Interprétation qualitative et quantitative de l'examen coproscopique - Pratique Vétérinaire Equine n° 151 du 01/07/2006
Pratique Vétérinaire Equine n° 151 du 01/07/2006

Auteur(s) : Gilles Bourdoiseau*, Lise Roy**

Fonctions :
*Laboratoire de parasitologie
Maladies parasitaires
École nationale vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat
BP 83, 69280 Marcy-l'Étoile

La coproscopie parasitaire fait aujourd'hui partie des examens complémentaires de base pour suivre un effectif ou un sujet. Elle mérite d'être utilisée comme une aide au diagnostic.

De nombreux motifs de consultation peuvent faire l'objet d'une demande, par le clinicien, d'un examen coproscopique (parasitologique) auprès d'un laboratoire d'analyses médicales. Cette recherche est faite soit à des fins diagnostiques, afin de confirmer une hypothèse clinique (ascaridose imaginale, strongyloïdose…), soit dans le cadre du suivi d'un effectif (gestion d'un centre équestre), pour dépister les animaux porteurs de parasites (strongyloïdose, habronémose) ou pour évaluer l'efficacité d'un traitement, et donc détecter une éventuelle chimiorésistance (cyathostomose).

Avant toute interprétation, il convient que la demande d'examen soit motivée (confirmer ou infirmer une hypothèse), c'est-à-dire que la coproscopie se place, comme tout examen complémentaire, dans le cadre d'un raisonnement médical, de connaître la technique utilisée et de comparer le résultat quantitatif obtenu à un seuil.

Matériel et méthodes

De nombreux ouvrages de parasitologie décrivent les éléments de base de l'examen coproscopique. Le matériel nécessaire comporte un microscope, des verreries, du liquide à forte densité, un dispositif de Baermann et une lame de McMaster. Les méthodes mises en œuvre sont variées :

- la méthode d'enrichissement par flottation, la technique de référence, qui consiste à diluer une petite quantité du prélèvement fécal dans un volume donné de liquide à forte densité (liqueur de Janeckso et Urbanyl ou iodomercurate de potassium, chlorure de sodium ou sulfate de magnésium à saturation, sulfate de zinc modifié à l'acétate de zinc) afin de recueillir les formes de dissémination dans le surnageant ;

- la méthode d'enrichissement par sédimentation, dont la procédure est inverse (dilution dans l'eau, lecture du culot), moins utilisée en raison d'une lecture difficile ;

- la méthode de McMaster, qui est une technique de flottation particulière permettant d'obtenir une approximation quantitative des formes disséminées par gramme de fèces (œufs par gramme, ou opg) ;

- la méthode de Baermann, qui utilise l'hygrophilie des larves pour les recueillir, après sédimentation, dans un verre à pied rempli d'eau (utile pour le diagnostic de dictyocaulose) ;

- la coproculture, qui consiste en une technique d'évolution au laboratoire des œufs en éléments plus développés (larves) afin de faire une diagnose générique (utilisée pour différencier les genres de “strongles digestifs”) ;

- la coloration de Ziehl-Neelsen modifiée pour la mise en évidence des ookystes de cryptosporidies.

Interprétation d'une coproscopie qualitative

Une coproscopie qualitative, quelle que soit la méthode utilisée, se traduit par un résultat simple : présence ou absence de formes de dissémination parasitaires dans le prélèvement traité. L'interprétation doit toutefois intégrer deux éléments :

- l'existence de faux positifs et de faux négatifs ;

- la difficulté de conclure après la mise en évidence de certaines formes de dissémination “habituelles”, fréquentes (œufs de strongles digestifs) ou peu pathogènes (ookystes coccidiens).

Les faux négatifs

Les faux négatifs correspondent à l'absence d'éléments observables dans le prélèvement alors que l'animal est infesté. Plusieurs éléments peuvent “négativer artificiellement” l'analyse :

- les mauvaises réalisation et conservation du prélèvement : insuffisant en quantité, très liquide (transit intestinal accéléré, lors de strongyloïdose par exemple), récolté sur le sol, soumis à dessiccation, non conservé par le froid ni traité rapidement ;

- les helminthoses larvaires (cyathostomoses, larva migrans ascaridiennes) ;

- les prélèvements effectués en période prépatente ;

- les prélèvements réalisés immédiatement après un traitement anthelminthique (les benzimidazoles, par exemple, surtout sous-dosés, inhibent la ponte des femelles de strongles, sans pour autant débarrasser le cheval de ces parasites) ;

- le manque de sensibilité de la méthode retenue, parfois associé à une faible prolificité et/ou à une irrégularité d'élimination des formes parasites (les cestodes du cheval, par exemple, illustrent ce défaut). Ces parasites éliminent des segments ovigères qui, lysés dans le tube digestif distal, libèrent des œufs. Ces derniers sont irrégulièrement détectés par la méthode classique : une double technique de sédimentation par centrifugation/flottation a une sensibilité de 61 % seulement, et sans corrélation entre le nombre d'œufs observés et celui de cestodes adultes chez le cheval.

Le cas également illustratif est celui d'une coproscopie effectuée en fin d'hiver chez un cheval qui présente une diarrhée malgré un traitement anthelminthique strongylicide. Ce dernier éliminant les cyathostomes adultes favorise l'émergence des larves enkystées de “petits strongles”, ce qui induit l'apparition d'une cyathostomose–maladie larvaire. Autant la cyathostomose-infestation se traduit par une coproscopie positive, autant la cyathostomose-maladie se manifeste par l'observation à l'œil nu de nombreuses larves de stade 4, de couleur rouge, et une coproscopie microscopique négative (ou faiblement positive).

Les faux positifs

Les faux positifs consistent en l'observation d'éléments parasitaires qui ne signifient pas pour autant une confirmation de parasitose – maladie correspondante – ou la présence de parasites adultes chez l'animal. À l'origine de ces faux positifs :

- de mauvais prélèvements (récolte de fèces de mélange), à même le sol (souillure par des nématodes libres) ;

- un pica, fréquent chez le jeune, dû à l'ingestion passive de crottins d'un cheval adulte lui-même infesté (cas de l'ascaridose imaginale) ;

- une ingestion passive d'œufs de parasites présents dans un pré pâturé par des ruminants (œufs de grande et de petite douves).

Lors de faux positifs ou de faux négatifs, l'examen complémentaire n'est qu'une indication et n'établit jamais un diagnostic. L'hypothèse parasitaire fondée sur des arguments épidémiologiques et cliniques ne doit pas être écartée au vu d'un tel résultat et la coproscopie est renouvelée (environ une semaine plus tard si l'état clinique de l'animal l'autorise).

Cependant, dans un contexte clinique évocateur, peut être considérée comme justifiant la mise en place d'un traitement spécifique l'observation :

- chez le jeune, d'un œuf de Parascaris equorum (), d'un œuf ou d'une larve de Strongyloides westeri () ;

- chez le jeune et l'adulte, d'un œuf ou d'une larve de Dictyocaulus arnfieldi, d'un œuf d'habronèmes, d'oxyures (), d'un embryphore d'anoplocéphales.

En revanche doivent être interprétés avec prudence, voire complétés par d'autres examens complémentaires ou une nouvelle coproscopie, les résultats qui mettent en évidence :

- des œufs de strongles digestifs (), parasites habituels du cheval et dont seule l'estimation quantitative peut confirmer l'importance ;

- des œufs de grandes douves (à compléter par des examens sérologiques) ;

- des ookystes coccidiens, le pouvoir pathogène des coccidioses équines étant faible (généralement bénignes) ;

- des kystes de Giardia, et de nombreuses espèces de flagellés et de ciliés dont le rôle pathogène n'est pas direct, mais le plus souvent la conséquence d'un déséquilibre dans les populations constitutives de la faune digestive habituelle (à la suite de traitements antibiotiques répétés, par exemple). Toutefois, le rôle du déséquilibre de la flore secondaire à l'antibiothérapie n'est pas toujours prépondérant. Giardia est retrouvé pour tous les groupes d'âge d'après une étude américaine, et chez 17 à 35 % de poulains en bonne santé [3]. Son implication dans les diarrhées des poulains n'est pas claire. Cryptosporidium est retrouvé chez 15 à 31 % de poulains sains âgés de deux semaines et six mois [1]. Il est probable qu'il soit à l'origine de diarrhées chez les foals, phénomène généralement autolimitant. Eimeria leuckarti est aussi souvent isolé chez les poulains sains, mais son pouvoir pathogène est mal connu [2].

La diagnose de la forme de dissémination observée au microscope se fonde sur :

- la forme (globuleuse, rectangulaire, ovoïde, ellipsoïde) ;

- la taille en micromètres ;

- la couleur, la paroi et le contenu (syncytium, cellule simple, morula, larve).

Interprétation d'une coproscopie quantitative

Une coproscopie quantitative se traduit par le nombre de formes de dissémination parasitaires dans le prélèvement traité par gramme de matières fécales. Le résultat est alors à comparer à un seuil “consensuel” ou à un témoin.

Cette méthode présente plusieurs avantages :

- détecter l'animal source de parasites (pour le milieu extérieur et pour ses congénères ; par exemple, la jument suitée pour son poulain), plutôt que le cheval malade. L'excrétion massive d'œufs constitue un danger immédiat (pour les formes éliminées directement infestantes) et médiat (pour les formes non directement infestantes) qu'il convient de prévenir par un traitement spécifique ;

- suivre un animal. Dans la mesure où est retenue la même méthode sur plusieurs années, il est possible d'observer l'âge à partir duquel s'instaure un équilibre animal-populations de parasites. Chez le jeune, l'opg peut être élevé, diminuant progressivement avec l'efficacité du système immunitaire à l'encontre de la ponte des femelles. Cet équilibre opg-système immunitaire-traitements anthelminthiques doit être maintenu ;

- suivre un effectif entretenu dans un biotope donné (box, pâturages…) et étudier la relation entre la fréquence des coliques et la prévalence parasitaire ;

- vérifier l'efficacité des traitements anthelminthiques en enregistrant (ou non) une chute importante de l'opg dix jours après le traitement (opg2) ; l'absence de diminution significative de l'opg2 par référence à l'opg avant le traitement (opg1) doit faire suspecter un phénomène de chimiorésistance.

Cet examen a toutefois des limites :

- il existe un seuil de détection en dessous duquel l'analyse se révèle faussement négative : de l'ordre de 100 opg ;

- il n'est pas possible d'établir une relation de proportionnalité entre l'opg et la population parasite hébergée par l'animal. Un cheval qui présente un résultat de 10 000 opg de strongles digestifs n'héberge pas deux fois plus de parasites que son congénère qui a 5 000 opg (voir le “Facteurs qui influent sur la quantité d'œufs présents dans un prélèvement fécal”). Trop de facteurs propres au parasite et à l'animal interviennent de façon aléatoire et variable pour qu'une relation mathématique simple puisse être définie ;

- pour faire des comparaisons, il convient de recourir à la même méthode pratiquée sur des prélèvements effectués à une période de l'année identique.

Il semble que la coproscopie parasitaire souffre de plusieurs biais :

- elle est peu demandée par les praticiens, alors que, comme tout examen complémentaire, elle est une aide à la démarche diagnostique, à la surveillance épidémiologique de nombreuses affections parasitaires et à la confirmation de l'efficacité des prescriptions (et donc à la gestion des phénomènes de chimiorésistance) ;

- elle est souvent mal interprétée (problème du seuil, des faux négatifs et des faux positifs). Notamment, des thérapeutiques anthelminthiques répétées, abusives, sont mises en œuvre en vue d'obtenir un résultat négatif, signe d'un cheval indemne de parasites. De telles pratiques constituent sans doute le danger majeur car elles contribuent à l'instauration de chimiorésistances.

Or cet examen doit être prescrit en routine dans le cadre d'une démarche diagnostique, d'un raisonnement médical, afin de répondre à une question correctement formulée :

- chez un cheval en mauvais état général, amaigri, dont les performances sont moyennes, ou qui présentent des coliques récurrentes, une anémie modérée, une hyperéosinophilie…, l'hypothèse parasitaire peut-elle être confirmée ?

- dans le cadre d'un élevage ou d'un centre équestre, la prévalence de coliques et/ou de diarrhées semble significativement élevée. En outre, les vermifugations sont aléatoires, non synchrones et purement tactiques (c'est-à-dire répondant à un parasitisme manifeste) : les syndromes digestifs observés sont-ils en relation avec une population parasite non contrôlée ? Des traitements anthelminthiques stratégiques répétés permettraient-ils de diminuer cette prévalence ?

Notes :

  • (1) Consulter le site www.vet-lyon.fr, rubrique “formations”, puis rubrique “pédagogie”. Dans le chapitre “étudiants”, cliquer sur “coproscopie parasitaire”, sur l'image “diagnose”, puis sur la photo “cheval”. Ce site présente les arbres diagnostiques des formes de dissémination observables permettant d'aboutir à une diagnose : à partir du nom du parasite, l'internaute peut consulter la fiche descriptive de celui-ci et de la parasitose correspondante.

  • (2) La réduction de l'opg (FECR : fecal egg count reduction) se mesure en % = ([opg1 - opg2]/opg1) x 100 ; si le % est supérieur à 90 %, l'anthelminthique testé est efficace ; si le % est inférieur à 90 %, un phénomène de chimiorésistance est fortement suspecté.

Éléments à retenir

> L'interprétation qualitative doit intégrer les faux positifs et faux négatifs. La diagnose spécifique nécessite un œil exercé et, si possible, le recours à la même méthode.

> La coproscopie quantitative est utile pour le suivi d'efficacité d'un traitement anthelminthique (calcul du taux de réduction en opg) et le suivi parasitologique d'un effectif.

Réferences

  • 1 - Cole DJ, Cohen ND, Snowden K, Smith R. Prevalence of and risk factors for fecal shedding of Cryptosporidium parvum oocysts in horses. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998 ; 213(9) : 1296-1302.
  • 2 - Lyons ET, Drudge JH, Tolliver SC. Natural infection with Eimeria leuckarti: prevalence of oocysts in feces of horse foals on several farms inKentucky during 1986. Am. J. Vet. Res. 1988 ; 49(1) : 96-98.
  • 3 - Xiao L, Herd RP. Epidemiology of equine Cryptosporidium and Giardiainfections. Equine Vet. J. 1994 ; 26(1) : 14-17.

À lire également

  • - Herd RP. Performing equine fecal egg counts. Vet. Med. 1992 ; March : 240-244.
  • - Herd RP. Equine parasite control : keeping up with evolution. Vet. Med. 1995 ; may : 477-480.
  • - Proudman CJ, Edwards GB. Validation of a centrifugation/flotation technique for the diagnosis of equine cestodiasis. Vet. Rec. 1992 ; 131 : 71-72.
  • - Uhlinger CA. Uses of fecal egg count data in equine practice. Comp. Contin. Educ. 1993 ; 15(5) : 742-749.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr