Traitement transitoire d'une tachycardie ventriculaire paroxystique par la phénytoïne - Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007

Auteur(s) : Bilitis Kuhn*, Élisabeth Kraft**, Youssef Tamzali***

Fonctions :
*Clinique équine
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex
**Cabinet vétérinaire équin
33510 Andernos-les-Bains
***Clinique équine
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex

Une tachycardie ventriculaire paroxystique est diagnostiquée chez un hongre de quatre ans. Divers traitements sont tentés afin de normaliser le rythme cardiaque.

Un hongre de quatre ans est référé pour explorer un trouble du rythme, détecté lors d'une auscultation de routine par le vétérinaire traitant.

Anamnèse et commémoratifs

Le cheval vit en extérieur avec des congénères et n'a encore jamais été mis au travail. Il est vermifugé quatre fois par an, et correctement vacciné contre la grippe, le tétanos et la rhinopneumonie.

Toutes les auscultations cardiaques réalisées lors d'examens cliniques de routine, pour les vaccinations par exemple, ont toujours été normales. Le cheval a été castré à l'âge d'un an, sans complication. Les antécédents pathologiques de ce cheval se résument à un épisode de coliques à un an, rapidement contrôlé par le vétérinaire traitant, ainsi qu'à un épisode infectieux modéré deux ans avant notre première consultation (abattement et fièvre), résolu en une semaine par un traitement antibiotique et anti-inflammatoire (benzylpénicilline, néomycine, méthylprednisolone, inosine).

C'est lors de l'épisode infectieux qu'une arythmie cardiaque a été décelée pour la première fois. Un électrocardiogramme a alors été réalisé, mais la nature du trouble du rythme n'a pas pu être déterminée. Face au risque que pouvait représenter un tel trouble, le vétérinaire a référé le cheval pour des examens cardiologiques avant d'envisager le débourrage.

Examen clinique général

L'état général du cheval est correct, il pèse 380 kg. Il est très sensible à l'ensemble des stimuli extérieurs et semble sujet au stress dans un environnement inconnu. Lors de l'examen clinique général, tout est normal, à l'exception des paramètres cardiaques.

Examen cardiaque

Le cheval présente une tachycardie (84 bpm) et une arythmie irrégulièrement irrégulière ; aucun souffle n'est audible et l'intensité des bruits cardiaques est normale. Le pouls est synchrone avec le rythme cardiaque.

Hypothèses diagnostiques

Les arythmies le plus souvent associées à un rythme de base irrégulièrement irrégulier sont :

- les arythmies sinusales (fréquentes et physiologiques) ;

- la fibrillation auriculaire (fréquente et pathologique) ;

- la tachycardie auriculaire ou ventriculaire (rare et pathologique).

L'électrocardiogramme est le premier examen complémentaire à réaliser afin de déterminer la nature du trouble.

Électro-cardiogramme

Sur l'électrocardiogramme, plusieurs extrasystoles ventriculaires (ESV) se succèdent.

Elles peuvent être identifiées grâce à différents critères. Le complexe QRS est élargi, non précédé d'une onde P, et l'onde T est différente de celle des complexes sinusaux, en l'occurrence négative (voir la “ECG montrant une salve d'ESV précédée par un complexe sinusal”).

Sur l'ensemble d'une salve d'ESV, la fréquence cardiaque s'élève à 100 bpm : c'est une tachycardie ventriculaire.

Des complexes sinusaux séparent les salves d'ESV, la tachycardie ventriculaire n'est pas permanente, elle est paroxystique.

Lors de ces salves d'ESV, la morphologie des complexes QRS et des ondes T est toujours identique ; il s'agit donc d'une tachycardie ventriculaire paroxystique monomorphe.

De plus, il est possible d'observer que les salves d'ESV sont régulièrement suivies de blocs atrio-ventriculaires de type II (BAV II) (voir la “ECG montrant une salve d'ESV suivie d'un BAV de type II, puis d'un complexe sinusal”).

Pour mieux explorer ce trouble du rythme cardiaque, un examen Holter a été réalisé (ECG continu) au repos, au box, mais aussi à l'effort sur un cercle, à la longe (). Le cheval ne présente aucune intolérance à l'effort demandé (15 min de trot). En outre, après l'effort, son temps de récupération est normal.

Au repos, l'ECG Holter est identique aux ECG obtenus de manière ponctuelle : des salves d'ESV, des BAV II et quelques complexes sinusaux normaux sont notés (voir la “ECG Holter au repos”).

Lors de l'exercice, alors que la fréquence cardiaque augmente, le nombre d'extrasystoles ventriculaires est en nette diminution et les BAV II disparaissent, laissant place à un rythme sinusal normal (voir la “ECG Holter à l'exercice”).

Les BAV II présents au repos sont des blocs de compensation puisqu'ils interviennent toujours après une salve d'ESV et qu'ils disparaissent lors d'un effort qui, lui-même, s'accompagne d'une diminution du tonus vagal.

La tachycardie ventriculaire a tendance à diminuer à l'effort, mais s'amplifie dès que la fréquence cardiaque baisse.

Hypothèses diagnostiques

La tachycardie ventriculaire indique en général une maladie ou une lésion myocardique sous-jacente chez les chevaux.

D'autres causes peuvent provoquer une tachycardie ventriculaire comme certains médicaments ou toxiques (exemple : digitale, halothane), les déséquilibres électrolytiques ou métaboliques, le sepsis, l'hypoxie ou encore une rupture d'anévrisme aorto-cardiaque [1, 2, 3, 4, 5, 12, 13].

Les examens complémentaires nécessaires à l'identification de la cause comportent des analyses sanguines (hémogramme, biochimie, ionogramme et dosage des iso-enzymes cardiaques) et un examen échographique cardiaque.

Examens complémentaires

Dosages

Les résultats des analyses hématologique et biochimique, dont un ionogramme, sont dans les normes usuelles.

Le dosage de la troponine cardiaque (cTnI) est inférieur à 0,04 μg/l alors que la norme est inférieure à 0,3 μg/l chez le cheval. Elle est donc dans les limites de la normale. Ces résultats étaient prévisibles, compte tenu de l'ancienneté du phénomène. Le dosage de la troponine cardiaque n'a de valeur que dans les processus aigus car elle ne persiste pas plus de 15 jours dans le sang [7, 10].

Ces premiers résultats attestent de la chronicité du phénomène.

Examen échocardiographique

L'examen échocardiographique montre que le cœur a des dimensions normales pour un cheval de quatre ans.

Seul le septum interventriculaire présente des anomalies. Il est hypokinétique (). Un examen plus détaillé, par abord transthoracique gauche sur une coupe petit axe, permet de mettre en évidence une zone septale dyskinétique (). De plus, une bande hypoéchogène est mise en évidence sur une coupe grand axe par abord transthoracique du côté droit et semble être en relation avec la base de l'aorte (, et ). Cette image pourrait évoquer l'existence d'une fistule aorto-cardiaque, mais elle peut être retrouvée chez des chevaux sains. L'examen Doppler couleur permet de constater qu'il n'existe pas de flux sanguins turbulents ou anormaux sur cette anomalie échographique.

Bilan des examens complémentaires

Un grand nombre de causes pouvant être à l'origine de la tachycardie ventriculaire de ce cheval ont été écartées :

- pas d'exposition à un médicament toxique ;

- pas de déséquilibre métabolique ou électrolytique ;

- pas de sepsis ;

- pas d'hypoxie ;

- pas de lésion ou de maladie cardiaque décelable avec les moyens employés.

L'hypothèse d'une lésion ou d'une séquelle de myocardite ancienne, probablement d'origine infectieuse, agissant comme un foyer d'excitation cardiaque ectopique, est retenue. La dyskinésie septale révélée à l'échocardiographie pourrait faire penser que le foyer ectopique est localisé au niveau du septum interventriculaire. Compte tenu de l'ancienneté du phénomène, ce foyer ectopique aurait pu être matérialisé par une lésion hyperéchogène témoignant d'une fibrose. Seule une zone hypoéchogène plutôt évocatrice d'une fistule aorto-septale a pu être mise en évidence.

Traitement

Lutte contre l'inflammation myocardique

Le premier volet du traitement a pour objectif de juguler une éventuelle inflammation myocardique chronique, pouvant être à l'origine de la tachycardie ventriculaire.

Une thérapie anti-inflammatoire à base de dexaméthasone (Dexadreson®) est mise en place, par voie intraveineuse, selon le protocole suivant :

- 0,1 mg/kg une fois par jour, pendant cinq jours ;

- 0,1 mg/kg, un jour sur deux, pendant dix jours ;

- 0,05 mg/kg, un jour sur deux, pendant dix jours.

Résultats

Aucune amélioration de l'électrocardiogramme n'est notée après la première semaine de traitement. Ce dernier est poursuivi selon le protocole initial, mais le volet 2 est mis en place en parallèle sans attendre.

Traitement spécifique de l'arythmie

Le deuxième volet du traitement traite l'arythmie ventriculaire spécifiquement, et, dans ce cas, la molécule de choix en première intention est la lidocaïne. Cependant, à forte dose, elle présente des effets secondaires, principalement une excitation du système nerveux central pouvant conduire à des convulsions.

Une thérapie anti-arythmique à base de lidocaïne (Xylocaïne®) est mise en œuvre, par voie intraveineuse, selon le protocole suivant :

- installation de l'appareil Holter pour un suivi continu de l'ECG ;

- 0,04 mg/kg de diazépam (Valium®) en prévention des effets secondaires ;

- administration de bolus de lidocaïne de 1 mg/kg toutes les 10 minutes, jusqu'à conversion définitive, sans dépasser la dose totale de 4 mg/kg, soit quatre bolus [2].

Résultats

La conversion en rythme sinusal est immédiate après l'injection de chaque bolus de lidocaïne, mais la tachycardie ventriculaire récidive systématiquement.

Le délai séparant la conversion de la récidive allonge néanmoins après chaque bolus (voir le “Résultats du protocole de traitement à la lidocaïne”).

Après l'utilisation de lidocaïne, même si la tachycardie ventriculaire est toujours présente, une diminution importante du nombre d'extrasystoles ventriculaires par salve est notée pendant plus de 24 heures.

Utilisation de la phénytoïne

Le dernier volet du traitement consiste à utiliser une molécule encore peu courante en cardiologie chez le cheval : la phénytoïne. Ses effets secondaires n'apparaissent qu'à des doses très élevées et sont moins sévères que ceux de la lidocaïne.

Le premier signe d'intoxication est la sédation, puis viennent l'excitation, la sudation et le décubitus. Il n'existe pas d'antidote. Il convient alors de réduire la dose ou de cesser le traitement jusqu'à ce que la concentration sanguine de la molécule diminue.

La thérapie anti-arythmique à base de phénytoïne (Di-Hydan®) est mise en place selon le protocole suivant : administration d'une première dose de 20 mg/kg deux fois par jour par voie orale, puis dosage sanguin quotidien de la phénytoïne. Le sang est prélevé sur tube sec deux heures après l'administration du médicament [12].

Le principe est d'ajuster la dose en fonction du dosage sanguin et de l'ECG. Il convient de déterminer la dose minimale, administrée deux fois par jour, qui permette de conserver un ECG normal 24 heures sur 24.

Résultats

Un total de huit dosages est nécessaire pour obtenir un plateau sanguin en phénytoïne compris entre 5 et 7 mg/l, et un ECG au rythme sinusal normal permanent (voir la “Histogramme comparant les doses de phénytoïne administrées aux concentrations en phénytoïne dans le sang”). La dose à administrer deux fois par jour est de 12,5 mg/kg. Aucun effet secondaire n'a été détecté.

Bilan du traitement

Au repos, une fréquence cardiaque à 40 bpm et un ECG normal avec un rythme sinusal sont observés (voir la “ECG pendant le traitement à la phénytoïne”).

À l'exercice modéré à la longe, la fréquence cardiaque s'élève à 130 bpm avec un ECG normal et une bonne récupération après l'effort.

À l'examen échocardiographique, la contractilité septale s'est normalisée avec une fraction de raccourcissement de 34 % ().

Il est donc décidé de poursuivre le traitement à la phénytoïne pendant une durée de trois mois et, ensuite, de réévaluer le fonctionnement cardiaque du cheval. L'animal est régulièrement ausculté par le vétérinaire référent pendant cette période : le rythme cardiaque est régulier, entre 34 et 40 bpm. Cependant, la tachycardie ventriculaire a récidivé dès l'arrêt du traitement et les propriétaires ont pris la décision de ne pas poursuivre le traitement, mais de garder le cheval au pré sans le monter.

Discussion

Un diagnostic de tachycardie ventriculaire est établi chez le cheval lorsque plus de quatre ESV se succèdent. Les ESV sont caractérisées par des complexes QRS prématurés et élargis dont la morphologie diffère de celle des complexes sinusaux, des ondes T de morphologie différente de celles qui suivent les complexes sinusaux et une dissociation atrio-ventriculaire [4, 6, 9, 13].

L'auscultation révèle un rythme régulier quand la tachycardie est permanente et irrégulier lorsqu'elle est paroxystique [4, 8].

La tachycardie ventriculaire peut conduire à une hypotension, à une ischémie myocardique, à une syncope, à une décompensation ou à un choc. Dans ce cas, il s'agit d'une arythmie électriquement instable qui peut dégénérer en fibrillation ventriculaire et provoquer une mort subite [3, 5].

Diagnostic étiologique

La tachycardie ventriculaire indique en général une maladie myocardique primaire chez les chevaux. Cependant, d'autres causes doivent être recherchées comme les intoxications à certains médicaments (halothane) ou plantes (digitale), les déséquilibres électrolytiques, acido-basiques ou métaboliques. Les désordres du tractus digestif sont aussi parfois à l'origine d'arythmies ventriculaires. Un phénomène septique, un épisode d'hypoxie ou d'ischémie doivent aussi être écartés [1, 2, 3, 4, 5, 12, 13].

Une tachycardie ventriculaire a aussi été rapportée chez des chevaux cliniquement sains [3].

Enfin, une rupture d'anévrisme aorto-cardiaque peut se produire chez les chevaux âgés (plus de dix ans), en général des étalons. Elle s'exprime à travers des signes cliniques de coliques et une tachycardie ventriculaire uniforme. Les anévrismes du sinus aortique droit (ou sinus de Valsalva) sont des anomalies congénitales de la paroi aortique qui peuvent se rompre tardivement dans la vie du cheval. Lors de la rupture, une fistule aorto-cardiaque apparaît alors entre la base de l'aorte et le cœur. L'anévrisme peut se rompre dans le ventricule droit ou l'oreillette droite, mais aussi disséquer dans le septum interventriculaire. Dans ce dernier cas, à l'examen échographique, une image anéchogène, depuis le sinus droit de Valsalva jusque dans le septum, ainsi qu'une fine membrane flottant dans le cœur droit peuvent être observées. De plus, une échocardiographie Doppler couleur peut être utilisée pour détecter des flux sanguins turbulents et rapides associés à la fistule.

Une rupture de la racine aortique au niveau du sinus droit peut se produire sans anévrisme préexistant. Dans ce cas, l'image de la membrane flottant dans le cœur droit est absente à l'échocardiographie.

La fistule aorto-cardiaque engendre un souffle cardiaque continu, puis une insuffisance cardiaque droite peut se mettre en place [4, 8].

Dans le cas décrit, les premières images échographiques du cœur étaient en faveur de cette hypothèse, mais le cheval ne présentait aucun souffle à l'auscultation et ne répondait pas aux critères épidémiologiques cités dans la littérature concernant l'âge et l'utilisation (étalons âgés). De plus, il est rapporté qu'un certain nombre de chevaux normaux peuvent présenter ce type d'image septale anéchogène sans autre anomalie à l'auscultation, à l'éléctrocardiogramme ou à l'échocardiographie.

Traitement

Lorsqu'un diagnostic étiologique de certitude est établi, le traitement de la cause sous-jacente de l'arythmie ventriculaire suffit parfois pour restaurer un rythme sinusal normal.

Une intervention thérapeutique spécifiquement anti-arythmique est nécessaire si :

- la fréquence cardiaque de base est supérieure à 100 bpm ;

- les complexes sont polymorphes (arythmie multifocale) ;

- des phénomènes “R sur T” sont rencontrés (le complexe QRS de l'ESV fusionne avec l'onde T du complexe précédent) ;

- l'arythmie est en place depuis plus de 12 heures ;

- le cheval présente des signes cliniques au repos qui peuvent être attribués à l'arythmie [1, 2, 4, 6, 9, 12, 13].

Dans ce cas, plusieurs molécules sont disponibles :

- le gluconate de quinidine est un anti-arythmique de la classe IA qui agit sur les canaux à sodium. Selon les auteurs, il peut être utilisé en perfusion intraveineuse, en solution à 0,64 %, au rythme de 1 l/h/500 kg ou bien en bolus par voie intraveineuse de 0,5 à 2,2 mg/kg. Ses effets secondaires sont une forte hypotension, une dépression, un paraphimosis, une urticaire, une fourbure, des coliques, etc. [1, 2, 4] ;

- le procaïnamide, administré à la dose de 1 mg/kg/min par voie intraveineuse, est une molécule dont les effets directs et secondaires sont très proches de ceux de la quinidine. Cependant, il n'entraîne pas une hypotension aussi importante que cette dernière [1, 2, 4] ;

- la lidocaïne est un anti-arythmique de la classe IB de la classification de Vaughan-Williams. Elle a des actions inotrope, dromotrope et bathmotrope négatives. Elle est particulièrement indiquée pour traiter les tachydysrythmies ventriculaires chez les chevaux anesthésiés. C'est la molécule dont l'action est la plus rapide. Elle peut être administrée en bolus de 0,5 à 1 mg/kg répété toutes les 5 à 10 minutes jusqu'à conversion ou jusqu'à ce que la dose totale de 4 mg/kg soit atteinte, ou en perfusion continue de 20 à 50 μg/kg/min. Elle présente cependant une toxicité non négligeable à fortes doses, qui se traduit par une excitation du système nerveux central pouvant mener à des convulsions qu'il convient de prévenir à l'aide de diazépam [1, 2, 4, 12] ;

- la phénytoïne, comme la lidocaïne, est un anti-arythmique de la classe IB de la classification de Vaughan-Williams aux effets inotrope, dromotrope et bathmotrope négatifs. Elle est indiquée lors de troubles du rythme ventriculaire, particulièrement ceux induits par une intoxication à la digitale [11]. Dans l'étude de Wijnberg et Ververs, sept chevaux qui présentaient des ESV ou une tachycardie ventriculaire réfractaires au repos, aux anti-inflammatoires, à la lidocaïne et au procaïnamide ont vu disparaître leurs arythmies à la suite d'un traitement à la phénytoïne. Ces auteurs proposent une dose initiale de 20 mg/kg deux fois par jour pour les premiers dosages, puis une dose d'entretien de 10 à 15 mg/kg deux fois par jour. Ils conseillent de surveiller la concentration plasmatique en phénytoïne pendant le traitement. Les effets secondaires rencontrés sont une sédation, une excitation, une sudation et un décubitus [11, 12].

Dans le cas décrit, c'est l'absence d'effets secondaires qui a été privilégiée, afin de ne jamais arrêter le traitement et d'obtenir un plateau sanguin minimal le plus rapidement possible.

Après avoir analysé le diagnostic différentiel des tachycardies ventriculaires, la chronicité de ce trouble cardiaque, révélée par l'anamnèse et par les différents examens complémentaires (en particulier par le dosage des iso-enzymes cardiaques), peut être imputable aux séquelles d'un épisode infectieux ancien.

Dans ce cas, la thérapeutique anti-inflammatoire, justifiée en phase aiguë, devient inutile en phase chronique, et seul un traitement anti-arythmique prolongé peut laisser envisager un retour du cœur à un fonctionnement électrique normal.

La phénytoïne est alors la molécule de choix puisqu'elle est peu coûteuse, qu'elle peut être administrée par voie orale et qu'elle est sans danger pour la santé de l'animal une fois le dosage optimal déterminé.

La tachycardie ventriculaire est un phénomène rare chez le cheval, qui peut être sous-diagnostiqué, notamment quand aucun autre signe clinique n'y est associé. Le risque de mort subite est alors toujours présent chez un cheval mis au travail sans traitement, et seul le résultat obtenu après l'arrêt de celui-ci permet d'établir un pronostic sportif.

Le traitement a été seulement palliatif, la récidive étant probablement due à une lésion myocardique irréversible. Le pronostic sportif étant plutôt réservé, il n'a pas paru raisonnable, en accord avec les propriétaires, ni de débourrer le cheval, ni de le maintenir à vie sous traitement afin de le faire travailler. Si la nécessité et l'urgence de traiter ce cheval sont discutables, celles de le mettre au travail le sont tout autant.

Notes :

Éléments à retenir

> La tachycardie ventriculaire est rare chez le cheval.

> Le traitement de la cause sous-jacente suffit en général, mais il est parfois indispensable d'employer des protocoles thérapeutiques à visée anti-arythmique.

> La lidocaïne est la molécule antiarythmique de choix en première intention, mais elle possède des effets secondaires, principalement nerveux.

> La phénytoïne provoque moins d'effets secondaires que la lidocaïne.

Références

  • 1 - Bonagura JD, Reef VB. Disorders of the cardiovascular system. In : Reed SM, Bayly WM, Sellon DC. Equine internal medecine. 2nd ed. Saunders, Philadelphia. 2004 : 439-446.
  • 2 - Bowen IM. Cardiac dysrhythmias. In : Robinson EN. Current therapy in equine medicine. 5th ed. Saunders, Philadelphia. 2003 : 602-613.
  • 3 - Machida N, Nakamura T et coll. Cardiopathological observation on a case of persistent ventricular tachycardia in a pony mare. J. Vet. Med. Sci. 1992 ; 54(6) : 1213-1216.
  • 4 - Marr CM. Cardiology of the horse. Saunders, Philadelphia. 1999 : 199-203, 272-274.
  • 5 - Nielsen IL. Ventricular tachycardia in a thoroughbred racehorse. Aus. Vet. J. 1990 ; 67(4) : 140-142.
  • 6 - Patterson MW. Equine Cardiology. Blackwell Science, London. 1996 : 172-212.
  • 7 - Phillips W, Giguère S et coll. Cardiac troponin I in pastured and race-training thoroughbred horses. J. Vet. Intern. Med. 2003 ; 17 : 597-599.
  • 8 - Reef VB. Equine Diagnostic Ultrasound. Saunders, Philadelphia. 1998 ; 258-261.
  • 9 - Reimer JM, Reef VB, Sweeney RW. Ventricular arrhythmias in horses : 21 cases (1984-1989). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1992 ; 201(8) : 1237-1243.
  • 10 - Schwarzwald CC, Hardy J, Buccellato M. High cardiac troponin I serum concentration in a horse with multiform ventricular tachycardia and myocardial necrosis. J. Vet. Intern. Med. 2003 ; 17 : 364-368.
  • 11 - Wijnberg ID, Van Der Kolk JH, Hiddink EG. Use of phenytoin to treat digitalis-induced cardiac arrhythmias in a miniature shetland pony. Vet. Rec. 1999 ; 144 : 259-261.
  • 12 - Wijnberg ID, Ververs FFT. Phenytoin sodium as a treatment for ventricular dysrhythmia in horses. J. Vet. Intern. Med. 2004 ; 18 : 350-353.
  • 13 - Wilkins PA, Bain FT. ECG of the month. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1993 ; 203(7) : 972-973.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr