Utilisation du miel pur pour le traitement des plaies des équidés - Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023
Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023

Thérapeutique

CAHIER PRATIQUE

Fiche thérapeutique

Auteur(s) : Claire DUFAY* *, Élodie LALLEMAND ****

Fonctions :
** Cabinet vétérinaire Hipp'Occitan
**Manas
***82340 Saint-Miche
****** InTheRes UMR1436, université de Toulouse, Inrae, ENVT
*****23 chemin des Capelles
******31300 Toulouse

Un emploi topique bien encadré du miel de manuka semble être une option intéressante lors des soins de plaies chez le cheval. Il mériterait d'être étudié davantage.

Le miel constitue une ressource thérapeutique naturelle multimillénaire [4]. Grâce aux données publiées, son emploi clinique et empirique commence à être étayé par des connaissances scientifiques solides. Chez les équidés, plusieurs publications expérimentales (in vitro, ex vivo et in vivo) ont démontré des propriétés inhibitrices de la croissance bactérienne et procicatrisantes du miel (diminution de la rétraction des plaies, cicatrisation plus rapide et de meilleure qualité) lors d'applications topiques dans le cadre du traitement des plaies [1-3]. Seule une partie des mécanismes à l'origine de ces propriétés est actuellement établie, notamment en lien avec la composition et les caractéristiques physico-chimiques du miel (hyperosmolarité, acidité, teneur en peroxyde d'hydrogène et en méthylglyoxal, etc.) [3, 5].

Quel miel utiliser ?

Actuellement, seule l'utilisation médicale du miel de manuka est suffisamment étayée scientifiquement (encadré) [1-3]. Compte tenu des différentes définitions nationales des pays exportateurs, l'utilisation de miel de manuka d'origine néo-zélandaise est préférable, car sa qualité semble plus fiable et homogène [4]. Le miel de manuka est également associé à différents labels, majoritairement quantitatifs, en lien avec une concentration minimale en méthylglyoxal (figure 1) [4]. Un label UMF 20+, équivalent à une concentration en méthylglyoxal supérieure ou égale à 826 mg/kg, apparaît nécessaire pour obtenir des résultats significatifs (temps de cicatrisation réduit et action antibactérienne) [1, 3]. Plusieurs auteurs s'accordent également sur la nécessité d'employer du miel stérile, compte tenu des possibles contaminations bactériennes et fongiques, potentiellement pathogènes [1-3, 5]. La stérilité du miel doit impérativement être obtenue par des rayonnements gamma car, contrairement à un traitement thermique, ceux-ci n'ont pas d'effet significatif sur l'efficacité du miel vis-à-vis de l'inhibition de la croissance bactérienne [4].

Quelle présentation choisir ?

Actuellement en France, il n'existe qu'une gamme de produits contenant du miel pur qui satisfait à l'ensemble des recommandations précédemment évoquées et est commercialisée avec une indication d'usage vétérinaire : les pansements Kruuse. Ces produits sont proposés sous trois formes : des pansements non adhérents imprégnés de miel (Manuka ND), des pansements absorbants imprégnés de miel (Manuka AD) ainsi que du miel sous la forme gélifiée en tube (Manuka G). Les pansements imprégnés peuvent être découpés selon la dimension de la plaie, ou disposés les uns à côté des autres. La présentation de ces produits en rouleaux est d'ailleurs spécifiquement adaptée aux plaies étendues et/ou verticales comme celles localisées sur les membres (photo). De nombreux produits équivalents sont par ailleurs distribués en pharmacie pour un usage thérapeutique topique en tant que dispositifs médicaux [4].

À température ambiante, le miel de manuka se présente sous une forme liquide, et par conséquent il adhère relativement mal aux plaies. Un bandage est nécessaire afin d'améliorer le contact avec la plaie lors de l'utilisation de miel pur ou de pansements imprégnés [1, 3]. En revanche, les formulations gélifiées permettent une adhérence à la surface des plaies sans nécessiter de bandage, avec des effets statistiquement comparables au miel de manuka pur [2, 3]. Néanmoins, l'application de miel sans bandage est rapportée comme étant associée à une dessiccation plus rapide du produit et à la présence plus importante d'insectes. Les deux formulations disponibles (gel et pansement imprégné) peuvent également être combinées dans le cas de plaies cavitaires et/ou étendues [4].

Quand et comment l'appliquer ?

Seules quelques études fournissent suffisamment de précisions concernant l'utilisation du miel (figure 2) [1-3]. De ce fait, aucun consensus n'est établi à l'heure actuelle. Les meilleurs résultats expérimentaux semblent avoir été obtenus avec une application de 0,3 à 1 ml de miel par centimètre carré [1, 3]. Le miel peut être appliqué dès le début de la phase inflammatoire, directement au contact de la plaie préalablement nettoyée, débridée et séchée [1-5]. Le miel de manuka étant relativement collant, il est recommandé de porter des gants à chaque application. Par ailleurs, lorsque le miel est prélevé dans un contenant à usage multiple, il est également recommandé d'employer des gants stériles, une spatule ou une seringue stérile afin de limiter les contaminations exogènes. Les produits à usage unique (pansements stériles) ou conditionnés de façon à ne prélever que la quantité nécessaire (tubes) permettent de préserver le miel des contaminations [4]. Une application quotidienne (avec un bandage) ou deux à trois fois par jour (sans bandage) jusqu'au 21e jour de cicatrisation semble suffisante pour obtenir des effets procicatrisants significatifs [1, 3, 5]. Au-delà de cette durée, certains auteurs suggèrent le recours à d'autres traitements topiques [3]. L'application de miel, quelle que soit sa forme, est atraumatique et indolore pour l'équidé [4].

Miel de manuka

Produit à partir du nectar des fleurs de manuka (Leptospermum scoparium), un arbuste indigène d'Océanie, ce miel fait l'objet d'un intérêt scientifique mais aussi commercial tout particulier depuis la mise en évidence par une équipe néo-zélandaise, en 1988, de ses propriétés antibactériennes spécifiques en lien avec sa teneur en méthylglyoxal. Ce miel est dès lors devenu très convoité et est associé à différents labels commerciaux [4].

Références

1. Bischofberger AS, Dart CM, Perkins NR et coll. A preliminary study on the effect of manuka honey on second-intention healing of contaminated wounds on the distal aspect of the forelimbs of horses. Vet. Surg. 2011;40(7):898-902.

2. Bischofberger AS, Dart CM, Horadagoda N et coll. Effect of Manuka honey gel on the transforming growth factor β1 and β3 concentrations, bacterial counts and histomorphology of contaminated full-thickness skin wounds in equine distal limbs. Aust. Vet. J. 2016;94(1-2):27-34.

3. Bischofberger AS, Dart CM, Perkins NR et coll. The effect of short- and long-term treatment with manuka honey on second intention healing of contaminated and noncontaminated wounds on the distal aspect of the forelimbs in horses. Vet. Surg. 2013;42(2):154-160.

4. Dufay C. Étude bibliographique de l'utilisation thérapeutique du miel pur à destination des équidés en pratique vétérinaire en France. Thèse doct. vét. ENV de Toulouse. 2022:170p.

5. Schumacher J, Theoret C. Equine wound management. 3rd ed. Wiley Blackwell. 2017:560p.

Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr