Intérêts des inséminations sur ovulation constatée ou en haut de corne - Pratique Vétérinaire Equine n° 147 du 01/07/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 147 du 01/07/2005

Auteur(s) : Jean-Marc Charvolin

Fonctions : Clinique vétérinaire
Route de Dijon
21140 Sémur-en-Auxois

Une étude compare pendant quatre ans sur trois lots de juments les intérêts techniques et économiques des inséminations, soit pratiquées lors d'ovulation constatée en utilisant une seule dose par cycle, soit en haut de corne pour diminuer le nombre de spermatozoïdes utilisés.

Expérimentée depuis 1957 et autorisée en France depuis 1985, l'insémination artificielle en sperme congelé (IAC) chez la jument est une technique qui permet de diviser le volume de l'éjaculât en plusieurs doses afin d'inséminer plusieurs femelles et de séparer indéfiniment, dans le temps et dans l'espace, l'éjaculation et l'insémination.

La survie limitée du sperme congelé après insémination nécessite une insémination quotidienne jusqu'à l'ovulation. Les spermatozoïdes acquièrent leur pouvoir fécondant (capacitation) dans l'oviducte, lieu où se fera la fécondation [3, 6].

Depuis quelques années, le nombre de cartes par étalon n'est plus limité et celui de juments par étalon peut être augmenté à volonté. Le seul facteur limitant reste donc les qualités reproductrices intrinsèques de l'étalon et sa disponibilité (carrière sportive, mortalité).

Auparavant, le nombre de doses fournies pour chaque contrat (appelé “carte de saillie”) n'était pas limité par les étalonniers, mais, depuis quelque temps, il est réduit (trois doses, soit vingt-quatre paillettes, pour un étalon champion du monde, par exemple), sans possibilité d'obtenir des doses supplémentaires en cas d'échec, même moyennant finances. Cette limitation est due à plusieurs raisons, dont :

- l'augmentation du nombre de cartes par étalon ;

- la poursuite des compétitions ;

- des préoccupations commerciales, mises en évidence par la différence de teneur entre les différents contrats de saillies (nombre variable de doses, propriété ou non des doses non utilisées, etc.)

Dans un premier temps, ces nouvelles données ont conduit les centres de mise en place de semences congelées à réduire le nombre de paillettes utilisées par jument et donc par cycle. De nombreuses études ayant montré qu'il n'était pas intéressant en termes de résultat de diminuer le nombre de spermatozoïdes par dose (400 millions) [9, b], les inséminateurs ont été conduits, pour n'utiliser qu'une seule dose de 400 millions de spermatozoïdes par cycle exploité, à pratiquer des inséminations sur ovulation constatée, plus fréquemment appelées des “inséminations en postovulation”. L'injection d'HCG (ou de buséréline) chez la jument [7] permet souvent de déclencher l'ovulation dans les quarante-huit heures, mais le délai de réponse reste variable d'un individu à l'autre, et il est souvent nécessaire de répéter les échographies pour détecter l'ovulation et pour pratiquer l'insémination à cette période [2, 8].

Les résultats de nombreuses études [4, 10] montrent que, pour être fécondantes, ces inséminations doivent être pratiquées dans les six heures qui suivent l'ovulation [12]. Cette technique nécessite donc un suivi échographique toutes les six heures, ce qui entraîne un surcoût. L'intérêt économique de cette démarche peut donc être mis en question par les propriétaires.

Dans un second temps, une nouvelle méthode dite d'“insémination profonde” ou d'“insémination en fond de corne” (voir l'encadré “Matériel et technique pour l'insémination en haut de corne chez la jument”) a permis de réduire le nombre de spermatozoïdes à chaque insémination en utilisant, dans la pratique courante, une ou deux paillettes qui représentent 50 000 ou 100 000 spermatozoïdes, soit un huitième ou un quart de dose. Certaines doses d'étalons sont dorénavant fournies aux seuls centres qui peuvent utiliser cette technique en ne faisant parvenir que trois paillettes, les éventuelles paillettes non utilisées devant théoriquement être restituées en fin de saison.

Une étude rétrospective sur quatre ans a donc été menée afin de dégager les intérêts respectifs de ces techniques et de comparer les résultats en fonction du surplus de travail ou de technicité pour le praticien, qui se traduit en frais supplémentaires pour le propriétaire de la jument.

Cet essai de terrain – sans être aussi rigoureux qu'une expérimentation clinique – a l'avantage de présenter une situation réelle dans laquelle le centre de mise en place n'a pas la maîtrise du choix des juments et des étalons. Celui-ci doit, dans l'intérêt de son client, obtenir le meilleur résultat en surmontant les contraintes techniques imposées par les étalonniers ou par les distributeurs de semence.

Matériels et méthodes

Techniques employées

La même équipe de vétérinaires pratique les suivis échographiques dans trois centres de mise en place de semence congelée : une station des Haras nationaux (HN) de la circonscription de Cluny et deux centres de mise en place privés.

Les juments sur lesquelles porte cette étude ont été suivies et inséminées en respectant trois protocoles différents.

• Le protocole “PN” (dit normal, recommandé par les HN) est le suivant :

- suivi échographique des juments en chaleur toutes les vingt-quatre heures ;

- induction de l'ovulation lorsque le follicule en croissance a un diamètre supérieur à 35 mm [5, 11, 13] ;

- insémination avec une dose de 400millions de spermatozoïdes, soit huit paillettes, toutes les vingt-quatre heures dès l'induction et jusqu'au constat d'ovulation (la première insémination artificielle, ou IA, pouvant intervenir vingt-quatre heures après l'induction).

Toutes les juments suivies aux HN, ainsi que quelques juments des centres privés ont bénéficié de ce protocole. Il s'agit de juments allant à des étalons dont le nombre de doses n'était pas strictement limité.

• Le protocole “P1” (une IA par cycle) est le suivant :

- suivi échographique des juments toutes les vingt-quatre heures pendant l'œstrus ;

- induction sur un follicule préovulatoire supérieur à 35 mm et en croissance ;

- suivi échographique toutes les six heures après induction ;

- insémination lorsque l'ovulation est constatée, l'intervalle entre l'ovulation et l'insémination ne dépassant donc jamais six heures.

Selon les observations du vétérinaire lors de l'induction (taille, forme et consistance du follicule), la surveillance toutes les six heures a pu ne commencer que douze, dix-huit ou vingt-quatre heures après l'induction [13].

Ce protocole a été mis en œuvre dans les centres privés pour des juments allant à des étalons dont le nombre de doses pour une carte de saillie était strictement limité (trois doses par carte, par exemple) et une seule dose était employée par cycle.

• Le protocole “IAP” (IA profonde) a été employé à partir de 2004 en remplacement du protocole P1, trop lourd à gérer. Il est le suivant :

- suivi échographique des juments en chaleur toutes les vingt-quatre heures ;

- induction de l'ovulation lorsque le follicule en croissance a un diamètre supérieur à 35 mm [5, 11, 13] ;

- insémination avec une dose de 100 millions de spermatozoïdes, soit deux paillettes, toutes les vingt-quatre heures dès l'induction et jusqu'au constat d'ovulation (la première IA pouvant intervenir vingt-quatre heures après l'induction).

Pour trois juments, et à la demande du distributeur, les inséminations ont été réalisées avec seulement une paillette, soit 50 millions de spermatozoïdes. Ces juments ont été incluses dans cette étude, au même titre que celles qui ont reçu deux paillettes, soit 100 000 spermatozoïdes par IA.

En cas de double ovulation bilatérale prévisible, une dose de 100 millions de spermatozoïdes (deux paillettes) a été déposée en haut de chaque corne.

L'induction pharmacologique de l'ovulation est obtenue par la production d'un pic de LH, d'origine soit exogène par injection d'hormone gonadotrope à activité LH (HCG®), soit endogène par administration d'un analogue de GNRH (Réceptal®) [4 bis].

L'administration des hormones gonadotropes se fait par une injection unique intraveineuse et l'ovulation est observée trente-six heures après en moyenne.

L'administration de peptides de synthèse analogues du GNRH (buséréline) provoque l'ovulation dans un délai de quarante heures en moyenne. Une injection unique est inefficace. Le protocole utilisé est d'une injection toutes les douze heures en faisant quatre injections successives.

Cette étude rétrospective d'une durée de quatre années a inclus 193 juments et a comporté 340 cycles exploités en 2001, 2002 et 2003 pour les protocoles PN et P1, et en 2004 pour le protocole IAP, qui a remplacé, dans la pratique, le protocole P1 (voir le “Nombre d'animaux et de cycles sur lesquels ont été étudiés les différents protocoles”).

Variables étudiées

Dans cette étude, les gestations ont été diagnostiquées au quatorzième jour et confirmées au quarantième. Sont donc considérées comme gravides les juments qui ont été diagnostiquées gestantes à J40, les avortements tardifs n'ayant aucune relation avec les méthodes de suivi échographique et d'insémination.

Le terme de fertilité (F40) s'applique au rapport du nombre de juments gravides à J40 sur le nombre de juments inséminées (pour chaque protocole) et le terme de fertilité par cycle (F/Q) correspond au rapport du nombre de cycles fécondants (= nombre de juments gravides) sur le nombre total de cycles exploités (pour chaque protocole).

Seules quelques juments qui ont présenté des symptômes infectieux graves (endométrites sévères) ou des affections ayant interféré avec leurs facultés reproductrices ont été retirées de l'étude. Ces troubles ayant été détectés dès le premier œstrus, le statut sanitaire moyen des juments peut être considéré comme identique dans chaque protocole.

Population de juments des différents lots

L'âge moyen des juments sur l'ensemble des trois années est de 11,67 ans, avec une tendance au rajeunissement pour celles en PN (voir la “Âge des juments dans les trois protocoles”).

Cela peut s'expliquer par le fait que beaucoup de juments des groupes P1 (+ 3,4 ans) et IAP (+ 2,6 ans) ont été sélectionnées sur leurs performances en compétition, ce qui a retardé l'âge moyen de la mise à la reproduction. Certaines juments dont les qualités sont reconnues sur leur descendance (donc plus âgées) sont inséminées avec des étalons très améliorateurs, ce qui nécessite un suivi intensif des juments. Ces différences d'âge sont significatives et feront l'objet d'une interprétation lors de l'analyse des résultats.

Les juments ont été suivies en moyenne pendant 1,77 cycle (voir le et la “Nombre de cycles exploités par jument dans les trois protocoles”).

Les étalons

Considérant le nombre d'étalons différents qui sont intervenus dans chaque catégorie et sachant que le nombre de juments par étalon varie entre 1,28 et 3,5, nous pouvons éliminer la possibilité d'un “effet étalon” qui aurait pu influencer les résultats [1] (voir le “Nombre d'étalons par catégorie et nombre de juments par étalon” ).

Il convient cependant de noter que toutes les paillettes n'avaient pas la même provenance. Certaines étaient fournies par les Haras nationaux (protocole PN) ; d'autres, de provenance étrangère, pouvaient ne pas répondre aux mêmes critères de qualité que les premières.

Les statistiques

L'analyse statistique a été conduite avec le logiciel Excell. Les statistiques qui suivent ont été calculées avec une précision de 2 %. Ainsi, tout écart dans les résultats des différents paramètres étudiés est jugé significatif s'il est supérieur à 2 %. En matière d'insémination en sperme congelé, les différences obtenues en fonction des techniques et des habitudes personnelles sont faibles et les améliorations apportées jouent “à la marge” des statistiques, tout en faisant la distinction entre une réussite moyenne et un bon résultat sur l'ensemble d'une saison.

Pour ces raisons, une précision de 0,02 nous est donc apparue adaptée.

Résultats

Relation entre la fertilité apparente et le type de protocole

Une synthèse des résultats de la fertilité des juments pour chaque protocole et pour toutes les années considérées est représentée par la “Relation entre la fertilité apparente et le type de protocole utilisé”.

La fertilité apparente des juments est sensiblement identique quel que soit le protocole, les différences n'étant pas significatives (p < 0,02).

La légère variation en faveur du groupe IAP doit être relativisée par le fait que le nombre de cycles utilisés dans ce groupe est supérieur à celui du groupe PN (2,15 versus 1,52).

Les résultats de fertilité apparente à quarante jours ne sont pas modifiés par le type de protocole pour le suivi échographique et la technique d'insémination.

Fertilité par cycle et par protocole

Les résultats de l'étude (voir la “Relation entre la fertilité par cycle et le type de protocole utilisé”) révèlent une fertilité par cycle (F/Q) qui évolue selon les protocoles entre 37 et 39 %.

Les juments en IAP semblent être pénalisées par une fertilité par cycle légèrement inférieure à celle des juments en PN et en P1. Cependant, les différences ne sont pas significatives (p < 0,02).

Les inséminations en postovulation (P1) ou en IAP ne diminuent pas la fertilité par cycle.

Ces taux de fertilité à quarante jours (F40) et de fertilité par cycle (F/Q) sont à rapprocher des chiffres publiés lors des dernières journées techniques des Haras nationaux [a], soit en moyenne 74 % pour les fertilités en fin de saison et 40 % de fertilité par cycle [b]. La fertilité par cycle légèrement inférieure dans notre étude peut être la conséquence de la moyenne d'âge élevée des juments (11,67 ans). De nombreuses juments étaient âgées de plus de quinze ans. Or la fertilité chute fortement au-delà de cet âge, selon les données des HN.

Influence de l'âge sur la fertilité par protocole

Les juments qui ont bénéficié du protocole PN sont significativement plus jeunes que celles en P1 (+ 3,4 ans) et en IAP (+ 2,6 ans). Dans tous les groupes, les juments gravides sont plus jeunes que les juments vides. Mais l'analyse de la différence d'âge dans chaque protocole entre les juments gravides et non gravides montre que, dans le panel des juments en PN, cette différence d'âge (2,5 ans) est significative (précision de 0,02), alors qu'elle ne peut être considérée comme telle dans les autres groupes (respectivement 0,4 an et 1,3 an ; précision de 0,02) (voir la “Fertilité en fonction de l'âge dans les différentes catégories”).

Le groupe des juments PN est sensiblement plus jeune que les deux autres, et cela ne semble pas entraîner une fertilité supérieure. Dans les groupes P1 et IAP, les juments gravides et non gravides sont toutes plus âgées que la moyenne générale (voir la “Comparaison de l'âge des juments vides et des juments pleines par rapport à une moyenne d'âge générale”).

Nombre d'échographies et d'inséminations

Pour les juments en P1, le nombre d'inséminations par cycle IA/Q = 1 (voir la “Nombre d'inséminations par cycle”) est la conséquence directe de l'observance du protocole. Ce protocole requiert cependant un nombre d'échographies par cycle ECHO/Q et par saison ECHO/JU très supérieur aux autres groupes (voir la “Nombre d'échographies par cycle”), ainsi que le recours à des échographies de nuit. Les juments du groupe IAP ont été inséminées une fois de plus par cycle que celles du groupe PN. Ce qui se retrouve sur l'ensemble de la saison IA/JU (voir la “Nombre d'inséminations sur la saison”) car le nombre de cycles exploités dans ce groupe est supérieur.

Nombre de paillettes utilisées

Les techniques PI et IAP permettent une économie de paillettes conséquente comparativement au groupe PN (voir les “Nombre de paillettes par cycle” et “Nombre de paillettes par jument et par saison”). Celle-ci représente, pour chaque jument inséminée, l'équivalent de plus d'une dose par saison.

Interprétations et discussion

Les techniques associées à une offre limitée en nombre de spermatozoïdes (IAP et P1) ne diminuent pas les taux de fertilité par cycle et à quarante jours.

Ces résultats sont comparables à ceux qui ont été rapportés récemment par Marianne Vidament dans Équ'Idée [a], compte tenu du fait que les inséminations ont été faites avec 100 millions de spermatozoïdes en théorie (deux paillettes).

En outre, il semblerait que les techniques IAP et P1 diminuent l'effet néfaste de l'âge sur la fertilité. Chez certaines juments âgées, l'endométrite physiologique postinsémination est plus sévère et entraîne une accumulation de liquide dans l'utérus. Cela est associé à une contractilité moindre du myomètre et la montée des spermatozoïdes vers la jonction utéro-tubaire peut être entravée. L'IAP, en diminuant le volume de la dose inséminée et en amenant un nombre suffisant de spermatozoïdes à la jonction utéro-tubaire, semble favoriser la fécondité de ces juments. Cette amélioration observée de la fertilité des juments âgées (et peut-être de certains étalons subfertiles) demande à être confirmée par une étude plus précise et sur un nombre de cycles plus important.

Les juments du groupe IAP ont été inséminées une fois de plus par cycle que celles du groupe PN.

Ce fait peut être expliqué par le confort intellectuel que la technique IAP procure sur le choix du jour de la première insémination.

En effet, une incertitude subsiste toujours sur le jour où il apparaît nécessaire au praticien de débuter les inséminations. Malgré l'induction des ovulations, il existe des différences importantes entre les juments sur le moment où l'ovulation semble prévisible dans les vingt-quatre heures et la réalité de l'ovulation constatée. Pour diminuer le risque que l'ovulation se passe avant l'insémination et pour assurer la réussite de cette nouvelle technique, la première insémination dans le groupe IAP a pu intervenir plus tôt que nécessaire.

Cette possibilité, quoique plus coûteuse en nombre de paillettes, a pu être surexploitée durant l'année 2004 pour en assurer la réussite. Il n'existe en effet aucune raison sérieuse pour commencer à inséminer “plus tôt dans le cycle” avec cette méthode. Le nombre d'échographies pour les juments de ce groupe inspire les mêmes commentaires (voir la “Nombre d'échographies par saison”).

Les techniques P1 et IAP permettent une économie de paillettes conséquente comparativement au groupe PN. Rappelons le confort que procure cette méthode et la possibilité d'une économie supérieure si le rythme d'inséminations pour la jument du groupe IAP avait été identique à celui du groupe PN, soit 1,73 IA par cycle au lieu de 2,73. L'économie espérée est donc de seize paillettes dans cette hypothèse.

L'insémination en postovulation est coûteuse en termes d'échographies, mais elle permet des économies en nombre de doses utilisées.

L'insémination en haut de corne permet des économies de paillettes plus substantielles encore, au prix d'un nombre d'inséminations plus élevé, mais avec un confort de travail supérieur en termes de réflexion.

Dans notre équipe, l'insémination en haut de corne remplace avantageusement l'insémination sur ovulation constatée. En effet, l'économie de paillettes procurée par l'insémination profonde (deux paillettes par insémination) permet une insémination quotidienne après l'induction de l'ovulation et remplace avantageusement les suivis échographiques nocturnes nécessaires à la réalisation des inséminations en postovulation (huit paillettes par insémination).

Nous avons noté que la rareté des paillettes oblige les centres de mise en place à appliquer des techniques dont l'intérêt sur la fertilité est limité, alors qu'elles peuvent avoir des conséquences financières non négligeables.

Ces méthodes doivent être réservées à certains étalons, pour des raisons techniques (production réduite), et ne doivent pas absoudre les centres de production de leur “obligation” à proposer une offre en sperme congelé cohérente avec la physiologie équine, respectant des critères de qualité “normaux” du nombre de spermatozoïdes et de la mobilité postdécongélation. Une plus grande concertation et une plus grande transparence sont souhaitables en la matière.

Sur le terrain, seul le propriétaire de la jument est à même de juger, après avis du vétérinaire et en connaissant les conséquences financières, de l'opportunité d'une telle mise en œuvre pour une jument judicieusement choisie.

Conséquences financières

Dans les deux stations de monte privées, les juments sont suivies quotidiennement à 11 heures. Les éventuelles échographies supplémentaires sont donc effectuées à 18 heures, à minuit et à 6 heures. Ces visites réalisées en horaires décalés sont facturées en supplément du forfait échographique normal (toutes les vingt-quatre heures). Pour chacun des trois protocoles, le prix du suivi échographique de base est identique et conforme à celui qui est imposé par les HN dans leurs stations, mais les échographies complémentaires réalisées en horaires décalés sont facturées en plus. Pour chaque échographie, le supplément est calculé sur le coût d'une visite, avec un supplément de visite de nuit pour les échographies faites à minuit.

Dans le cadre de cette étude, il ne nous est pas possible de donner toutes les informations tarifaires, mais l'augmentation du nombre des examens gynécologiques (dont certains de nuit) dans le protocole P1 entraîne, en moyenne, un doublement du coût du suivi échographique. Il s'agit du surcoût moyen (doublement) calculé sur la moyenne des trois saisons. Le “Nombre d'échographies par cycle” montre que le groupe PN nécessite 3,27 échographies et le groupe P1 5,9.

L'éleveur qui souhaite la mise en place d'un tel suivi doit donc prendre cette dépense supplémentaire en considération, d'autant plus que ce surcoût moyen cache des disparités importantes. Ainsi, pour certaines juments dont les cycles sont très longs par absence de réponse aux injections pour induction d'ovulation, le coût est parfois doublé ou triplé. Le nombre d'échographies en P1 pour la saison varie en effet de 3 à 49, et, dans ce dernier cas de figure, une dépense supplémentaire de 1 563 euros est relevée !

La pratique de l'insémination en haut de corne fait appel à une technicité supérieure au moment de la mise en place de la semence. Cet acte n'est pas sans risque pour la jument : irritation de la muqueuse utérine, examen rectal et insémination plus longue favorisant les accidents.

Dans ce protocole IAP, le coût du suivi gynécologique est identique à celui du groupe PN, mais le geste d'insémination, plus difficile et plus risqué, rend le coût de mise en place nécessairement plus élevé.

Le point commun entre les techniques P1 et IAP est une présence plus longue de la jument au haras (0,5 cycle), ce qui entraîne aussi des frais annexes plus forts (pensions, etc.). Chaque propriétaire de jument saura donc convertir ce temps supplémentaire passé au haras en coût, en fonction de ses habitudes et des frais de pension dans le haras hôte.

Éléments à retenir

> La pratique de l'insémination profonde peut remplacer avantageusement l'insémination en postovulation.

> Le confort de travail de l'équipes oignante est préservé lors d'insémination artificielle profonde (suppression des surveillances échographiques nocturnes).

> Les économies de paillettes sont réelles avec l'insémination artificielle profonde, pour des résultats similaires, et un intérêt semble se dessiner pour les juments âgées.

Matériel et technique pour l'insémination en haut de corne chez la jument

L'insémination en haut de corne, à l'aveugle, est une technique dérivée de l'insémination sous endoscopie.

Matériel

(1) Un cathéter d'insémination “intra-utérine”d'unelongueur de75 cm, dont l'extrémité est matérialisée par une olive afin d'en faciliter la palpation transrectale.

(2) Un mandrin métallique de la même longueur (photo ci-dessous).

Procédé

• La paillette est décongelée et son extrémité soudée est coupée. Elle est introduite dans le cathéter et poussée à son extrémité par le piston métallique. L'extrémité de ce mandrin prend appui sur le bouchon de coton qui fait office de piston.

• L'ensemble est introduit dans le col de l'utérus, puis guidé manuellement par voie rectale afin d'amener l'extrémité du cathéter muni de l'olive au plus haut de la corne correspondante à l'ovaire contenant le follicule pré-ovulatoire. Un contrôle échographique peut être effectué à cet instant.

• Le mandrin est alors poussé pour effectuer la vidange de la paillette.

• Après cette première insémination, le mandrin peut être retiré avec la paillette vide en laissant la sonde en place. Il est alors possible de charger et d'inséminer une nouvelle paillette.

Références

  • 1 - Amann RP, Pickett BW. Principles of cryoconservation and a review of cryoconservation of stallion spermatozoa. Equine Vet. Sci. 1987 ; 7 : 145-173.
  • 2 - Asa CS. Sexual behaviour of mares. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1986 ; 2 : 519-534.
  • 3 - Bader H. An investigation of sperm migration into the oviduct of the mares. J. Reprod. Fert. 1982 ; suppl(32) : 59-64.
  • 4 - Belling TE. Postovulation breeding and related reproductive phenomena in the mare. Equine Pract. 1984 ; 6 : 12-19.
  • 4 bis - Bruyas JF, Battut I, Trocherie E, Hecht S, Fieni F, Egron L, Tainturier D. Efficacité de la buséréline pour induire les ovulations chez la jument cyclée : essais de deux protocoles de traitement. 22e Journée de la recherche équine, Paris, Institut du cheval, 28 février 1996. 1996 : 8-18.
  • 5 - Driancourt MA, Gougeon A, Royere D, Thibault C. La fonction ovarienne. Dans : Thibault C, Levasseur MC. La reproduction des mammifères et l'homme. Ellipses. INRA. Paris. 1991 : 273-298.
  • 6 - Ginther OJ. Reproductive biology of the mare, basic and applied aspects. 2nd ed. Equiservices. CrossPlains. Wisconsin. 1992 : 642p.
  • 7 - Hindricks K, Watson ED. Changes in the concentration of steroid and prostaglandin F in preovulatory follicules of the mares after administration of HCG. J. Reprod. Fert. 1988 ; 84 : 557-561.
  • 8 - Lefebvre R, Samper JC. Interaction between stallion spermatozoa and oviductal epithelial cells in vitro. Equine vet. J. 1993 ; suppl(15) : 39-41.
  • 9 - Leipold SD, Graham JK, Squires EI. Effect of spermatozoal concentration and number on fertility of frozen equine semen. Theriogenology. 1998 ; 49 : 1537-1543.
  • 10 - Pace MM, Sullivan JJ. Effect of timing of insemination, numbers of spermatozoa. J. Reprod. Fert. 1975 ; suppl(23) : 115-121.
  • 11 - Pierson RA, Ginther OJ. Ultrasonic evaluation of the preovulatory follicule in the mare. Theriogenology. 1985 ; 24 : 359-368.
  • 12 - Troedsson MHT, Liu IKM, Crabo BG. Sperm transport and survival in the mare. Theriogenology. 1998 ; 50 : 807-819.
  • 13 - Wofang K. Atlas de diagnostics échographiques, examen gynécologique et reproduction. Ed. Maloine. Paris. 1994 : 255p.

Congrès

  • a - Journées techniques des Haras nationaux. Blois. 12, 13 et 14 novembre 2003.
  • b - Vidament M, Ecot P, Magistriny M. La semence congelée d'étalon, améliorations récentes. 24e journée de la recherche équine. Institut du cheval. DEFI. 1998 : 25-38.

À lire également

  • a - Vidament M. Savoir bien acheter et bien utiliser le sperme congelé. Quelques informations sur l'utilisation des petites doses et de l'IA profonde. Équidée. 52 : 38-40.
  • b - Fiches techniques des Haras nationaux : “La fertilité” et “L'insémination artificielle équine”.
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