Tomodensitométrie chez le cheval : principes et applications - Pratique Vétérinaire Equine n° 149 du 01/01/2006
Pratique Vétérinaire Equine n° 149 du 01/01/2006

Auteur(s) : Maria Bouchgua*, Kate Alexander**, Marc-André d'Anjou***, Sheila Laverty****

Fonctions :
*Département de sciences cliniques,
Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Montréal, CP 5000,
St-Hyacinthe, Québec,
Canada, J2S 7C6

En évitant les superpositions de structures et en autorisant la détection de faibles variations de densité tissulaire et le reformatage tridimensionnel, la tomodensitométrie permet au vétérinaire équin d’évaluer précocement les lésions, d’établir un diagnostic précis et d’adapter le traitement.

La tomodensitométrie, ou scannographie, tomographie axiale commandée par ordinateur (Taco), computed tomography (CT) scan, est une technique de routine en imagerie humaine. Les applications ne cessent de croître en médecine équine, depuis son introduction dans les années 1980 [3, 4, 18, 19]. La tomodensitométrie consiste à produire une série d’images en coupes transversales d’une région anatomique sélectionnée à partir de rayons X. Chacune des images obtenues est le résultat de l’atténuation des rayons X par les différents tissus traversés.

En s’affranchissant des limites liées à la superposition des structures anatomiques, la tomodensitométrie est plus performante que la radiologie conventionnelle, dont elle est complémentaire, pour l’évaluation de la plupart des lésions (voir le ) Elle peut également remplacer la résonance magnétique pour le diagnostic de certaines affections (voir le ). En médecine équine, la tomodensitométrie est particulièrement utile au diagnostic des affections de la tête, des vertèbres cervicales et du système myoarthrosquelettique. Elle améliore l’évaluation du pronostic et l’établissement d’un traitement approprié.

Principes de la tomodensitométrie

Tomodensitomètre

• Un tomodensitomètre est composé d’un portique ou “gantry”, d’une table et d’un ordinateur.

Le portique, en forme d’anneau, contient le tube à rayons X, le collimateur et une série de détecteurs.

Le tube ressemble à celui des appareils à radiographie standards, mais peut effectuer un glissement rotatoire à l’intérieur du portique et envoie des rayons X à 360° autour de l’animal.

Le collimateur limite le faisceau primaire pour diminuer la surface exposée du cheval. La largeur de l’ouverture du collimateur détermine l’épaisseur des coupes tomodensitométriques.

Le rôle des détecteurs est d’absorber les photons émis par le tube à rayons X, puis de les transformer en un signal électrique. Cependant, il existe deux grandes catégories de détecteurs, seuls ceux à cristaux phosphorescents (de scintillation, ou détecteurs solides), qui absorbent la presque totalité des photons [6, 21], sont employés dans les tomodensitomètres récents. Il existe maintenant des tomodensitomètres dotés de plusieurs rangées d’anneaux de détecteurs (dits multibarettes) qui permettent d’acquérir plusieurs coupes simultanément et de balayer une région anatomique plus rapidement.

• L’animal est placé sur la table commandée par l’ordinateur de contrôle, qui se déplace de façon linéaire à l’intérieur du portique (). Le déplacement est coordonné avec la rotation du tube et le degré de déplacement correspond à l’épaisseur et à l’intervalle de coupe sélectionnés. Les tables de tomodensitomètre standard peuvent supporter un poids maximal de 150 à 200 kg. Une table spécialisée, adaptée au poids des chevaux adultes, est donc nécessaire.

• Le mouvement de la table par rapport au portique peut suivre un mode axial ou hélicoïdal.

En mode axial, la table est immobile lors de la rotation du tube radiogène et se déplace sur une distance qui correspond à l’épaisseur de chaque tranche. L’image de chaque tranche est obtenue séparément, ce qui prolonge le temps d’acquisition.

- En mode hélicoïdal, le tube maintient une rotation continue autour de l’animal qui avance progressivement à l’intérieur du portique. Cette acquisition d’images contiguës est plus rapide et limite les artefacts de mouvements. Elle permet un reformatage de meilleure qualité.

• L’ordinateur contrôle l’acquisition des images selon les paramètres pré-établis, convertit les données recueillies par les détecteurs en une image en coupe transversale et permet la manipulation de ces images.

Formation d’une image

• Les rayons X sont absorbés, réfléchis ou transmis suivant les structures anatomiques traversées. Ils sont captés par les détecteurs et transformés en un signal électrique qui est amplifié et converti numériquement par l’ordinateur en une valeur chiffrée, le nombre CT ou “Hounsfield Unit” (HU).

Le nombre CT est directement lié au coefficient d’atténuation linéaire du tissu irradié, c’est-à-dire à la capacité du tissu à arrêter les rayons X. Les nombres CT dépendent donc de la densité relative du tissu.

Sur l’image, ces nombres se traduisent par une échelle de gris qui ressemble aux tons de gris vus en radiographie. Par convention, lorsque les rayons X traversent un tissu sans contrainte (par exemple l’air), l’image tomodensitométrique obtenue est noire. Lorsque les rayons X sont complètement arrêtés par un tissu (par exemple le métal), l’image obtenue est blanche. Tous les intermédiaires sont représentés par des nuances de gris.

L’eau est la référence à 0 HU. La valeur - 1 000 HU représente une densité tissulaire égale à celle de l’air, donc à une image noire. La valeur + 1 000 HU correspond à une densité osseuse moyenne et à une image presque blanche. Il existe des HU supérieures à + 1 000 qui correspondent à de l’os très dense ou à du métal (voir la ). Les différents tissus de l’animal, de densités variables, seront représentés par une série d’images en coupe transversale traduites par une gamme de gris passant du noir au blanc.

• L’image est composée d’une série de colonnes (x) et de rangées (y) de pixels. L’ensemble de ces pixels, qui ont tous une hauteur (x) et une largeur (y), forme une matrice bidimensionnelle (x, y). Chaque pixel de cette matrice représente en fait un petit cube de tissu d’épaisseur “z”, tridimensionnel, appelé voxel. L’ordinateur “aplatit” ces voxels pour les représenter comme des pixels sur l’image, chacun ayant une valeur HU correspondant à la densité moyenne du tissu à l’intérieur du voxel original (voir la ).

Plusieurs matrices de pixels peuvent être utilisées pour représenter une même coupe de tissu, soit “256 x 256”, “512 x 512” (la plus commune) ou “1024 x 1024”. La taille de la région visualisée (“field of view” ou “FOV”) et celle de la matrice déterminent le volume de tissu représenté par chaque pixel et la résolution de l’image. Ainsi, la visualisation d’une région de 10 x 10 cm avec une matrice de 512 x 512 offre une meilleure définition et permet de détailler avec plus de précision les structures anatomiques que celle d’une région de 20 x 20 cm avec une matrice de 256 x 256, car la première sera composée de plus petits pixels.

Réalisation d’un examen

Contention et positionnement de l’animal

L’acquisition des images doit se faire chez un animal parfaitement immobile et une anesthésie générale est requise, d’autant plus que les coupes tomodensitométriques sont assez longues à obtenir et que la configuration habituelle des tomodensitomètres ne permet pas de réaliser cet examen chez des animaux en position debout.

La durée de l’examen varie en fonction de l’étendue de la région anatomique à examiner, du nombre de coupes effectuées, du mode d’acquisition et de la capacité du tube à rayons X. Les examens les plus courts durent quelques minutes et les plus longs, environ 45minutes.

Le cheval adulte est placé en décubitus dorsal ou latéral selon la région anatomique à examiner. Les poulains peuvent également être positionnés en décubitus sternal. Un positionnement très précis est requis car la symétrie des structures anatomiques à l’intérieur de l’image est souvent utilisée comme référence pour déterminer l’étendue des lésions et leur gravité.

Paramètres d’acquisition d’images

Selon les structures à mettre en évidence, différents paramètres sont ajustés : l’algorithme (ou filtre) de reconstruction, le niveau de fenêtrage (“window level”), la largeur du fenêtrage (“window width”), l’épaisseur, l’intervalle et le nombre de coupes, et le mode d’acquisition (axial ou hélicoïdal).

• L’algorithme est le modèle mathématique dont l’ordinateur se sert pour reconstruire l’image. Il a un impact majeur sur l’apparence du contour et de la texture des tissus. Les principaux algorithmes sont des “tissus osseux” et des “tissus mous”, mais il en existe d’autres. Un algorithme “tissus osseux” détaille précisément le contour des structures osseuses, alors qu’un algorithme “tissus mous” permet de visualiser les structures de densités liquide, graisseuse, et les tissus mous.

• La largeur et le niveau de fenêtrage, qui agissent sur la luminosité et sur le contraste de l’image, doivent être ajustés au moment de la visualisation des images. Si la région examinée présente plusieurs structures de densité tissulaire similaire, comme du liquide et des tissus mous, une fenêtre plus étroite est choisie afin d’augmenter le contraste. En revanche, si les densités des structures tissulaires qui nous intéressent sont éloignées, comme de l’os (+ 300 à + 2 000) et de l’air (- 1 000), une fenêtre large est sélectionnée pour inclure l’intervalle de densité désiré. Le niveau est le nombre CT qui correspond au point central de la fenêtre sélectionnée. Il détermine l’emplacement de la fenêtre par rapport à l’échelle de gris. Pour évaluer les structures osseuses, qui ont une densité élevée (HU élevée), un niveau qui se rapproche de la HU moyenne de l’os est choisi. Pour évaluer des structures osseuses, un niveau d’environ + 500 et une fenêtre de 2 000 HU permettent d’obtenir une image dont les HU (ou nuances de gris) vont de - 500 à + 1 500. Pour le tissu mou, un niveau d’environ 50 HU et une fenêtre d’environ 350 HU permettent de visualiser les HU entre - 125 et + 225.

Épaisseur et plans de coupe

• L’épaisseur des coupes est comprise entre 1 et 10 mm. Plus la structure à examiner est petite, plus les coupes à réaliser doivent être fines et rapprochées, pour maximiser les chances d’identifier une lésion. Lors d’examen des articulations, où une très grande précision est recherchée, des coupes de 1 à 2 mm d’épaisseur sont utilisées. En revanche, pour la tête, des coupes de 5 à 10 mm sont généralement suffisantes. Des coupes fines facilitent en outre le reformatage des images dans d’autres plans. L’inconvénient de la réalisation de coupes très fines est qu’elles accroissent le nombre d’images, donc la longueur de l’examen et la vitesse d’usure du tube à rayons X. L’intervalle de coupes correspond à l’espace entre chaque coupe. En général, un intervalle nul est préféré.

• L’examen tomographique standard est réalisé dans le plan transverse. L’acquisition numérique de l’information permet un “reformatage” dans différents plans : sagittal, dorsal ou oblique. Un reformatage volumétrique qui offre la possibilité de créer des modèles tridimensionnels de structures osseuses est également réalisable. Ces reformatages d’images permettent une meilleure évaluation des lésions et améliorent le traitement.

Applications pratiques

La tomodensitométrie est utilisée pour l’examen de la tête, de la colonne vertébrale cervicale et du squelette appendiculaire chez le cheval adulte. Le diamètre du portique est un facteur limitant qui ne permet pas d’examiner le thorax ou le abdomen de cheval adulte. En revanche, jusqu’à une certaine taille, un thorax ou l’abdomen d’un poulain peut être évalué.

Examen de la tête

La complexité de l’anatomie de la tête associée à la superposition des structures osseuses, dentaires et des tissus mous rend difficiles les interprétations radiologiques et échographiques de cette région [20, 30]. Les images obtenues par tomodensitométrie ont l’avantage de ne pas présenter d’effet de superposition des structures.

La tomodensitométrie de la tête est utilisée pour évaluer les affections dentaires et sinusales, les lésions temporo-mandibulaires, les fractures, les infections osseuses, les polypes, les hématomes de l’ethmoïde, les kystes paranasaux, les lésions des poches gutturales, ainsi que les malformations congénitales et les processus tumoraux [8, 11, 19, 20, 29, 30, 31, 35, 37].

L’étendue de ces lésions, la sévérité de la destruction osseuse et la localisation de fragments osseux, souvent impossibles en radiographie peuvent être évalués en tomodensitométrie () [8, 29]. Lors d’arthropathie temporohyoïdienne, la tomodensitométrie peut mettre en évidence une fusion de l’articulation temporohyoïdienne et un élargissement de l’os stylohyoïde proximalement [35]. Dans l’évaluation des affections dentaires et sinusales, il est possible d’identifier des changements de structure de l’émail et de la dentine, des signes d’alvéolite et de sinusite. [11] Le reformatage multiplanaire permet de déterminer si les lésions dentaires sont liées à des problèmes nasaux et/ou paranasaux, et aide à comprendre l’étendue et la distribution des lésions [11].

Les densités relatives du globe oculaire, des muscles extra-oculaires, de la graisse peri-oculaire et de l’orbite osseux fournissent un contraste marqué qui permet l’évaluation tomodensitométrique des anomalies ophtalmiques [12, 20]. Des fractures de l’orbite, des corps étrangers, des abcès peri-oculaires, une névrite optique et des tumeurs peuvent ainsi être diagnostiqués par tomodensitométrie [8, 12, 17, 20].

Certaines techniques de contraste peuvent être couplées à l’examen tomodensitométrique. La dacryocystographie permet l’évaluation du canal lacrymal [17]. La fistulographie s’adapte à la tomodensitométrie et peut mettre en évidence des corps étrangers et des communications tissulaires anormales, au niveau non seulement du crâne, mais aussi des membres et de l’encolure [37].

Examen du cerveau

De nombreuses lésions encéphaliques peuvent être visualisées par tomodensitométrie : les granulomes de cholestérol au niveau des plexus choroïdes, l’hydrocéphalie, les abcès cérébraux, les hématomes intracrâniens et les adénomes pituitaires [1, 7, 8, 19, 28, 29, 34, 36]. L’extension encéphalique de tumeurs des cavités nasales ou des tissus péri-orbitaux peut également être évaluée [8, 20]. Les granulomes de cholestérol sont des masses qui se retrouvent à l’intérieur des ventricules latéraux et qui peuvent être calcifiées [34].

Bien que la dose optimale chez le cheval ne soit pas encore établie, un produit de contraste iodé peut être injecté par voie intraveineuse pour mieux visualiser les lésions au niveau des tissus mous encéphaliques [1, 8, 20, 34]. Cela s’avère particulièrement utile lors de lésions encéphaliques, lors de rupture de la barrière hémato-méningée. Cette rupture permet au milieu de contraste de s’accumuler localement et augmente la densité de la région lésée. Cela permet de mieux détecter les lésions.

Les abcès cérébraux peuvent être mis en évidence avec un produit de contraste. Leur capsule devient hyperdense par rapport au parenchyme environnant et est caractérisée par un rehaussement dit “en anneau” [2, 7]. Un traitement chirurgical par craniotomie ou une aspiration de la lésion peuvent alors être envisagés [2, 7].

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) reste néanmoins la technique de choix pour évaluer les affections du système nerveux central, étant donné sa meilleure résolution pour la différenciation des tissus mous. La présence d’artefacts qui résultent de la densité élevée de l’os temporal (portion pétreuse) limite la qualité de l’évaluation tomodensitométrique des lésions du tronc cérébral et du cervelet.

Examen de la colonne cervicale

Chez le cheval adulte, le potentiel diagnostique des radiographies de la colonne cervicale est limité par la superposition des structures, la prise de vue uniquement latérale et l’impossibilité d’évaluer la moelle épinière sans myélographie. Comme pour la tête, la possibilité de modifier les images dans différents plans et l’élimination des superpositions constituent les avantages majeurs de la tomodensitométrie. La colonne vertébrale entière peut être évaluée chez un poulain. En revanche, chez l’adulte, cette évaluation se limite à la portion cervicale, et souvent au segment C1-C6 seulement. La tomodensitométrie peut néanmoins s’avérer utile dans le diagnostic de fractures ou de malformation atlanto-axiale, de méningocèle, d’abcès spinaux, de myélopathie compressive (ou “wobbler”), d’ostéochondrose et de lésions agressives [5, 14, 16, 23, 24, 32, 33]. Certaines fractures à peine visibles à la radiographie peuvent être mises en évidence par tomodensitométrie et cette dernière peut être une aide lors du traitement chirurgical [5].

Chez les chevaux atteints de myélopathie compressive cervicale, les valeurs de diamètre sagittal minimal obtenues par la tomodensitométrie ont une très forte corrélation avec celles obtenues lors d’examen nécropsique [16]. Pour ces mêmes cas, la tomodensitométrie peut être associée à l’injection d’un produit de contraste iodé au niveau de l’espace sous-arachnoïdien (CT-myélographie) [16, 23]. Cette technique a l’avantage de mettre en évidence des compressions latérales de la moelle épinière qui ne peuvent être vues lors d’un examen myélographique standard [16]. Lorsqu’une masse compressive de la moelle épinière est présente, il peut être possible de constater la compression sans CT-myélographie [32].

Examen du squelette appendiculaire

La tomodensitométrie est particulièrement adaptée à l’examen du système myoarthrosquelettique car elle permet de détecter précocement les lésions osseuses. Des variations de densité tissulaire de l’ordre de 0,5 % peuvent ainsi être mises en évidence, alors que lors d’examens radiologiques standards, les modifications ne sont visibles que lorsqu’il y a une perte ou une néoformation osseuses d’au moins 30 à 50 % [4]. L’ostéo-absoptiométrie est une technique qui permet d’évaluer précisément le contenu minéral de différentes régions de l’os en corrélant la valeur HU de l’os à un étalon contenant des matériaux de densité connue [13]. Cependant, bien que la tomodensitométrie permette d’identifier certaines anomalies des tendons, ligaments et tissus mous articulaires, elle est moins utile pour ces applications que l’échographie et l’IRM.

Le tomodensitomètre permet de détecter la présence d’un trait de fracture radiographiquement invisible, une lésion osseuse à proximité d’une surface articulaire et des lésions de l’os sous-chondral qui sont difficiles ou impossibles à détecter à la radiographie [4, 10, 15, 27]. La tomodensitométrie a également été utilisée pour l’évaluation de cas d’ostéomyélite, de fractures multiples (), de fractures du processus palmaire latéral de la phalange distale, de lésions d’ostéochondrose (OCD), de kystes et de syndrome podo-trochléaire [4, 10, 15, 22, 25, 27, 38, 39, 41].

La tomodensitométrie a permis l’identification d’une lésion suspectée lors de l’examen scintigraphique et peu visible radiographiquement dans des cas de lésions de l’os sous-chondral [10]. Elle a orienté le choix du traitement à mettre en place (chirurgical ou médical) et l’établissement du pronostic chez six chevaux atteints de fractures multiples de la phalange moyenne [22].

Lors de dégénérescence de l’os naviculaire, la tomodensitométrie permet de mettre en évidence des lésions de sclérose de l’os sous-chondral, d’une ostéolyse et des enthésophytes, ainsi que la présence de fragments osseux non visibles radiographiquement [25]. Le CT permet une évaluation plus précise de la sclérose intramédullaire et de la surface facies flexoria de l’os naviculaire que la radiographie. Une étude rapporte que des zones de tendinite du fléchisseur profond ont été détectées en tomodensitométrie. Ces lésions étaient néanmoins beaucoup plus visibles lors de l’examen par résonance magnétique [38].

L’une des limites de l’utilisation de la tomodensitométrie dans l’évaluation des lésions osseuses, en particulier des fractures, est la nécessité d’une anesthésie générale. Le risque de complications lors du réveil d’un animal pour lequel un diagnostic de fracture a été établi doit être pris en compte et la nécessité de l’examen tomodensitométrique doit être mesurée.

Examen de l’abdomen et du thorax

L’évaluation tomodensitométrique des régions abdominale et thoracique est courante chez l’homme et chez les animaux de compagnie. Elle permet de contourner les limites de la radiographie et de l’échographie, liées notamment à la présence de gaz dans le tractus digestif et au grand volume des structures anatomiques.

L’examen tomodensitométrique de ces régions n’est pas possible chez le cheval adulte, mais il peut être réalisé chez le poulain, chez certains poneys ou chez le cheval miniature. Les descriptions d’études tomodensitométriques des régions thoracique et abdominale en médecine équine restent rares. Dans un cas, une suspicion de lymphadénopathie trachéobronchique a pu être confirmée lors de l’examen tomodensitométrique chez un poulain [40]. Dans un autre cas, un diagnostic de dysplasie et d’hypoplasie rénale a été posé chez un poulain miniature [9].

Limites de la tomodensitométrie

• La nécessité d’une anesthésie générale, le manque de disponibilité et le coût de l’examen représentent les facteurs limitants du recours à la tomodensitométrie. Pour ces raisons, elle ne peut être utilisée directement comme un outil de dépistage. La localisation précise de la région à étudier doit être définie au préalable. La tomodensitométrie est un moyen diagnostique complémentaire de l’examen clinique, à la radiographie et de l’échographie.

• La présence d’artefacts, inhérente à toute modalité d’imagerie, peut nuire à l’interprétation des images. En tomodensitométrie, la présence de métal (par exemple des implants orthopédiques) entraîne l’apparition de traits noirs ou blancs sur l’image, qui peuvent masquer considérablement certaines régions ( ).

Le “beam hardening”, ou “durcissement du faisceau”, est un autre artefact qui apparaît au voisinage de tissus de forte densité. Des zones pâles et foncées se succèdent au niveau de la région d’intérêt, et nuisent à l’examen. La région du tronc cérébral et du cervelet est particulièrement exposée à cet artefact. La respiration et tout autre mouvement de l’animal génèrent des artefacts de “flou cinétique”.

La tomodensitométrie, modalité d’imagerie transversale complémentaire, permet l’évaluation plus précise de plusieurs régions anatomiques (crâne, cerveau, colonne vertébrale, système myoarthrosquelettique) pour lesquelles la radiographie et l’échographie sont d’un intérêt limité.

  • Remerciements à Florent David.

Éléments à retenir

> Une anesthésie générale est requise pour l’examen tomodensitométrique car l’acquisition des images est assez longue et doit se faire chez un animal parfaitement immobile.

> La densité tissulaire peut être précisément déterminée et des variations de densité de 0,5 % sont évaluées, ce qui permet la détection précoce de lésions, notamment osseuses.

> Chez le cheval, la tomodensitométrie est utilisée en particulier pour l’examen de la tête, de la colonne vertébrale cervicale et du squelette appendiculaire. Le diamètre du portique est un facteur limitant qui ne permet pas d’examiner le thorax ou l’abdomen des chevaux adultes. En revanche, ces régions anatomiques peuvent être évaluées chez les jeunes poulains.

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