Diagnostic et traitement des ténosynovites septiques chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 145 du 01/01/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 145 du 01/01/2005

Auteur(s) : Eddy Cauvin

Les ténosynovites infectieuses sont des affections dont les conséquences peuvent être dramatiques. Le pronostic favorable (fonctionnel et éventuellement vital) est lié à un diagnostic précoce et à la mise en place immédiate d'un traitement agressif.

Les ténosynovites (et bursites) infectieuses, ou “septiques”, sont des formes particulièrement graves de synovite, qui affectent une gaine (ou une bourse) tendineuse, liées à l'invasion des tissus de celle-ci par des bactéries pathogènes [2, 18].

Une contamination n'entraîne pas toujours une infection, mais le cheval apparaît particulièrement sensible aux infections synoviales. Une fois ces dernières installées, les défenses naturelles semblent peu efficaces pour éliminer les germes en cause, et le pronostic devient vite défavorable avec le temps.

Si un traitement prompt et agressif est souvent une garantie de succès lors d'infections articulaires, cela n'est pas toujours avéré dans le cas des gaines tendineuses [17]. Il est donc important de détecter une contamination et d'engager un traitement chirurgical immédiatement. Il convient d'aborder une suspicion de ténosynovite septique comme une arthrite bactérienne, mais le faible espace synovial et l'absence de tissus durs peuvent rendre les investigations plus délicates [18].

Une approche diagnostique systématique est souvent une garantie d'efficacité et peut être mise en œuvre en grande partie en ambulatoire. Cependant, il convient de ne jamais hésiter à référer un cheval afin de pouvoir intervenir chirurgicalement si nécessaire et il est donc souvent préférable de pratiquer les actes diagnostiques invasifs dans des conditions mieux contrôlées, dans le cadre de la clinique d'accueil.

Physiopathologie

• La contamination bactérienne d'une gaine tendineuse ou d'une bourse subtendineuse (ténosynovite et bursite septique respectivement) peut être due à une plaie, à la pénétration d'un objet pointu, à l'extension d'une infection adjacente (en particulier osseuse) ou à l'introduction iatrogène de germes lors de ponctions synoviales [2, 17].

La voie hématogène a été décrite, en particulier pour des bactéries spécifiques telles que Brucella sp., mais elle est rare et résulte généralement de l'extension à partir d'un foyer osseux chez les jeunes poulains.

• Les gaines extensorielles du carpe et du tarse [15] et la gaine digitale des tendons fléchisseurs du doigt [18] sont les plus souvent affectées, mais les gaines tarsienne [7] et carpienne, et les bourses subtendineuses dorsale du boulet, calcanéenne et bicipitale sont aussi occasionnellement affectées [6, 12].

• La contamination par des germes pathogènes induit un processus inflammatoire fulminant, caractérisé par une synovite sévère [8]. Les bactéries activent une réaction immédiate caractérisée par une hyperémie, un œdème synovial, un épanchement de liquide synovial et un afflux abondant de fibrine et de cellules inflammatoires, particulièrement des neutrophiles. Ces derniers libèrent leurs enzymes protéolytiques, des cytokines et des médiateurs inflammatoires. Un cercle vicieux s'installe, de sorte que, très rapidement, la membrane synoviale devient hypertrophiée et la cavité s'emplit de fibrine et de débris.

Si l'infection perdure plusieurs jours, une invasion et une nécrose des tendons, fibrocartilages ou os adjacents peuvent se développer. La fibrine, qui peut s'organiser en adhérences fibreuses, et l'hypertrophie des membranes, mésos et vinculums, entraînent une ankylose rapide de la gaine. Celle-ci compromet significativement la fonction du membre et peut être difficile à résoudre. D'une part, les bactéries s'abritent dans les nombreux replis des tissus et caillots de fibrine ; d'autre part, il est difficile de réséquer tous les tissus affectés et les adhérences tendent à se reformer.

Les conséquences d'une infection sévère, même lorsque l'élimination des bactéries est possible, sont souvent une tendinite nécrosante ou une ankylose. Le pronostic est ainsi compliqué par la difficulté à rétablir une gaine fonctionnelle après un tel traumatisme.

Certaines plaies ouvertes permettent cependant l'évacuation continue du liquide et des médiateurs inflammatoires, de sorte que la synovite est initialement limitée, n'entraînant qu'une boiterie modérée. Le diagnostic, dans ce cas, peut être difficile à établir et son retard peut compromettre le pronostic.

Examen clinique

Les ténosynovites septiques doivent être suspectées lors de plaie en regard d'une gaine ou d'une bourse, ou en présence d'une boiterie subite associée à une distension synoviale [2] ().

Une suspicion clinique est émise dans certains cas, en particulier si une plaie laisse apparaître le tendon, mais la majorité des infections est secondaire à la pénétration d'un objet pointu, qui ne laisse en général que peu ou pas de traces de son entrée [18]. La présence d'un œdème dans la région peut aussi masquer l'implication d'une gaine. Dans ce cas, un examen attentif permet souvent de localiser la douleur et l'inflammation locales.

Les signes sont généralement peu spécifiques en l'absence de plaie évidente : une boiterie souvent sévère avec suppression d'appui peut être notée, ainsi qu'un œdème focal plus ou moins marqué, une douleur nette à la manipulation du membre et un gonflement variable des récessus de la gaine, en fonction de la présence d'une fistule plus ou moins large.

Un écoulement séreux, jaune ou sérosanguinolent peut être un signe de communication avec la gaine, mais un écoulement similaire provient parfois de la contusion des tissus sous-cutanés. Un signe souvent utile est la douleur locale à la palpation directe des différents récessus de la gaine.

Le diagnostic est particulièrement difficile à établir pour les gaines et bourses plus profondes, telles que la gaine carpienne des fléchisseurs [9] ou la bourse bicipitale [6, 12], mais aussi pour les petites gaines, en particulier la bourse cunéenne, la gaine du fléchisseur latéral du doigt (carpe) ou celle du fléchisseur médial du doigt sur le jarret [13].

Dans la majorité des cas, les examens complémentaires sont précieux, non seulement pour confirmer la contamination d'une structure synoviale, mais aussi pour évaluer l'étendue et la sévérité des lésions et établir un pronostic et un plan thérapeutique.

Examens complémentaires

Radiographie

La radiographie est fondamentale pour détecter la présence de lésions osseuses, notamment des fractures, des avulsions, des abcès, une ostéite () ou des corps étrangers radio-opaques [18]. Dans certains cas, la présence d'air dans les confins de la gaine prouve l'effraction synoviale.

La ténographie peut confirmer une communication entre la cavité synoviale et une plaie : après tonte et préparation chirurgicale d'un site choisi [8], la gaine (ou bourse) est ponctionnée à l'aide d'une aiguille de 20 G ou 21 G et, si possible, un échantillon de liquide synovial est collecté. La cavité est alors distendue avec un produit de contraste iodé soluble (iohexol, Omnipaque®), éventuellement dilué pour moitié dans du soluté de Ringer stérile. La quantité injectée dépend de la taille de la gaine. Un volume total de 5 millilitres (pour la bourse podotrochléaire par exemple) à 15 millilitres (gaine digitale, carpienne ou tarsienne des fléchisseurs), voire 30 millilitres (bourse bicipitale par exemple) est préparé ; l'injection est ensuite réalisée rapidement jusqu'à distension modérée mais ferme des récessus de la gaine. Plusieurs clichés radiographiques sont obtenus immédiatement et un reflux du liquide à travers une éventuelle fistule est recherché ().

La radiographie peut apporter des éléments nécessaires à l'établissement du pronostic, mais les signes d'une atteinte osseuse septique apparaissent tardivement (parfois plusieurs semaines après la contamination). Leur absence ne permet donc pas d'exclure une atteinte de la gaine. De plus, cet examen, qui ne permet pas d'observer les tissus mous de manière détaillée, n'apporte pas toujours une idée fiable des lésions existantes et, donc, du pronostic.

Échographie

L'intérêt de l'échographie est particulièrement net lors de suspicion d'une infection d'une gaine synoviale [6, 12, 13, 18]. Elle permet de mettre en évidence une inflammation synoviale, la présence de lésions concomitantes ou secondaires des tendons ou des structures périphériques, et, parfois, de visualiser la présence d'une fistule. Elle a un rôle majeur dans l'établissement du pronostic, en indiquant l'étendue des lésions, la présence d'adhérences et la perte de mobilité des tendons par rapport à la gaine pariétale.

Elle permet en outre de déterminer les sites préférentiels de cytoponction et les abords chirurgicaux.

De manière générale, les mêmes critères d'interprétation des images que ceux qui sont décrits pour les ténosynovites non septiques sont retrouvés [8]. Les signes de synovite sont rapidement très marqués, avec un épaississement hypo-échogène de la synoviale qui peut oblitérer en quelques heures la cavité de la gaine (). Le liquide synovial est abondant et initialement anéchogène. Après quelques heures, il devient hétérogène et plus échogène, avec l'accumulation de débris et de fibrine ().

Il est généralement possible de détecter des fistules éventuelles et de confirmer l'implication de la gaine (). Des lésions osseuses traumatiques associées à la plaie sont parfois visibles (). Inversement, l'absence d'inflammation de la gaine en présence d'une plaie cutanée permet d'éviter de contaminer la gaine par ponction.

La présence de lésions des tendons, dues au traumatisme initial () ou à l'extension de l'infection (), est également recherchée. L'infection du tendon lui-même se traduit généralement par une apparence hypo-échogène et très hétérogène, de manière diffuse et souvent en formant des lésions radiaires : les bactéries suivent en effet les septums d'endoténon et d'épiténon, plus faciles à envahir ().

Le pronostic peut être évalué de manière précise en fonction de la quantité de débris et des lésions présentes. La destruction du tendon, des fibrocartilages de glissement (sustentaculum tali dans la gaine tarsienne, scutums proximal et moyen dans la gaine digitale) ou des surfaces osseuses (ostéite) est un signe pronostique très défavorable.

Cytoponction

La confirmation d'une ténosynovite septique passe toujours par la réalisation d'une ponction et l'évaluation du liquide synovial [2]. Les sites de ponction classiques sont privilégiés [8], mais il convient d'éviter la plaie et les zones œdémateuses ou emphysémateuses. Les zones souvent oblitérées par des franges synoviales hypertrophiées (par exemple, le récessus palmaire du boulet) sont également préservées. L'échographie permet éventuellement de déterminer le point de ponction optimal.

Le liquide obtenu est d'abord évalué visuellement, ce qui offre souvent suffisamment d'indications. Un liquide sérohémorragique, trouble (), qui ne fait pas de fil et reste peu visqueux est un élément significatif de suspicion (voir le “Critères d'évaluation du liquide synovial”). La présence de fibrine ou une apparence franchement purulente apportent un diagnostic de quasi-certitude ().

La concentration en protéines est estimée à l'aide d'un réfractomètre. Une augmentation de cette concentration (> 20 g/l) entraîne une suspicion d'infection.

Lorsqu'il est disponible, un examen cytologique peut être utile. Le liquide est conservé dans un tube sur EDTA et un étalement sur lames est éventuellement réalisé. Une coloration cytologique rapide peut être pratiquée en clinique : une accumulation anormale de neutrophiles est recherchée, ce qui est facilement visualisé de manière approchée et qualitative sous un microscope avec un minimum d'expérience. Un examen réalisé par un professionnel est préférable et bien plus fiable, particulièrement lors d'infections débutantes ou chroniques.

Une numération cellulaire très augmentée (plus de 20 000 cellules/μl), avec une accumulation de neutrophiles (> 80 %) et des signes de dégénérescence, est presque pathognomonique d'une infection chez le cheval.

Un échantillon devrait être envoyé systématiquement pour un examen bactériologique et un antibiogramme. Souvent, une culture polybactérienne est obtenue, avec un mélange de bactéries à Gram+, à Gram- et des germes anaérobies, lors de plaie, alors que des infections à germes aérobies Gram+, notamment des Staphylococcus sp., sont plus fréquentes lors de contamination iatrogène ou consécutive à la pénétration d'un objet pointu [2].

Traitement

Après confirmation de la contamination d'une gaine, ou s'il en existe la moindre suspicion et que les conditions adéquates ne sont pas réunies pour mettre en œuvre les examens complémentaires, il convient de référer le cheval vers un centre d'accueil adapté. Dans ce cas, l'animal doit être préparé pour le transport. Il est important de se concerter avec l'établissement d'accueil, notamment pour le choix des médicaments administrés avant le départ. Le statut vaccinal antitétanique est vérifié et corrigé si nécessaire, une antibiothérapie à large spectre est immédiatement instaurée (cf. infra), en évitant éventuellement l'utilisation de sulfamides en raison des risques lors de combinaison avec les tranquillisants et anesthésiques décrits. L'administration d'AINS (phénylbutazone 2,2 mg/kg par la voie intraveineuse) est recommandée pour contrôler la douleur. Le membre affecté est protégé par un pansement et un bandage compressif contendant (à base de plusieurs épaisseurs de coton), ce qui tend à limiter la douleur et le stress de l'animal et évite une aggravation des signes durant le voyage. L'emploi d'attelles ou d'une résine est utile si une instabilité du membre est associée.

Il convient d'instaurer le traitement le plus rapidement possible. Celui-ci est toujours invasif (lavage ou intervention chirurgicale) et une anesthésie générale est conseillée. Il existe de nombreux traitements, et chaque chirurgien usera de son expérience et de ses préférences pour envisager la prise en charge la plus appropriée. L'exhaustivité est impossible dans le cadre de cet article, et l'auteur présente donc son approche fondée sur une synthèse de la littérature.

Ténosynovites aiguëset subaiguës

• Dans les cas les plus aigus, où le diagnostic est obtenu moins de trois à quatre heures après le traumatisme et en l'absence d'une plaie ou de contusions importantes, il est possible de se limiter à un lavage de la gaine avec du soluté isotonique polyionique stérile (Ringer) à l'aide de deux aiguilles de large diamètre (14 G ou 16 G) [1, 2, 17]. Cent cinquante milligrammes de gentamicine (sous forme de soluté injectable) sont administrés dans la gaine à la fin du lavage. Cette procédure peut être réalisée chez un cheval debout.

Les gaines sont toutefois souvent difficiles à laver complètement à l'aide des aiguilles. En effet, les récessus tendent à se collaber contre les tendons et les franges synoviales enflammées forment des masses qui oblitèrent les cavités potentielles. En outre, les villosités et les débris éventuels obturent les aiguilles. En présence de lésions des tendons ou fibrocartilages, il est nécessaire de débrider celles-ci.

• Dans les cas subaigus, c'est-à-dire lorsqu'il y a un épaississement de la synoviale, une présence de fibrine ou de lésions des structures internes, le traitement de choix est un lavage et une exploration de la gaine par ténoscopie [10]. Celle-ci présente de multiples avantages : l'introduction de l'arthroscope rigide permet de séparer la paroi de la gaine des tendons et, donc, d'ouvrir la cavité. L'utilisation d'instruments rend possible l'élimination d'un maximum de fibrine et de débris (), mais aussi le sondage des lésions et leur débridement le cas échéant (). Enfin, le grand diamètre des canules permet un lavage avec un volume important, sans crainte d'oblitérer l'ouverture.

• En présence d'une plaie, celle-ci peut être utilisée comme port d'introduction de la canule arthroscopique, après une dissection fine afin de débrider les tissus infectés. L'utilisation d'un synoviotome mécanique (“shaver”) ou d'une sonde à radio-fréquence (Coblation®, Arthrocare Co., États-Unis) aide à effectuer une synovectomie partielle et à éliminer ainsi les tissus envahis par les bactéries.

Après l'intervention chirurgicale, de la gentamicine est injectée et un bandage compressif est appliqué sur le membre. Le cheval est laissé au repos complet pendant au moins deux semaines et jusqu'à complète fermeture de la ou des plaies. Deux ou trois injections in situ de gentamicine toutes les quarante-huit heures peuvent être réalisées. Dans le cas contraire, le bandage est changé une ou deux fois par semaine.

• Une antibiothérapie à large spectre est initiée par voie intraveineuse : gentamicine (7 mg/kg, une fois par jour, par voie intraveineuse), associée à de la pénicilline sodique (20 000 UI/kg, quatre fois par jour, par voie intraveineuse), à de la pénicilline procaïnée (20 000 UI/kg, deux fois par jour, par voie intramusculaire) ou à du ceftiofur (4,4 mg/kg, une fois par jour, par voie intraveineuse). Le traitement est ensuite adapté aux résultats de l'antibiogramme. Un AINS est administré pendant au moins quinze jours, la phénylbutazone (2,2 mg/kg, deux fois par jour par voie intraveineuse pendant cinq jours, puis par voie orale) étant un bon choix.

• Après quinze jours, le bandage est remplacé par un bandage plus léger (par exemple, deux bandes de repos sur une épaisseur de ouate ou deux pads de coton), et des manipulations passives du membre (flexions-extensions) sont réalisées deux ou trois fois par jour. Le cheval est marché lentement au pas en main cinq minutes par jour, puis cinq à dix minutes, deux ou trois fois par jour. Des douches froides pendant dix à quinze minutes après chaque “exercice” sont recommandées, mais elles ne sont pas toujours réalisables dans la pratique. Si la boiterie diminue significativement, le cheval peut être lâché dans un paddock de petite taille (8 x 8 mètres) après six semaines, et ce pendant six semaines de plus.

Ténosynovites chroniques

Le traitement peut être difficile lors d'infections récentes et il existe une variation interindividuelle importante de la réponse aux efforts thérapeutiques selon les germes présents, le degré de contusion des structures de la gaine et le cheval. Lors d'infections chroniques, qui évoluent depuis plusieurs jours ou plusieurs semaines, les chances de récupération sont souvent décevantes. Le pronostic sportif est généralement mauvais et, ce qui est parfois surprenant pour les propriétaires, le pronostic vital est souvent mis en jeu. Même lorsque l'objectif est seulement d'éliminer l'infection pour sauver le cheval comme reproducteur ou le réformer, un traitement lourd et onéreux ne permet pas toujours de rétablir un confort même minimal. Une évaluation précise vise à déterminer l'importance des lésions des tendons et des structures adjacentes à la gaine. En général, la gaine est entièrement comblée par un tissu inflammatoire fibroblastique, avec des zones de nécrose souvent étendues. Des abcès et des fistules peuvent se former. Une destruction des fibrocartilages de glissement et une ostéolyse osseuse rendent le traitement difficile et entraînent à terme une ankylose fonctionnelle complète. Un plan chirurgical est donc établi en fonction des signes radiographiques et échographiques et des particularités anatomiques de la gaine affectée.

Ténoscopie

• La ténoscopie peut être réalisée si la prolifération synoviale reste limitée et qu'il subsiste une cavité synoviale potentielle. Toutefois, l'épaississement des structures synoviales et la présence de masses hyperplasiques et d'adhérences fibreuses se révèlent souvent gênants. L'exploration ténoscopique offre en général une visualisation plus complète que l'exposition chirurgicale “à ciel ouvert”.

Si la gaine peut être nettoyée suffisamment et qu'une synovectomie adéquate est réalisable, le recours à des incisions plus larges n'est pas nécessaire.

Dans ce cas, il est préférable d'assurer un drainage postopératoire afin d'éviter la récidive de l'infection et d'éliminer l'exsudat [2, 17]. Éventuellement, des injections répétées de gentamicine et des lavages par le drain laissé en place sont utiles lorsque tous les tissus nécrosés ou infectés n'ont pu être éliminés.

• Plusieurs techniques de drainage ont été proposées [1] :

- drains passifs (type Penrose) ;

- drains d'aspiration (drains de Redon ou tubulures fenestrés, placés dans la gaine et connectés à une seringue bloquée en aspiration) ;

- fistulisation (une incision distale de 2 à 5 centimètres est créée et laissée ouverte pour cicatriser par seconde intention).

Lorsqu'une large incision est réalisée, les drains sont placés dans la gaine par une incision séparée de la plaie chirurgicale. Il est, en revanche, parfois possible d'utiliser la plaie de ténoscopie. Le drain est ensuite ressorti à l'autre extrémité de la gaine et suturé à la peau à chaque extrémité. Si un drain tubulaire est utilisé pour irriguer la gaine, il doit être obturé à l'aide d'une seringue servant à créer une pression négative (le piston est tiré et bloqué dans cette position à l'aide d'une aiguille). Dans tous les cas, la présence de drains ou d'incisions laissées ouvertes induit la production d'exsudat. Il est donc important de les protéger par un pansement absorbant épais.

Les drains tubulaires ont tendance à être rapidement bouchés par de la fibrine et par la membrane synoviale, malgré l'utilisation d'héparine et des lavages réguliers. En outre, ils doivent souvent être retirés après deux ou trois jours car ils sont mal tolérés et qu'ils provoquent une inflammation et une exsudation iatrogène. Dans de nombreux cas, la réaction inflammatoire isole complètement le drain de la cavité synoviale après quelques heures, de sorte que le liquide de lavage ressort le long du drain sans irriguer la synoviale. L'efficacité de cette procédure est donc souvent décevante.

En conséquence, l'auteur utilise de préférence la technique de fistulisation, plus simple à gérer et souvent aussi efficace. La fistule est gardée ouverte par l'introduction quotidienne ou tous les deux jours d'un cathéter ou d'un instrument stérile. Cette ouverture n'est entretenue que quatre à sept jours. Ensuite, la plaie cicatrise par seconde intention. De manière générale, la plaie reste ouverte tant qu'il persiste un exsudat.

Incision de la gaine tendineuse

• Lors d'infections plus sévères, avec une accumulation de débris et de fibrine en grande quantité et/ou en présence de lésions de nécrose ou de lyse importantes, l'abord ténoscopique est souvent insuffisant. Une incision étendue le long de la gaine est alors indiquée [11]. Cette technique a toutefois des inconvénients :

- ces incisions larges tendent à cicatriser difficilement ;

- les infections et déhiscences de plaies sont fréquentes et entraînent une fibrose douloureuse et handicapante à terme.

Cette technique permet cependant un nettoyage et une excision des tissus plus agressifs ().

Une étude fondée sur une série de cas de ténosynovite chronique de la gaine flexorielle digitale [11] a montré des résultats supérieurs à la ténoscopie. Il s'agit toujours de cas associés à un pronostic sombre et la nécessité d'un débridement agressif et profond entraîne souvent une perte de fonction de la gaine et, donc, une boiterie persistante. Dans ce cas, la mise en œuvre des autres techniques susmentionnées est vouée à l'échec. Plusieurs études montrent qu'une technique agressive peut donner des résultats acceptables, permettant à terme la sauvegarde de l'animal pour la reproduction ou une retraite au pré, une utilisation comme cheval de loisirs, voire parfois un retour à une pratique sportive [14, 16]. Ces résultats correspondent également à l'expérience de l'auteur (Forresu et Cauvin, publication à venir).

• L'abord est déterminé par l'anatomie de chaque gaine ou bourse. Les mésos et vinculums, ainsi que les éventuels faisceaux vasculo-nerveux sont évités.

Pour la gaine digitale, par exemple, une incision cutanée est pratiquée palmaromédialement ou palmarolatéralement, à partir d'un point situé 1 à 2 centimètres proximalement au rétinacle palmaire du boulet (“ligament annulaire du boulet”) et 2 à 3 millimètres palmairement au rebord du sésamoïde proximal correspondant (voir la “Ouverture de la gaine digitale par une incision longitudinale large”). Elle est prolongée longitudinalement et distalement jusqu'au tiers distal du paturon, le long du bord abaxial (latéral ou médial) du tendon fléchisseur profond du doigt en prenant garde d'éviter les vaisseaux et nerfs palmaires digitaux. Le ligament annulaire du boulet et les ligaments annulaires digitaux sont ensuite incisés afin de pénétrer dans la gaine, en veillant à ne pas sectionner la branche ipsilatérale du tendon fléchisseur superficiel du doigt. Le doigt est ensuite fléchi pour faciliter l'ouverture de la gaine, puis son exploration.

Pour la gaine tarsienne, l'incision est réalisée plantaromédialement au tarse, sur le rétinacle du tendon fléchisseur latéral du doigt, à 2 millimètres plantairement au rebord palpable du sustentaculum tali du calcanéum (voir la “Ouverture de la gaine tarsienne en face médiale du tarse”). Elle est ensuite prolongée proximalement et distalement le long du tendon correspondant.

À la fin de l'intervention, un lavage abondant à l'aide de soluté de Ringer est effectué et l'incision est refermée en plusieurs plans, en laissant les 5 centimètres les plus distaux ouverts pour assurer le drainage (). Cette procédure va à l'encontre de l'un des principes de Halsted (séparation des drains et des plaies chirurgicales), mais permet d'éviter une incision surnuméraire et un traumatisme supplémentaire.

Antibiothérapie locale

Différentes techniques d'antibiothérapie ont été utilisées pour tenter d'améliorer la diffusion des antibactériens localement.

Des implants à diffusion retardée d'aminoglycosides peuvent être employés, notamment du polyméthylméthacrylate (PMMA) imprégné de gentamicine ou d'amykacine. Des cylindres ou des billes, placés sur un fil irrésorbable, sont préparés extemporanément et insérés dans la cavité de la gaine, le long du tendon [4]. La diffusion s'effectue sur plusieurs jours. Malheureusement, dans les gaines, l'implant est rapidement entouré de fibrine et ainsi isolé de la cavité synoviale. En outre, il peut être difficile à retirer et former un corps étranger.

Des éponges de collagène imprégnées d'aminoglycosides ont été testées plus récemment [19]. Ces implants sont mieux tolérés et sont résorbables, ce qui évite de recourir à une seconde intervention chirurgicale.

Une autre technique consiste à effectuer une administration locorégionale d'antibiotique (ceftiofur ou gentamicine), soit par injection intra-osseuse, soit par voie intraveineuse locale (distalement à un garrot) [5, 21]. Un cathéter osseux ou intraveineux peut être laissé en place afin de répéter l'administration.

Ces techniques visent à assurer une concentration locale en antibiotique très supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) pour les germes pathogènes sensibles. Une étude récente montre cependant qu'une administration intrathécale (en l'occurrence intra-articulaire) apporte une concentration bien plus importante que l'administration locorégionale [20]. Les techniques locorégionales ne sont donc probablement pas indiquées dans ces affections.

Un traitement chirurgical agressif, avec un drainage postopératoire adéquat, associé à une administration locale d'antibiotique et à une antibiothérapie systémique ciblée pendant une durée suffisante (au minimum quinze jours et au moins quarante-huit heures après élimination de l'infection), serait probablement plus efficace que ces techniques difficiles à réaliser et non dépourvues de complications.

Résection du tendon

Dans certains cas, la destruction ou la nécrose étendue du tendon ou des surfaces osseuses associées signifie la fin de la carrière sportive de l'animal. Afin de limiter les phénomènes d'ankylose et la douleur associée, ou de faciliter l'élimination de l'infection, la résection du tendon et de sa gaine peut être pratiquée et permettre de sauver l'animal. Ce traitement permet parfois une récupération fonctionnelle surprenante, notamment après résection du tendon fléchisseur latéral du doigt lors de ténosynovite septique de la gaine tarsienne [16], des gaines extensorielles du carpe ou du tarse [3], ou de la bourse bicipitale [14].

Soins postopératoires

La gestion postopératoire de ces cas se révèle difficile.

• Une antibiothérapie systémique est réalisée par voie veineuse. Il convient de la poursuivre jusqu'à l'élimination de l'infection et au moins une semaine après la résolution des signes (boiterie et inflammation locale de la gaine). Des ponctions synoviales aident le praticien à prendre la décision d'arrêter ce traitement.

Si un drain est laissé en place, des irrigations journalières sont réalisées pendant trois à cinq jours avant de le retirer.

Le membre est immobilisé à l'aide d'un pansement stérile et d'un bandage contendant (type “Robert Jones”), jusqu'à ce que les incisions cicatrisent. Par la suite, des mobilisations passives du membre sont nécessaires pour limiter l'ankylose liée à l'inflammation. Le cheval doit être sorti au pas dès que possible.

La douleur est contrôlée à l'aide d'anti-inflammatoires non stéroïdiens.

• La ferrure peut être utile, mais elle est parfois difficile à gérer. Lors d'affection des gaines flexorielles, la douleur peut être diminuée en élevant les talons à l'aide de talonnettes ou de fers compensés. Cette technique, efficace en début d'évolution, est à double tranchant : la rétraction des tissus mous lors de la cicatrisation peut entraîner une “contraction” relative du tendon et une perte d'extension du membre parfois très handicapante. Afin de limiter ce phénomène, des mobilisations passives du membre en hyperextension peuvent être pratiquées. Le retrait graduel des talonnettes (en diminuant leur taille tous les quinze jours) est rendu possible par l'utilisation de pièces en métal ou en résine fixées à la face inférieure du fer. À plus long terme, la pose d'un fer présentant un effet de “rolling” en pince et allongé en talons (fer en ovale ou fer à éponges longues) permet d'améliorer le soutien du pied et de limiter l'hyperflexion lors de la foulée.

Toute suspicion de ténosynovite septique représente une urgence majeure, probablement plus encore qu'une arthrite septique. Le pronostic dépend de l'étendue de l'infection et de la pénétration des bactéries dans les tissus ; il convient donc d'intervenir le plus rapidement possible et d'engager tous les tests diagnostiques nécessaires à la confirmation d'une infection. Heureusement, une intervention prompte et agressive est souvent efficace et permet d'assurer une guérison fonctionnelle dans bon nombre de cas. Les infections installées ou chroniques sont plus difficiles à traiter et impliquent un engagement psychologique et financier des propriétaires. Si le pronostic sportif est souvent sombre, une récupération fonctionnelle suffisante peut être envisagée, mais ce résultat nécessite souvent des traitements lourds et une convalescence prolongée.

→ Éléments à retenir

→ La majorité des ténosynovites septiques est consécutive à la pénétration d'un objet pointu. Une plaie, l'extension d'une infection adjacente ou une contamination iatrogène (ponction) peuvent également en être la cause.

→ La suspicion précoce de la contamination d'une gaine ou d'une bourse tendineuse n'est pas toujours aisée : le point d'effraction d'un objet pointu peut passer inaperçu et les symptômes sont souvent peu spécifiques.

→ Lors de suspicion de ténosynovite septique, l'échographie est un examen de choix pour le diagnostic, le pronostic et parfois le traitement.

→ La confirmation d'une ténosynovite infectieuse passe par la réalisation d'une ponction et l'évaluation du liquide synovial (examens macroscopique et biologique).

→ Plus laténosynovite septique est ancienne, plus son traitement est invasif : lavage de la gaine par ponction, nettoyage sous ténoscopie ou après incision longitudinale de la gaine, voire résection du tendon et de sa gaine.

Références

  • 1 - Baxter GM. Instrumentation and techniques for treating orthopedic infections in horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1996 ; 12(2) : 303-335.
  • 2 - Bertone AL. Infectious tenosynovitis. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1995 ; 11 : 163-176.
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