Immunologie et application au diagnostic sérologique - Pratique Vétérinaire Equine n° 152 du 01/10/2006
Pratique Vétérinaire Equine n° 152 du 01/10/2006

Auteur(s) : Guillaume Fortier*, Pierre-Hugues Pitel**, Karine Maillard***, Stephan Zientara****, Albertine Léon*****, Stéphane Pronost******

Fonctions :
*Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen
**Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen
***Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen
****Afssa, 27-31, avenue du Général-Leclerc
BP 19, 94704 Maisons-Alfort Cedex
*****Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen
******Laboratoire départemental Frank-Duncombe
1, route de Rosel, 14053 Caen

L'interprétation des résultats sérologiques est l'un des principaux motifs d'appels et d'échanges entre praticiens et laboratoire. Les nouvelles techniques mises régulièrement au point, les interactions vaccinales, les rapprochements de valeurs chiffrées avec les signes cliniques sont discutées.

L'immunité spécifique met en place des phénomènes de reconnaissance des antigènes ou des produits bactériens, et ce par deux voies principales ; la voie humorale et les anticorps, la voie cellulaire et les lymphocytes thymo-dépendants. Ce mécanisme entraîne la neutralisation du pouvoir pathogène de la bactérie ou du virus, ou bien active des phénomènes locaux de défense tels que l'inflammation, l'opsonisation ou la stimulation des macrophages. Une grande majorité d'antigènes ou de produits bactériens peut induire une réponse immune chez l'hôte, mais l'intégralité des rôles joués par chacun de ces mécanismes de défense est encore loin d'être déterminée. Les techniques de délétion de gène, ainsi que les anticorps monoclonaux ont beaucoup fait progresser les connaissances. L'évaluation ou la quantification in vitro de la réponse immune de l'hôte par des examens sérologiques sont aussi d'un grand intérêt pour le praticien et le biologiste. En effet, toutes ces méthodes font appel à des réactions spécifiques du sérum du cheval qui conserve la trace d'une infection passée. Certaines techniques immunologiques mettent en évidence des réponses immunes précoces de l'organisme, et d'autres ne sont utilisables ou interprétables que plusieurs semaines après les réactions de défense spécifiques de l'animal infecté. Il en résulte parfois une difficulté d'emploi pour les non-spécialistes (voir l'encadré “La rhinopneumonie : approche sérologique”).

Les anticorps

Ces éléments majeurs de la réponse immunitaire, encore appelés immunoglobulines, sont élaborés par les lymphocytes B et vont répondre à des fractions antigéniques précises (épitopes) des bactéries ou de leurs produits rentrant en jeu dans l'infection étudiée. Chaque classe d'immunoglobulines a des fonctions plus ou moins spécialisées, avec un site de liaison spécifique de l'antigène (fragment Fab) et un site de liaison avec le complément (fragment Fc). Les immunoglobulines M sont généralement les anticorps de la réponse immune précoce, et vont préférentiellement fixer le complément, agglutiner ou opsoniser les bactéries. Les immunoglobulines G ont un rôle majeur dans la réponse tardive, et également une fonction essentielle d'antitoxines et de précipitines. Les immunoglobulines A sont majoritairement dédiées à la défense locale des muqueuses. Elles sont notamment localisées au niveau de la muqueuse respiratoire supérieure et moyenne et le long du tube digestif.

La réponse des immunoglobulines vis-à-vis des toxines bactériennes représente l'un des moyens de lutte du système immunitaire contre les agents infectieux. C'est l'une des défenses les plus anciennes contre les bactéries et elle a longtemps été la charnière de la vaccination antibactérienne (anatoxine modifiée). Les immunoglobulines, en se liant spécifiquement sur les toxines bactériennes, empêchent leur fixation à leurs cibles cellulaires. Ce mécanisme demeure une des composantes de la vaccination antitétanique équine à l'heure actuelle. Outre ce rôle direct de neutralisation d'une des fonctions bactériennes, les immunoglobulines vont surtout avoir une action effectrice de l'immunité, c'est-à-dire qu'elles stimulent une cascade de réactions spécifiques (lymphocytes T, immuns complexes, etc.) ou non spécifiques (complément, phagocytose activée, cytokines, etc.) pour accélérer les processus de guérison. En effet, la fixation de ces anticorps sur leurs sites spécifiques active le complément.

L'activation du complément par cette voie stimule indirectement la phagocytose et le recrutement local de cellules de l'inflammation.

Particularités équines

Le mode de placentation dans cette espèce confère au poulain, à la naissance, une agammaglobulinémie transitoire qui est rapidement compensée par la prise colostrale. Vingt-quatre heures environ sont nécessaires pour que ces immunoglobulines soient “opérationnelles” chez le poulain. Il s'ensuit tout d'abord une dilution de ces concentrations dans le volume plasmatique à cause de la croissance importante de ces animaux, puis un catabolisme de ces molécules d'origine colostrale qui ont une demi-vie de vingt-et-un jours en moyenne. Ce mécanisme aboutit à deux fenêtres immunologiques particulièrement propices aux infections bactériennes et bien connues chez cette espèce. La première dure les premières heures de vie du poulain. La seconde correspond à une période qui court entre la quatrième et la huitième semaine de vie pendant laquelle les concentrations sériques en anticorps se situent à des taux limites de 4 mg/ml [12]. Les premières heures de vie sont aussi celles du risque majeur de septicémies dues la plupart du temps à des bactéries à Gram négatif (Actinobacillus equi, E. coli…) de l'environnement. La seconde période, plus longue à cause de la mise en place progressive de l'immunité propre du poulain, est notamment l'occasion pour des bactéries telluriques telles que Rhodococcus equi de se développer dans l'appareil respiratoire du jeune animal.

Malgré cette apparente immunodéficience, le fœtus développe ses premières cellules lymphoïdes dès la douzième semaine de vie et sa masse thymique augmente significativement au début de la seconde moitié de gestation [12]. Le poulain peut donc assez rapidement présenter une réponse immune autonome et il est curieux de noter cependant qu'une majorité des avortements infectieux se produit à partir du huitième mois dans cette espèce. De nombreux autres facteurs annexes aux mécanismes de l'infection sont évoqués pour leur action sur l'utérus et les muqueuses placentaires.

Le système sérique du complément est rapidement actif chez le fœtus (cinq mois) et cette capacité augmente de 10 à 40 fois dans les premières heures qui suivent la naissance [29]. Elle est équivalente à celle de l'adulte à partir de la quatrième semaine postnatale. L'activité lytique du complément dans l'espèce équine est particulière puisque son mode majeur d'activation semble être la voie alterne qui consiste à ce que les antigènes eux-mêmes (bactéries, parasites, spores de champignons) stimulent ce complexe biologique très efficace pour la défense de l'organisme. Chez de nombreuses autres espèces, c'est en effet l'immun complexe qui va activer le complément.

Cette “voie équine” est donc moins spécifique, mais l'activité bactéricide du sérum frais de cheval est équivalente à celle d'autres mammifères.

Sérologie et maladies respiratoires

Ces méthodes indirectes détectent des anticorps qui témoignent d'une maladie en cours ou ancienne, ou d'une vaccination le cas échéant. C'est ce qui en fait des techniques parfois équivoques en termes d'interprétation pour le clinicien et le laboratoire.

Elles demeurent très utilisées sur le terrain car elles sont peu invasives, d'un coût raisonnable et ne demandent pas de moyens d'acheminement particuliers.

L'éclairage diagnostique qu'apportent ces dépistages repose sur la mise en évidence d'une variation du taux d'anticorps circulants chez le cheval, et donc d'une séroconversion dite significative (voir l'encadré “Qu'est-ce qu'une cinétique d'anticorps”).

Il convient ici de faire exception de certaines maladies à déclaration obligatoire ou réputées contagieuses qui, sur une seule sérologie positive, donnent lieu à une déclaration obligatoire, comme l'anémie infectieuse équine (test de Coggins) ou la fièvre West Nile (IgM).

Le délai de réalisation de ces cinétiques d'anticorps (quinze jours environ) est le plus souvent incompatible avec la prise de mesures adéquates dans les élevages lors de maladie contagieuse. Cet outil demeure néanmoins un élément de certitude lorsqu'il est bien utilisé.

Les principales affections respiratoires faisant l'objet d'un diagnostic sérologique sont présentées dans le “Sérologie infectieuse en médecine équine courante”.

L'approche de la rhodococcose à l'aide d'une méthode de diagnostic indirect comme l'Elisa (détection d'anticorps dirigés contre les protéines issues de l'expression génomique du plasmide de virulence) a suscité beaucoup d'intérêt. Ces techniques ont récemment été évaluées quant à leur apport diagnostique individuel [30]. Leur sensibilité et leur spécificité dans le diagnostic précoce de l'infection ne dépassent pas généralement 60 %, mais elles peuvent être valorisées lorsqu'elles sont couplées à des examens complémentaires, comme la formule sanguine et le fibrinogène [53]. Enfin, l'approche épidémiologique d'un groupe de poulains peut faire appel à ces sérologies dans la mesure où, après la période d'efficacité colostrale (de six à dix semaines chez le poulain), elles expriment le niveau d'exposition des individus testés à la bactérie. Il ne faut pas oublier qu'un nombre important de poulains sont immunisés naturellement contre Rhodococcus equi si les conditions environnementales et d'élevage sont bonnes [53].

La sérologie de la gourme a récemment été développée en France sur la base de tests ayant fait leurs preuves aux États-Unis [59, 64]. Les réponses sont accompagnées d'un guide d'interprétation (comme pour la rhodococcose).

Les sérologies virales (rhinopneumonie, grippe, artérite virale, etc.) peuvent être utilisées lorsqu'un diagnostic de confirmation est souhaité, mais les anticorps d'origines colostrale et vaccinale rendent les interprétations parfois délicates.

La sérologie de la rhinopneumonie, pratiquée seule, pose souvent des problèmes en raison des interférences avec les vaccins et, surtout, compte tenu de l'exposition des chevaux à ce virus dès le plus jeune âge. Une cinétique d'anticorps à l'aide de deux méthodes est conseillée dans la plupart des types d'investigations au haras ou à l'entraînement.

Note :

  • (1) Respe : Réseau d'épidémiosurveillance des pathologies équines - Dozulé (Calvados).

Éléments à retenir

> Les méthodes sérologiques étant des méthodes indirectes, elles nécessitent souvent la mise en place de tests cinétiques pour une bonne interprétation.

> Il est nécessaire de tenir compte la plupart du temps des interactions vaccinales, principal défaut de ces méthodes.

> Chaque méthode sérologique a ses spécificités et donne au praticien des informations différentes quant au statut immunitaire de l'animal testé.

La rhinopneumonie. Approche sérologique

• La fixation du complément (FC) détecte des anticorps plutôt de type précoce (IgM)

• La séroneutralisation (SN) détecte des anticorps plutôt de type tardif (IgG)

• La FC va détecter des anticorps croisés contre l'EHV1 et l'EHV4. La SN est plutôt pratiquée vis-à-vis du virus EHV1 (souche kentucky)

• Les vaccinations régulières contre cette maladie entretiennent des taux significatifs d'anticorps chez les chevaux (1/16e au 1/32e en FC comme en SN)

• Il est recommandé de faire pratiquer les deux techniques par le laboratoire car le statut anticorps précoces/anticorps tardifs peut déjà “éclairer” le clinicien dès la première prise de sang, si le statut vaccinal est connu.

• Lors d'avortement, l'expulsion fœtale peut avoir lieu tardivement après la réactivation virale. Il est donc nécessaire de demander systématiquement les deux techniques le jour où la jument est examinée car la FC peut déjà s'être affaiblie ou négativée et, être à l'origine d'une interprétation erronée des résultats.

• Lorsque le fœtus est disponible, il demeure le prélèvement de choix s'il est accompagné des annexes fœtales (certains fœtus sont stériles alors que le placenta est seul porteur d'herpèsvirus 1,4 ou 5.

Qu'est-ce qu'une “cinétique d'anticorps”

• Réalisation de deux analyses sérologiques pour un même cheval à 15 jours d'intervalle au minimum

• La première lors de la visite initiale et si le cheval est en phase clinique débutante (hyperthermie, etc.)

• La seconde 15 à 20 jours plus tard

• Réalisation par le laboratoire des deux analyses simultanément lors de la réception du second sérum (la plupart des laboratoires effectuent le premier test puis congèlent le sérum)

• Seules les méthodes semi-quantitatives (fixation du complément, séroneutralisation, inhibition d'hémagglutination) donnent des résultats interprétables pour ces cinétiques. Les Elisa ne peuvent donner qu'une indication et c'est le changement de statut du sérum qui sera interprété (par exemple faiblement positif à fortement positif)

• Matériel requis : tubes secs, envoyés sans précautions particulières

• Le souhait d'une cinétique d'anticorps doit être mentionné (cas des protocoles grippe pour le Respe

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