Accrochement néphrosplénique réduit par laparotomie par le flanc chez un cheval deboutReduction of nephrosplenic entrapment by flank laparotomy in the standing horse - Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002
Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002

Accrochement néphrosplénique

Auteur(s) : P. CIRIER*, X. GLUNTZ**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire du Lys, 678 avenue Jean-Jaurès, 77190 DAMMARIE-LES-LYS

Lors d’accrochement néphrosplénique, en cas d’échec du traitement médical et du roulage, l’intervention chirurgicale par le flanc chez le cheval debout peut s’avérer une bonne alternative à l’abord ventromédian chez le cheval couché.

Un cheval de selle hongre, âgé de huit ans, est référé à la clinique pour un accrochement néphrosplénique qui évolue depuis 9 heures. Malgré l’administration à deux reprises de dipyrone (Calmagine® à raison de 25 ml), le cheval reste agité, se roule et transpire abondamment. Le vétérinaire traitant administre alors 18 mg de romifidine (Sédivet®) à deux reprises, puis à nouveau 9 mg pour permettre le transport du cheval.

Cas clinique

Examen clinique

L’examen clinique met en évidence un état général moyen. La surface du corps est sèche, sans escarre. L’animal manifeste une douleur discontinue et modérée. La température rectale est de 37,1 °C, les muqueuses sont roses et d’aspect normal, le temps de recoloration capillaire est de 2 secondes et la fréquence cardiaque est de 40 battements par minute. La circonférence abdominale est normale. Des bruits digestifs sont perceptibles dans le quadrant droit inférieur en hypopéristaltisme, mais sont absents dans les autres quadrants. Aucun reflux n’est obtenu par le sondage nasogastrique.

La palpation transrectale conduit à diagnostiquer un accrochement néphrosplénique. L’espace néphrosplénique n’est pas libre, le ligament néphrosplénique n’est pas palpable, deux brides tendues sont présentes en direction de l’espace néphrosplénique et la rate est déplacée médialement.

Examens complémentaires

Les analyses sanguines (hématologique et biochimique) ne montrent pas d’anomalie.

L’examen échographique de la ligne inférieure de l’abdomen permet de visualiser la rate, déplacée médialement, mais aucune anse d’intestin grêle ni de liquide n’est mis en évidence : la paracentèse n’est donc pas réalisée.

Suivi clinique et traitement médical

Une approche thérapeutique médicale est entreprise dans un premier temps. Elle consiste en une forte sédation (romifidine administrée par bolus de 18 mg par voie intraveineuse) et à l’administration d’antispasmodiques (dipyrone par bolus de 20 g par voie intraveineuse).

Malgré la sédation, le cheval passe une nuit difficile. Un sondage nasogastrique est de nouveau pratiqué pendant la nuit, mais aucun reflux n’est obtenu. L’échographie abdominale est renouvelée, mais ne permet pas de mettre en évidence d’anomalie, ni de liquide.

Le lendemain matin, l’état général s’est dégradé, le cheval manifeste des signes de douleur. Le sondage nasogastrique met en évidence 5l de reflux. La fréquence cardiaque est de 60 battements par minute, les bruits digestifs sont absents. À la palpation transrectale, l’accrochement est toujours présent.

En raison de la baisse de l’état général, il est décidé de rouler le cheval sous anesthésie générale. Après une prémédication à la xylazine (Rompun® à la dose de 1,1 mg/kg) et une induction à l’aide d’un mélange de diazépam(1) à la dose de 0,1 mg/kg et de kétamine à raison de 2,7 mg/kg, le cheval est placé en décubitus latéral droit, puis soulevé à l’aide d’un palan jusqu’à atteindre une position verticale. Le cheval est alors secoué précautionneusement, puis replacé en décubitus latéral gauche.

Le réveil se déroule sans incident et le cheval reste calme, mais la palpation transrectale réalisée le lendemain révèle la persistance de l’accrochement. En outre, les analyses sanguines montrent un début d’insuffisance rénale (créatininémie : 60 mg/l ; urémie : 0,84 g/l) et de déshydratation (hématocrite : 46 % et protéinémie à 78 g/l). Une perfusion de lactate de Ringer est alors administrée au rythme de 5litres par heure pendant 32 heures.

Les deux jours suivants, le cheval est calme sous sédation, grâce à l’administration de romifidine (3 ml trois à quatre fois par jour par voie intraveineuse), mais l’accrochement est encore présent. Les résultats des examens biochimiques et sanguins sont redevenus normaux, mais en raison de la présence de signes de douleur modérée et de reflux gastrique (8 à 10litres à plusieurs reprises), une réduction chirurgicale du déplacement du côlon est décidée. Une laparotomie par le flanc gauche sur le cheval debout est alors effectuée (figure ).

Chirurgie abdominale

Protocole de sédation et de contention

Le cheval est placé dans un travail et est fortement tranquillisé par l’administration de détomidine (Domosedan®àladose de 20 µg/kg). Il reçoit également du butorphanol (Torbugesic®(2) à raison de 0,1 mg/kg) pour assurer l’analgésie.

Un anesthésiste reste à la tête du cheval pour surveiller le niveau de la tranquillisation et pour administrer le sédatif à la demande.

Une anesthésie locale de la paroi du flanc gauche est réalisée par l’administration de lidocaïne (Xylovet®) par voie sous-cutanée traçante, puis intramusculaire. Cinq minutes après, l’incision cutanée permet de vérifier l’efficacité de l’anesthésie.

Technique chirurgicale

Après une tonte et une préparation chirurgicale de la région du flanc gauche (désinfection à l’aide de povidone iodée et d’alcool), une incision cutanée longue de 12 cm est réalisée selon un axe vertical, juste en arrière de l’arc costal (encadré 1). Les différents plans musculaires sont ponctionnés et dilacérés (muscle oblique externe, muscle oblique interne et muscle transverse de l’abdomen), respectivement dans le sens de leurs fibres, ainsi que le péritoine.

La main droite est introduite dans la cavité abdominale par l’incision, en direction de l’avant de l’animal, la paume tournée vers soi (figure ).

Le côlon est décomprimé en aval de l’accrochement par l’introduction dans le 17e espace intercostal, par voie transcutanée, d’un mandrin de cathéter de 2,4 mm de diamètre, qui est guidé dans la cavité abdominale par la main du chirurgien. Dès l’obtention de la décompression, la zone d’effraction intestinale est “pincée” au doigt afin d’éviter toute contamination péritonéale.

Cette procédure permet de rétablir la mobilité du côlon gauche. La rate peut ensuite être repoussée médialement et vers le bas pour permettre le décrochage du côlon de l’espace néphrosplénique. Celui-ci est ensuite repoussé vers le bas pour restituer sa position anatomique.

Chaque plan musculaire est suturé par un surjet au fil de polyglactine tressé résorbable déc. 5 (Vicryl®). Un surjet sous-cutané est réalisé à l’aide de fil de glycomer non tressé déc. 3 (Biosyn®), suivi par un surjet cutané au fil de polyamide non tressé, non résorbable, déc. 4 (Ethicrin®) (figure ).

Suivi postopératoire

Immédiatement après la chirurgie, le cheval reçoit 3 litres de paraffine par sondage nasogastrique afin de diminuer la stase qui s’était installée à la suite de l’accrochement.

Une antibiothérapie à base de ceftiofur (Excenel®) est mise en place, à raison de 2 mg/kg par voie intraveineuse en postopératoire immédiat, puis deux fois par jour pendant sept jours. De la flunixine méglumine (Finadyne®) est également administrée à la dose de 1,1 mg/kg une fois par jour pendant trois jours, par voie intraveineuse.

Le lendemain, le cheval présente un bon état général. Il reçoit du foin en petite quantité le matin, le midi et le soir.

Le surlendemain, un œdème inflammatoire apparaît en position déclive de la plaie de laparotomie ; un pic de température (39,2 °C) et une démarche difficile (raideur du postérieur gauche) sont constatés. De la gentamicine, à raison de 6,6 mg/kg est alors administrée une fois par jour par voie intraveineuse, pendant cinq jours en plus du traitement déjà instauré pour élargir le spectre en raison du risque infectieux.

Au troisième jour, le transit digestif est rétabli : le cheval produit des crottins moulés. Il est alors réalimenté progressivement, avec du foin au début, puis des floconnés, avant de réintroduire peu à peu les granulés, moins digestibles.

Les jours suivants, le cheval présente une diarrhée en bouse, qui rétrocède rapidement.

Le cheval est rendu à ses propriétaires huit jours après la chirurgie avec un plan de réalimentation (pour éviter une stase due à l’inactivité) et de reprise progressive du travail (deux sorties quotidiennes pendant dix minutes au pas en main jusqu’au retrait des fils, puis au pas monté pendant trois semaines et reprise progressive du travail au trot et au galop sur six à huit semaines).

Trois mois après la chirurgie, le cheval a repris une activité sportive normale. La plaie a bien cicatrisé malgré le début d’infection en phase postopératoire immédiate. Aucune récidive d’accrochement n’a été rapportée par la suite.

Discussion

Techniques chirurgicales de réduction de l’accrochement néphrosplénique

L’abord chirurgical par le flanc gauche a déjà été décrit à plusieurs reprises dans la littérature, avec des variantes selon le site et l’orientation de l’incision. Cet abord est essentiellement indiqué en gynécologie (ovariectomie, torsions utérines, césariennes, lacérations de l’utérus, transfert d’embryon), en andrologie (exérèse de testicule cryptorchide) et pour les procédures de colostomie, lors de lacérations rectales [6]. Ces interventions s’effectuent sous laparoscopie ou par une laparotomie complète [1, 4, 5].

La correction des déplacements du côlon par cet abord est en revanche peu décrite. Une technique de réduction de l’accrochement néphrosplénique, qui associe l’ablation de la dernière côte pour gagner de la place, a été décrite [3].

Inconvénients de la laparotomie par le flanc chez le cheval debout

La laparotomie par le flanc chez le cheval debout a des avantages et des inconvénients comme toute technique chirurgicale. D’un point de vue chronologique, la première difficulté est la ponction du côlon en aveugle, qui présente un risque de contamination de la cavité abdominale et, par conséquent, de péritonite.

Les risques d’infection musculaire au niveau de la plaie de laparotomie sont assez élevés, ce qui constitue le deuxième inconvénient de cette procédure. Une infection de la paroi abdominale peut en effet retarder la cicatrisation, entraîner une déhiscence de la plaie, voire évoluer en péritonite.

Le risque essentiel de cette intervention réside toutefois dans le repositionnement du côlon. Lors d’accrochement néphrosplénique, le côlon subit en effet une torsion de 180 ° sur son grand axe [3]. Lorsqu’il est décroché du pôle dorsal de la rate, il peut soit reprendre sa position physiologique initiale, soit accentuer sa torsion de 180 ° supplémentaire, ce qui revient à transformer un accrochement néphrosplénique en une torsion à 360 ° du côlon. Ce danger existe également lors du traitement de l’accrochement par roulage sous anesthésie générale.

En cas de complication (rupture, nécrose, etc.) ou de lésions associées, il est en outre plus difficile d’intervenir que lors d’une laparotomie par la ligne blanche, qui permet une meilleure approche générale. Il convient de réserver la technique chez le cheval debout aux cas d’accrochements simples diagnostiqués avec certitude et éventuellement lorsque le budget est limité.

Un diagnostic de certitude est cependant indispensable même lors d’intervention chez le cheval couché, car il est quasiment impossible d’explorer la cavité abdominale dans sa totalité et d’effectuer une inspection complète.

Avantages

Les avantages de la laparotomie par le flanc chez le cheval debout ne sont cependant pas négligeables. Il est ainsi possible d’éviter l’anesthésie générale et tous les risques inhérents à celle-ci.

Le temps chirurgical global est réduit par rapport à une intervention chez le cheval couché, ce qui est bénéfique pour diminuer la contamination du site chirurgical.

La gestion des retards de cicatrisation ou d’une éventuelle déhiscence partielle de la plaie, située sur le flanc (en position haute, ce qui limite les risques d’éventration), est en outre plus aisée que lors d’une plaie ventrale médiane.

Enfin, la procédure étant moins longue et moins lourde, l’intervention est moins onéreuse. En ce qui concerne le cas décrit, les propriétaires de l’animal n’avaient pas donné leur accord pour un traitement chirurgical d’emblée, mais ont accepté cette décision après l’échec des traitements médicaux. Le choix de la technique chez le cheval debout a alors permis de ne pas alourdir excessivement les frais médicaux déjà engagés.

Conclusion

L’application de la laparotomie par le flanc chez le cheval debout à la réduction de l’accrochement néphrosplénique est originale par son indication. Elle semble être une solution intermédiaire entre le roulage et la chirurgie couchée sous anesthésie générale (encadré 2). Cette technique peut être recommandée lorsque le roulage n’a pas été suivi de succès et chez les chevaux calmes et correctement maintenus sous analgésie. Elle représente alors une alternative moins onéreuse qu’une chirurgie classique. Néanmoins, des risques de complication peropératoire peuvent nécessiter le recours à la laparotomie par la ligne médiane en seconde intention. Cette technique peut ainsi être considérée comme une alternative thérapeutique applicable dans des cas particuliers, mais ne peut remplacer une intervention chirurgicale chez le cheval couché.

Notes :

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament non disponible en France.

Éléments à retenir

•  Chez un cheval atteint d’accrochement néphrosplénique du côlon, non réductible médicalement, une laparotomie par le flanc gauche a permis la reprise d’une activité sportive normale trois mois plus tard.

•  Les avantages de cette technique par rapport à un abord parlaligneblanchesont l’absence de recours à l’anesthésie générale, la réduction du temps chirurgical, la facilité de gestion de la plaie de laparotomie et le coût plus réduit.

•  Les inconvénients sont liés à l’accès limité à la cavité abdominale, à l’absence de contrôle visuel de chaque geste et à la nécessité d’intervenir sur la ligne blanche en cas de complication.

•  Un diagnostic de certitude (palpation transrectale) est indispensable, quelle que soit la technique envisagée.

Technique de réduction de l’accrochement néphrosplénique par laparotomie par le flanc chez le cheval debout

•  Incision cutanée de 12 cm réalisée en arrière de l’arc costal. Le sens des fibres des muscles oblique externe, oblique interne et transverse de l’abdomen est respecté. Le péritoine est ponctionné.

•  Introduction de la main droite dans la cavité abdominale, en direction de l’avant de l’animal, la paume tournée vers soi.

•  Décompression du côlon en aval de l’accrochement grâce au trocart transcutané introduit dans le 17e espace intercostal.

•  La rate est repoussée médialement et vers le bas : le côlon est décroché de l’espace néphrosplénique.

•  Le côlon est repoussé vers le bas.

•  Suture de chaque plan musculaire, surjet sous-cutané, puis cutané.

Encadré 1.

Conduite à tenir lors d’accrochement néphrosplénique

• Dans la mesure où le cheval ne montre pas de signes de détérioration cardiovasculaire, ni ne manifeste de douleur intense, un traitement médical peut être envisagé en première intention.

• Dans un second temps, si le côlon n’est pas trop distendu, un roulage sous anesthésie générale peut être entrepris.

• Le recours à une réduction chirurgicale de l’accrochement [2, 3, 4] s’avère cependant indispensable lorsque les manœuvres précédentes ont été un échec. En règle générale, le traitement chirurgical s’effectue chez le cheval couché, par abord ventral médian. Il est cependant possible de réaliser l’intervention chez le cheval debout, par un abord par le flanc gauche.

Encadré 2.

Références

  • 1. DUCHARME NG, FREEMAN DE, Steckel RR et coll. Principles of intestinal surgery. In : Equine Surgery, first edition, Auer ed. 1992 : 324-347.
  • 2. HARDY J, MINTON M, ROBERTSON JT et coll. Nephrosplenic entrapment in the horse : a retrospective study of 174 cases. Equine Vet. J. 2000 ; Suppl n° 32 ; 95-97.
  • 3. KNOTTENBELT DC, HILL FWJ. Entrapment of the left colon over the nephrosplemic ligament in the horse : a review of the clinical features and treatment. Veterinary Annual. 1989 ; 29 : 161-168.
  • 4. KALSBEEK HC. Further experiences with non-surgical correction of nephrosplenic entrapment of the left colon in the horse. Equine Vet. J. 1989 ; 21 : 442-443.
  • 5. MILNE DW, VAUGHAN JT. Intestinal surgery. In : Equine Medicine and Surgery, third edition, vol. 1, Mansmann ed. 1982 ; 579-594.
  • 6. ROSS MW. Standing abdominal surgery. Vet. Clin. North Amer.-Equine Pract. 1991 ; 7 : 627-640.
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