Colectomie partielle lors de nécrose ischémique de la courbure pelvienne - Pratique Vétérinaire Equine n° 148 du 01/10/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 148 du 01/10/2005

Auteur(s) : Marie Dehlinger*, Xavier Gluntz**, Gilles-André Battail***, Pierre Cirier****

Fonctions :
*Clinique vétérinaire du Lys,
663, avenue Jean-Jaurès,
77190 Dammarie-les-Lys

Un cheval de sept ans est présenté pour un syndrome abdominal aigu évoluant depuis plusieurs heures. Le suivi montre des lésions marquées du gros côlon qui nécessitent une intervention chirurgicale.

Un cheval selle français hongre, âgé de sept ans, est référé à la Clinique vétérinaire du Lys pour un syndrome abdominal aigu évoluant depuis quatre heures.

Son propriétaire lui a administré au début de la crise de coliques des antispasmodiques (camylofine 0,2 mg/kg, dipyrone 25 mg/kg, Spasfortan®), sans amélioration notable.

Le vétérinaire traitant, alors appelé, examine le cheval environ une heure trente après l'injection d'antispasmodiques. L'animal présente de l'inconfort (une douleur sourde). Sa fréquence cardiaque est de 60 bpm, et le temps de recoloration des capillaires (TRC) et les muqueuses sont normaux.

Les bruits digestifs sont absents des quatre quadrants d'auscultation.

La vidange gastrique permet de recueillir 3 litres de contenu alimentaire. Pour le vétérinaire traitant, la palpation transrectale révèle un déplacement du gros côlon avec une rate déviée vers le milieu de l'abdomen.

Avant de référer le cheval, le vétérinaire met en place pour le transport un traitement à base d'a2-agonistes (romifidine 0,07 mg/kg, Sédivet®) et d'AINS (flunixine méglumine 1,1 mg/kg, Meflosyl®).

Examen clinique

À son arrivée à la clinique, le cheval présente un bon état général. Aucune trace de sudation, ni aucune escarre ne sont relevées. La douleur semble discrète. Les muqueuses sont roses, le TRC est de deux secondes. La fréquence cardiaque est de 44 bpm et la fréquence respiratoire de douze inspirations par minute.

La circonférence abdominale est modérément augmentée à gauche. Les bruits digestifs sont absents des quatre quadrants d'auscultation.

La palpation transrectale suggère un déplacement à gauche du gros côlon en cours de résolution. Une surcharge de ce dernier est notée. Le sondage nasogastrique ne permet pas de recueillir de reflux.

Examens complémentaires

L'échographie transabdominale ne révèle aucune anomalie, et, en particulier, l'absence de liquide péritonéal : la paracentèse n'est donc pas réalisée.

Les analyses hématobiochimiques révèlent une hypoprotéinémie modérée (49 g/l), les autres examens étant normaux (GB = 7,9 x 106/mm3, Ht = 31,2 %, créatinine = 17 mg/l).

Suivi hospitalier

La nuit suivant son hospitalisation, le cheval montre à plusieurs reprises des signes de douleur. Il reçoit alors des α2-agonistes (détomidine, de 10 à 30μg/kg, Domosedan®) et de la dipyrone (25 mg/kg, Calmagine®).

• À J0 + 1, le cheval est toujours douloureux (FC = 60 bpm en moyenne) et ne présente toujours aucun transit. La palpation transrectale ne révèle aucune anomalie. Une perfusion de Ringer lactate à un rythme d'entretien (3 l/h) lui est administrée pendant un jour afin de réhydrater le contenu digestif. Il reçoit également de la flunixine méglumine (Avlezan®), un quart de dose toutes les huit heures pour lutter contre l'endotoxémie.

• À J0 + 2, le cheval semble moins douloureux (FC = 44 bpm) et présente un léger transit, sans pour autant passer de crottins. Dans la soirée, une augmentation du rythme cardiaque est notée (FC = 60 bpm), sans aucune autre altération de l'état général.

• À J0 + 3, l'état général du cheval se dégrade (FC = 76 bpm, hyperthermie à 39,1 °C). La palpation transrectale met en évidence une surcharge pâteuse du gros côlon. Le sondage nasogastrique permet de recueillir 3 litres de reflux. Le transit est absent et le cheval n'a toujours pas passé de crottins. Les analyses hématologiques mettent en évidence une leucopénie (GB = 3,5 x 106/mm3) avec une neutropénie. L'échographie transabdominale ne montre pas de liquide dans la cavité abdominale.

En l'absence de diagnostic précis, et devant la dégradation de l'état général du cheval malgré trois jours de traitement médical, il est décidé, en accord avec le propriétaire, de réaliser une laparotomie exploratrice.

Intervention chirurgicale

Après la pose d'un cathéter intraveineux à la veine jugulaire droite, une antibioprophylaxie (ceftiofur 2 mg/kg, Excenel®, et gentamicine 6,6 mg/kg, G4®), ainsi qu'un traitement anti-inflammatoire (flunixine méglumine 1,1 mg/kg, Avlezan®) sont administrés en préopératoire.

Une prémédication à base d'a2-agonistes (détomidine 20 mg/kg, Domosedan®) et de diazépam (Valium®, 0,1 mg/kg) est réalisée. L'induction de l'anesthésie est pratiquée par l'administration de kétamine (Imalgène 1000®, 2,2 mg/kg), puis un relais gazeux à l'halothane est mis en place. Le cheval est placé en décubitus dorsal. Le site de laparotomie est préparé chirurgicalement à l'aide de polyvidone iodée (Vétédine savon et solution®) et d'alcool.

L'incision, d'environ 20 cm, est effectuée en regard de la ligne blanche, à partir de l'ombilic et crânialement à celui-ci. La courbure pelvienne est extériorisée. Elle présente une couleur anormale et une surcharge, qui s'étend également dans le côlon ventral gauche (). L'exploration du côlon extériorisé révèle la présence d'une zone de nécrose au niveau de la séreuse du côlon dorsal gauche ( et ).

Une entérotomie de la courbure pelvienne est réalisée afin de vidanger le côlon et d'évaluer l'étendue de la zone de nécrose (). Cette dernière est beaucoup plus importante que ne le laissait supposer la lésion de la séreuse puisqu'elle intéresse toute la muqueuse du côlon dorsal gauche sur une longueur de 30 cm environ (voir la pièce d'exérèse : , , et ). Ces lésions semblent être dues à une ischémie, compatible avec celle provoquée par une thrombo-embolie de l'artère mésentérique crâniale (pas de torsion ni de volvulus identifiés à l'exploration de la cavité abdominale).

Il est alors décidé de pratiquer une entérectomie de la courbure pelvienne et d'une partie des côlons gauches (soit une résection d'environ 1,20 m). La plaie d'entérotomie est laissée en l'état et n'est pas suturée puisque cette portion du côlon sera éliminée. L'entérectomie est réalisée à l'aide de pinces autosutures GIA 80 mm (quatre pour le côlon ventral gauche, une pour le côlon dorsal gauche). Puis une anastomose latéro-latérale entre les côlons gauches est effectuée à l'aide de pinces autosutures GIA 80 mm (deux pinces). Les extrémités des sutures par agrafes sont renforcées par un surjet enfouissant (Vicryl décimale 3 aiguille ronde, polyglactine). Les bords de l'anastomose sont aussi renforcés avec le même fil. Un by-pass d'environ 18 cm est ainsi créé (, , , , et ).

L'examen du reste de la cavité abdominale est normal.

La paroi abdominale est suturée en trois plans. Le plan musculaire est suturé à l'aide d'un surjet avec un fil Safil E Set Brown décimale 7 (acide polyglycolique), le plan sous-cutané par un surjet avec un fil résorbable Biosyn décimale 3 (glycomer) et le plan cutané avec des agrafes.

Un pansement collé stérile est mis en place.

Le réveil s'effectue sans incident.

Suivi hospitalier

Le lendemain de l'intervention chirurgicale, le cheval se porte bien (FC = 44 bpm). Les traitements antibiotique (ceftiofur 2 mg/kg SID IV, Excenel® et gentamicine 6,6 mg/kg SID IV, G4®) et analgésique (flunixine méglumine, 1,1 mg/kg BID IV, pendant trois jours, puis quart de dose QID IV pendant trois jours, Avlezan®) sont poursuivis. Un traitement anticoagulant (héparine sodique 80 UI/kg BID pendant deux jours, SID pendant deux jours et un jour sur deux pendant deux jours) est mis en place afin de limiter la formation d'adhérences et de lutter contre une éventuelle coagulopathie.

• À J0 + 6, l'état général du cheval se dégrade (FC = 76 bpm, hyperthermie), il est abattu et montre des signes d'inconfort. Dans la soirée, il présente une diarrhée aqueuse nauséabonde. En raison de ces signes, le traitement antibiotique est continué tel quel (gentamicine SID et ceftiofur SID) pendant quatre jours. Le cheval est placé sous perfusion (5 l/h de Ringer lactate pendant deux jours) afin de compenser la perte hydrique due à la diarrhée. Il reçoit du charbon (1 g/kg, voie nasogastrique), puis un astringent du tube digestif (Poudre Tonique Astringente®, 160 g BID per os pendant deux jours puis SID pendant un jour) et des reconstituants de la flore digestive (Flore Process®, 2 seringues BID pendant deux jours, puis SID pendant un jour). Lors des épisodes d'inconfort, le cheval est légèrement sédaté et/ou reçoit des antispasmodiques.

• À J0 + 8, les perfusions sont arrêtées, et à J0 + 10, le cheval ne reçoit plus aucun traitement.

Il sort de la clinique quatorze jours après son hospitalisation.

Seconde hospitalisation

Quatre jours après sa sortie, le cheval est référé à la clinique pour un syndrome abdominal aigu depuis vingt-quatre heures.

Au début de la phase de coliques, le cheval a reçu un antispasmodique (camylofine 0,2 mg/kg, dipyrone 25 mg/kg, Spasfortan®), sans effet notable.

Le vétérinaire référant examine le cheval environ dix heures après le début des coliques. La fréquence cardiaque est de 48 bpm, les muqueuses sont pâles, le TRC est normal.

La palpation transrectale ne révèle aucune anomalie, mis à part la présence de méléna. Le sondage nasogastrique ne permet pas de récupérer de reflux.

Des injections d'α2-agonistes (romifidine 0,07 mg/kg, Sédivet®) et d'AINS (flunixine méglumine 1,1 mg/kg, Meflosyl®) sont effectuées avant d'envoyer le cheval à la clinique.

Examen clinique

À son arrivée à la clinique, le cheval présente un état général moyen, avec une douleur modérée.

Les muqueuses sont roses, le TRC est de deux secondes.

La fréquence cardiaque est de 48 bpm, la fréquence respiratoire est de douze inspirations par minute.

La circonférence abdominale est normale. Les bruits digestifs sont très augmentés dans les quatre quadrants d'auscultation.

En raison de l'opération précédente (entérectomie d'une partie des côlons gauches), la palpation transrectale est inhabituelle et délicate à interpréter. Cependant, hormis l'absence de la courbure pelvienne, aucune autre anomalie n'est relevée.

Le sondage nasogastrique ne permet pas de recueillir de reflux.

Examens complémentaires

Les analyses hématobiochimiques révèlent une leucocytose modérée (GB = 13 x 106/mm3), un hématocrite en dessous des valeurs normales (26 %), ainsi qu'une hypoprotéinémie (47 g/l).

L'échographie transabdominale ne révèle aucune anomalie.

Suivi hospitalier

Le cheval est hospitalisé pendant cinq jours, durant lesquels il montre des signes d'inconfort par intermittence. Cet inconfort est diminué par l'administration d'antispasmodiques (dipyrone, 25 mg/kg, Calmagine®) ou d'α2-agonistes (détomidine, 10 μg/kg, Domosedan®). L'hématocrite reste en dessous des valeurs usuelles.

Une gastroscopie est réalisée en raison de l'expression sourde des coliques et ne révèle aucune anomalie.

La sortie du cheval se fait cinq jours après son hospitalisation en raison de la disparition progressive des signes de coliques sourdes et de la reprise d'une alimentation normale.

Suivi à moyen terme

Pendant les deux mois suivant l'intervention chirurgicale, le cheval est sorti au pas. Une échographie de contrôle de la cicatrisation de la plaie de laparotomie ne montre pas d'anomalie.

Entre deux et six mois postopératoires, le cheval reprend progressivement le travail.

Quatre mois après l'entérectomie du côlon, le cheval se porte bien, mais peine à prendre de l'état. Il est en début de phase de reprise de travail (marche au pas monté). Six mois après l'entérectomie, le cheval se porte très bien et a repris de l'état. Il a repris l'entraînement de CSO et sort à nouveau en épreuves à son niveau initial ().

Discussion

Les affections du gros côlon ont été décrites comme représentant 25 à 37 % des causes de coliques [9] et environ 50 % des causes de lésions abdominales aiguës nécessitant une laparotomie [15]. La résection du gros côlon a été développée comme une alternative à l'euthanasie chez des chevaux présentant un gros côlon non viable [15, 19]. Les atteintes du gros côlon pouvant nécessiter une résection sont essentiellement des lésions étranglées de celui-ci, telles que des torsions ou des volvulus. Plus anecdotiquement, cette résection peut également être réalisée lors d'entrappement néphrosplénique avec atteinte vasculaire, d'impaction au sable, d'entérolithe, de néoplasie, d'abcès pariétal, etc. [15, 20]. Enfin, la résection d'une partie du gros côlon est également recommandée lors de lésions d'infarcissement, dont le diagnostic est parfois délicat en raison de symptômes cliniques parfois des plus frustes (douleur sourde, signes cliniques d'iléus et d'endotoxémie, liquide péritonéal qui, normal dans les premiers stades de cette affection, peut ensuite suggérer l'installation d'une péritonite) [14, 17].

D'un point de vue étiologique, l'ischémie et l'infarcissement intestinal sont parfois à mettre en relation avec des phénomènes de CIVD et autres désordres systémiques de coagulation, ou encore avec l'embolisation de thrombi en provenance d'autres sites [14]. En l'absence d'obstruction étranglée, les lésions d'infarcissement du gros côlon, pouvant intéresser l'ensemble ou une partie de la paroi intestinale, sont communément associées à la migration des larves L4 de Strongylus vulgaris [1, 6, 8, 9, 18, 22]. Ces dernières sont en effet présumées responsables de lésions d'artérite vermineuse, voire de thrombo-embolie [8, 11, 12, 13, 18, 22, 23].

Les vaisseaux les plus souvent concernés sont l'artère mésentérique crâniale, l'artère iléocæcocolique [11, 12, 22] et les vaisseaux intra-intestinaux [8]. La migration des larves entraîne une atteinte de l'endothélium, qui provoque la formation d'un thrombus [12, 13, 18, 22, 23]. Le thrombus peut être recouvert par un nouvel endothélium et être incorporé à la paroi vasculaire lorsque la larve quitte le site [22, 23], ce qui diminue le diamètre de l'artère, voire conduit à l'obstruction complète ou partielle de petites artères [13].

La perturbation du flux sanguin suite à une thrombo-embolie vermineuse qui a été démontrée par échographie et angiographie chez des poneys infectés [8], est considérée comme un facteur majeur de coliques chez le cheval [8, 18, 22]. Le diagnostic est difficile à établir formellement, et est souvent une découverte d'autopsie [22]. L'échographie transrectale permet une bonne discrimination des lésions de thrombo-embolie vermineuse (sensibilité de 90 %, spécificité de 86 %) [22].

La présence d'un thrombus dans la lumière artérielle provoquerait des turbulences, diminuerait l'élasticité des vaisseaux et limiterait le flux sanguin par réduction du calibre du vaisseau [12, 22]. Cette perturbation entraînerait une ischémie localisée, responsable d'une altération du péristaltisme pouvant aller jusqu'à la torsion ou le volvulus [8, 12]. Les lésions d'infarcissement peuvent être étendues ou, au contraire, focales comme dans notre cas [17].

Mais l'hypothèse de lésions intestinales exclusivement dues à un thrombus a été remise en question. En effet, il existe une vascularisation collatérale extensive, qui compense les diminutions de calibre des vaisseaux mésentériques majeurs [8]. Les autres hypothèses pouvant expliquer une ischémie intestinale sont une coagulation intravasculaire ou un mécanisme humoral, en réponse à une réaction d'hypersensibilité aux larves de parasites, qui peuvent entraîner la constriction diffuse des vaisseaux pariétaux. Des vasoconstricteurs relargués par les plaquettes ou les leucocytes, ou l'activation de la cascade de coagulation pourraient aussi jouer un rôle important dans l'altération transitoire du flux sanguin [8].

Lors de lésions vasculaires du gros côlon (torsion, volvulus ou infarcissement), la résection d'un segment plus ou moins important peut être indiquée. Si la résection d'une portion du gros côlon augmente le temps de chirurgie et nécessite un suivi postopératoire intensif, elle diminue la mortalité et la morbidité [15]. En effet, lors de dommages de la paroi intestinale (qui peuvent être difficiles à évaluer visuellement [12]), si la portion non viable n'est pas réséquée, elle peut présenter un syndrome de reperfusion et une perte de son épithélium [12, 15]. Les dommages de la muqueuse entraînent une hémorragie et une perte de protéines dans la lumière intestinale, et une absorption favorisée des endotoxines [12, 15]. Des complications majeures comme une endotoxémie, une péritonite, une fourbure, un avortement, etc., peuvent alors conduire à l'euthanasie de l'animal [15].

L'utilisation de pinces autosutures (type GIA) réduit le temps de chirurgie et la contamination de la cavité abdominale, et est plus pratique lorsque le site de résection se situe dans la cavité (par exemple à proximité du ligament cæcocolique) [1]. Elles sont cependant à employer avec précaution sur un côlon lésé, car la paroi peut être trop œdématiée et friable. Une suture à la main est alors préférable [16].

La technique utilisée le plus souvent est l'anastomose latéro-latérale, avec création d'un by-pass entre les côlons gauches ou les côlons droits [16, 17].

Les complications qui peuvent être rencontrées après une résection du gros côlon sont une diarrhée osmotique pendant les quelques jours qui suivent la chirurgie [9, 20], la formation d'adhérences, une coagulopathie de consommation induite par des endotoxines (l'administration d'héparine diminue ces deux derniers risques) [12]. Une chute de l'hématocrite postopératoire peut survenir, non par hémorragie mais par perte de la masse sanguine contenue dans la portion de côlon réséquée [9]. De même, une perte de poids en phase postopératoire immédiate peut être due à la perte de la masse du côlon réséqué et des ingesta qu'il contenait [9].

Le cæcum et le gros côlon sont les sites principaux de l'absorption de l'eau, des acides gras volatils, du phosphore [3, 6, 19], des électrolytes [9, 19] et de la digestion des fibres (cellulose) [19]. Le gros côlon joue aussi un rôle dans la balance protéique chez les chevaux soumis à un régime pauvre en protéines et riche en fibres [19]. Lors de résection plus ou moins importante du gros côlon, une altération de la digestion chez le cheval opéré peut survenir.

Des études morphométriques après résection d'un segment de gros côlon ont montré une hyperplasie initiale de la muqueuse qui semble être une adaptation pour augmenter la surface d'absorption du côlon restant [2, 7]. La surface d'absorption globale augmente entre trois semaines et six mois après l'intervention chirurgicale [2].

L'activité de certaines enzymes des entérocytes est modifiée par la résection d'un segment de gros côlon [6]. En effet, la capacité de transport des nutriments à travers la barrière intestinale dépend de la surface d'absorption et de l'activité enzymatique. Dans le cas d'une résection de gros côlon, la surface d'absorption est diminuée (même si elle augmente par la suite), l'activité enzymatique doit donc augmenter pour compenser. Les phosphatases alcalines (PAL) des entérocytes sont responsables du transport des acides gras à longue chaîne, du cholestérol, du calcium (transport vitamine D dépendant) et du phosphore [6]. Chez les chevaux à résection de gros côlon, l'activité des PAL est significativement augmentée [20] car ils présentent ont une balance du phosphore négative après la chirurgie [3, 4, 6, 10].

La résection d'un segment de gros côlon diminue temporairement la digestion apparente des protéines. Les pertes de protéines semblent causées par un catabolisme augmenté suite au traumatisme et à la manipulation d'organes majeurs. Mais les valeurs des protéines retrouvent leur normalité deux à trois semaines après l'intervention chirurgicale s'il y a un apport alimentaire correct et pas de sepsis [22]. Cette diminution temporaire de la digestion des protéines participe à la perte de poids constatée après la chirurgie : le cheval consomme plus de protéines (stress chirurgical) et les digère moins bien [3].

Chez le cheval, une partie significative du processus de digestion dans le gros côlon dépend de la disponibilité du substrat, de la rétention prolongée du substrat dans le compartiment, des conditions anaérobies et du pH [10]. Or il existe dans la paroi de la courbure pelvienne et du côlon ventral droit un pacemaker myoélectrique, responsable de la rétropulsion du flux d'ingesta, augmentant ainsi le temps de transit (ou de rétention) [4]. Une étude de la vitesse de transit à l'aide d'un marqueur chez des chevaux après résection du gros côlon a montré une augmentation de la vitesse du transit (ajoutée à la diminution de longueur du côlon), donc une diminution du temps de rétention des substrats dans le compartiment fermentaire. Il en résulte une diminution de la digestion des fibres (cellulose), des vitamines et des électrolytes [4, 5], et une baisse de l'absorption de l'eau [3, 4, 19]. Ces chevaux présentent donc une augmentation de l'excrétion de fèces et d'eau fécale (2,2 %) après la chirurgie [3].

Outre les adaptations morphologiques et enzymatiques à ce nouvel équilibre, le cheval s'adapte en augmentant sa prise alimentaire (3,8 % de son poids corporel, contre 2 % pour les chevaux de contrôle) [5] et sa consommation d'eau (car la diminution de l'absorption de l'eau ne s'accompagne pas de déshydratation si le cheval a de l'eau à volonté) [3]. Il est important d'assurer au cheval un apport d'eau suffisant, en particulier lors de grosse chaleur ou d'effort important [3]. Certains auteurs recommandent de donner du foin de luzerne (riche en protéines) à ces chevaux, plutôt que du foin d'herbe ou de la luzerne en granulés [5], d'autres estiment qu'aucune mesure diététique spécifique n'est nécessaire [11, 19].

Malgré le handicap potentiel que peut représenter la résection d'une partie plus ou moins importante du gros côlon, diverses adaptations permettent au cheval de compenser cette perte. Ces adaptations mettent environ six mois à se mettre en place de façon optimale et, après une perte de poids postopératoire, le cheval reprend de l'état, et peut même reprendre son activité au niveau antérieur. Le cheval peut s'adapter à une résection extensive du gros côlon (75 % ou plus) [1]. Dans le cas de lésions graves du côlon, de type vasculaire (torsion, volvulus, lésions thrombo-emboliques), il est préférable de tenter la résection des portions lésées plutôt que de les laisser en place. Cela augmente les chances de survie de l'animal.

Éléments à retenir

> La résection du gros côlon peut être envisagée comme une alternative à l'euthanasie chez des chevaux présentant un gros côlon non viable.

> Les lésions du gros côlon pouvant nécessiter une résection sont essentiellement représentées par des atteintes étranglées de celui-ci, telles que des torsions ou un volvulus. La résection d'une partie du gros côlon est également recommandée lors de lésions d'infarcissement, dont le diagnostic peut être délicat en raison de symptômes cliniques parfois des plus frustes.

> La technique utilisée est le plus souvent l'anastomose latéro-latérale, avec création d'un by-pass entre les côlons gauches ou les côlons droits.

> Malgré le handicap potentiel que peut représenter la résection d'une partie plus ou moins importante du gros côlon, diverses adaptations permettent au cheval de compenser cette perte.

Références

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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