Épidémiologie des troubles métaboliques chez les chevaux d'endurance - Pratique Vétérinaire Equine n° 157 du 01/01/2008
Pratique Vétérinaire Equine n° 157 du 01/01/2008

Auteur(s) : Caroline Langlois*, Céline Robert**

Fonctions :
*DVM
58, avenue des Pages
78110 Le Vésinet
**DVM, PhD
ENV d'Alfort
UP d'anatomie
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort

Une étude réalisée sur 946 chevaux permet de mieux cerner les facteurs prédisposants aux troubles métaboliques lors des courses d'endurance, deuxième discipline équestre internationale.

L'endurance équestre relève de la FEI (Fédération équestre internationale) et de la FFE (Fédération française d'équitation) au niveau national. Il s'agit de la deuxième discipline équestre française et internationale, derrière le concours de saut d'obtacles (CSO), par le nombre d'épreuves concourues, mais aussi par celui de participants. Lors d'épreuves d'extérieur chronométrées, des couples cheval-cavalier parcourent un itinéraire imposé et balisé, de distance variable, de 20 à 160 km sur une journée selon le niveau de compétition. Sur toutes les épreuves officielles, des contrôles vétérinaires sont assurés tous les 20 à 40 km afin de vérifier l'aptitude du cheval à continuer la course, car ce sport sollicite considérablement l'organisme des animaux (voir l'encadré “Physiologie de l'effort lors d'une course d'endurance”).

Malgré l'approfondissement des connaissances relatives à l'effort et l'amélioration des contrôles et des soins vétérinaires, une proportion non négligeable de chevaux présentent, pendant les épreuves ou à leur issue, des troubles métaboliques de sévérité variable, dont le pronostic sportif, mais aussi vital, est quelquefois sombre [2, 4, 18]. Cet aspect de la discipline n'a aucune justification éthique, et nuit gravement à l'image de ce sport.

Afin de mieux connaître et de prévenir les troubles métaboliques développés par les chevaux pendant les courses d'endurance, une vaste étude descriptive a été menée en 2003 sur les CEI/CEN et CEI/CEN (concours de raid d'endurance international ou national) qui se sont déroulés en France. Les deux objectifs complémentaires étaient, d'une part, de recenser et de décrire ces affections, et, d'autre part, de mettre en évidence de possibles facteurs de risque associés à leur apparition.

Description de l'étude

Récolte des données

L'étude porte sur 946 chevaux inscrits pour 16 des 20 CEI/CEN et CEI/CEN ayant eu lieu en France entre avril et octobre 2003. Elle repose sur deux protocoles complémentaires :

(1) un questionnaire destiné à tous les cavaliers, portant sur les caractéristiques physiques (sexe, race, âge, taille, poids, etc.), la carrière et la gestion de leur cheval (alimentation et habitat), sur leur expérience personnelle et sur la gestion de la course (entraînement, transport jusqu'au site de l'épreuve, etc.) ;

(2) une fiche destinée aux vétérinaires traitants, relevant, pour chaque cheval soigné, les signes cliniques et leur sévérité, le diagnostic établi, les traitements entrepris et l'évolution des troubles.

De plus, les conditions climatiques (température à l'ombre ; hygrométrie relative) et le récapitulatif des performances de chaque candidat ont été relevés pour chaque course.

Analyses des données

Les chevaux ont été répartis en trois catégories en fonction de leur résultat en course :

- le groupe A regroupe les animaux qui ont terminé la course avec succès et qui ont été classés ;

- le groupe B rassemble les individus qui ont développé des troubles métaboliques ayant nécessité des soins ;

- le groupe C correspond aux chevaux qui ont été éliminés pour boiterie, à la suite de l'abandon du cavalier ou pour une cause métabolique n'ayant pas nécessité de soins.

Seuls les chevaux des groupes A et B, bien discriminés, ont été retenus pour l'analyse. Les données relatives à ces deux ensembles ont été comparées à l'aide du test du χ2 afin de déterminer d'éventuelles relations statistiques entre l'apparition de troubles métaboliques et différents paramètres liés aux caractéristiques et à la préparation des chevaux, ou au déroulement des courses. À titre indicatif, les risques relatifs ont été calculés lorsque les deux groupes étaient statistiquement différents pour le facteur considéré (quand p < 0,05 et, plus relativement, quand p < 0,1).

Pour chaque course, la moyenne des valeurs de température ambiante à l'ombre (T°) et d'humidité relative (HR) relevées au départ, à chaque site de contrôle et à l'arrivée a été calculée. Puis les courses ont été réparties en fonction des conditions météorologiques en “fraîches et sèches” (T° ≤ 22 °C et HR ≤ 50 %), “fraîches et humides” (T° ≤ 22 °C et HR > 50 %), “chaudes et sèches” (T° > 22 °C et HR ≤ 50 %) et “chaudes et humides” (T° > 22 °C et HR > 50 %).

Caractéristiques des courses et des concurrents

Courses et taux de réponse

L'analyse des conditions météorologiques montre que les courses se répartissent entre deux grands types de temps : un début et une fin de saison caractéristiques (frais et humides), et un été chaud. C'est en effet cette année-là que la France a connu un épisode caniculaire.

Neuf cent quarante-six couples cheval/cavalier ont pris part aux épreuves, avec une répartition très variable (de 18 à 110) selon les raids (voir le “Caractéristiques générales des courses”). Parmi eux, 789 (soit 83,4 %) ont rendu leur questionnaire, en répondant plus ou moins précisément aux 22 questions posées.

Chevaux concurrents

Les chevaux engagés sur les CEI et sont âgés de 9 +/- 2 ans (moyenne +/- écart type), avec des écarts significatifs de six ans (âge minimal autorisé en CEI) à 17 ans (aucune limite d'âge maximale). Ces variations sont identiques à celles retrouvées dans d'autres publications [10, 11, 19].

Presque 90 % des candidats sont des hongres ou des femelles (respectivement 45,6 et 44,2 %). Cette donnée correspond à celle de la Tevis Cup de 2003 [19]. Les entiers sont peu nombreux, probablement en raison de leur caractère parfois difficile à gérer, et de leur comportement peu compatible avec des départs groupés et la promiscuité avec les autres chevaux lors des contrôles vétérinaires. Plus de la moitié des chevaux (52,3 %) sont des pur-sang arabes ou des croisés arabes. Viennent ensuite les chevaux de selle (27,1 %), les animaux d'origine inconnue (8,6 %) et les anglo-arabes (7,8 %).

Cette dominance des chevaux arabes, très endurants, peu exigeants et particulièrement adaptés au travail en métabolisme aérobie, est rapportée dans la majorité des études chez les chevaux d'endurance [2, 4, 6, 8]. Presque la moitié des candidats sont de couleur grise (47,1 %), ce qui s'explique par la prédominance de cette robe chez les chevaux arabes, très représentés dans cet essai. Les robes baies et alezanes représentent chacune environ un quart des participants (respectivement 23 et 25,5 %).

Les candidats sont globalement de petit gabarit : 154 +/- 5 cm au garrot et 410 +/- 50 kg en moyenne. Ces valeurs correspondent aux standards de taille chez les chevaux arabes. En effet, dans notre étude, la taille moyenne de tous les pur-sang arabes est de 153 cm, ce qui s'accorde avec les standards de la race établis par les Haras nationaux (entre 146 et 156 cm au garrot) () [12]. Les cavaliers ont qualifié l'état corporel de leur monture de normal pour 89,3 % des chevaux, d'excessif pour 8,4 % et de maigre pour 2,3 %.

Éliminations pendant les épreuves

Le taux d'éliminations varie de 20 à 67,9 % selon les courses, avec une moyenne de 48 % (voir le “Prévalence, répartition et motifs des éliminations”). Cette valeur est comparable aux chiffres publiés lors d'autres épreuves encadrées par la Fédération équestre internationale, notamment la coupe du monde au Qatar en 1997 (56,5 % d'éliminations), ou celle de 1998 à Dubaï (55,1 %) [4].

Les causes d'élimination sont de trois sortes : trouble métabolique (14,5 % du total des concurrents et 29,3 % des chevaux éliminés en moyenne), boiterie (25,1 % des concurrents et 51,8 % des chevaux éliminés) et abandon du cavalier (5,2 % des concurrents et 12,7 % des chevaux éliminés).

Dans la plupart des cas, les éliminations pour boiterie sont plus nombreuses que celles pour cause métabolique. Dans notre étude, l'inverse s'est notamment produit lors des épreuves du Pin et de Moulins-Engilbert, en raison d'un climat particulièrement chaud (respectivement 27 et 30,7 °C en moyenne).

En moyenne, 12,5 % des candidats ont nécessité des soins, dont 84,5 % (soit 10,5 %) pour des troubles métaboliques ().

Ces chiffres sont comparables à ceux d'autres études, notamment l'essai mené rétrospectivement entre 1998 et 2001 [18].

Plus de la moitié des éliminations pour boiterie ont lieu lors des première et deuxième étapes (voir la “Répartition des éliminations et des soins selon l'avancement de la course”).

Les éliminations pour cause métabolique, avec recours aux soins vétérinaires sont les plus fréquentes au cours des troisième et quatrième étapes. Un certain délai paraît nécessaire à l'installation des troubles électrolytiques responsables des altérations métaboliques. La répartition des chevaux soignés suit logiquement celle des animaux éliminés pour cause métabolique.

Troubles métaboliques survenus pendant les épreuves

Plus de la moitié des chevaux soignés ont présenté des signes de fatigue et de déshydratation (voir la “Prévalence des symptômes observés chez les chevaux traités”).

Les symptômes digestifs (colique, anorexie, diarrhée), urinaires (difficultés à uriner, urines anormalement colorées) et locomoteurs (boiterie, raideur, crampe) sont assez fréquents, respectivement 40,5, 32,9 et 29,1 %. Ils sont typiques des troubles classiquement décrits en endurance [18]. Les diagnostics les plus souvent établis par les vétérinaires traitants (voir la “Prévalence des affections diagnostiquées”) sont les déséquilibres hydro-électrolytiques (28,6 %), les coliques (18,8 %), puis l'épuisement et la myopathie d'effort (14,3 %). Là encore, ces dominantes pathologiques sont les plus souvent recensées [18].

La gravité de l'atteinte est jugée légère à modérée pour environ deux tiers (66,7 %) des cas traités, et marquée voire sévère pour plus de 30 % des cas (soit 3 % des partants), risquant d'être préjudiciable à la carrière sportive des chevaux (voir la “Répartition des chevaux en fonction de la gravité de l'affection”).

En moyenne, à la suite des traitements mis en place, les chevaux vont mieux après un peu moins de deux heures (de quelques minutes à 12 heures au maximum), et sont cliniquement rétablis après 4 h 30 en moyenne.

L'amélioration de l'état de santé des animaux est en général rapide. Le lendemain de l'épreuve, plus des trois quarts des chevaux ne manifestent plus de signe préoccupant (voir la “Répartition des chevaux traités en fonction de l'évolution de leur état de santé au lendemain de l'épreuve”). Néanmoins, le lendemain de l'épreuve, l'état de santé de près de 15 % des chevaux reste inquiétant.

Corrélations entre différents paramètres et l'apparition de troubles métaboliques

Paramètres individuels

Statistiquement, il se trouve 1,6 fois moins de hongres que de juments et d'entiers dans le groupe B (chevaux soignés) que dans le groupe A (chevaux classés) (p < 0,05).

D'une part, les hongres semblent être les plus faciles à gérer pour cette discipline. La nervosité des entiers les rend plus sensibles aux troubles métaboliques : l'énervement dû au comportement sexuel les épuise souvent avant la fin de l'épreuve.

D'autre part, les femelles seraient plus sujettes à la fatigue, et pourraient présenter des baisses de performance à certains moments de leur cycle, notamment pendant leurs chaleurs [19]. Dans notre étude, en effet le groupe B contient 1,8 fois plus de juments en chaleurs au moment de l'épreuve par rapport au groupe A (p < 0,1). L'administration d'altrénogest (Régumate®), qui permet de réduire les manifestations des chaleurs, et autorisée en compétition FEI depuis 2003, semble donc intéressante [7].

Aucune différence significative entre les groupes A et B concernant la race des candidats n'est relevée. Aucune publication ne présente le critère racial comme un facteur de risque de développement de troubles métaboliques. De nombreux auteurs affirment, en effet, que de nombreuses races conviennent à l'endurance, et que tous les chevaux courageux, vigoureux et résistants peuvent s'adapter à cette discipline [8, 9, 11].

Statistiquement, 1,7 fois plus de chevaux ont un âge supérieur à la moyenne (neuf ans) dans le groupe B que dans le groupe A (p < 0,05). Ces chevaux, a priori plus expérimentés, sont sans doute davantage poussés par leur cavalier.

Mais, avec les années, ils accumulent les séquelles métaboliques de leurs anciennes courses, ce qui peut accélérer l'apparition de troubles. À l'inverse, les animaux plus jeunes, moins expérimentés, sont la plupart du temps ménagés par leur cavalier. Ils ne sont évidemment pas à l'abri des atteintes métaboliques, mais, sur le terrain, ils sont en général plus sujets aux boiteries.

• Statistiquement, 1,7 fois plus de chevaux ont une taille supérieure à la moyenne (154 cm), et 2,2 fois plus d'animaux sont considérés en surpoids dans le groupe B par rapport au groupe A (p < 0,05 et p < 0,01 respectivement).

Cela est interprété assez simplement dans les publications parues sur ce sujet. D'une part, les chevaux plus grands ou plus gras doivent fournir plus d'énergie que les autres pour un effort identique, et, d'autre part, les capacités de thermorégulation sont fortement réduites lorsque le taux de graisse augmente, en constituant une couche trop isolante [3, 5, 8, 11, 16].

À l'inverse, statistiquement, 1,2 fois plus de chevaux ont un poids inférieur à la moyenne (410 kg) dans le groupe B que dans le groupe A (p < 0,1). Cela pourrait s'expliquer par le fait que, en dessous d'un certain poids, les réserves énergétiques ne sont pas suffisantes pour accomplir un effort de très longue durée [11].

En comparant chaque robe aux autres, ainsi que la répartition des robes claires (grise, blanche et rouanne), intermédiaires (alezane, isabelle, pie, café-au-lait, palomino et aubère) et sombres (baie et noire), aucune différence significative entre les groupes A et B n'a pu être mise en évidence. De même, aucune relation statistique n'a émergé en comparant la répartition des chevaux aux poils courts, tondus ou longs dans les groupes A et B. Cependant, ces facteurs physiques pourraient influencer l'apparition de troubles métaboliques. En effet, plus les phanères sont développées et plus la couleur de la robe est foncée, plus la thermorégulation est difficile [3, 5, 11].

• Les chevaux ayant déjà participé à deux épreuves dans la saison ont été 1,2 fois plus souvent atteints d'un trouble métabolique que ceux qui n'ont pas couru, ou qui ont participé à un seul CEI ou CEN, et 1,1 fois plus que ceux qui ont couru plus de deux fois (p < 0,05). De plus, les cavaliers des groupes A et B qui se déclarent débutants ou amateurs ont participé en moyenne à un peu moins d'un CEN ou CEI dans l'année (0,88 en moyenne). Ainsi, quel que soit le niveau de leur cavalier, les chevaux ayant couru moins de deux épreuves importantes dans l'année sont sans doute moins fatigués, donc moins susceptibles de développer des troubles métaboliques. À l'inverse, les animaux ayant participé à plus de deux CEN ou CEI correspondent logiquement aux cavaliers plus expérimentés et risquant moins de mener leur monture à l'épuisement.

Entretien des chevaux

• Les chevaux ont été répartis en fonction de leur rationnement et des recommandations pour ce type d'effort, soit de 0,75 à 1,5 % du poids vif en fourrages, et de 1 à 1,25 % du poids vif en concentrés [13, 17].

Nous avons ainsi distingué cinq groupes :

- ration similaire aux recommandations ;

- bonne quantité de fourrages mais trop ou pas assez de concentrés ;

- bonne quantité de concentrés mais trop ou pas assez de fourrages ;

- sous-alimentation ;

- suralimentation.

Pour ces critères, nous n'avons pu mettre en évidence aucune différence significative entre les groupes A et B, ce qui semble contradictoire avec le fait que le rationnement des athlètes que sont les chevaux d'endurance doit être scrupuleusement respecté.

Néanmoins, la plupart des réponses aux questions concernant ces critères étaient incomplètes, ces résultats doivent donc être considérés avec prudence.

• Aucune différence significative n'est révélée entre les groupes A et B concernant le temps passé par les chevaux au box ou au pré : cinq heures de box en moyenne pour le groupe A et 4 h 40 pour le groupe B. Les animaux peu habitués à dormir au box auraient pu développer un stress important la nuit avant l'épreuve, et être ainsi plus exposés à des troubles métaboliques. Cependant, à ce niveau de compétition, la plupart des chevaux commencent à être habitués aux conditions de course, et sont donc moins sensibles à ce genre de changement.

Préparation et déroulement des épreuves

• Les candidats mettent en moyenne 4 h 45 pour se rendre sur le site (4 heures pour le groupe A et 5 h 30 pour le groupe B). Statistiquement, 1,6 fois plus de chevaux ont mis moins de 5 heures pour rejoindre le lieu de l'épreuve dans le groupe B que dans le groupe A (p < 0,1). Cela paraît en contradiction avec ce que décrivent certains auteurs (les longs trajets en van sont source de fatigue et de déshydratation).

Cependant, la majeure partie des animaux traités a peu d'expérience à ce niveau de compétition. Or, en France, les chevaux sont souvent d'abord testés sur des épreuves proches de chez eux : seuls les animaux qui ont fait leurs preuves sont engagés sur des courses plus éloignées [3].

• Il s'écoule en moyenne 37 heures entre le moment de l'arrivée sur le site et le départ de l'épreuve. En classant les chevaux en fonction de la durée de leur acclimatation aux conditions de l'épreuve parmi ces catégories : moins d'une demi-journée, moins d'une journée et moins de deux jours, puis en comparant leur répartition dans les groupes A et B, aucune différence significative n'a pu être mise en évidence. Cela s'explique peut-être par le fait que la majorité des candidats venaient de France, et que les différences de climat au sein de notre pays sont minimes, et ne nécessitent pas de véritable adaptation. En effet, les deux semaines d'acclimatation recommandées dans certains articles le sont lors d'épreuves se déroulant dans des conditions extrêmes, notamment dans le désert [3, 5].

• Les chevaux sont nourris pour la dernière fois en moyenne 4 h 10 avant le départ de la course dans le groupe A et 3 h 45 dans le groupe B. Cet intervalle varie dans les deux ensembles entre 30 minutes et 12 heures avant l'épreuve. Nous avons classé les chevaux en fonction du type de ration reçue et du délai entre ce repas et le début de l'effort, mais aucune différence statistiquement significative n'existe entre les groupes A et B en ce qui concerne cet aspect de la gestion de l'animal avant la course. Il est pourtant préconisé de ne pas nourrir les chevaux dans les deux à trois heures précédant l'effort, une surcharge gastro-intestinale pendant l'exercice pouvant se révéler fortement préjudiciable [13, 17].

Cependant, en endurance, les chevaux ont l'habitude d'être nourris pendant les pauses sur le parcours, donc de courir peu après un repas.

• Il existe une bonne corrélation entre la température extérieure et le nombre de chevaux ayant nécessité des soins (voir la “Relation entre la température ambiante et la proportion de chevaux soignés”). En effet, en dessous de 20 °C, la proportion de chevaux traités n'excède pas 6 %. Au-delà de cette température, le taux augmente rapidement. Afin de confirmer cette hypothèse sur le plan statistique, nous avons, pour chacune des catégories de climats, comparé le nombre de chevaux dans les groupes A et B. L'association statistique entre la température et le taux d'animaux soignés est très significative : l'incidence des troubles métaboliques est 2,1 fois plus élevée par temps chaud que par temps frais (p < 0,001).

De nombreux articles décrivent l'influence des conditions météorologiques sur les performances des chevaux pendant l'effort [1, 3, 5, 14, 15]. Plus il fait chaud et humide, plus la dissipation de la chaleur produite par l'effort est difficile, car l'évaporation de la sueur est moindre [5].

Dans notre étude, aucun lien entre l'humidité relative et l'apparition des troubles n'a été noté. Cependant, les taux d'humidité relevés dans notre enquête n'atteignent pas les extrêmes qui peuvent nuire aux mécanismes de thermorégulation, parfois observés dans certains pays.

• Trente et un pour cent des cavaliers du groupe B ont proposé une explication au développement d'un trouble métabolique chez leur monture. Pour 22,2 % d'entre eux, il s'agit de facteurs individuels (cheval stressé, jument en chaleurs, animaux ayant déjà présenté des troubles métaboliques).

Les données climatiques, et en particulier un temps trop chaud, sont également citées par 22,2 % des cavaliers. Ensuite, par ordre décroissant d'importance, les autres facteurs identifiés sont des anomalies pendant la course (18,5 %), des erreurs dans la gestion de l'alimentation (14,8 %), un transport jusqu'au lieu de course jugé trop fatigant (11,1 %), et un entraînement mal conduit (7,4 %).

Enfin, un cavalier (soit 3,7 % des causes identifiées) a estimé que son cheval, habitué à vivre tout le temps au pré, s'était énervé dans son box la nuit avant l'épreuve.

Validité de l'étude

Biais

Comme tout travail épidémiologique, cette étude présente un certain nombre de biais qui ne peuvent être ignorés. Tout d'abord, les questionnaires (pour les cavaliers comme pour les vétérinaires) n'ont pas tous été rendus dûment complétés, et certaines réponses étaient ininterprétables.

Par ailleurs, la véracité de certaines d'entre elles est certainement à relativiser : pour ne pas révéler leurs secrets, certains entraîneurs ou cavaliers ont pu répondre de façon incomplète ou inexacte à des questions jugées trop indiscrètes.

De même, l'objectivité des réponses aux questions qui demandaient de juger le cheval (sur sa conformation, par exemple) est à considérer avec précautions.

De plus, nous avons probablement sous-estimé le nombre de chevaux présentant des troubles métaboliques. En effet, certains d'entre eux ont pu les développer plus tardivement, une fois rentrés chez eux, ils n'ont donc pas été inclus dans notre étude.

Or, il peut s'agir d'affections graves, telles qu'une fourbure aiguë ou une endotoxémie, dont les conséquences sont parfois désastreuses. C'est pourquoi il serait intéressant de mettre en place une étude incluant le suivi des chevaux une fois rentrés sur le lieu de vie, afin de connaître la prévalence des troubles d'apparition retardée par rapport à la course.

Bilan

Néanmoins, le taux de retour des questionnaires a été très élevé (83,4 % des 946 participants aux épreuves étudiées ont répondu), ce qui est exceptionnel dans une étude épidémiologique, et le nombre de cas considérés est élevé au regard du peu de données disponibles chez les chevaux d'endurance.

Ainsi, nous avons pu déterminer les caractéristiques des animaux participant à ces épreuves : il s'agit typiquement de pur-sang arabes hongres, de couleur grise, de petit gabarit, et âgés de neuf ans. Nous avons aussi établi des relations statistiques entre certains paramètres et l'incidence des atteintes métaboliques, et émis l'hypothèse qu'ils pourraient constituer des facteurs de risque du développement de ces troubles.

• Des caractéristiques individuelles semblent tout d'abord favoriser leur apparition : les juments en chaleurs, les chevaux plus grands ou plus âgés que la moyenne présentent ainsi respectivement 1,8 (p < 0,1), 2,2 (p < 0,05) et 1,7 (p < 0,05) fois plus de risque.

• Certains aspects de l'expérience des candidats interviendraient : les chevaux ayant notamment accumulé les saisons d'endurance ont présenté 1,7 fois plus de troubles métaboliques que les autres (p < 0,05).

• Tout élément nuisant aux mécanismes de thermorégulation serait susceptible d'engendrer le développement de troubles : les chevaux plus gras que les autres ont ainsi été 2,8 fois plus atteints (p < 0,01), et les courses se déroulant sous un climat plus chaud induiraient 2,1 fois plus de soins (p < 0,001).

• Enfin, ponctuellement, certains cavaliers ont pu identifier les causes d'élimination de leur monture : cheval stressé, alimentation mal gérée, transport trop long pour se rendre sur le site de l'épreuve, etc.

Les résultats de ce travail, associés aux données publiées, permettent de présenter un bilan non exhaustif des conseils à suivre afin de prévenir le développement de troubles métaboliques pendant les épreuves (voir le “Récapitulatif des facteurs de prévention et de risque vis-à-vis des troubles métaboliques en endurance”).

Implication des résultats

Les résultats de cette étude s'accordent avec certains changements du règlement des courses d'endurance de longues distances ayant été adoptés en France depuis 2003 [1]. Les conditions de qualification en CEI et CEI sont désormais plus strictes, à la fois pour le cavalier et pour le cheval. Sur une période de deux années calendaires, les chevaux qui ont été éliminés deux fois de suite pour une raison métabolique, ou trois fois de suite quelle qu'en soit la cause, doivent être mis au repos pendant six mois, puis se requalifier sur deux CEN*.

Enfin, les cavaliers qui ont été disqualifiés trois fois de suite avec la même monture, ou cinq fois dans la saison avec le même cheval, doivent se requalifier sur deux CEN*. Depuis 2006, c'est sur une période de douze mois que deux éliminations consécutives induisent une mise au repos du cheval pendant six mois [16].

Toutes ces modifications, ainsi que l'application stricte des règlements, contribuent à améliorer la protection des chevaux d'endurance de haut niveau.

D'autres travaux pourraient être menés sous des climats différents, afin d'analyser l'influence de conditions extérieures plus variées et plus extrêmes. Les courses dans les déserts du Moyen-Orient, par exemple, sont fréquentes, et confrontent les chevaux à des variations de température démesurées (atmosphère très fraîche avant le lever du soleil, puis véritable fournaise dans la journée).

Les progrès dans les connaissances de l'endurance équestre doivent continuer à se focaliser sur un point précis : sauvegarder le bien-être et la santé des chevaux, tout en développant la technicité de ce sport et l'attrait du public pour cette discipline.

Notes :

  • (1) 120 à 130 km.

  • (2)140 à 160 km ou 2 x 100 km.

Éléments à retenir

> L'endurance est la deuxième discipline équestre française et internationale.

> L'endurance est un sport qui sollicite fortement l'organisme des chevaux.

> Les troubles métaboliques représentent 29,3 % des éliminations pendant les épreuves et 15 % des chevaux éliminés nécessitent des soins vétérinaires.

> Il existe trois types de facteurs associés à la nécessité de soins : les caractéristiques individuelles, l'usure, les conditions de thermorégulation.

Physiologie de l'effort lors d'une course d'endurance

> L'endurance est un exercice à vitesse modérée, d'intensité moyenne, mais de longue durée. L'énergie nécessaire pendant cet effort est donc principalement issue du métabolisme aérobie des acides gras et du glycogène dans les fibres musculaires à contraction lente et intermédiaire. Celui-ci peut être résumé par l'équation suivante :

Substrats énergétiques + O2 → CO2 + H2O + énergie + chaleur

> Au-delà d'une certaine vitesse (variant entre 18 et 36 km/h selon les chevaux et leur niveau d'entraînement), le seuil du métabolisme aérobie est atteint. Dans ce cas, le métabolisme anaérobie du glycogène dans les fibres musculaires à contraction rapide induit une production et une accumulation d'acide lactique et de protons H+, à l'origine d'une chute de pH et d'une diminution des capacités enzymatiques. Le travail en anaérobiose est de courte durée, et conduit rapidement à la fatigue et à l'impossibilité de poursuivre l'effort.

> En endurance, les complications liées à l'accumulation d'acide lactique sont rares. En effet, la majeure partie de l'acide lactique produit pendant les courtes phases d'anaérobiose est métabolisée lors des phases d'aérobiose.

En revanche, les troubles métaboliques du cheval d'endurance ont pour origine les déséquilibres hydro-électrolytiques et acido-basiques liés aux mécanismes de thermorégulation mis en œuvre pendant l'effort (voir la “Déséquilibres hydro-électrolytiques et acido-basiques dus à l'effort”), et l'épuisement des réserves énergétiques et les modifications liées au fonctionnement musculaire.

Références

  • 1 - Association française des vétérinaires d'endurance équestre. Manuel du Vétérinaire. 2005 : 50 p.
  • 2 - Benamou-Smith A. Médicalisation des chevaux d'endurance équestre lors d'évènements internationaux : bilan des championnats du monde 2000 et championnats d'Europe 2001. Dans : Proceeding Congrès Avef, Le Touquet. 2002 : 413-414.
  • 3 - Benamou-Smith A. Physiologie sportive du cheval d'endurance. Dans : Proceeding Congrès Avef, Montpellier. 2003 : 166-167.
  • 4 - Burger D, Dollinger S. Raisons d'élimination, état de santé et carrière sportive des chevaux d'endurance dans les raids d'endurance en Europe et dans les pays arabes : approche statistique. Prat. Vét. Équine. 1998 ; 30(118) : 9-12.
  • 5 - Carlson GP. Atlanta 1996 - Heat, humidity and horses. Br. Vet. J. 1994 ; 150(3) : 211-213.
  • 6 - Castejon F, Rubio D, Tovar P, Vinuesa M, Riber C. A comparative study of aerobic capacity and fitness in three different horse breeds (Andalusian, Arabian and Anglo-Arabian). Zentralbl. Vet. A. 1994 ; 41(9) : 645-652.
  • 7 - Fédération équestre internationale. Site officiel de la FEI (en ligne). Mise à jour du 10 mai 2007. http://horsesport.org : Règlement FEI 2007.
  • 8 - Feldman J. Principles of sport medicine for the endurance and eventing horse. J. Equine Vet. Sci. 1994 ; 14(6) : 331-332.
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