité afin d'en évaluer la cytologie : 200 μl sont étalés sur une lame grâce à un cytospin (Thermoelectrocorporation, Shandon, Pittsburg, Pennsylvanie, États-Unis) à une vitesse de 800 révolutions par minute pendant 15 minutes. Les lames sont ensuite colorées à l'aide d'une coloration de May-Grünwald-Giemsa. Un comptage différentiel des cellules est effectué ensuite sur 200 cellules ().

En vue de l'analyse ultérieure de la concentration en MPO, 10 ml de lavage sont centrifugés et stockés à - 80 °C et 10 ml non traités sont stockés pour le dosage de la cefquinome.

Méthode de dosage de la myéloperoxydase

La concentration en MPO a été mesurée par une méthode précédemment décrite [8]. Tous les échantillons ont été analysés simultanément [5].

Méthode d'analyse de la concentration en cefquinome

Tous les échantillons de cette étude ont été traités simultanément.

Leur contenu en cefquinome est analysé selon la technique HPLC-MS/MS. La limite inférieure de quantification (LOQ) en cefquinome est de 15 ng/ml. Après addition d'une solution standard interne et d'eau pure ou d'acétonitrile à l'échantillon, celui-ci est vigoureusement homogénéisé sur un vortex. Après centrifugation, 100 μl de surnageant sont récupérés et dilués dans 900 μl d'acide acétique 0,1 %. La détermination de la concentration en cefquinome avec la procédure HPLC-MS/MS est conduite en utilisant une online solid phase extraction (online-SPE) en vue des extractions suivantes.

La validité du procédé d'analyse est assurée par un système de tests d'appropriation mené par l'injection répétée (n = 6) d'une solution standard qui comprend la cefquinome et le standard interne, respectivement, avant que le lot à analyser soit testé. La précision des injections répétées, considérée comme étant le coefficient de variation, doit se situer dans la marge de +/- 10 % des valeurs obtenues.

La calibration du système a été réalisée selon une procédure standard interne qui emploie un échantillon témoin et huit autres échantillons de niveaux de concentration différents (incluant la LOQ). La marge de calibration s'étend de 15 à 4 000 ng/ml. Avec cette marge, la précision des standards de calibration doit en dessous de +/- 15 % (sous 20 % pour la LOQ) ; 75 % des standards non nuls doivent répondre à ces conditions.

Les échantillons ont tous rempli les critères d'acceptabilité pour le système de test d'appropriation, les lignes de calibration et les échantillons de contrôle de qualité.

Aucune dilution d'échantillon n'a été nécessaire. Chaque lot analysé a été vérifié. Les résultats de cette étude ont été consistants, précis et reproductibles.

Protocole expérimental

Effets et dosages après une nébulisation unique de cefquinome

Chaque cheval est son propre témoin. Sept chevaux sont répartis au hasard en deux groupes respectivement de trois et quatre individus. La première semaine, le groupe 1 a inhalé de la cefquinome et le groupe 2, un volume équivalent de sérum physiologique.

La cefquinome est administrée à la dose de 225 mg par nébulisation, soit 5 ml de Cobactan® 4,5 % également distribués entre deux chambres de nébulisation (2,5 ml par chambre). La troisième chambre contient un volume équivalent de liquide physiologique (2,5 ml). L'administration se déroule dans une écurie bien ventilée, et est mise en œuvre par une personne qui porte un masque chirurgical, afin d'éviter au maximum l'inhalation de l'aérosol (). La durée de la nébulisation est de six minutes.

Les paramètres de mécanique ventilatoire, c'est-à-dire la résistance et la réactance pulmonaires des chevaux, sont évalués juste avant le début et 15 minutes après la fin de l'inhalation de cefquinome. Les éventuels effets indésirables (toux, sudation, larmoiement, tachycardie, etc.) simultanés ou consécutifs à ce traitement sont notés.

La cinétique de la cefquinome à la suite de ce mode d'administration n'est pas connue. Mais, dans la mesure où le poumon est considéré comme un compartiment central, vu sa riche vascularisation et en posant l'hypothèse que le volume de distribution de la cefquinome est similaire à celui de la gentamicine, un intervalle de 30 minutes a été choisi entre la fin de l'aérosol et la réalisation du LBA, selon la méthode décrite ci-dessus, afin de doser la MPO, la cefquinome et d'effectuer un examen cytologique.

Effets de l'administration journalière de cefquinome pendant cinq jours

Pendant les quatre jours suivants, les chevaux reçoivent (chaque jour à la même heure) une administration par aérosol de 225 mg de cefquinome ou du sérum physiologique pour les animaux témoins. Le cinquième et dernier jour (J5), le même protocole qu'au premier jour (J1) est répété, à savoir un test de la fonction pulmonaire avant et 15 minutes après la fin de la nébulisation de cefquinome, ainsi qu'un LBA 30 minutes après la fin du traitement. Après deux semaines de transition, le traitement est recommencé en inversant les groupes.

Concentration en cefquinome dans le lavage broncho-alvéolaire après des injections intraveineuse et intramusculaire

Neuf chevaux sains sont inclus. Cinq d'entre eux ont participé au protocole précédent. Les chevaux sont répartis au hasard en deux groupes respectivement de cinq et quatre chevaux. Le premier groupe reçoit de la cefquinome par voie intraveineuse et le second par voie intramusculaire. La dose est de 1 mg/kg dans les deux cas. Un LBA est réalisé 30 minutes (voie intraveineuse) et 75 minutes (voie intramusculaire) après les injections, selon la même procédure que celle effectuée lors des nébulisations. Ce lavage a servi uniquement au dosage de la cefquinome. Après deux semaines de transition, le protocole est répété en inversant les groupes.

Statistiques

Les données sont présentées sous la forme d'une moyenne plus ou moins l'erreur standard (ES). Une analyse statistique a été effectuée en utilisant le test de rang de Wilcoxon qui permet de comparer un petit nombre de données pairées. Les valeurs de réactance et de résistance du système respiratoire à 5 Hz, le pourcentage de neutrophiles et la concentration en MPO ont été comparés pour les traitements placebo et cefquinome à J1 ou J5.

Résutats

Évaluation de l'état de santé des chevaux

Sur la base des résultats de l'examen général, de l'hématologie et des tests de la fonction pulmonaire, tous les chevaux sont considérés comme sains et pouvant être inclus dans le protocole.

Effets des aérosols de cefquinome sur le système respiratoire

Observations cliniques

Aucun effet indésirable (toux, sudation, larmoiement, tachycardie, etc.) simultané ou consécutif à ce traitement n'a été noté.

Mécanique ventilatoire

Les réactance et résistance moyennes (+/- ES) à 5 Hz (X5Hz, R5Hz) mesurées avant le protocole se situent dans les normes (voir les “Réactance du système respiratoire” et “Résistance du système respiratoire”). Les valeurs X5Hz et R5Hz sont restées inchangées tout au long du protocole : aucune modification significative n'a été observée 15 minutes après la première inhalation de cefquinome à J1. Lors du cinquième jour de traitement, X5Hz et R5Hz ne diffèrent pas statistiquement de celles mesurées en prétraitement à J1 et, là encore, l'administration de l'aérosol n'a induit aucun changement.

Statut inflammatoire du poumon

Afin d'évaluer un éventuel effet inflammatoire de l'inhalation de cefquinome, deux mesures ont été effectuées dans le LBA à J1 et à J5 : d'une part, le pourcentage de neutrophiles et de macrophages alvéolaires et, d'autre part, la MPO, l'enzyme libérée par les neutrophiles lorsqu'ils sont activés, en cas d'inflammation aiguë.

Dans cette étude, le pourcentage de neutrophiles se situe dans les valeurs normales à J1, et ne diffère pas statistiquement après cinq jours de traitement à la cefquinome (voir la “Pourcentage de neutrophiles dans le lavage broncho-alvéolaire”). La concentration en MPO dans le LBA est également dans les limites normales, et n'est pas statistiquement différente après les cinq jours de traitement (voir la “Concentration en myéloperoxydase dans le lavage broncho-alvéolaire”).

Concentration en cefquinome dans le lavage broncho-alvéolaire

Trente minutes après l'aérosol, des concentrations élevées en cefquinome sont retrouvées dans le LBA (voir le “Concentrations individuelles en cefquinome dans le lavage broncho-alvéolaire chez sept chevaux sains”). En revanche, pour la plupart des chevaux, les concentrations en cefquinome dans le LBA 75 minutes après une administration par voie intramusculaire et 30 minutes après une administration par voie intraveineuse se trouvent en dessous du seuil de détection, à savoir 15 ng/ml.

Seul un cheval dans la série “voie intraveineuse” présente un taux de cefquinome mesurable de 16,89 ng/ml et deux chevaux dans la série “voie intramusculaire” des taux de 16,24 et 15,97 ng/ml respectivement.

La concentration en cefquinome varie d'un cheval à l'autre, mais, pour un même individu, le niveau est très proche entre J1 et J5.

Discussion

Considérations méthodologiques

Le choix de la cefquinome dans ce protocole a été justifié par le fait que certains praticiens équins traitent des chevaux atteints d'une affection des voies respiratoires profondes avec des aérosols de cefquinome. Étant donné son efficacité vis-à-vis de la majeure partie des agents pathogènes équins isolés lors d'infections du tractus respiratoire chez le cheval adulte, il semble judicieux d'étudier cette voie d'administration afin de pouvoir l'ajouter, dans certains cas, à la batterie thérapeutique des maladies respiratoires du cheval.

Sur le plan méthodologique, une attention particulière a été apportée à la standardisation de l'administration du produit (même nébuliseur, même opérateur, même heure d'administration) et de la technique des LBA. De petits volumes de sérum physiologique (60 ml) ont été utilisés pour effectuer ces LBA afin de minimiser l'effet de dilution du liquide épithélial pulmonaire. Des méthodes ont été proposées pour mesurer le facteur de dilution du liquide épithélial pulmonaire dans le liquide réaspiré lors du LBA, mais leur fiabilité ne fait pas l'unanimité. Nous avons donc préféré ne pas calculer de facteurs de dilution et donner les résultats exprimés en ng/ml. Il ne s'agit en aucun cas de concentration minimale inhibitrice (CMI) mais de concentration en cefquinome dans le LBA. Étant donné que, pour l'ensemble des lavages (administrations par aérosol, IV et IM), le pourcentage de récupération va de 19 à 33 %, la variation de la dilution du liquide épithélial pulmonaire d'un échantillon à l'autre n'explique en rien la large variation de concentrations en cefquinome rapportée.

Une certaine variabilité de concentrations dans les LBA après aérosol a également été observée par McKenzie et Murray et Art et coll. [3, 11]. Il est probable que, parmi d'autres facteurs, la stratégie respiratoire des chevaux (c'est-à-dire le volume courant et la fréquence respiratoire) et la morphologie de leur tractus aérien soient responsables de la différence de quantité de produit déposé dans les voies respiratoires profondes [6].

Tolérance du système respiratoire à la procédure

Comme mentionné précédemment, les substances injectables présentent un risque potentiel d'effets toxiques sur les tissus et la fonction pulmonaires, car, en plus du principe actif, elles contiennent des agents stabilisateurs et conservateurs qui pourraient induire certains effets secondaires.

L'administration de cefquinome par aérosolthérapie a été bien tolérée par les animaux. Aucun effet indésirable n'a été détecté chez les chevaux pendant la période d'observation clinique. Aucun des paramètres mesurés n'a été significativement modifié, qu'il s'agisse de l'examen clinique ou des tests évaluant objectivement la mécanique ventilatoire et le statut inflammatoire du poumon des chevaux. Il convient néanmoins de limiter ces conclusions à une administration de l'antibiotique à des chevaux sains, qui ne sont donc pas atteints d'une hyperréactivité bronchique. En effet, ce protocole ne permet pas d'affirmer l'innocuité de la cefquinome lors d'administrations répétées à des chevaux malades. En médecine humaine, à la suite de l'administration d'antibiotiques par aérosol, une bronchoconstriction a été rapportée à plusieurs reprises, elle-même induite par des irritations dues à la substance active, certains des agents stabilisateurs ou à la tonicité du produit. Ces réactions secondaires ont néanmoins été neutralisées par l'administration préventive d'un bronchodilatateur [4, 11].

Dépôt dans le poumon

Aucun antibiotique n'est pour le moment conditionné pour l'aérosol-thérapie, quelle que soit l'espèce considérée. Les substances injectables sont utilisées et mises sous forme d'aérosol grâce à un nébuliseur à haute pression ou ultrasonique. Pour que l'aérosol se dépose correctement dans les voies respiratoires profondes, les particules générées doivent avoir une taille comprise entre 0,2 et 5 μm [20, 21]. Des essais ont montré que la concentration du principe actif dans la solution est un facteur qui influence la taille des particules nébulisées [12, 21]. Dans cette étude, la concentration de la solution à nébuliser a été choisie de façon empirique, en s'inspirant de ce qui est pratiqué sur le terrain (45 mg/ml). Il serait intéressant de contrôler, in vitro, que la qualité de l'aérosol ainsi obtenue est optimale.

Dans cette étude, l'administration de cefquinome par aérosolthérapie à des chevaux sains s'accompagne de concentrations en antibiotique dans le LBA plus élevées que celles obtenues par les voies intraveineuse et intramusculaire. Cela va dans le même sens que les observations de McKenzie et Murray et Art et coll., concernant respectivement la gentamicine et la marbofloxacine [3, 11].

Dans leur essai, McKenzie et Murray ont déterminé que la concentration en gentamicine dans le LBA est 12 fois supérieure après aérosol qu'après injection intraveineuse d'une dose trois fois plus élevée [11]. Dans la présente étude, la concentration en cefquinome obtenue dans les LBA 30 minutes après un aérosol est en moyenne de 539,34 (+/- 366,74) ng/ml, alors que celles obtenues 30 minutes après injection intraveineuse et 75 minutes après injection intramusculaire sont dans tous les cas inférieures à 15 ng/ml, excepté pour deux chevaux.

L'obtention, dans le tractus respiratoire, d'une concentration plus élevée que celle obtenue par injections intraveineuse et intramusculaire, avec des doses moindres, pourrait être un avantage de l'administration d'un antibiotique par aérosol. Cependant, cette conclusion doit être envisagée avec prudence.

En effet, si la concentration en antibiotique dans le LBA est plus élevée, à l'inverse, elle est probablement plus basse dans le tissu pulmonaire lui-même qu'après injection, ce qui est un inconvénient.

La réalisation de biopsies pulmonaires permettrait de préciser ce point. De plus, la cefquinome est un antibiotique temps-dépendant dont l'activité bactéricide est déterminée par le temps pendant lequel la concentration en antibiotique dépasse la CMI (contrairement aux antibiotiques concentration-dépendants, avec lesquels il convient de largement dépasser la CMI pour exercer un effet maximal et limiter l'apparition de résistances). Son activité bactéricide vis-à-vis des agents pathogènes majeurs du système respiratoire du cheval a été observée in vitro pour des doses proches de la CMI (entre une et quatre fois la CMI), laquelle est relativement basse envers les principaux agents pathogènes respiratoires (estimée in vitro à 16 ng/ml pour Streptococcus zooepidermicus) [1, 17].

Pour traiter une infection avec un antibiotique temps-dépendant, il convient d'administrer trois ou quatre doses d'antibiotique par jour, afin d'en garder la concentration au-dessus de la CMI tout au long de l'intervalle séparant deux traitements [14]. L'intérêt des très hautes concentrations en cefquinome dans le LBA est donc discutable, et, dans le cas de la cefquinome administrée par aérosol, le choix d'une dose plus faible, mais d'une fréquence d'administration plus élevée, serait approprié.

Néanmoins, l'effet postantibiotique de la cefquinome permet en principe une utilisation biquotidienne pour les bactéries à Gram- et unique pour les bactéries à Gram+. Seule une cinétique de la clairance pulmonaire du produit, fondée sur la répétition de LBA, permettrait de préciser in fine quelle est la stratégie d'administration la plus pertinente.

Limite de la procédure et précautions à respecter

Si cette étude met en évidence l'absence d'effets secondaires pulmonaires mesurables avec des aérosols de cefquinome, ainsi qu'une bonne déposition pulmonaire, lors du choix de l'instauration d'un traitement par aérosolthérapie, les inconvénients de ce mode d'administration ne doivent cependant pas être négligés.

En cas d'obstruction bronchique ou de consolidation pulmonaire, le principe actif peut ne pas être correctement distribué dans les zones pulmonaires desservies par des bronchioles subobstruées ou obstruées. L'administration conjointe ou antérieure d'un bronchodilatateur permet de résoudre partiellement cette difficulté. En revanche, lorsque le parenchyme pulmonaire est consolidé, l'antibiothérapie par nébulisation devient peu efficace. Il semblerait néanmoins, d'après Elman et coll., que même les zones les moins bien ventilées du poumon présentent des concentrations en agent antibiotique plus élevées après une nébulisation comparativement à une injection intraveineuse [7]. Cependant, l'administration d'un antibiotique, uniquement par nébulisation, n'est pas suffisante en cas de consolidation du parenchyme pulmonaire, mais elle peut être une solution complémentaire à une antibiothérapie par voie orale ou parentérale.

Les dosages sanguins postnébulisation de gentamicine et de marbofloxacine ont mesuré des taux extrêmement bas d'antibiotiques dans le sérum, le passage systémique peut donc être considéré comme négligeable [3, 11]. Et c'est sans doute le cas également pour la cefquinome. Bien qu'aucun essai ne l'ait démontré, il est probable que l'inflammation augmente le risque de “passage”.

L'utilisation des nébuliseurs à compresseur ou ultrasoniques implique une procédure longue. Le fait de devoir répéter fréquemment l'opération constitue incontestablement un frein à cette voie d'administration, surtout lors de traitement de longue durée. De plus, l'équipement nécessaire à l'administration doit être disponible.

Enfin et surtout, aucune autorisation de mise sur le marché n'a été enregistrée pour cette voie d'administration. Elle est donc, à ce jour, illégale.

La contamination de l'air ambiant par l'antibiotique est inévitable avec les nébuliseurs générant l'aérosol de façon continue. Cela pose un réel problème de santé publique et représente un danger potentiel pour les personnes qui soignent le cheval. C'est pourquoi le traitement dans un local bien ventilé, ou à l'extérieur, ainsi que le port d'un masque chirurgical pendant la durée de la nébulisation sont impératifs. Le vétérinaire, garant de la santé publique, doit prendre ces données en considération et en avertir son client.

À l'issue de cette étude, l'absence d'effet indésirable sur la fonction respiratoire de la cefquinome administrée par aérosol a été mise en évidence chez des chevaux sains. L'aérosol généré de cette façon pénètre suffisamment les voies respiratoires pour se retrouver en concentrations élevées dans le liquide épithélial pulmonaire.

Ces résultats sont encourageants et devraient stimuler la mise en œuvre d'études ultérieures, notamment sur la détermination de doses et de fréquences d'administration appropriées. L'absence d'éventuels effets secondaires chez les chevaux en état d'hyperréactivité bronchique devrait également être contrôlée car l'antibiothérapie par aérosol pourrait, dans certains cas, trouver une place dans la batterie thérapeutique équine, tout en respectant la législation en place dans chaque pays.

  • Les auteurs remercient Ilham Sbaï et Jean-Clément Bustin pour leur aide technique, Martine Leblond pour la typographie de ce manuscrit, Fabienne Pyr pour le prêt de ses chevaux, Phillipe Ascher pour la fourniture de la cefquinome et Catherine Delguste pour ses conseils scientifiques.

Éléments à retenir

> Aucun antibiotique n'est enregistré pour être utilisé par aérosol.

> L'utilisation empirique d'un antibiotique par aérosol peut se solder par un échec si la taille des particules est inadéquate à leur pénétration dans l'arbre respiratoire profond ou même être délétère si la spécialité contient des substances susceptibles d'irriter les muqueuses respiratoires.

> L'administration de cefquinome par aérosol pendant plusieurs jours n'entraîne pas d'effets indésirables mesurables sur les poumons du cheval sain et permet d'obtenir une concentration importante en cefquinome dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire.

> Aucune étude n'a mis en évidence une efficacité supérieure de l'administration d'un antibiotique par aérosol par rapport à la voie systémique.

Références

  • 1 - Allan MJ, Thomas E. Pharmacokinetics of cefquinome after parenteral administration in the horse. In : Proceedings of the 9th International European Association for Veterinary Pharmacology and Toxicology Congress, Lisboa, Portugal. 2003 : A-28.
  • 2 - Art T, Franck T, Lekeux P, de Moffarts B, Couëtil L, Becker M, Kohnen S, Deby-Dupont G, Serteyn D. Myeloperoxidase concentration in bronchoalveolar lavage fluid from healthy horses and those with recurrent airway obstruction. Can. J. Vet. Res. 2006 ; 70 : 291-296.
  • 3 - Art T, de Moffarts B, Bedoret D, van Erck E, Lekeux P. Pulmonary function and antimicrobial concentration after marbofloxacin inhalation in horses. Vet. Rec. 2007 ; 161 : 348-350.
  • 4 - Chua HL, Walker SL, LeSouef PN, Sly PD. Comparison of efficacy of salbutamol and sodium cromoglycate in the prevention of ticarcillin-induced bronchoconstriction. Pediatr. Pulmonol. 1993 ; 16 : 311-315.
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