Myélopathie compressive cervicale chez deux chevaux adultesCompressive cervical myelopathy in two adult horses - Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002
Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002

Auteur(s) : F. PÉNIDE*, C. COLLOBERT-LAUGIER**, X. GLUNTZ***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire équine La Brousse, route de Launac
31330 GRENADE-SUR-GARONNE
**Afssa-Dozulé, Institut de pathologie du cheval, 14430 GOUSTRANVILLE
***Clinique vétérinaire du Lys, 678, avenue Jean-Jaurès
77190 DAMMARIE-LES-LYS

La myélopathie compressive cervicale, également appelée “mal de chien” ou wobbler disease, est une affection neurologique caractérisée par une ataxie et des troubles proprioceptifs des membres postérieurs ou des quatre membres, qui résultent d’une sténose du canal vertébral cervical [10]. Celle-ci provoque une compression intermittente ou continue de la moelle épinière. Cette affection est généralement diagnostiquée chez des chevaux jeunes à potentiel de croissance élevé [10]. Elle est également décrite chez le chien et chez l’homme.

Les deux cas cliniques présentés dans cet article sont épidémiologiquement inhabituels en raison de l’âge des animaux (treize et quatorze ans) lorsque les signes cliniques se sont manifestés. Ils présentent en outre des lésions du rachis cervical qui sont potentiellement à l’origine d’une myélopathie cervicale compressive.

Premier cas clinique

Commémoratifs

Un cheval de dressage, hongre trakehner, âgé de treize ans, présente des signes d’incoordination motrice qui ont entraîné sa chute à plusieurs reprises. Ces anomalies sont apparues et se sont aggravées depuis quelques mois. L’animal est examiné à deux reprises pour ces mêmes symptômes, à deux ans d’intervalle. Entre les deux examens, le cheval a gardé une activité modérée d’entretien.

En l’absence de changement clinique significatif entre les deux visites, seule l’évolution des symptômes neurologiques et radiographiques des vertèbres cervicales est évoquée.

Premier examen

Examen clinique

L’examen clinique général du cheval ne révèle aucune affection systémique.

Examen de l’appareil locomoteur

L’examen statique de l’appareil locomoteur du cheval ne permet pas de constater d’anomalies majeures.

L’animal étant référé pour troubles locomoteurs, un examen radiographique succinct des articulations majeures des quatre membres est réalisé (incidences latéromédiales de l’extrémité digitée des antérieurs et des postérieurs, des tarses et des grassets, ainsi qu’une incidence dorsopalmaire des carpes).

Il est toutefois recommandé de réaliser un examen locomoteur le plus approfondi possible lors de toute suspicion de déficit neurologique, car il est possible de confondre des symptômes d’origine neurologique et d’origine strictement musculosquelettique (encadré 1) [5].

Un nodule fragmenté en face dorsale de l’articulation interphalangienne distale du membre antérieur droit et un nodule dorsal dans l’articulation métacarpophalangienne du boulet postérieur gauche sont ainsi mis en évidence.

Examen neurologique

Un examen neurologique complet est réalisé (encadré 2).

• L’inspection, la palpation et la mobilisation de l’encolure du cheval ne montrent aucune anomalie et l’exploration des nerfs crâniens est normale.

• L’examen dynamique révèle une hypermétrie avec une ataxie des quatre membres (aggravées lors des changements de direction sur la serpentine). L’ataxie est accentuée lorsque l’encolure est en position basse (le maintien dans cette posture est obtenu au moyen d’une friandise ou d’un enrênement qui n’est pas fixe, type rênes allemandes). Elle est encore plus marquée lors du test du “tourner court”, qui consiste à réaliser un virage serré après une ligne droite [4]. L’observation de l’animal quand l’encolure est en position haute ne révèle pas d’aggravation de l’ataxie.

• Pour des raisons de sécurité et de gravité des symptômes, les tests du reculer, du sautillement et de proprioception les yeux bandés ne sont pas pratiqués.

L’examen neurologique met ainsi en évidence une ataxie locomotrice qui permet de suspecter une myélopathie cervicale compressive, affection également appelée wobbler syndrom ou “mal de chien”. L’aggravation des symptômes lorsque l’encolure est fléchie est compatible avec une forme compressive dynamique associée à une instabilité vertébrale cervicale.

Examen radiographique de la région cervicale

Afin de préciser les sites de compression, un examen radiographique de la région cervicale est effectué. Les lésions observées sont :

- une compression ventrale du disque intervertébral entre C2 et C3 (photos et ) ;

- une image d’hypertrophie du ou des processus articulaires caudaux de C5 ;

- une condensation sous-chondrale en C6 ;

- un remodelage des articulations synoviales dorsales en C5 [et C6, associé à des espaces articulaires irréguliers (photo ) et en C6 et C7 (photo ) ;

- un comblement du foramen intervertébral entre C5 et C6.

Ces images sont compatibles avec des lésions d’arthropathie intervertébrale dorsale en C5-C6 et C6-C7, fréquemment rencontrées chez les chevaux âgés. Elles ne sont pas pathognomoniques d’une myélopathie compressive [1, 6, 13 ]. Certains auteurs [1, 13] considèrent néanmoins que la synovite entraînée par cette arthropathie peut provoquer une hernie synoviale à l’origine d’une compression médullaire.

Les signes cliniques et les images radiographiques observés constituent des indications à l’examen myélographique. Seul l’examen myélographique permet en effet d’établir un diagnostic ante mortem définitif de myélopathie cervicale sténotique. Il n’a cependant pas été réalisé ici pour des raisons de coût et de litige entre le vendeur et l’acheteur du cheval.

Deuxième examen (deux ans plus tard)

• Le cheval est en bon état d’entretien et d’embonpoint, sans aucun signe de maladie systémique.

• L’inspection révèle une atrophie musculaire dorso-lombaire marquée. L’attitude de l’animal est anormale : les membres postérieurs sont toujours “sous-lui” ou “campés”. Une usure excessive des pinces sur les pieds postérieurs est constatée.

• La réflectivité et la tonicité caudales sont normales.

• L’exploration des nerfs crâniens ne met en évidence aucune anomalie.

• Lors de l’examen dynamique, le cheval manifeste une abasie (perte de la faculté de marcher sans trouble musculaire ni perte de la sensibilité). Des troubles de l’équilibre, avec une incoordination des membres postérieurs et antérieurs, sont également constatés. Les chutes sont fréquentes. L’ensemble de ces manifestations constitue un syndrome caractérisé d’ataxie locomotrice dont la gravité est considérablement augmentée par rapport au premier examen.

• Un examen radiographique de la région cervicale est de nouveau pratiqué. Les mêmes lésions objectivées lors du premier examen sont observées, sans signe d’aggravation notable.

Ce deuxième examen confirme la suspicion de myélopathie cervicale compressive évoquée deux ans auparavant et met en évidence une forte aggravation des signes cliniques neurologiques. L’animal représente un danger potentiel pour ses manipulateurs. Une euthanasie est donc décidée. Elle est suivie d’un examen nécropsique.

Étude anatomopathologique

L’examen nécropsique est pratiqué dans un délai compatible avec la réalisation d’échantillons de moelle épinière interprétables histologiquement (dans les cinq à six heures qui suivent la mort). Les observations macroscopiques d’intérêt diagnostique concernent le système nerveux, l’appareil locomoteur et le rachis cervical.

Examen macroscopique

• Système nerveux : un liquide jaune pâle et un œdème péridural sont présents en regard de l’articulation C2-C3. Malgré l’absence d’analyse de ce liquide, celui-ci semble correspondre à de la synovie modifiée par le processus inflammatoire. Même si la nature de ce liquide n’a pas été élucidée, il est néanmoins possible de suspecter une synovie modifiée (inflammatoire).

• Appareil locomoteur : des infiltrations hémorragiques sont constatées dans les muscles cervicaux profonds, notamment à hauteur de C1-C2 et de C3-C4.

• L’examen du rachis cervical met en évidence :

- des malformations des vertèbres cervicales de C2 à C7, qui consistent en des asymétries de taille et/ou de forme (de 30 % ou plus) des facettes articulaires, en particulier sur les facettes articulaires caudales de C4, C5, C6 et craniales de C7 (photos à et figure ) ;

- un aspect dégénératif des cartilages sur les facettes articulaires des vertèbres C2, C3, C4, C6 et C7 ;

- une asymétrie du canal médullaire en C6 et C7.

Ce tableau nécropsique est compatible avec une spondylomyélopathie cervicale, ce qui confirme le diagnostic clinique et radiologique.

Les lésions des vertèbres cervicales de C2 à C7 peuvent être classées en deux types physiopathologiques (classification lésionnelle) [5] :

- le type 1 est plus fréquemment diagnostiqué chez des animaux jeunes (en général jusqu’à deux ans) et correspond à des anomalies de développement ;

- le type 2 survient généralement chez des chevaux plus âgés et correspond à un élargissement ostéoarthrosique marqué des processus articulaires vertébraux cervicaux.

Ce cas clinique réunit probablement des lésions de types 1 et 2. En effet, l’ampleur des asymétries de taille des facettes articulaires est probablement liée à une anomalie de développement (type 1), mais les signes ostéoarthrosiques sont apparentés au type 2.

Examen histopathologique

L’examen histopathologique est pratiqué sur des sections transversales de la moelle épinière des segments C1-C2, C4-C5, C5-C6, C6-C7 et C7-Th1. Il révèle une cicatrice astrogliale focale localisée au niveau des faisceaux dorsaux et qui se prolonge des faisceaux C2 à C7 (photos et ). Celle-ci s’étend de la surface méningée jusqu’à la substance grise en C5-C6, alors qu’elle s’atténue de part et d’autre de ce segment. Une fibrose méningée diffuse est également constatée.

Ces lésions sont compatibles avec une myélopathie cervicale sténotique chronique.

Conclusion

La démarche diagnostique permet de confirmer l’hypothèse de myélopathie cervicale sténotique chronique. La nature de la sténose (anatomique et/ou dynamique) ne peut cependant pas être définie en l’absence de myélographies. En effet, si la sténose médullaire anatomique a été clairement identifiée, la sténose dynamique n’est que suspectée par le biais d’une aggravation des signes neurologiques lors de mouvements de flexion d’encolure.

Deuxième cas clinique

Commémoratifs

Un poney hongre âgé de quatorze ans est présenté en consultation pour avoir chuté sans raison apparente au cours d’une séance de longe, quelques jours auparavant. L’animal avait toujours manifesté des signes modérés d’incoordination motrice, mais était néanmoins utilisé en club hippique et à l’obstacle, sans incident.

Examen clinique général et locomoteur

• L’examen clinique général ne révèle pas d’affection systémique.

• L’examen locomoteur, pratiqué succinctement (absence de bilan radiographique), ne met en évidence aucune boiterie.

Examen neurologique

Un examen neurologique complet est réalisé.

• L’inspection et la palpation révèlent une amyotrophie cervicale et une usure anormale des pieds postérieurs en pince. La palpation de l’encolure est douloureuse en regard de C3 et C4 et l’amplitude de la flexion latérale de l’encolure est diminuée à gauche.

• Les différents tests d’exploration fonctionnelle des nerfs crâniens ne révèlent aucune anomalie.

• Les réflexes du panicule charnu et périnéal sont normaux, mais le réflexe cervico-facial est diminué.

• Au cours de l’examen dynamique [1], l’animal présente une démarche “ondulante” au niveau des postérieurs.

- Lors de la réalisation de la serpentine, une incoordination et une circumduction des postérieurs apparaissent dans les changements de direction.

- L’instabilité est marquée lors de la traction latérale de la queue.

- L’incoordination est flagrante lors du reculer : l’animal donne l’impression de s’asseoir lorsque le mouvement est forcé.

- Le poney est incapable de réaliser le test du sautillement en raison de son incoordination.

- Lors du test de la marche, avec la tête maintenue en hauteur, le poney marche au pas de l’oie, avec une hyperextension des antérieurs.

- Les tests de proprioception les yeux bandés n’ont pas été réalisés en raison des risques de chute de l’animal.

Examen radiographique

Les clichés radiographiques révèlent un défaut d’alignement au niveau des vertèbres cervicales C2 et C3 (photo ). Aucune autre anomalie significative n’est mise en évidence.

Conclusion

L’animal représentant un danger potentiel pour les utilisateurs, une réforme est conseillée. L’étude du cas n’a pas été complétée par un examen nécropsique, mais l’ensemble des données cliniques et radiologiques permettent néanmoins de conclure à une myélopathie cervicale sténotique chronique. La nature de la compression médullaire, anatomique et/ou dynamique, n’est pas élucidée en l’absence de myélographies.

Discussion

Définition

La myélopathie cervicale compressive est une affection qui résulte d’une sténose médullaire permanente ou intermittente [10]. Elle atteint plus fréquemment les jeunes chevaux mâles à croissance rapide [10]. Selon une étude rétrospective portant sur 306 chevaux de race pur-sang, l’incidence est plus élevée chez les chevaux âgés d’un à deux ans et le site intervertébral le plus atteint se situe entre C3 et C4 [3]. Il a également été rapporté que les sténoses au niveau de C3-C4 ou C4-C5 sont plus fréquentes chez les jeunes chevaux (âgés de moins de deux ans), alors que les sténoses plus caudales sont plus souvent décrites chez les chevaux adultes (ayant plus de cinq ans) [10, 12]. Les deux cas cliniques présentés ici illustrent différents types de lésion entraînant une sténose médullaire. Ils sont en outre particuliers en raison de l’âge avancé des sujets par rapport aux données épidémiologiques habituelles [9].

Évolution et tolérance lésionnelle

Les deux cas cliniques présentés illustrent différentes anomalies cervicales qui peuvent entraîner une sténose médullaire.

Dans le premier cas, l’examen nécropsique met en évidence des malformations des vertèbres cervicales de C2 à C7 :

- asymétries de taille et/ou de forme des facettes articulaires de l’ordre (en proportion) de 1, 1,25, 1,5 et plus (il est normal de constater des asymétries n’excédant pas 3 à 4 %) ;

- asymétrie du canal médullaire.

Devant l’ampleur des dissymétries, l’existence de malformations congénitales est évoquée. Il est probable que ces anomalies de symétrie des processus et facettes articulaires homologues ne sont pas l’expression d’une arthropathie cervicale. Elles semblent plutôt prédisposer à une arthropathie cervicale.

Le cheval avait concouru en dressage à un niveau intermédiaire (meilleur ICD = 104, obtenu un an avant la consultation pour l’ataxie). L’expression clinique et la gravité des lésions ne sont donc pas directement corrélées.

Dans le second cas, l’examen radiologique révèle un défaut d’alignement des vertèbres C2 et C3. Une altération dans la biomécanique de cette région peut être à l’origine de cette instabilité (subluxation vertébrale) [10]. Ce défaut d’alignement est souvent accentué lorsque l’encolure est en flexion : il s’agit d’une forme de sténose dynamique, qui se distingue de la sténose anatomique.

La subluxation est fréquemment associée à d’autres anomalies qui participent au pincement du canal médullaire, mais aucune n’a été mise en évidence sur les clichés radiographiques [1, 12, 13].

Le poney présentait des troubles locomoteurs de type ataxique depuis de nombreuses années, mais ils ne sont devenus gênants pour l’utilisation de l’animal que depuis quelques jours. La tolérance des lésions présentées par cet animal est également un élément à considérer.

Importance thérapeutique d’un diagnostic précis

Ces deux cas cliniques illustrent les difficultés de la différenciation entre une sténose dynamique et une sténose statique (encadré 3), qui nécessite la réalisation d’un examen myélographique. Ce diagnostic différentiel ne présente pas uniquement un intérêt didactique. Il permet théoriquement d’établir un choix thérapeutique entre deux techniques chirurgicales : la laminectomie dorsale subtotale de Funkquist type B (recommandée lors de sténose statique) et la fusion intervertébrale ventrale (préférentiellement appliquée en cas de sténose dynamique) [3, 5, 12]. Actuellement, il est néanmoins préférable, pour les deux types de sténose, de recourir à la seconde en raison :

- des risques postopératoires réduits par rapport à la laminectomie ;

- du remodelage et de l’atrophie des processus articulaires (qui entraînent une décompression du canal médullaire) dans les semaines qui suivent l’intervention [3, 5, 8, 11, 12].

Dans cette optique, la myélographie reste également un élément utile pour le pronostic.

Traitement

Traitement médical

Le traitement médical de la myélopathie compressive sténotique permet une amélioration clinique transitoire des animaux. L’objectif du traitement définitif est la stabilisation intervertébrale mécanique, qui permet de protéger l’axe médullaire. Ce traitement est chirurgical [10].

Le traitement médical de fond est systémique et consiste en des administrations d’anti-inflammatoires (non stéroïdien, stéroïdien ou encore diméthylsulfoxyde). Il est également possible de soulager les chevaux par l’administration sous-méningée de glucocorticoïdes ou par une infiltration intra-articulaire échoguidée des articulations synoviales intervertébrales affectées.

Possibilités chirurgicales

Chez le cheval, la technique la plus adaptée au traitement de la myélopathie cervicale sténotique est la fusion intervertébrale ventrale [8, 11]. Cette technique consiste à mettre en place un implant cylindrique en forme de cage et pourvu, depuis peu, d’un filetage externe qui facilite son implantation (panier de Bagbee). L’implant, rempli d’os spongieux, a pour but de stimuler une arthrodèse entre deux corps vertébraux (ces implants ont aussi été utilisés pour des arthrodèses interphalangiennes proximales ou tarsométatarsiennes). Il s’agit toutefois d’une procédure chirurgicale lourde, pour laquelle un certain nombre de critères préalables doivent être remplis [8] :

- la durée des symptômes neurologiques (une durée inférieure à trente jours est optimale) ;

- l’âge de l’animal (le pronostic est meilleur lorsqu’il est jeune) ;

- la gravité des symptômes (seuls les grades 0 à 2 sont perfectibles) ;

- l’existence d’affections ostéo-articulaires appendiculaires associées doit être contrôlée ;

- l’utilisation escomptée (les résultats de retour à la performance sont mauvais dans trois disciplines sportives : le trot attelé ou monté, le saut d’obstacles et le concours complet d’équitation [8, 11]) ;

- l’engagement du propriétaire (il faut compter six à neuf mois de rééducation) ;

- la valeur génétique de l’animal ;

- le coût élevé de l’intervention ;

- le nombre de sites intervertébraux affectés (il est possible de traiter un à deux sites au maximum).

Les résultats de la chirurgie sont désormais acceptables. Entre juillet 1983 et novembre 2000, environ 3 100 chevaux ont été examinés à l’université de l’état d’Ohio (États-Unis) pour des troubles neurologiques [8]. Dans cette population, 560 chevaux ont subi une myélographie et une intervention de fusion intervertébrale a été pratiquée sur 126 d’entre eux. Une amélioration d’au moins un grade de déficit a été observée chez 99 de ces chevaux. Dans une étude rétrospective plus récente portant sur des cas suivis dans cet hôpital (étude commencée en 1992), sur 63 chevaux opérés par fusion intervertébrale (61 pour déficits neurologiques et 2 pour arthropathie dégénérative C6-C7 à l’origine d’une boiterie antérieure), l’état de 45 animaux a été amélioré : d’un grade pour 20 d’entre eux, de deux grades pour 22 et de trois grades pour les 3 autres. L’état de 5 chevaux est resté inchangé et il s’est dégradé pour 2 autres (après des complications en relation avec l’implant et avec une localisation lésionnelle très caudale, en C5-C6). Le suivi d’un des chevaux n’a pu être réalisé.

Les résultats communiqués dans ces études montrent qu’un traitement chirurgical par fusion intervertébrale ventrale est désormais possible dans des cas bien définis, avec un pronostic acceptable. L’utilisation récente des implants filetés et de leur kit de mise en place permet des résultats chirurgicaux améliorés par une réduction du temps chirurgical et du délabrement des tissus périphériques au site d’implantation [8, 11].

Conclusion

L’étude de ces deux cas, atypiques en raison de l’âge d’apparition des symptômes, illustre le décalage entre l’apparition d’une lésion et son expression clinique. En outre, il peut exister une tolérance de la lésion et le maintien d’un certain niveau d’activité. Néanmoins, lorsque ce type d’affection neurologique, susceptib le d’entraîner la chute de l’animal, est diagnostiqué, il convient de prévenir les propriétaires du danger potentiel qu’il représente. Le traitement chirurgical de ces affections, développé depuis ces dernières années, permettra probablement de proposer à l’avenir une solution d’un pronostic acceptable.

  • Remerciements au Pr Jean-Marie Denoix pour l’interprétationdes clichés radiographiques des deux caset au Dr Catherine George, du LAPV (Amboise), pour l’interprétation des prélèvements histologiques.

Affections ostéo-articulaires appendiculaires à manifestations pseudoneurologiques

Certaines affections ostéo-arti-culaires des membres peuvent mimer un déficit neurologique d’origine médullaire.

◊ Troubles locomoteurs pouvant occasionner un traîner de la pince :

- rupture des ligaments extenseurs du doigt ;

- subaccrochement rotulien ;

- douleur articulaire proximale (arthropathies de l’épaule, du coude et du grasset) rendant la protraction du membre douloureuse ;

- atteinte du nerf suprascapulaire ;

- bursite bicipitale.

◊ Troubles locomoteurs mécaniques ou musculaires entraînant une modification de la foulée :

- myopathie fibrosante du muscle semi-tendineux ;

- rupture du muscle troisième péronier (annulation du système réciproque) ;

- luxation de la corde du jarret ;

- myosite localisée ou syndrome de rhabdomyolyse.

Encadré 1.

Principes généraux de sémiologie fonctionnelle de la moelle épinière du cheval

• Commémoratifs.

• Examen physique et clinique général.

• Examen de la tête (position, mouvements).

• Examen de la région cervicale (flexion, extension, incurvations, palpation).

• Test du croisement des membres antérieurs et de l’abduction des membres postérieurs : les réflexes posturaux sont évalués. Le cheval doit immédiatement reprendre un appui normal.

• Test du tourner court : évaluation de la proprioception du cheval. Le degré de circumduction du postérieur externe est indicateur. Ce test peut être réalisé sur un 8 de chiffre.

• Test du franchissement d’un obstacle à terre : évaluation de la proprioception. L’obstacle doit mesurer environ 30 cm de hauteur.

• Test de résistance à la poussée : le clinicien pousse l’épaule (ou la croupe) du cheval pour évaluer ses réflexes posturaux. Ce test est réalisé à l’arrêt et au pas.

• Test de traction sur la queue : le clinicien tire la queue du cheval pendant que celui-ci marche au pas sur une ligne droite. La capacité de l’animal à reprendre une allure coordonnée normale, donc sa proprioception, est évaluée.

• Test du reculer : le cheval atteint de myélopathie cervicale sténotique a tendance à s’asseoir comme un chien lors de ce test. Cette attitude est à l’origine du terme commun “mal de chien” qui désigne cette affection.

• Tous les tests dynamiques (sauf le franchissement d’un obstacle à terre) peuvent être réalisés en maintenant la tête en hauteur, en l’abaissant (avec un animal docile), en gravissant une pente ou en bandant les yeux.

Les tests présentés ici sont les plus couramment utilisés. Néanmoins, il en existe beaucoup d’autres [4].

Encadré 2.

Lésions responsables d’une sténose du canal médullaire

◊ Sténose anatomique :

- rétrécissement du foramen vertébral ;

- ostéochondrose des processus articulaires craniaux ;

- arthrosedégénérative (DJD) des processus articulaires craniaux ou caudaux ou du disque intervertébral.

◊ Sténose dynamique :

- rétrécissement du foramen vertébral ;

- laxité intervertébrale (spondylolisthesis) ;

- asymétrie vertébrale.

Encadré 3. D’après [1].

Références

  • 1. BUTLER JA, COLLES CM, DYSON SJ et coll. Clinical radiology of the horse. Oxford, Blackwell Science Ltd. 1993 : 365-372.
  • 2. DESBROSSES F. L’ataxie spinale du poulain. Prat. Vét. Equine. 1990 ;(3): 23-26.
  • 3. GRANT B, BAGBEE D, WAGNER P. Long term results of surgery for equine cervical vertebral malformation. Proc. Amer. Assn. Equine Pract. 1985 ; 31 : 91-96.
  • 4. MAYHEW IG. Large animal neurology. A handbook for veterinary clinicians. Philadelphia, Lea and Febiger. 1989 : 246-247.
  • 5. MAYHEW IG. The equine spinal cord in health and disease. Part two : the diseased spinal cord. AAEP Proceedings. 1999 ; 45 : 67-84.
  • 6. MOORE BR, REED SM, BILLER DS et coll. Assessment of vertebral canal diameter and bony malformations of the cervical part of the spine in horses with cervical stenotic myelopathy. Amer. J. Res. 1994 ; 55(1): 5-13.
  • 7. PAPAGEORGES M, GAVIN P, SANDE R et coll. Radiographic and myelographic examination of the cervical vertebral column in 306 ataxic horses. Vet. Radiol. 1987 ; 28 : 53-59.
  • 8. REED S. Cervical vertebral stenotic myelopathy (CSM). In : proceedings of 7th Geneva Congress of Equine Medicine and Surgery, 11-13 décembre 2001 : 29-30.
  • 9. REED S. Determining the cause of neurological deficits. In : proceedings of 7th Geneva Congress of Equine Medicine and Surgery, 11-13 décembre 2001 : 93-95.
  • 10. STEWART RH, MOORE BR. Cervical vertebral stenotic myelopathy. In : Equine internal medicine, REED SM, BAYLY WM, Ed. Saunders, Philadelphia, 1999 : 479-483.
  • 11. STOCKWELL CG. Communication personnelle.
  • 12. WAGNER PC, GRANT BD, REED SM. Cervical vertebral malformations. Vet. Clin. North Amer. Equine Pract. 1987 ; 3 : 385-396.
  • 13. WHITWELL KE, DYSON S. Interpreting radiographs 8 : equine cervical vertebrae. Equine Vet. J. 1987 ; 19(1): 8-14. l
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