Prévoir l'ovulation : une pratique de bonne conduite en reproduction équine - Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007

Auteur(s) : Réjean C. Lefebvre*, Fabien Relave**, Christophe Descamps***

Fonctions :
*Département des sciences cliniques
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal
3200 rue Sicotte
Saint-Hyacinthe
Québec, J2S 7C6
Canada
**Département des sciences cliniques
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal
3200 rue Sicotte
Saint-Hyacinthe
Québec, J2S 7C6
Canada
***Clinique équine des bréviaires
78610 Les Bréviaires, France.

La détermination exacte du moment de l'ovulation chez la jument est impossible, mais de nombreux outils permettent au praticien de l'estimer de façon assez précise.

En raison de l'augmentation du tarif des semences des étalons, et de la valeur économique et affective des juments, les contraintes sont de plus en plus importantes dans le secteur de la reproduction. L'optimisation du taux de fertilité demandée par les propriétaires repose en particulier sur la détermination par le praticien du moment de l'ovulation. Pour cela, il doit connaître le déroulement du cycle, la dynamique de la croissance folliculaire et les modifications du tractus génital. La prédiction de l'ovulation permet non seulement d'obtenir un bon taux de fécondation avec une seule insémination par cycle, mais devient également un outil essentiel lors de différentes affections. De nombreuses méthodes sont disponibles afin de suivre le cycle de la jument et de tenter de prévoir le moment de l'ovulation. Cet article offre une revue des différents moyens diagnostiques dont dispose le praticien.

Cycle œstral

• Le cycle œstral de la jument est divisé en deux grandes phases en fonction de la saison : une période d'anœstrus et une période d'activité sexuelle. Dans l'hémisphère nord, dans des conditions physiologiques, l'anœstrus débute vers le mois d'octobre et se termine au mois de mars. C'est une période d'inactivité sexuelle pendant laquelle l'ovaire est en phase de dormance (anœstrus saisonnier profond) et où l'activité folliculaire est fortement diminuée. La majorité des juments (85 %) présente une période d'anœstrus profond alors qu'un faible nombre sont cyclées durant toute l'année. La longueur et l'intensité de la période d'anœstrus sont variables, et dépendent de l'âge, de l'état de santé, de l'alimentation de la jument, de la température ambiante et de la photopériode. Durant cette période, l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien est peu actif, et les réserves de GnRH (gonadotropin releasing hormone) dans l'hypothalamus, de FSH (follicle stimulating hormone) et de LH (lutealizing hormone) dans l'hypophyse, et d'hormones stéroïdiennes (progestérone et œstradiol) dans les ovaires sont faibles.

Au printemps, avec l'allongement de la période de luminosité, la jument entre dans une période de transition où l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien reprend progressivement sa fonction. Le stock d'hormones dans chacune des glandes et la fréquence de leur relargage augmentent. La progression plus rapide de la concentration en FSH par rapport à celle en LH induit la croissance de follicules qui n'ovulent pas. La variabilité de la période de transition est une difficulté pour les praticiens équins, car il devient impossible de planifier le meilleur moment pour l'insémination. Il est donc important d'utiliser des méthodes qui réduisent la longueur de cette période, par exemple le contrôle de la photopériode ou l'administration de progestagènes. À partir de fin mars-début avril, la première ovulation signale le début de la période d'activité sexuelle qui voit plusieurs cycles œstraux se succéder. La jument est donc un animal polyœstrien saisonnier.

• Au cours de chaque cycle sexuel, d'une durée de 21 jours environ, deux phases se succèdent : une phase d'œstrus durant de quatre à sept jours, voire dix au début de la saison sexuelle, et une phase de diœstrus durant de 14 à 16jours (voir l'encadré “Caractéristiques du cycle œstral de la jument”). Pendant la phase folliculaire, l'hypothalamus sécrète davantage de GnRH qui agit sur l'hypophyse et entraîne une sécrétion pulsatile plus importante de FSH et de LH. Globalement, cette vague folliculaire correspond au recrutement de follicules cavitaires, à la sélection et à l'ovulation du follicule dominant et à l'atrésie des follicules recrutés restants. Le mécanisme précis de chacune des étapes du développement folliculaire n'est toutefois pas encore complètement élucidé. Contrairement à l'espèce bovine dans laquelle la croissance folliculaire s'effectue en deux vagues successives, chez 80 % des juments, la sécrétion de FSH permet la croissance folliculaire en une seule vague en fin de diœstrus (10 à 15 jours avant l'ovulation) [2].

• L'ovulation, qui correspond à l'expulsion de l'ovule et à la formation du corps jaune responsable de la sécrétion de progestérone, peut se produire dès que le follicule dominant atteint la taille de 35 mm de diamètre. Contrairement aux croyances, l'ovulation n'est pas plus fréquente la nuit [20]. La sécrétion de progestérone postovulatoire s'effectue linéairement jusqu'aux 5e à 6e jours après ovulation, date à laquelle le taux produit reste relativement constant jusqu'aux 14e à 16e jours. Chez les juments non gravides, l'endomètre sécrète alors de la prostaglandine F2 (PGF2α), responsable de la lutéolyse du corps jaune, qui entraîne une diminution du taux de progestérone circulant. Une baisse de la progestéronémie est notée quatre heures après le début de la sécrétion de PGF2α, pour être à son seuil le plus bas 40 heures après le début de la sécrétion [16]. Lorsque le taux de progestérone est faible (inférieur à 2 nmol/l), les signes d'œstrus apparaissent chez la jument [2, 21].

• La progestérone a également un rôle de régulation du cycle, par rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de LH inhibant l'ovulation. Dans de rares occasions, il est possible d'observer des ovulations en présence de progestérone (période de diœstrus). Le praticien peut être confronté à une jument au cours d'un diœstrus anormalement long (supérieure à 24 jours). Environ 5 % des juments au cours d'une saison de reproduction peuvent être concernées par ce phénomène. La progestérone est aussi responsable du tonus utérin (permettant la mobilité de l'embryon), de la sécrétion de protéines par l'endomètre (qui servent à la nourriture, à l'orientation et à la fixation de l'embryon [21]), ainsi que des changements comportementaux de la jument [2].

Méthodes de suivi du cycle

L'analyse comportementale, la vaginoscopie, la palpation et l'échographie transrectales sont utiles une fois que la jument est cyclée (voir le “Comparaison des différents moyens diagnostiques du suivi des chaleurs et de la date d'ovulation”).

Analyse comportementale

• L'analyse comportementale est l'observation des réactions d'une jument présentée à un étalon. Le contact débute tête-à-tête avant de permettre à l'étalon de se diriger vers la région génitale. En période d'anœstrus ou de diœstrus, la jument manifeste des signes de nervosité, voire d'agressivité envers l'étalon. Elle fouaille de la queue, baisse les oreilles, donne des coups de tête, mord, lance des ruades. Ces réactions sont dues à l'imprégnation progestéronémique de la jument ou à l'absence totale d'hormones sexuelles lors d'anœstrus. Pendant la phase folliculaire, la jument adopte un comportement de monte passive associé à une éversion de la vulve et du clitoris (winking), un accroupissement et un port de queue relevé, voire des mictions. L'acceptation du chevauchement demeure le seul signe majeur de l'œstrus et de la réceptivité de la jument.

• L'analyse comportementale est une méthode peu coûteuse et subjective, nécessitant une certaine expérience et une bonne connaissance de la jument et de l'étalon pour noter et interpréter les différents signes. Elle doit être réalisée fréquemment (tous les deux jours), avec les risques que cela comporte, notamment lors de la contention d'un étalon face à une jument ou de la contention d'une jument non réceptive.

Il existe une bonne corrélation (85 %) entre les modifications du comportement de la jument et la phase du cycle œstral [1]. Cependant, un faible pourcentage de juments (maidens, suitées ou à mauvais caractère) présentent des chaleurs silencieuses qui ne peuvent pas être identifiées [4].

Vaginoscopie

• La vaginoscopie est la visualisation du vagin et du col utérin avec un vaginoscope. Cet outil de diagnostic permet d'identifier le stade du cycle œstral de la jument et aide à préciser certaines affections ou anomalies du tractus génital associées à une infertilité. Les changements physiologiques du vagin et du col, sous l'influence dominante des œstrogènes (œstrus) ou de la progestérone (diœstrus), sont évalués.

La vaginoscopie permet une bonne appréciation de l'état de la muqueuse vaginale et du col utérin (forme, couleur et tonicité) qui est fortement corrélé à l'imprégnation hormonale de la jument. Ainsi, une jument en œstrus présente un col plutôt flasque, hyperhémique et œdémateux reposant sur le plancher vaginal lors de sa relaxation maximale 24 à 48 heures avant l'ovulation (). Les jeunes juments et les maidens présentent une relaxation cervicale beaucoup moins prononcée. Pour 90 % des juments, le col utérin s'ouvre d'environ 4 cm, soit l'équivalent de deux doigts au moment de l'ovulation [13]. En période de diœstrus, la muqueuse du col utérin et du vagin est pâle et sèche. Le col ne repose plus sur le plancher vaginal, mais il est plutôt central, suspendu entre le plancher et le plafond. Il fait largement saillie dans le vagin. La vaginoscopie représente donc un bon outil de diagnostic pour estimer le stade œstral de la jument, mais reste imprécise pour prédire l'ovulation.

• Cependant, lorsqu'elle est réalisée fréquemment et/ou sans un lavage approprié de la région périnéale, la vaginoscopie peut entraîner l'introduction de bactéries pathogènes (Escherichia coli) ou d'irritants (air), avec des conséquences graves sur la future fertilité de la jument. Lors d'introduction d'air, une pression sur le vagin par voie transrectale permet de le vidanger. Finalement, un toucher vaginal complète l'examen, car certaines anomalies comme un septum vaginal ou des masses peuvent passer inaperçues à la vaginoscopie.

• Les affections les plus communes observées chez la jument infertile sont celles du vagin et du vestibule (primaires ou secondaires), la présence d'un pneumovagin, d'un urovagin, d'un coprovagin et de certaines anomalies comme les kystes, les adhérences et la persistance de l'hymen. Chez certaines juments, l'identification d'une anomalie permet d'établir un diagnostic et un pronostic, et de prescrire un traitement approprié. Dans d'autres cas, un diagnostic définitif peut être établi par d'autres méthodes. Les affections cervicales les plus fréquentes sont la cervicite, les abcès, les lacérations, un col non hermétique ou des anomalies de développement (double col).

Palpation transrectale

• Depuis plusieurs décennies, la palpation transrectale fait partie intégrante de l'exploration génitale de la jument. Elle permet d'estimer la tonicité, la dimension et la localisation du col et des cornes utérines, de suivre l'activité folliculaire de l'ovaire, de détecter l'ovulation, et d'identifier les gestations et les anomalies du tractus génital. Il est recommandé de réaliser cet examen de façon systématique, rigoureuse et chronologique en commençant par l'évaluation du col, puis des cornes utérines pour terminer par les ovaires.

• Les cornes utérines doivent être palpées dans leur totalité pour rechercher une gestation ou des anomalies lors de l'évaluation d'une jument non suivie. La palpation des deux ovaires est importante, car elle permet de mettre en évidence les follicules et d'apprécier leur dimension, leur souplesse et leur sensibilité, qui peuvent renseigner sur l'imminence de l'ovulation. Une sensibilité et une douleur sont le plus souvent présentes dans les 12 à 24 heures avant l'ovulation.

• La fermeté du follicule préovulatoire peut aussi être prise en considération pour prédire l'ovulation. Douze heures avant l'ovulation, le follicule ovulatoire est significativement moins ferme et 79 % des follicules préovulatoires deviennent mous et compressibles [23]. Toutefois, l'évaluation seule de la fermeté du follicule préovulatoire ne bénéficie pas d'une bonne fiabilité [18]. Ce test est donc insuffisant pour planifier une insémination de semence congelée.

• Afin d'augmenter le taux de fertilité, l'évaluation transrectale du follicule ovulatoire doit être répétée :

- tous les deux jours chez les juments qui vont être inséminés avec de la semence fraîche ;

- quotidiennement chez les juments qui rélèvent d'une insémination avec de la semence réfrigérée ;

- toutes les six à douze heures lors de l'imminence de l'ovulation chez les juments qui relèvent d'une insémination avec de la semence congelée.

• Même en prenant en compte les risques liés à un tel examen, comme les lacérations rectales, la palpation transrectale demeure un outil diagnostique essentiel, mais non suffisant pour le suivi rigoureux du cycle œstral de la jument.

Échographie transrectale

• La précision, la facilité et la simplicité d'utilisation de l'examen échographique ont rendu incontournable son utilisation lors du suivi gynécologique des juments. Toutefois, une exploration transrectale préalable est nécessaire car l'observation échographique seule ne constitue pas un examen génital dynamique. Un examen complet et systématique est fortement conseillé. Il débute par une évaluation du corps de l'utérus, puis de l'intégralité des deux cornes et, enfin, des deux ovaires. L'examen de l'utérus visualise un éventuel œdème, signe de la phase œstrale qui atteint un niveau maximal un à deux jours avant l'ovulation avant de diminuer 12 à 24 heures avant l'ovulation ().

• La variation du degré d'œdème de l'utérus est similaire à celle du comportement sexuel de la jument [11]. L'examen des deux cornes permet également de détecter un œdème en phase d'œstrus, la localisation du follicule dominant n'influençant pas la distribution de l'œdème entre les deux cornes utérines. Cependant, cette évaluation devrait préférentiellement être effectuée sur le corps utérin ou à la base des cornes pour lesquelles les changements seraient les plus significatifs et les plus constants [3, 15]. Il convient de rechercher la présence d'un éventuel fœtus lors du premier examen gynécologique d'une jument non suivie et pouvant être gravide (contact possible avec un étalon). Cela est d'autant plus nécessaire que la jument est présentée pour anœstrus [4]. Enfin, l'évaluation des deux ovaires permet de révéler la présence de follicules ou d'un corps jaune ( et ).

• Pour chaque follicule, il convient de noter son diamètre en prenant deux mesures perpendiculaires sur la même image, dont une suivant le plus grand diamètre, afin de diminuer les biais lors de la perte de l'aspect sphérique du follicule () [9]. La croissance folliculaire est d'environ 3 mm par jour et le follicule est prêt à ovuler à partir de 35 mm de diamètre chez près de 90 % des juments, ce qui permet d'estimer le déroulement du cycle œstral et le moment de l'ovulation [2]. Des résultats obtenus chez des juments finnhorse ont indiqué que, chez 90 % d'entre elles, les follicules ont atteint 40 mm de diamètre avant l'ovulation, et la grande majorité ont rétréci de 2 à 3 mm dans les douze heures précédant celle-ci [10]. La plupart des études faites avec des juments de taille moyenne rapportent que le follicule la veille du constat de l'ovulation mesure de 40 à 45 mm de diamètre, mais celle-ci peut survenir entre 35 et 70 mm, voire plus. Il est également possible, mais peu fréquent, de mettre en évidence une hétérogénéité du liquide folliculaire, qui est diagnostique de l'imminence de l'ovulation [7, 8]. L'évaluation de la paroi du follicule permet d'affiner le diagnostic de prédiction de l'ovulation car, au cours de la maturation du follicule, la couche de cellules de la granulosa s'accentue, se manifestant à l'échographie par une augmentation de l'épaisseur, une diminution de l'échogénicité de la paroi du follicule et l'apparition d'un double anneau. Une augmentation de 1 à 2 mm de l'épaisseur de la granulosa entre J-3 et J0 (J0 = jour de l'ovulation) a été mise en évidence [12].

• La structure interne de l'ovaire ne permet qu'un unique site d'ovulation : la fosse ovulatoire, dans laquelle a lieu la rupture de la paroi folliculaire [24]. Le follicule prend donc une forme conique à l'approche de l'ovulation dans plus de 85 % des cas ; l'examen échographique permet d'identifier la perte de sa forme sphérique [19]. Généralement, ce phénomène se produit dans les 12 à 24 heures avant l'ovulation [5]. Ainsi, à l'approche de l'ovulation (environ une heure avant), il est parfois possible (très rarement) d'observer une lyse de la paroi en regard de la fosse ovulatoire. Les appareils échographiques disponibles n'évaluent pas précisément l'épaisseur et l'échogénicité de la paroi du follicule préovulatoire.

Toutefois, les progrès technologiques pourraient permettre une caractérisation précise de la paroi folliculaire et la mise en œuvre d'une méthode précise pour prédire le moment de l'ovulation à moyen terme.

• Il n'existe pas de signes majeurs échographiques pour anticiper avec précision l'ovulation chez la jument. Le praticien doit toujours confirmer que la jument examinée est en œstrus à l'aide de l'anamnèse, de l'analyse comportementale (si disponible), des examens transrectal et vaginal. Si tous les résultats confirment que la jument est en phase d'œstrus, les examens échographiques sont répétés pour évaluer la dimension, l'apparence et l'épaisseur de la paroi du follicule préovulatoire, ainsi que la progression de l'œdème utérin. Cela permet d'anticiper le plus précisément possible le moment de l'ovulation et de faire un suivi du cycle d'une jument. Cette approche médicale rationnelle et systématique évite aux praticiens de suivre un follicule de très grande taille en période de diœstrus. Sur le plan individuel, le diamètre du follicule préovulatoire en l'absence d'un corps jaune demeure la caractéristique la plus fiable pour prévoir le moment de l'ovulation, en raison des grandes variations physiologiques chez la jument.

Dosages hormonaux

Les dosages hormonaux ne remplacent pas la palpation transrectale ou l'échographie, mais ce sont plutôt des moyens complémentaires utiles pour réaliser le suivi des juments, tout en minimisant les risques lors de la manipulation des animaux. Ainsi, la détermination du taux plasmatique de progestérone est particulièrement intéressante lors de résultats contradictoires après l'examen génital complet (voir l'encadré “Dosage de la progestérone”). Par exemple, lors d'une palpation transrectale, un utérus tonique évocateur d'une phase lutéale est détecté chez une jument, mais à l'examen échographique aucun corps jaune, signe de diœstrus, n'est visible. La mesure du taux de progestérone permet de trancher sur la présence ou non d'un corps jaune fonctionnel, donc sur l'existence ou non d'une ovulation. Cet examen est également intéressant pour évaluer la présence de vagues folliculaires anovulatoires en période de transition ou pendant la saison de reproduction, c'est-à-dire lorsque les cycles n'aboutissent pas à une ovulation. Le taux de progestérone reste ainsi toujours bas. Cet outil diagnostique peut être utilisé pour le suivi d'une jument nerveuse ou de petite taille (poneys ou races miniatures), chez laquelle la palpation transrectale n'est pas possible ou représente un risque trop important.

Même si la mesure du taux de progestérone ne permet pas de prévoir la date de l'ovulation, elle autorise sa détermination rétrospective [16]. Cette mesure est donc un moyen diagnostique complémentaire intéressant. D'autres hormones pourraient également être mesurées pour détecter l'ovulation, mais elles sont peu utilisées. Ainsi, la variabilité du taux d'œstradiol et du sulfate d'œstrone, la sécrétion pulsatile de LH et la courte demi-vie de l'inhibine rendent le dosage de ces hormones inexploitable pour le suivi du cycle de la jument [13, 14, 17, 22].

De nombreuses méthodes peuvent être utilisées par le praticien pour suivre le cycle œstral de la jument, bien qu'aucune ne soit fiable à 100 % pour prévoir la date de l'ovulation.

La stratégie médicale la plus rationnelle demeure donc d'associer plusieurs examens et de modifier cette combinaison selon les cas et la précision du suivi reproducteur. Dans ce cadre, toutes les méthodes de suivi des chaleurs de la jument sont complémentaires et essentielles, afin d'augmenter la fertilité en optimisant le moment de l'insémination par rapport à la date de l'ovulation.

Éléments à retenir

> La jument est un animal polyœstrien saisonnier.

> Il existe plusieurs méthodes, complémentaires les unes des autres, pour évaluer le moment approximatif de l'ovulation.

Caractéristiques du cycle œstral de la jument

> La jument est un animal polyœstrien saisonnier.

> Chaque cycle est divisé en deux phases, une phase lutéale (diœstrus) et une phase d'œstrus.

> 80 % des cycles œstraux sont associés à une croissance folliculaire correspondant à une seule vague folliculaire.

> Le recrutement folliculaire s'opère sur des follicules de 5 à 10 mm de diamètre 10 à 15jours avant l'ovulation sous l'action de la FSH (follicle stimulating hormone) sécrétée par l'hypophyse.

> La sélection du follicule dominant se produit en début d'œstrus sur un follicule dont le diamètre est de 15 à 25 mm.

> En fin d'œstrus, le follicule dominant atteint 35 mm de diamètre et acquiert la capacité d'ovuler.

> L'ovulation correspond à l'expulsion de l'ovule et à la formation du corps jaune.

> Le corps jaune est responsable de la sécrétion de progestérone pendant toute la phase de diœstrus.

> En fin de diœstrus, l'endomètre sécrète de la prostaglandine (PGF2α) responsable de la lutéolyse du corps jaune, à l'origine de la diminution du taux de progestérone.

Dosage de la progestérone

Variations de la progestérone

La progestérone est produite par le corps jaune après l'ovulation et passe par le sang pour atteindre les organes sur lesquels elle va agir. Ainsi, un taux plasmatique de progestérone (P4) élevé signe la présence d'un corps jaune fonctionnel. Le suivi de ce taux permet donc de suivre l'évolution du cycle de la jument car il est bas pendant la phase d'œstrus (inférieur à 2 nmol/l) et augmente après l'ovulation (pendant la phase lutéale), pour arriver à un plateau de production aux 5e à 6e jours après l'ovulation avec une valeur seuil supérieure à 30nmol/l [16]. Ensuite, le taux diminue rapidement en fin de diœstrus (vers les 14 à 16e jours postovulation) pour reprendre une valeur faible pendant l'œstrus suivant. Ainsi, le dosage de P4 permet de détecter si l'ovulation a eu lieu ou non. En effet, une mesure de P4 inférieure à 3 nmol/l permet d'exclure l'ovulation, mais indique une jument en phase d'œstrus. Le praticien peut alors prévoir que l'ovulation vase produire dans les quatre à sept jours au maximum. Un taux supérieur à 30 nmol/l est le signe d'une jument en phase de diœstrus avec un corps jaune fonctionnel : l'œstrus peut donc être induit par injection de prostaglandines. Un taux entre 2 et 30 nmol/l indique, soit une jument en début de phase de diœstrus avec un corps jaune non complètement fonctionnel, soit une jument en fin de phase de diœstrus sous imprégnation de PGF2α et qui rentre en phase d'œstrus. Cependant, la mesure du taux de P4 ne permet pas de prévoir la date exacte de l'ovulation.

Comment doser la progestérone

La méthode de choix (= gold standard) pour le dosage du taux plasmatique de P4 est la méthode par RIA (radio immuno-assay). C'est une analyse quantitative donnant une valeur numérique précise de la valeur de P4. Cependant, elle est longue (48 heures sont nécessaires pour obtenir les résultats) et coûteuse (peu de laboratoires disposant du matériel). Elle est rarement utilisée. De plus, des produits radioactifs sont nécessaires, ce qui impose des contraintes.

Une autre technique de laboratoire est l'utilisation de chimio-immuno-luminescence (Immulite®) qui est également une méthode quantitative, mais plus rapide que le RIA (résultats obtenus en deux heures environ). C'est la technique de mesure principalement utilisée dans les laboratoires qui offrent un tel service.

De nouvelles procédures rapides sont désormais disponibles pour les praticiens en médecine équine. Le test Elisa (enzyme-linked immuno-assay) est une technique semi-quantitative qui donne une valeur comprise entre des seuils par une méthode colorimétrique ,l'intensité de la couleur étant inversement proportionnelle au taux de P4 plasmatique. Rapide, il peut se réaliser sur le lieu d'examen de l'animal en 30 à 45 minutes [20].

Références

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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