Les accidents et dommages corporels des vétérinaires équins au cours de l'exercice - Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005

Auteur(s) : Hélène Pasquet*, Jean-Marie Denoix**

Fonctions :
*Cirale-IPC, Goustranville 14430 Dozulé
**Cirale-IPC, Goustranville 14430 Dozulé

Les accidents auxquels les praticiens équins peuvent être confrontés dans leur pratique quotidienne sont recensés : leurs dangerosités présuméeetréellesont confrontées. L'accent est mis sur les moyens de prévention qu'il leur incombe de mettre en œuvre.

La pratique de la médecine équine comporte une multitude de risques physiques pour le praticien, les accidents des vétérinaires équins dans l'exercice de leur profession sont souvent spectaculaires et certaines de leurs interventions sont dangereuses. La sécurité de l'animal et des personnes est sous la responsabilité du praticien lorsque celui-ci réalise un examen ou une intervention.

Dans cette étude, nous nous sommes tout particulièrement intéressés aux accidents et aux dommages corporels des vétérinaires. Nous avons interrogé cent praticiens, exerçant en clientèle mixte ou équine pure, sur la fréquence, les circonstances, les conséquences corporelles et économiques de ces accidents. Notre enquête est représentative puisqu'elle concerne cent praticiens alors que cent cinquante vétérinaires déclarent une activité majoritairement équine [1].

L'objectif de cet article est de présenter les principales situations à risque, les conséquences les plus fréquentes d'accidents et les moyens de prévention.

Matériel et méthode

Deux types de sources de données ont été utilisés :

- un questionnaire a été soumis aux praticiens par l'intermédiaire de l'Association vétérinaire équine française (Avef) et du Centre d'imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines (Cirale) ;

- des recherches bibliographiques, sur Internet, auprès de la caisse de retraite et du siège de l'assurance maladie des professions indépendantes ont permis de définir les notions d'accident du travail et de recueillir des données chiffrées, notamment sur les invalidités des vétérinaires.

Le questionnaire comporte trois volets :

- les renseignements généraux permettent de connaître la population d'étude (âge, sexe, statut professionnel, type d'activité, cadre de travail, caractéristiques de la clientèle) ;

- les accidents corporels. Les praticiens citent les facteurs de risque qui les exposent à un accident, ainsi que les principales règles de sécurité et de prévention ;

- la fiche “accident” dans laquelle le vétérinaire décrit les circonstances des accidents qu'il a subis et leurs conséquences corporelles et professionnelles.

Enfin, le vétérinaire est invité à décrire les mesures entreprises pour éviter le renouvellement de ce type d'accident.

Résultats et analyse

Questionnaire

Population d'étude

Cent praticiens ont répondu à l'enquête. Le “profil type” du vétérinaire recensé par l'enquête est celui d'un praticien libéral, installé en association depuis une dizaine d'années. Les clientèles décrites sont essentiellement composées de chevaux de saut d'obstacle, de trotteurs et de chevaux de loisirs. Les trois quarts de ses actes sont réalisés en déplacement.

Nombre d'accidents recensés

Cent neuf accidents et douze incidents sont dénombrés. Sept praticiens sur dix ont été victimes d'au moins un accident (ce qui fait une moyenne d'environ 1,5 accident par vétérinaire interrogé). L'accident (d'après l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale [3]) est un fait survenu brusquement qui entraîne une lésion de l'organisme. L'incident survient également de façon brutale mais n'implique pas de lésion de l'organisme.

Nature des accidents recensés

Parmi ces cent vingt et un accidents et incidents, une majorité de coups de pied (70 %) est recensée (voir la “Nature des accidents recensés”)

Circonstances des accidents recensés

• Soixante-dix pour cent des accidents ont eu lieu en visite, 83 % se sont produits pendant la journée et le propriétaire tenait son cheval dans 69 % des cas.

Le cheval type de l'enquête est un selle français de six ans et demi, de saut d'obstacle ou de loisirs, en activité, dont le comportement est normal. Les femelles sont les plus représentées dans les fiches “accident” (39 %), viennent ensuite les mâles (36 %) puis les hongres (25 %).

La plupart des accidents se sont produits en longe ou lors de l'utilisation d'un seul type de moyen de contention (par exemple : tord-nez ou pied levé) (voir la “Nombre d'accidents observés selon les moyens de contention mis en œuvre”).

• Le risque d'accident dépend de la nature de l'acte réalisé par le praticien (voir la “Nombre d'accidents observés selon la nature de l'acte réalisé”).

• Les actes les plus fréquemment recensés (entre sept et neuf accidents). Neuf accidents se sont produits lorsque le vétérinaire tenait le cheval en longe pour le faire sortir ou rentrer dans le véhicule de transport, le conduire sur le lieu d'examen ou le mettre dans un travail. Il s'agit principalement de coups de pied, d'écrasements de pied et de morsures.

Neuf accidents ont été recensés au moment de l'examen clinique (auscultation des quadrants digestifs ventraux, auscultation cardiaque, prise de température). L'animal était dans la majorité des cas douloureux et agité. Les praticiens ont reçu des coups de pied.

Huit accidents ont eu lieu lors d'un examen physique. Les vétérinaires interrogés ont reçu des coups de pied postérieurs au cours de la palpation des régions distales des membres et de la flexion du postérieur.

Huit praticiens ont été blessés lors d'une castration debout. Il s'agit de coups de pied postérieurs envoyés lors de l'incision du scrotum en général. Ces accidents ont tous eu lieu après l'injection d'alpha-2-agonistes et la mise en place du tord-nez. Un vétérinaire s'est également coupé avec son bistouri, un autre s'est fait mordre.

Huit accidents (coups de pied) recensés se sont produits au cours de sutures chez un cheval debout. Dans tous les cas, une injection d'alpha-2-agonistes avait été effectuée et le tord-nez était mis en place.

La palpation transrectale apparaît dans sept fiches “accident”. Les chevaux n'étaient pas tranquillisés dans la plupart des cas. Les vétérinaires ont reçu des coups de pied postérieurs [6] ou se sont cassé le bras contre la barre du travail (lors de la chute du cheval) [3]. Un praticien a reçu un coup de pied postérieur au box par un cheval sous sédation, avec un tord-nez et un pied antérieur levé.

• Les actes recensés avec une fréquence moyenne (entre quatre et six accidents). Six praticiens ont reçu des coups de tête et des coups de pied lors d'injections intramusculaires.

Les examens d'imagerie (échographie, radiographie) apparaissent dans six fiches “accident”.

Cinq accidents ont été décrits lors de récolte de sperme, plus particulièrement au moment où l'étalon redescendait du mannequin ou de la jument, le praticien se trouvant écrasé sous le cheval.

Quatre accidents ont été recensés lors d'examen de la bouche. Il s'agit de morsures de la main (examen sans pas d'âne) et de coups de pied antérieurs.

Le sondage naso-gastrique est cité dans quatre fiches “accident”. Les praticiens ont été victimes de coups de pied antérieurs reçus au niveau de la tête. Les chevaux étaient vigiles dans tous les cas. Un praticien a pris un coup de tord-nez.

• Les actes les moins fréquemment recensés (de un à trois accidents). Trois accidents se sont produits lors d'une vulvoplastie. Il s'agit de coups de pied donnés par des juments non tranquillisées. Trois praticiens ont reçu un coup ou se sont fait écraser les pieds en tondant un membre. Les injections intraveineuses, l'infiltration (ou mésothérapie) au niveau d'un membre, le curetage d'un abcès de pied, le relevé d'un cheval au box et l'anesthésie tronculaire ont également été cités respectivement dans trois fiches “accident”.

Deux vétérinaires ont reçu des coups de pied lors du retrait de pansements abdominaux ou lors d'échographie abdominale, le cheval était dans un travail. L'examen d'une plaie, les contentions “musclées” et le déferrage figurent aussi parmi les actes cités dans deux fiches “accident”.

Enfin, un accident s'est produit lors de la mise en place d'un tord-nez. Le cheval, en se défendant, a écrasé la main d'un praticien sur une mangeoire.

Conséquences des accidents

• Les dommages corporels les plus fréquents sont les hématomes (35,7 %) et les lésions osseuses (25 %) (voir la “Conséquences observées lors d'accidents professionnels”).

• Parmi les cent praticiens interrogés, dix ont déclaré avoir conservé un handicap à court ou moyen terme et dix sont affectés par un handicap définitif (voir le “Handicaps définitifs subis par les praticiens de l'enquête”).

Classification des actes selon leur indice de dangerosité

Les lésions subies au cours d'un acte réalisé par les vétérinaires sont de gravité et de conséquences variables (voir le “Indices de gravité des dommages corporels”). Selon la gravité des dommages corporels subis pour chaque acte recensé, un indice de dangerosité est calculé (voir la “Indices de dangerosité des actes réalisés”).

Ainsi, un indice de dangerosité peut être calculé pour chaque acte recensé. En prenant l'exemple de la castration, six hématomes, trois plaies, une section tendineuse, un écrasement de quadriceps et une fêlure sternale sont observés. Ainsi, un score de 34 pour huit accidents est noté, ce qui fait un indice de dangerosité de 4,25.

Selon les fiches “accident”, l'acte le plus dangereux (celui au cours duquel les accidents ont les conséquences les plus graves) est le sondage naso-gastrique (indice de dangerosité de 9). Le relevé du cheval arrive en deuxième position : les vétérinaires se sont fait taper ou écraser une partie du corps (indice de dangerosité de 7,5). L'indice de dangerosité moyen est de 4,8.

Recherches bibliographiques

D'après la caisse de retraite, les accidents subis par les praticiens sont, pour la plupart, des accidents de la route. Sur huit mille neuf cents cotisants, quatre-vingts et une personnes invalides ont été recensées :

- 70 % pour des maladies (cancers, sida) ;

- 30 % pour des accidents, dont la plupart sont survenus sur la route.

Ces données étant confidentielles, il n'a pas été possible d'obtenir des informations plus précises.

Discussion

Facteurs de risque des accidents

Trois grandes catégories de facteurs de risque émergent à la lecture de ce questionnaire (voir la “Les facteurs de risque des accidents”).

Le vétérinaire

D'après 16,1 % des praticiens interrogés, le vétérinaire représenterait le facteur de risque le plus important. Les praticiens eux-mêmes affirment que les accidents surviennent le plus souvent à cause d'un manque de vigilance de leur part et de leur état de fatigue.

L'environnement

Le lieu de travail constitue également un facteur de risque pour 24,6 % des vétérinaires de l'enquête. Ces derniers estiment en effet que les visites sont plus propices aux accidents professionnels que les consultations en clinique. En visite, l'environnement est souvent mal adapté au travail du praticien. Les locaux ne permettent pas toujours un isolement vis-à-vis des autres chevaux et du public. De plus, le sol et les dimensions des salles de soins improvisées sont fréquemment inadéquats. Ainsi, sur le terrain, le praticien doit s'adapter à des cadres de travail variés tels que les prés, les salles de douche, les box ou les couloirs d'écurie. Dans tous les cas, le lieu d'examen ne répond pas aux exigences de sécurité (voir infra), ce qui accroît les risques d'accidents. Par ailleurs, les aides présents sur le terrain ont des compétences diverses (du propriétaire sans expérience au professionnel). Le travail en visite est donc plus risqué en raison de l'inadéquation entre l'environnement matériel et humain et les règles de sécurité.

Le cheval

L'âge, la race, le niveau de dressage, l'activité et l'habitus sont considérés comme des facteurs de risque par 21,8 % des praticiens interrogés.

Bien entendu, le type d'acte effectué et les moyens de contention sont des facteurs de risque de premier plan.

Moyens de prévention des accidents

Travailler dans un environnement adéquat

• Un environnement calme. Le cheval doit être isolé des autres animaux et seuls les intervenants (le praticien et ses aides) sont présents sur le lieu de l'examen. Toute nuisance sonore (téléphones portables, cris, bavardages inopportuns…) est à proscrire.

• Un environnement spacieux. Le lieu d'examen doit être suffisamment grand pour que le cheval ne se blesse pas () et que le praticien ne se trouve pas coincé contre un mur. La pièce où intervient le vétérinaire doit être rangée de façon à prévenir tout risque d'accident, même si le cheval bouge. Les personnes qui souhaitent assister à la consultation sont tenues à distance de l'animal et du praticien.

• Les “issues de secours”, et notamment la porte d'un box, doivent être dégagées pour pouvoir sortir rapidement si nécessaire.

Savoir évaluer le cheval et son propriétaire

• L'évaluation du cheval se fait au cours des différentes étapes de son approche et lors de l'anamnèse [6]. La réalisation d'une bonne contention nécessite la parfaite connaissance et la perception du langage corporel de l'animal. Ainsi, certains signes doivent alerter le praticien d'une potentielle réaction de défense à venir (par exemple, les oreilles couchées, le trépignement des postérieurs) [5].

• La compétence du propriétaire ou de l'aide est, selon cette enquête, un facteur majeur de risque. Dans un grand nombre d'accidents recensés, la personne qui tenait le cheval n'était pas fiable. Le praticien doit pouvoir estimer non seulement l'aptitude des intervenants, mais également leurs réactions potentielles devant les différentes attitudes du cheval lors des soins.

Le propriétaire de l'animal doit également être informé des différentes étapes des soins.

Respecter les différentes phases d'approche du cheval

La mise en confiance du cheval et la connaissance de son comportement se font progressivement au cours de la consultation. Le cheval ne doit se sentir ni agressé ni dominant. L'approche des équidés doit se faire avec confiance, fermeté et bienveillance [2].

Dans cette étude, les praticiens ont souligné l'intérêt de faire connaissance avec le cheval en trois étapes successives. Tout d'abord, l'observation de l'animal permet d'évaluer son comportement, ainsi que ses relations avec son propriétaire. Puis le contact physique sans geste brusque permet au praticien d'anticiper les réactions éventuelles de l'animal et de le mettre en confiance. Il convient de toujours l'aborder de face, légèrement de côté pour qu'il puisse voir la personne qui s'approche de lui, en lui parlant pour l'avertir. Le vétérinaire doit d'abord caresser l'épaule de l'animal, qui est une zone de sécurité [2]. L'approche doit se faire sans hésitation ni précipitation ().

Enfin, l'approche de la (ou des) région(s) concernée(s) par l'examen peut se faire après avoir mis en place tous les moyens de contention adéquats et en restant toujours à l'écoute du cheval. Il faut l'avertir au maximum, et rester le plus calme et le plus organisé possible.

Au cours de ces différentes étapes, il convient d'évaluer les signes d'irritation et d'agressivité : oreilles couchées, trépignement du train postérieur, regards en coin, etc. Le recours à la force peut être nécessaire dans quelques cas. Il est alors impératif de prévenir le propriétaire avant de s'imposer au cheval.

Respecter les positions de sécurité

Dans l'approche du cheval, un certain nombre de règles de sécurité sont à respecter afin de ne pas prendre de risque [6]. Ces précautions dépendent de la position de l'opérateur par rapport à l'animal, que l'on peut définir comme autant de sphères ou d'espaces : les sphères antérieure, postérieure et inférieure (sous le cheval).

• Actes dans la sphère antérieure. Il convient de ne pas se placer en face de la tête du cheval () ou dans la trajectoire d'un antérieur. La position de sécurité () consiste à se mettre de côté, le plus souvent à gauche (côté le plus familier pour le cheval).

• Actes dans la sphère postérieure. Il faut également rester hors de portée d'un coup de pied postérieur, c'est-à-dire ne jamais se placer à l'arrière du cheval (, et ). De plus, il convient de garder à l'esprit que l'animal peut taper latéralement, comme le ferait une vache, et donc de toujours se placer en avant du plan frontal du postérieur ( et ).

• Actes dans la sphère inférieure. Pour les actes réalisés au niveau du ventre du cheval (paracentèse, échographie abdominale, tonte…), le praticien doit se placer en avant des postérieurs et parfaitement sur le côté ( et , et ). Le cheval est préférentiellement placé dans un travail, qui limite ses déplacements latéraux et assure une sécurité maximale au praticien qui reste à l'extérieur ().

Utiliser des moyens de contention adéquats

La contention doit permettre de maintenir l'animal tranquille au cours de la réalisation des actes. La bonne exécution des soins, la sécurité du cheval, du vétérinaire et de ses aides sont ainsi sauvegardées [3].

Les moyens de contention doivent être adaptés à l'acte effectué, à l'animal et au contexte matériel et humain.

• Limites de la contention physique. Il arrive que l'animal ne tolère pas certains moyens de contention physique (tord-nez, prise de l'oreille). Une contention trop contraignante chez des chevaux non coopératifs peut provoquer des réactions d'une grande violence. Ainsi, il est parfois nécessaire de faire appel à une contention chimique en complément.

De plus, pour qu'une contention physique soit efficace, il faut que les aides soient compétents et en nombre suffisant.

Par ailleurs, d'après cette étude, le travail est parfois considéré par les praticiens comme un faux ami. Il permet certes d'immobiliser l'animal, mais les risques de chute, de saut ou de retournement doivent être toujours pris en considération par le vétérinaire [4].

Enfin, la mise en place d'un tord-nez peut s'avérer dangereuse. Il s'agit tout d'abord d'un acte réalisé sur la sphère antérieure, le praticien et ses aides s'exposent à des coups de pied, des coups de tête, des morsures, des coups de tord-nez… Il convient donc de veiller à rester sur le côté de l'animal. De plus, deux personnes sont nécessaires : la première tient la boucle du tord-nez en bracelet et vient prendre délicatement et fermement le bout du nez en gardant une main sur le chanfrein, la seconde tient l'extrémité du tord-nez (ne jamais tenir celui-ci près de sa boucle, car, si le cheval bouge, il peut assommer quelqu'un).

Une fois la boucle passée sur le nez, il faut serrer progressivement en restant attentif aux réactions de l'animal (le cheval peut se pointer). Le tord-nez doit être serré à fond (sinon, il ne sert à rien et peut glisser en plein examen…). L'aide qui le tient doit également tenir la longe, et c'est avec celle-ci que les mouvements de l'animal sont contrôlés (et non avec le tord-nez).

• Limites de la contention chimique. La contention chimique ne se substitue pas à une anesthésie générale. Dans cette enquête, nombre de praticiens ont souligné le fait que cette contention ne réduit pas le danger. Pour certains vétérinaires interrogés, la sédation est même un facteur de risque. En effet, la vigilance du praticien peut diminuer devant un cheval tranquillisé. En outre, l'animal reste sensible aux stimuli extérieurs et ses réactions peuvent être plus violentes sous sédation.

Intérêts et limites de l'étude

Intérêts

• Mise en commun de différents points de vue et expériences. La diversité des profils des praticiens qui ont répondu à cette enquête a permis de recueillir des réponses variées, souvent complémentaires, parfois divergentes. Chaque expérience est unique. Cependant, certains facteurs de risque et mesures préventives sont fréquemment cités. Les notions présentées dans ce travail émergent de la mise en commun de différentes opinions.

• Évaluation des risques du métier. L'objectif de cette enquête est de savoir dans quelle mesure la pratique de la médecine vétérinaire équine est dangereuse.

• Fréquence des accidents. En moyenne, sept praticiens sur dix ont été victimes d'un accident. Une moyenne de 1,5 accident par praticien interrogé et accidenté (d'après les fiches “accident”) est recensée.

• Gravité des accidents. Le score moyen de gravité des accidents recensés dans cette enquête est de 4,8. Les dommages corporels les plus fréquents sont les hématomes, les lésions osseuses et les plaies. Cette étude permet donc de concrétiser la notion de risques du métier dans le cadre de l'exercice de la médecine vétérinaire.

• Comparaison entre les actes jugés risqués par les praticiens et les actes qui le sont réellement d'après l'enquête. On remarque tout d'abord que l'acte le plus dangereux - la tenue, le déplacement, la capture d'un cheval en longe - n'est pas signalé par les praticiens dans la première partie de ce travail. Cette différence est certainement due au fait qu'il ne s'agit pas vraiment d'un acte vétérinaire pour la profession. Ainsi, les praticiens de l'enquête ont eu tendance à sous-estimer le caractère risqué de cette situation.

Par ailleurs, la comparaison des dix actes les plus craints par les vétérinaires aux dix actes les plus dangereux souligne que certains sont similaires : examen physique, sondage naso-gastrique, castration debout, examen clinique, travail dans la bouche (voir les “Actes les plus redoutés par les praticiens” et “Actes les plus dangereux pour les praticiens”). Cependant, certains actes dangereux n'ont pas été cités parmi les plus redoutés : les injections intramusculaires, le relevé d'un cheval au box, la récolte de sperme. Deux explications sont possibles : les injections intramusculaires sont réalisées couramment par les praticiens et leur dangerosité est sous-estimée ; la récolte de sperme n'est pas effectuée par tous, ce qui explique qu'elle n'ait pas été citée parmi les actes les plus craints.

De même, les praticiens ont particulièrement insisté sur certains actes qui ne figurent pas parmi les plus dangereux. Ainsi, les sutures debout, les infiltrations des membres, les poulinages, les palpations transvaginales (PTV) et les interventions sur l'abdomen ne font pas partie des dix actes dont le score de dangerosité est le plus élevé. Ce résultat illustre le fait que, en raison d'une vigilance accrue lors de leur réalisation, moins d'accidents surviennent.

Cette étude souligne que les accidents surviennent souvent lors d'actes fréquents, jugés peu risqués et réalisés par un praticien peu vigilant.

• Comparaison entre les situations considérées comme les plus dangereuses par les praticiens et celles qui s'avèrent les plus risquées. La situation considérée comme la plus risquée par les praticiens est un acte réalisé en visite, avec une main d'œuvre en quantité et en qualité insuffisantes, chez un cheval excité (agité ou énervé) et au repos (sans activité physique).

La situation la plus risquée, d'après les fiches “accident” correspond à un acte réalisé en visite, durant la journée, chez un jeune selle français, utilisé soit pour le CSO, soit pour le loisir, d'habitus normal, tenu par son propriétaire sans autre moyen de contention.

Le lieu de travail et le manque de contention sont des facteurs de risque dont les praticiens ont conscience. Cependant, il est intéressant de constater que la plupart des accidents se sont produits avec des chevaux d'habitus normal (ni excités, ni abattus). Il est alors possible de supposer que la vigilance des praticiens n'était pas optimale.

Limites

• Faible taux de réponses. Quelque six cents questionnaires ont été envoyés par le biais du Cirale et du congrès de l'Avef à Pau en 2001. Seul un questionnaire sur six a été retourné.

• Tendance à minimiser. En outre, il ressort de ce travail que les praticiens ne considèrent pas tous les accidents dont ils ont été victimes comme graves. Par ailleurs, certains n'ont pas décrit tous leurs accidents, soit par oubli, soit par manque de temps.

• Biais liés à l'activité des praticiens. Les chevaux de loisirs et de CSO sont responsables d'une grande partie des accidents. Or les praticiens de l'enquête travaillent en majorité avec ce type d'animaux. Ainsi, il convient de se demander si le caractère dangereux de ces chevaux n'est pas surestimé.

De plus, certains actes fortement représentés dans les fiches “accident” sont réalisés fréquemment (examen clinique, examen physique). Il apparaît également que le travail en visite est plus risqué que l'activité en clinique, et la majorité des praticiens interrogés réalisent la plupart de leurs actes en déplacement. Il serait alors intéressant d'étudier précisément l'activité (fréquence des actes effectués) afin de comparer la proportion des actes responsables d'accidents à celle des actes réalisés en clientèle.

• Difficultés pour obtenir des renseignements auprès des différents organismes de santé. Des données comme le nombre de praticiens handicapés ou décédés après un accident du travail ne sont pas accessibles, et ce en raison de la confidentialité des dossiers.

La fréquence des accidents et la gravité des dommages corporels recensés dans cette étude permettent de définir la notion de “risque professionnel”. L'étude des facteurs de risque a permis de dégager des notions essentielles sur la prévention des accidents. Ainsi, à chaque situation clinique doit correspondre une série de mesures préventives destinées à la rendre la plus sûre possible. Le choix adéquat de la méthode de contention et la présence d'aides compétents semblent indispensables. La majorité des accidents surviennent lorsque la vigilance du praticien se relâche à cause de la fatigue, du manque de temps ou du caractère banal de l'acte effectué. Aussi le vétérinaire doit en permanence analyser les facteurs de risque et agir en conséquence. Cependant, 20 % des accidents recensés n'auraient pu être évités, d'après les vétérinaires de l'enquête.

L'activité même du cheval est un des facteurs de risque majeurs. Ainsi, l'abord de l'animal diffère en fonction de sa discipline. Une étude complémentaire détaillant les moyens de contention et les modalités d'approche selon l'activité du cheval serait souhaitable.

Toutefois, d'après la caisse de retraite, les accidents des praticiens équins au cours de l'exercice de leur profession ne sont pas les premiers responsables d'un handicap ayant entravé leur activité. Les principales causes d'invalidité sont les maladies et les accidents de la route.

Note :

  • (1) Le Dictionnaire Larousse définit l'habitus comme un comportement acquis et caractéristique d'un groupe social.

  • Les auteurs remercient les confrères qui ont répondu au questionnaire dans l'intérêt de la collectivité.

    Les confrères qui souhaiteraient recevoir un questionnaire pour étoffer cette étude peuvent le demander à Hélène Pasquet, Cirale-IPC, Goustranville, 14490 Dozulé.

Éléments à retenir

> Deux types de sources de données ont été utilisés : un questionnaire (soumis aux praticiens par l'intermédiaire de l'Avef et du Cirale) et des recherches bibliographiques.

> Le travail en visite est plus risqué en raison de l'inadéquation entre l'environnement matériel et humain d'une part, et les règles de sécurité d'autre part.

> La compétence du propriétaire s'avère être un facteur majeur de risque. Dans un grand nombre d'accidents recensés, la personne qui tenait le cheval n'était pas suffisamment expérimentée.

> Les accidents surviennent le plus souvent lors d'actes fréquents, jugés peu risqués avec un praticien peu vigilant.

Références

  • 1 - Annuaire vétérinaire ROY. Éd. du Point Vétérinaire. 2005.
  • 2 - Caudle AB, Pugh DG. Restraint. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1986 ; 2(3) : 645-651.
  • 3 - Code de la sécurité sociale.
  • 4 - Coulon J. La contention physique. Bull. GTV. 1992 ; 1 : 87-86.
  • 5 - Les Haras nationaux. Tableau économique, statistique et graphique du cheval en France, données 2000. Ecus Annuaire 2001 : 15.
  • 6 - Perrin R. Quelles sont les mesures pouvant être prises pour réduire le risque d'accident des personnes intervenant dans le déroulement de la castration ? Consensus de castration, Avef, 2002.
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