Étapes de la mise au point d’une ration traditionnelle - Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023
Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023

Fiche nutrition

CAHIER PRATIQUE

Fiche nutrition

Auteur(s) : Charles BARRÉ

Fonctions :
*1 place de l’Église
**72360 Verneil-le-Chétif

Via un tableur détaillant les apports de la masse de foin distribuée, des céréales et des correcteurs, le praticien peut établir un bilan complet de la ration.

Après avoir étudié brièvement les différentes matières premières disponibles pour composer une ration traditionnelle et avoir mis en exergue leurs avantages et leurs inconvénients, il semble logique de fournir au praticien quelques éléments de méthodologie. Le raisonnement décrit dans cet article n’est pas le seul possible. Cependant, sa simplicité lui confère un intérêt pédagogique certain.

Étape 1 : évaluer les besoins

L’évaluation des besoins nutritionnels du cheval est primordiale pour bien commencer l’élaboration d’une ration. L’âge et l’état de santé bucco-dentaire permettent de savoir si la consommation de fourrage sera conséquente, réduite, voire impossible. La prise en compte d’une dysphagie ou d’une anorexie oriente aussi le praticien vers une certaine forme de concentrés ou de fourrage. Les troubles endocriniens peuvent également influer sur le régime alimentaire visé (syndrome métabolique, par exemple). L’appréciation de l’état d’engraissement du cheval est capitale pour déterminer, à court terme, l’objectif d’apport énergétique, de même que son statut physiologique (production laitière, gestation, croissance, etc.) et son activité. L’objectif de l’apport protéique est, lui aussi, dépendant de l’âge, du stade physiologique et du mode de vie du cheval. Une attention toute particulière doit être portée aux chevaux en phase postopératoire qui peuvent avoir subi un épisode catabolique important. Les apports en minéraux et en vitamines sont également évalués selon l’âge, l’activité et le stade physiologique. Néanmoins, si les objectifs des apports énergétique et protéique sont essentiels, la couverture des besoins minéraux et vitaminiques peut bénéficier d’une relative adaptation à la situation économique. Le praticien peut ainsi s’affranchir de certaines contraintes si la valeur actuelle ou future du cheval n’est pas en adéquation avec les coûts engendrés par une complémentation minérale vitaminée optimale.

Étape 2 : analyser le foin

Mis à part quelques situations particulières où le choix du fourrage repose sur des critères tels que la teneur en sucres résiduels ou en calcium, la plupart des détenteurs de chevaux ignorent a priori les caractéristiques analytiques de leur foin. Le fourrage étant l’aliment principal de la ration des chevaux, quel que soit leur stade physiologique ou leur niveau d’activité, il est essentiel d’en connaître précisément les caractéristiques physico-chimiques via une analyse digne de confiance. Pour cela, le praticien doit avoir accès à un stockage conséquent, représentatif de la consommation du cheval sur plusieurs mois, et échantillonner convenablement ce stock à l’aide d’une sonde à foin. Le prélèvement s’effectue sur une vingtaine de bottes au minimum pour obtenir un résultat d’analyse fiable. L’étude des résultats d’analyse permet de connaître la teneur en unités fourragères cheval (UFC), en protéines digestibles (matières azotées digestibles cheval ou MADC), en sucres résiduels, en calcium, en phosphore, en magnésium, en manganèse, en cuivre, en zinc et en fer. Dans le cas d’une grave dysphagie, ou après une intervention chirurgicale sur le tractus digestif, l’utilisation de “remplaceurs de foin” peut être envisagée (pulpe de betterave déshydratée réhydratée ou soupe de bouchons de luzerne) comme base de rationnement.

Étape 3 : choisir le premier ingrédient concentré

Selon la teneur énergétique du fourrage et les besoins du cheval en UFC, le praticien peut orienter ses choix de matières premières concentrées. L’utilisation des concentrés n’étant indiquée que lorsque la quantité totale de calories fournie par le foin à volonté n’est pas suffisante pour satisfaire le besoin énergétique, le premier choix est de s’orienter vers une céréale et/ou une huile végétale. Si la sensibilité à l’insuline du cheval le permet, les céréales sont utilisées en priorité pour leur grande disponibilité, leur coût relativement faible et leur facilité d’emploi. Dans le cas contraire, les huiles végétales sont à privilégier, mais avec l’obligation de trouver un support (pulpe de betterave, luzerne déshydratée, son de blé, etc.) pour leur distribution. L’huile végétale peut aussi être administrée pour densifier énergétiquement des rations déjà bien pourvues en céréales sans entraver plus que de raison la consommation de fourrage.

Étape 4 : ajuster les quantités et corriger

Avant de calculer la quantité de céréales à distribuer, il convient de prendre en compte deux notions essentielles : la capacité d’ingestion et le rapport fourrage/concentrés (encadré). L’apport énergétique avec les céréales est donc d’abord ajusté pour atteindre l’objectif fixé et, en s’aidant d’une feuille de calcul de ration (tableur par exemple), les éventuelles carences protéiques, calcique et phosphorique sont mises en évidence. La quantité de céréales distribuée doit respecter un rapport fourrage/concentrés supérieur ou égal à deux pour prévenir tout risque d’apparition de troubles digestifs. Si cette valeur est atteinte sans parvenir à l’objectif énergétique, l’ajout d’huile végétale s’impose. L’apport d’huile végétale ne modifie ni le bilan minéral, ni le bilan vitaminique, ce qui rend cette mesure très simple à appliquer. Les carences protéiques, si elles sont accompagnées de carences calciques, peuvent classiquement être résolues grâce à l’emploi de la luzerne déshydratée. En l’absence d’une carence calcique, les tourteaux de graines oléagineuses sont privilégiés. Les carences calciques seules peuvent être résolues par l’administration de carbonate de calcium ou éventuellement de pulpe de betterave. L’ajout de phosphore dans la ration est réalisé essentiellement via l’utilisation du son de blé.

Étape 5 : adapter la complémentation minérale vitaminée

Une fois l’apport énergétique satisfait et les éventuelles corrections protéiques, calcique et phosphorique effectuées, il convient de s’intéresser aux autres macroéléments, aux oligoéléments et aux vitamines. Grâce à un tableur détaillant les apports de la masse de foin distribuée, des céréales et des correcteurs, le praticien sera capable d’établir un bilan complet de la ration. Les objectifs d’apports, déterminés au début de l’analyse, peuvent donc être comparés à ce bilan pour mettre en évidence d’éventuelles carences, ou quelquefois des excès. Dès lors, les carences doivent être corrigées en conseillant un complément minéral vitaminé qui présente une composition adaptée (tableau). Un effort commun devrait donc être fourni par les vétérinaires et les laboratoires pour trouver les bons outils de complémentation minérale et vitaminique, adaptables aux différentes situations rencontrées.

Deux notions clés du rationnement

La capacité d’ingestion est la quantité de matière sèche pouvant être ingérée quotidiennement par un cheval. Dépendante, en première approximation, du poids et du mode de vie, elle est comprise entre 2 et 3 % du poids vif. Il est possible de prendre 3 % comme valeur de référence pour un cheval au box. En pratique, un cheval de 500 kg au box a une capacité d’ingestion proche de 15 kg de matière sèche, soit environ 17 kg de matière brute (foin et matières premières ayant un pourcentage d’humidité proche de 15 %).

Le rapport fourrage/concentrés est le rapport entre la masse de fourrages et la masse de concentrés consommés par un cheval quotidiennement. Pour respecter l’intégrité de la flore des parties terminales du tube digestif, il est préconisé de maintenir ce rapport supérieur ou égal à 2. Le respect de la valeur minimale du rapport fourrage/concentrés implique que, pour un cheval de 500 kg au box, la quantité maximale de concentrés à distribuer est proche de 5 kg.

Pour en savoir plus

1. Martin-Rosset W. Alimentation des chevaux. Tables des apports alimentaires Inra 2011. Éditions Quae. 2012:264p.

2. Wolter R, Barré C, Benoit P. L'alimentation du cheval. 3e éd. France Agricole. 2014:401p.

  • Cette rubrique est réalisée en partenariat avec la commission Alimentation de l’Association vétérinaire équine française.
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