Incidence défavorable de la prématurité sur l'articulation tarsienne du poulain - Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005

Auteur(s) : Jean-Paul Lemonnier*, Denis Dugardin**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire équine de L'Abbaye
10, avenue du 6-Juin
14100 Lisieux
**Clinique vétérinaire équine de L'Abbaye
10, avenue du 6-Juin
14100 Lisieux

Chez les poulains prématurés, des lésions du tarse peuvent être observées ou passer inaperçues. Elles entraînent au cours de la croissance une fusion articulaire parfois bien tolérée chez l'animal adulte.

Les dernières semaines de la gestation jouent un rôle capital dans la maturation squelettique du poulain. Toute naissance prématurée peut donc avoir d'importants répercussions sur l'appareil locomoteur de l'animal. Les articulations tarsiennes et carpiennes sont plus particulièrement concernées par ces malformations. Cet article en décrit deux cas.

Déformation de l'articulation tarsienne

Un poulain AQPS, de sexe mâle, âgé de cinq mois, est présenté pour une déformation du profil postérieur des jarrets (“jarrets coudés”) associée à une gêne locomotrice au niveau de l'arrière-main. Selon l'anamnèse le foal, né quinze jours avant terme, présente cette anomalie de conformation depuis sa naissance. La propriétaire, rendant visite à son poulain âgé de cinq jours, s'est alors inquiétée auprès du responsable du haras de ses difficultés à se relever et de ce qu'il répugnait ensuite à rester debout. Aucune suite n'a été donnée à ces remarques et le foal n'a pas reçu de soins particuliers.

Examen clinique

L'état général du poulain est satisfaisant. Au repos, l'appui sur les membres postérieurs est franc. Toutefois, après quelque temps, l'animal soulève alternativement chacun de ses postérieurs d'une manière identique à ce qui est observé lors de fourbure (). Localement, les deux jarrets présentent, sur leur face plantaire, une rupture de l'axe calcanéo-métatarsien, avec une saillie marquée des têtes des quatrièmes métatarsiens (“jardes osseuses”) (). À la palpation, un empâtement discret des parties distales des articulations tarsiennes est noté, mais aucun épanchement synovial n'est décelable ().

Au pas, le poulain ne présente pas de gêne particulière. Il manifeste seulement une irrégularité aux allures plus rapides (galop “sautillant”).

Examens radiographiques

Des radiographies articulaires latéro-médiales ( et ) et dorso-plantaires ( et ) sont effectuées. Elles révèlent, sur chaque membre, un écrasement complet de l'os tarsal III (anciennement “grand cunéiforme”), avec une protrusion de la partie antéro-latérale de celui-ci.

De même, de chaque côté, les os centraux du tarse (anciennement “scaphoïdes”) apparaissent cintrés, avec une forte concavité proximale et un bord dorsal qui tend à se rapprocher de l'horizontale. Mais ils ont gardé leur intégrité structurelle. Cet aspect concave des faces proximales des os distaux du tarse est normal pendant les premières semaines de la vie d'un poulain. Mais, à partir de la troisième semaine, celles-ci deviennent plus rectilignes [4].

L'affaissement latéral des os tarsaux III est en grande partie responsable d'une déviation des extrémités des membres vers l'extérieur (valgus).

Le tassement dorsal de ces mêmes os participe au renforcement de l'aspect coudé du profil postérieur des jarrets. À noter que, sur ces clichés, l'interligne articulaire intertarsien distal est encore visible.

En l'absence de signes particuliers, aucune radiographie des genoux n'a été réalisée.

Évolution

En raison de l'importance des lésions et de leur ancienneté, seul un traitement symptomatique a été instauré. Une administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens à faible dose, en continu, a été associée à une supplémentation minérale et vitaminée. Le poulain a été suivi pendant plusieurs mois. Les signes cliniques ont régressé et, au cours de sa croissance, les aplombs se sont aussi progressivement améliorés.

Les radiographies effectuées vers l'âge d'un an ( et ) montrent une disparition presque complète de l'interligne intertarsien distal, avec une tendance à la fusion de l'os central du tarse et de l'os tarsal III.

Par la suite, le poulain a quitté son propriétaire et a été perdu de vue.

Fusion des os du tarse chez une jument

Une jument selle français, âgée de six ans, est présentée pour une visite préalable à son achat.

Examen clinique

Aucune anomalie n'a été mise en évidence lors de l'examen clinique statique et dynamique. En particulier, les flexions globales des membres postérieurs n'ont pas révélé de gêne particulière et la palpation des jarrets s'est avérée normale.

Examen radiographique

Étonnamment, les radiographies des jarrets des deux membres (, , et ) montrent une fusion en un seul bloc des deux dernières rangées tarsiennes. L'interligne articulaire intertarsien distal a disparu.

L'acheteur n'a pas souhaité de radiographies carpiennes.

Commémoratifs

Le naisseur souligne alors que cet animal, né trois semaines avant terme, a fait preuve d'une telle volonté de vivre qu'il s'est résolu à l'élever. Il lui a fallu seulement l'aider au début, pour lui permettre de téter.

Par la suite, la seule affection signalée est l'apparition, vers l'âge d'un mois, d'une contracture du fléchisseur superficiel des phalanges de l'antérieur gauche, ne rétrocédant à aucun traitement. Cette contracture a rapidement provoqué une bouleture grave, avec un appui constant sur la face dorsale du boulet. Cette complication a conduit notre équipe à pratiquer une desmotomie de la bride radiale, associée temporairement à une contention rigide du membre.

La récupération a été totale et sans séquelles apparentes. Toutefois, cet épisode a pu, pendant un certain temps, masquer une gêne locomotrice au niveau des postérieurs.

Parvenue à l'âge adulte, cette jument, malgré une taille plus réduite, a montré d'excellentes dispositions pour la compétition et ses résultats ont conduit plusieurs acheteurs potentiels (dont celui d'aujourd'hui) à se manifester.

Discussion

L'ossification des os du tarse

Chez le cheval, l'ossification des os du tarse (et celle des os du carpe) commence vers le dixième mois de gestation. Elle est particulièrement rapide dans les dernières semaines précédant la mise bas et se poursuit, de manière plus lente, pendant le premier mois de la vie.

Chez les poulains nés à terme, l'hypothyroïdie (poulains “goitreux”) a été reconnue comme étant parfois responsable d'un retard de la maturation osseuse [10].

Cependant, le plus souvent, ce défaut d'ossification est observé chez des prématurés (en particulier chez les jumeaux) nés avant le 320e jour de gestation.

Il est aussi noté chez des poulains, nés plus près du terme ou à terme, mais physiologiquement immatures et parfois appelés “dysmatures”, selon l'expression de Rossdale [12]. Cette immaturité “somatique” est rapportée, en règle générale, à une gestation perturbée (jumeaux nés à terme ou foal unique né d'une jument qui a présenté une placentite durant sa gestation). Elle a aussi été parfois imputée, sans preuve formelle, à une origine iatrogène, par exemple à divers traitements ou vaccinations chez la mère gestante [2].

Ce déficit d'ossification des os du tarse (ou du carpe) expose le nouveau-né à des lésions articulaires sévères, par écrasement, ainsi qu'à de graves défauts d'aplomb secondaires. Le valgus, uni- ou bilatéral, postérieur ou antérieur, en est d'ailleurs un des signes d'appel [2].

Certains auteurs considèrent l'affaissement des os tarsiens comme faisant partie de l'ostéochondrose du poulain [15]. D'autres, comme Jeffcott [7], classent cette lésion dans les affections connues chez les Anglo-Saxons sous le terme générique de Developmental Orthopaedic Diseases (DOD), à côté d'autres troubles du développement squelettique, tels que l'ostéochondrose, les dysplasies cervicales (“wobbler syndrome”), etc. En France, cette anomalie de la croissance squelettique peut être rattachée aux affections ostéo-articulaires juvéniles (AOAJ), d'après une classification de J.-M. Denoix.

La détection précoce de ce défaut de maturité squelettique chez les individus susceptibles d'en être atteints est recommandée car elle permet éventuellement d'entreprendre des soins orthopédiques appropriés, avant l'apparition de lésions articulaires irrémédiables.

Dépistage radiographique du retard d'ossification

Auer et Martens [2] préconisent l'examen radiographique systématique des articulations les plus exposées. Les clichés permettent d'apprécier l'épaisseur des cartilages de croissance qui se matérialisent sous l'aspect de zones translucides entourant le noyau d'ossification. Il peut parfois arriver, dans les cas extrêmes, qu'aucun centre d'ossification ne soit visible [16] (). La zone transparente évaluée entre deux os articulaires voisins, tels que l'os central du tarse et l'os tarsal III, correspond à l'articulation proprement dite, mais surtout à l'épaisseur cumulée de leurs cartilages épiphysaires respectifs. Toutefois, cette méthode est peu précise et subjective.

Pour tenter de pallier cet inconvénient, Adams et Poulos ont établi un index d'ossification squelettique (IOS) fondé sur l'étude de radiographies carpiennes et tarsiennes effectuées chez des foals âgés de moins de deux semaines et renouvelées, de préférence, tous les quinze jours [1]. Cet index d'ossification s'est révélé, à l'usage, parfaitement corrélé au poids du poulain et à la durée de la gestation. Il peut donc représenter, pour le praticien, un outil précieux dans la détection du risque et la prévention des lésions.

Dépistage échographique du retard d'ossification

En 1993, s'inspirant du dépistage échographique des retards de maturité de la hanche chez l'enfant, Ruohoniemi [13] développe cette technique chez le poulain en utilisant une sonde en T (7,5 MHz) qu'il positionne en partie dorso-médiale du jarret (voir la “Dépistage échographique du retard d'ossification des os du tarse chez le poulain”). Par ce moyen, il parvient à estimer le niveau d'ossification de cette articulation et établit un index échographique d'ossification en quatre degrés correspondants à ceux de la classification d'Adams et Poulos (voir le “Index d'ossification squelettique chez les poulains nouveau-nés […]”).

Selon cet auteur, les critères majeurs de la maturité osseuse sont l'échogénicité des os tarsiens, ainsi que l'alignement dorsal des os centraux du tarse et des os tarsaux III avec le canon (métatarse III) (voir la “Schématisation de l'aspect échographique d'une ossification tarsienne normale”).

Cette méthode, encore balbutiante, présente cependant un grand avantage en termes de simplicité et de rapidité d'exécution.

Pathogénie des lésions articulaires

« Le jarret constitue le centre de convergence de toutes les forces d'amortissement et surtout de propulsion du membre pelvien, forces qui se transmettent à son niveau par deux longs rayons osseux : le tibia et l'os métatarsien III » [5]. Il résulte de cette remarque que les os centraux du tarse et tarsaux III, pris en quelque sorte entre le “marteau tibial” et “l'enclume métatarsienne”, sont soumis à de fortes contraintes mécaniques qui peuvent aboutir, en cas d'ossification insuffisante, au collapsus de ces os, voire à la disjonction des os tarsaux III [5]. Les os tarsaux III sont précisément les derniers os du squelette à s'ossifier [3, 14].

S'agissant d'un défaut global de maturité osseuse, les lésions sont généralement bilatérales, mais, dans certains cas, elles se manifestent avec plus de gravité sur un seul membre.

Les phénomènes vasculaires

Les troubles circulatoires qui se produisent au niveau des cartilages fortement comprimés sont à l'origine des altérations observées et, pour décrire l'affection, certains auteurs parlent de “nécrose aseptique” ou de “nécrose avasculaire” du grand cunéiforme [11]. L'ischémie initiale engendre la douleur. Celle-ci va ensuite perdurer en raison de la destruction cartilagineuse et de l'inflammation des synoviales, lésions qui définissent une ostéo-arthrite des articulations tarsiennes distales. Cet “éparvin juvénile” [15] est à l'origine des symptômes de soulagement observés au repos et conduit aussi les poulains à pratiquer un galop sautillant qui n'est pas sans rappeler celui du lapin (le “bunny hopping gait” d'Auer) [2].

Classification des lésions

À partir de l'examen radiographique des articulations affaissées, Dutton et son équipe [15] ont tenté de classer les lésions observées. Ils ont ainsi individualisé deux groupes :

- un premier dans lequel le collapsus du bord dorsal de l'os reste modéré : affaissement inférieur à 30 % de l'épaisseur maximale (qui correspond à la partie plantaire) de l'os tarsien concerné. Cette lésion dite “de type I” correspond au cas n° 2 de notre observation ;

- un second groupe dans lequel l'affaissement est supérieur à 30 % de l'épaisseur plantaire et qui parfois même aboutit au pincement, voire à la fragmentation de l'os concerné. Cette lésion, dite “de type II”, correspond au cas n° 1 de notre observation.

Évolution clinique

Le processus dégénératif évolue vers la disparition presque complète des cartilages articulaires et tend vers la fusion des dernières rangées osseuses. Avec cette “arthrodèse spontanée” (qui peut même intéresser l'articulation tarso-métatarsienne), la douleur s'atténue. La gêne locomotrice est minime puisque l'articulation tibio-astragalienne, la plus importante dans l'action du jarret, demeure intacte. Toutefois, si les poulains atteints de lésions de type I peuvent espérer récupérer à terme une aptitude sportive quasi normale, il en va tout autrement pour ceux dont les lésions sont cataloguées de type II. Compte tenu de l'importance des lésions articulaires, le pronostic fonctionnel, pour cette catégorie, est beaucoup plus réservé [6].

En tenant compte que le poulain n° 1 était notablement plus lourd que le n° 2, il est logique de penser que non seulement le poids joue un rôle essentiel dans la genèse de l'affaissement, mais qu'il a aussi une action déterminante sur le niveau de gravité des lésions.

Circonstances d'apparition et prévalence

Toutes les causes (accidentelles, infectieuses, hormonales, iatrogènes, etc.) susceptibles de provoquer une mise bas prématurée chez la jument peuvent être responsables de la survenue de ces anomalies dans les premiers mois de la vie du poulain. Il est nécessaire cependant que le nouveau-né soit viable et doté d'une vitalité suffisante pour induire, par la station debout et par les éventuels déplacements, les lésions articulaires décrites ci-dessus. Ces conditions sont loin d'être réunies dans la pratique quotidienne, où la prématurité reste grevée d'une mortalité précoce et élevée. En outre, les éleveurs ne sont pas toujours enclins à conserver de tels animaux, peu susceptibles de mener à bien une éventuelle carrière sportive. Au total, l'affaissement des os tarsiens (ou carpiens) reste une éventualité rare, quoique asymptomatique dans sa forme modérée [6], donc probablement “sous-diagnostiquée”.

Diagnostic différentiel

La confusion est toujours possible entre les images radiologiques d'un retard d'ossification et celles d'une arthrite septique, affection courante en néonatalogie équine. L'aspect “spiculé” du front d'ossification à l'intérieur de la matrice cartilagineuse peut, en effet, rappeler la discrète prolifération qui accompagne parfois l'ostéolyse lors d'une infection osseuse [4]. L'examen clinique (absence d'épanchement synovial, de fièvre et de chaleur locale), la nature des articulations concernées, ainsi que les analyses complémentaires éventuelles (numération et formule sanguines, fibrinogénémie, ponction articulaire, etc.) permettent alors de lever le doute.

En outre, certains poulains nés à terme présentent, dès la naissance, des anomalies tarsiennes identiques à celles décrites (jarrets coudés, lésions de l'os tarsal III et, parfois, valgus secondaire), alors même que leur niveau d'ossification squelettique semble satisfaisant (). Ces lésions se sont donc constituées, contrairement aux cas cliniques ci-dessus, lors de la vie fœtale. Cliniquement, ces poulains présentent généralement des signes d'“hyperlaxité ligamentaire” [8]. Cette hyperlaxité, associée à la conformation anormale des jarrets, confère un aspect caractéristique de membres postérieurs dits “en faucille” (). Mais ces individus n'ont pas, au cours de l'appui, de symptômes marqués de douleur, ni de signes majeurs d'inconfort. Tout se passe comme si l'“incompétence” ligamentaire, en particulier celle du ligament plantaire long, avait été précoce pendant la gestation et avait eu pour conséquence l'écrasement in utero des parties dorsales du tarse, avant même leur ossification physiologique. L'effet de pincement peut être aggravé, selon notre opinion, par la position constamment fléchie des membres postérieurs du fœtus dans la cavité utérine. Toutefois, la pathogénie et l'étiologie de ces lésions restent mal connues.

Prévention

En cas d'ossification défectueuse, la prévention des lésions décrites précédemment voudrait idéalement que l'on empêche le relevé du poulain prématuré, pour éviter toute mise en charge excessive des articulations. Il s'agit donc bien de le maintenir en décubitus forcé (pendant plusieurs jours si nécessaire) jusqu'à l'obtention d'une densité osseuse radiographique suffisante des os tarsiens et carpiens. Cette solution, qui suppose une vigilance de tous les instants, est quasi inapplicable en pratique quotidienne. Elle est cependant mise en œuvre régulièrement dans quelques facultés et écoles vétérinaires américaines où le personnel étudiant, nombreux et volontaire, s'organise en “foal teams” [Klein C. Communication personnelle].

Traitement

En clientèle courante, le traitement du retard d'ossification des os tarsiens chez les poulains prématurés ou immatures est donc essentiellement orthopédique et comprend systématiquement la limitation de l'exercice avec un confinement au box [6]. Cette prise en charge vise à prévenir ou à limiter les complications en soulageant temporairement, en général pendant deux semaines, les contraintes mécaniques exercées sur les parties faibles de l'ossature tarsienne, c'est-à-dire les cartilages de croissance et les cartilages articulaires. Elle permet enfin de maintenir l'alignement axial du membre. Cette durée de deux semaines s'avère habituellement suffisante pour obtenir le résultat souhaité.

Auer et Martens ont les premiers préconisé la mise en place d'une résine (type Vetcast®) sur le(s) membre(s) postérieur(s) [2]. Le seul impératif signalé par ces auteurs est que ce plâtre “mi-tibia, mi-canon” ne doit pas inclure le boulet (). En effet, et nous l'avons constaté à plusieurs reprises chez les jeunes poulains au cours de leur première année d'existence, le fait de poser un pansement rigide sur tout le membre entraîne souvent, au retrait de celui-ci, une hyperlaxité ligamentaire, associée à une descente du boulet (foal “bas jointé”). La sollicitation répétée de la sensibilité proprioceptive nous paraît donc indispensable à la bonne maturation (métaplasie) du muscle interosseux III en ligament suspenseur du boulet [8]. À l'inverse, l'absence de stimulation proprioceptive pourrait avoir comme conséquence l'arrêt du processus de maturation et, parfois même, la régression fonctionnelle de cette structure anatomique.

Un des inconvénients du plâtre, même synthétique, réside dans son poids toujours élevé, peu adapté à des poulains généralement hypotrophiques et parfois même hypotoniques. Il convient donc, particulièrement dans les cas de contention bilatérale, de s'assurer de la motivation du propriétaire, qui doit pendant quelque temps aider le nouveau-né lors du relevé. Pour ces raisons, certains auteurs préfèrent la mise en place d'un bandage de Robert-Jones avec attelles incorporées ou, mieux, la pose de prothèses légères qui immobilisent l'articulation tarsienne [9]. Mais, à notre connaissance, ces prothèses ne sont pas commercialisées en France. En raison de la finesse tégumentaire du jeune poulain, tout pansement contentif est susceptible d'entraîner des lésions cutanées (escarres, plaies diverses…). Ces lésions sont prévenues par un matelassage suffisant et une surveillance adéquate.

Ce traitement orthopédique s'avère efficace sous réserve qu'il soit instauré précocement. Il limite les lésions articulaires et permet l'achèvement, sous protection, de la maturation osseuse. Une complémentation minérale et vitaminée, et l'administration de chondroprotecteurs, voire d'anti-inflammatoires à faible dose, peuvent représenter des thérapeutiques adjuvantes intéressantes. Lors de valgus important du membre, une périostectomie chirurgicale, en parties latérale et distale du tibia, est conseillée.

Chez les poulains prématurés ou “dysmatures”, le praticien est incité à pratiquer rapidement des radiographies de dépistage d'un éventuel retard dans l'ossification des os du tarse et du carpe. Lorsque celle-ci s'avère insuffisante, il doit envisager une immobilisation temporaire du membre, afin d'éviter des lésions dégénératives graves pouvant affecter les deux articulations.

Lors d'intervention plus tardive, l'attention du clinicien sera attirée par la constatation simultanée, chez un poulain, d'un défaut d'aplomb (valgus, rupture de l'axe calcanéo-métatarsien, etc.) et d'un inconfort à la station debout. Ces deux signes sont, en effet, très évocateurs d'une arthropathie par écrasement, conséquence ultime du défaut d'ossification. Toutefois, même à ce stade, ces lésions relèvent d'une thérapeutique conservatrice.

Éléments à retenir

> Un dépistage radiographique systématique des articulations du tarse et du carpe, utilisant l'index d'ossification squelettique, est conseillé chez poulains prématurés, avant l'âge de 2 semaines.

> Les déformations du tarse aboutissent à une “arthrodèse spontanée” chez l'adulte, qui s'accompagne d'une diminution, voire d'une disparition, des phénomènes douloureux.

> Le diagnostic différentiel des déformations du tarse chez le poulain prématuré comprend l'arthrite septique.

Références

  • 1 - Adams R, Poulos P. Radiographic evaluation of the carpal and tarsal regions of neonatal foals. Proc. Am. Assoc. Equine Pract. 1987 ; 33 : 677-682.
  • 2 - Auer JA, Martens RJ. Angular limb deformities in young foals. Proc. Am. Assoc. Equine Pract. 1980 ; 26 : 81-105.
  • 3 - Barneveld A, Van Weeren PR. Early changes in the distal intertasal joint of Dutch Warmblood foals and the influence of the exercise on bone density in the third tarsal bone. Equine Vet. J. Suppl. 1999 ; 31 : 67-73.
  • 4 - Crevier N, Denoix JM, Collobert C et coll. Radiographie des membres chez le poulain de zéro à six mois. Images normales et pièges anatomiques. III -Tarse. Prat. Vét. Équine. 1992 ; 24 : 285-297.
  • 5 - Denoix JM. Le jarret des équidés : éléments d'anatomie topographique, fonctionnelle et appliquée. Point Vét. 1983 ; 15 : 103-111.
  • 6 - Dutton DM, Watkins MA, Walker MA et coll. Incomplete ossification of the tarsal bones in foals : 22 cases (1988-1996). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998 ; 213(11) : 1590-1594.
  • 7 - Jeffcott LB. Osteochondrosis in horses. Vet. Rec. Suppl. In Pract. 1991 ; 19 : 64-71.
  • 8 - Lemonnier JP. Déformation de la face plantaire du jarret chez un foal. Cas clinique. Point Vét. 1993 ; 25 : 63-66.
  • 9 - McIlwraith CW. Incomplete ossification of carpal and tarsal bones in foals. Equine Vet. Educ. 2003 ; 15 : 79-81.
  • 10 - McLaughlin BG, Doige CE. A study of ossification of carpal and tarsal bones in normal and hypothyroïd foals. Can. Vet. J. 1982 ; 23 : 164-168.
  • 11 - Morgan JP. Necrosis of the third tarsal bone of the horse. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1967 ; 151 : 1334-1342.
  • 12 - Rossdale PD. A clinical view of prematurity and dysmaturity in Thoroughbred foals. Proc. Roy. Soc. Med. 1976 ; 69 : 27-28.
  • 13 - Ruohoniemi M. Use of ultrasonography to evaluate the degree of ossification of the small tarsal bone in ten foals. Equine Vet. J. 1993 ; 25(6) : 539-543.
  • 14 - Soana S, Gnudi G, Bertoni G et coll. Anatomo-radiographic study of the osteogenesis of carpal and tarsal bones in horse foetus. Anat. Histol. Embryol. 1998 ; 27(5) : 301-305.
  • 15 - Watrous BJ, Hultgren BD, Wagner PC. Osteochondrosis and juvenile sparvin in equids. Am. J. Vet. Res. 1991 ; 52(4) : 607-612.
  • 16 - Wong DM, Scarratt WK, Maxwell V et coll. Incomplete ossification of the carpal, tarsal and navicular bones in a dysmature foal. Case report. Equine Vet. Educ. 2003 ; 15 : 72-78.
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