Affections chirurgicales de l'utérus et du col chez la jument : présentation générale - Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023
Pratique Vétérinaire Equine n° 0217 du 15/03/2023

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DOSSIER

Auteur(s) : Aurélie ALLARD

Fonctions :
*Aurélie Allard veterinär AB
**Salsbro Gård 823
***694 95 Vretstorp
****Suède

Si chez les poulinières certaines interventions sont réalisées en urgence pour sauver des vies, d'autres procédures sont électives et visent à améliorer les futures capacités de reproduction des juments.

La chirurgie obstétricale et gynécologique est un domaine à l'importance croissante pour le praticien équin à mesure que la valeur des juments augmente et que la technologie se développe. Le vétérinaire et le propriétaire doivent prendre en considération un certain nombre de facteurs avant de décider d'effectuer une intervention chirurgicale coûteuse. La valeur de la jument et des produits à venir, qu'elle soit sentimentale ou pécuniaire, compense-t-elle le prix de la procédure ? En tenant compte de l'âge, quelles seront les capacités reproductrices de la poulinière à la suite de l'intervention ? La solution apportée est-elle définitive ou temporaire avec des risques de récidive ?

Cet article présente les affections qui nécessitent une intervention chirurgicale dans un contexte d'urgence chez la jument gravide en fin de gestation ou au moment du poulinage, et celles pour lesquelles une procédure peut être planifiée et entreprise afin d'améliorer la capacité de reproduction de la poulinière subfertile.

Contexte d'urgence

L'appel pour une urgence représente un défi diagnostique et thérapeutique pour le praticien équin, surtout si la jument est gravide. Un élargissement du diagnostic différentiel à un ensemble d'affections supplémentaires doit être entrepris chez la poulinière, en plus de toutes les maladies les plus courantes. L'objectif de l'examen clinique initial est d'évaluer la jument en s'attardant sur l'appareil génital et la viabilité fœtale. Un examen externe est réalisé en notant le comportement de l'animal et son état physique général, mais aussi la présence et la nature des sécrétions vulvaires (encadré 1). La viabilité fœtale peut être évaluée par une palpation transrectale, mais l'échographie transabdominale, combinée à l'échographie transrectale, apporte davantage d'informations. L'interprétation des résultats conditionne les futures décisions de traitement concernant la jument et le fœtus.

L'examen échographique débute par la détermination de l'orientation fœtale (figure). C'est aussi l'occasion de vérifier le nombre de fœtus, de mesurer l'épaisseur combinée de l'utérus et du placenta (Ecup), et d'observer les liquides fœtaux, dont l'échogénicité peut augmenter en raison d'un stress ou d'une hypoxie fœtale (photo 1 et tableau 1). Une fois le fœtus identifié, l'intensité de son activité est déterminée. L'activité cardiaque fœtale est un paramètre important : en fin de gestation, les mouvements majeurs sont limités et la mesure de la fréquence cardiaque permet d'évaluer l'état du fœtus, et de différencier une mort fœtale d'un temps de repos lors d'une inactivité prolongée [6, 9]. Au repos, celle-ci est régulière et comprise entre 60 et 120 battements par minute. Une tachycardie persistante est le reflet d'un stress fœtal. Une bradycardie persistante est l'indicateur le plus fiable d'une mort fœtale prochaine [6, 9].

Torsion utérine

Les torsions utérines sont rares. Elles touchent la jument gravide pendant le dernier tiers de la gestation, quel que soit son âge et sa race. La pathogenèse n'est pas claire, mais certains auteurs l'attribuent à une combinaison de mouvements fœtaux et à un affaissement brusque de la jument lorsqu'elle se roule. Le degré de torsion varie de 180 à 540° dans le sens horaire ou antihoraire [32]. Certaines juments montrent juste un abattement et un manque d'appétit, alors que d'autres manifestent des signes de coliques. La douleur exprimée dépend de l'importance de la torsion et des composantes vasculaires ou intestinales mises en jeu. L'un des premiers signes de suspicion est le manque de réponse aux traitements médicaux usuels des coliques. La torsion peut aussi survenir au moment du poulinage et s'apparente alors à une dystocie d'origine maternelle [32].

Le diagnostic de certitude est établi par une palpation des ligaments larges par voie transrectale, laquelle peut être en elle-même très douloureuse. Par exemple, lors d'une rotation vers la droite (sens horaire), le ligament large gauche devient horizontal et plus cranial, alors que le ligament large droit devient plus vertical et caudal [2]. Le traitement consiste à faire pivoter le fœtus, donc l'utérus avec lui, dans la direction opposée à la torsion. Plusieurs techniques sont décrites, dont la mise en place est plus ou moins aisée. Chez la jument proche du poulinage, il est parfois possible de corriger la torsion utérine à travers le col dilaté. L'animal peut ensuite pouliner naturellement ou après une induction [32].

Si elle n'est pas proche du terme, le roulage de la jument sous anesthésie générale constitue une solution non chirurgicale, mais elle exige une certaine expérience. Au-delà de l'échec de la résolution de la torsion, les complications rapportées du roulage comprennent la rupture utérine, la séparation prématurée du placenta, la mort fœtale, l'avortement, la mise bas prématurée et les risques associés à l'anesthésie générale [2, 29, 32].

La correction de la torsion utérine devient plus difficile à mesure que la jument approche du terme, en raison de l'augmentation de la taille et du poids du fœtus. Dans une étude rétrospective menée sur 20 ans et regroupant quelque 200 cas aux Pays-Bas, il apparaît que, quel que soit le traitement mis en place, le pronostic est meilleur si la torsion survient avant 320 jours de gestation (photos 2 et 3). Les meilleurs pronostics sont obtenus à la suite d'une laparotomie par le flanc sur une jument debout, avec un taux de survie de 98 % pour la jument et de 91 % pour le poulain, versus 71 % et 74 % respectivement si la torsion survient après 320 jours. Aucune récidive n'est décrite. Les trois quarts des poulinières suivies ont été saillies ou inséminées ensuite, avec succès pour 93,5 % d'entre elles [29].

Déchirure utérine

Les déchirures utérines surviennent au cours du poulinage, qu'il soit eutocique ou dystocique. Elles sont plus souvent situées dans les cornes utérines que dans le corps utérin [7]. Les ecchymoses de la paroi utérine qui en résultent peuvent engendrer une translocation de bactéries et de facteurs de l'inflammation dans la cavité péritonéale [10]. Les signes cliniques associés ne sont pas spécifiques et ne surviennent qu'au cours des 24 à 72 heures qui suivent le poulinage. Les plus fréquents sont ceux d'une péritonite et incluent une anorexie, de la fièvre, un abattement, une tachycardie, une tachypnée et des coliques. Une rupture complète se traduit par les signes d'un choc volémique [10, 23]. L'hémogramme révèle souvent une leucopénie.

Le diagnostic est établi via une échographie transabdominale, une abdominocentèse et/ou par laparotomie exploratrice ou laparoscopie [12]. Les déchirures situées dans le corps utérin peuvent être palpées directement par voie transcervicale [10]. Bien souvent, le diagnostic est une présomption fondée sur les signes cliniques et l'analyse du liquide de paracentèse.

La prise en charge des juments avec une rupture utérine comprend la mise en place d'un traitement contre le choc circulatoire, la péritonite et l'endotoxémie. Une transfusion peut être envisagée chez celles qui présentent des signes de choc volémique sévère [23]. Le traitement est parfois chirurgical et inclut alors l'exploration de l'abdomen, l'identification et la suture de la déchirure, et un lavage péritonéal avec la mise en place d'un drain.

Le pronostic dépend du temps écoulé entre le poulinage, le diagnostic et la mise en place du traitement. Dans une étude portant sur 88 juments opérées, la survie à court terme est de 78 % (69 sur 88). À la suite d'une déchirure utérine traitée chirurgicalement, le taux de juments ayant mené une gestation à terme est de 64 % pour celles saillies la même année (18 sur 28) et de 77 % pour celles saillies l'année suivante (33 sur 43) [7]. Une autre étude fait état d'un taux de survie de 75 % sans différence significative entre la prise en charge médicale et chirurgicale, avec un coût global de traitement et d'hospitalisation similaire entre les deux prises en charge, la chirurgie ayant l'avantage de confirmer le diagnostic sans pour autant se révéler plus onéreuse [14].

Césarienne

La raison la plus courante de réaliser une césarienne chez la jument est de résoudre une dystocie dont la correction est impossible, à l'instar d'une présentation transverse ou de déformations congénitales (encadré 2). La disproportion fœto-maternelle reste rare chez la jument [3, 16]. Les dystocies, dont l'incidence est de 4 % en moyenne et jusqu'à 10 % chez les races lourdes, sont des urgences et peuvent rapidement évoluer vers une situation critique avec un risque important de mort de la jument ou du poulain [3, 16].

Le choix de la technique de césarienne dépend de la présence d'une clinique à une distance raisonnable. Le cas échéant, la jument est transportée immédiatement pour subir une césarienne sous anesthésie générale. Sinon, une césarienne sur jument debout par laparotomie est débutée sur place si le praticien est expérimenté [3]. D'autres circonstances peuvent nécessiter une césarienne dite terminale. Pour une poulinière à terme opérée en urgence pour des coliques ou une torsion utérine et dont le pronostic de survie est sombre, une césarienne est généralement envisagée avant l'euthanasie sur la table d'opération. L'équipe de réanimation du poulain doit alors se tenir prête, car les chances de survie sont limitées. Au contraire, si le pronostic de survie de la jument est bon, il convient de s'abstenir et d'attendre le poulinage, la plaie chirurgicale n'interférant pas [3, 19]. Enfin, une poulinière atteinte d'une maladie en phase terminale peut nécessiter une césarienne avant son euthanasie. Si elle est à quelques semaines du terme (315 jours) et qu'elle peut être maintenue en vie quelques jours de plus, il est possible d'induire la maturation du fœtus et d'avancer la date du terme par un traitement à base de dexaméthasone (encadré 3) [22].

Les soins postopératoires pour une jument qui a subi une césarienne sont très similaires à ceux d'une intervention chirurgicale abdominale, avec une attention particulière portée à l'appareil reproducteur. Au réveil, la jument est traite pour récupérer le colostrum qui est ensuite administré au poulain par un sondage naso-œsophagien ou à l'aide d'un biberon [19]. Les complications postopératoires les plus courantes sont la rétention placentaire et le ralentissement du transit, avec une impaction du côlon lié à la douleur logée dans la filière pelvienne [3, 19]. Ces complications ainsi que les traumatismes des parties caudales de l'appareil reproducteur avant la césarienne peuvent nuire à la survie et à la fertilité future de la jument. Une étude montre qu'entre 80 et 90 % des juments ayant subi une césarienne survivent, toutes indications confondues. En cas de dystocie prolongée de plus de 90 minutes, le risque de mortalité devient plus important, en particulier si une fœtotomie a été réalisée [1]. Le taux de survie des poulains dépend grandement de l'indication de la césarienne (tableau 2). S'il est très bon lors d'une césarienne élective, il diminue en revanche drastiquement après une césarienne en urgence [1, 19].

La fertilité des poulinères mises à la reproduction l'année de leur césarienne est inférieure à celle des juments saillies les années suivantes. Cette réduction serait moins associée à l'intervention chirurgicale qu'aux séquelles induites par la dystocie. En effet, l'étirement et les lésions des tissus mous de l'appareil reproducteur peuvent entraîner une perte d'intégrité des barrières constituées par la vulve, le vestibule et le col, retarder l'involution utérine, et engendrer une métrite, une déchirure cervicale ou une dégénérescence utérine [1, 3, 19].

Amélioration de la fertilité

Une fois l'endométrite et les défauts de conformation du périnée résolus ou écartés, plusieurs causes utérines, à l'origine d'une subfertilité, peuvent bénéficier d'un traitement chirurgical. La biopsie de l'endomètre, une procédure standard d'évaluation de l'intégrité de l'utérus, est l'étape préliminaire recommandée avant une intervention chirurgicale de l'utérus ou du col visant à améliorer la fertilité. Les juments avec un score de Kenney-Doig trop élevé sont de mauvaises candidates à ces actes chirurgicaux, car leur fertilité est déjà fortement compromise pour des raisons de dégénérescence endométriale.

Les prélèvements sont classés selon la qualité de l'endomètre en lien avec la prédiction de la fertilité. Les signes d'inflammation et les modifications dégénératives sont recherchés. Contrairement à l'inflammation, la fibrose et la dégénérescence des glandes de l'endomètre sont permanentes, sans qu'il existe de traitement efficace, et deviennent le principal facteur réduisant la fertilité [18]. Selon le degré d'intensité des changements structurels dans l'endomètre, Kenney et Doig décrivent quatre catégories : I, IIA, IIB et III (tableau 3) [15]. Plus la catégorie est élevée, plus les changements sont importants et moins la jument a de chances de mener une gestation à terme.

La biopsie est pratiquée à la base de la corne utérine ou dans une zone suspecte choisie. Bien que le prélèvement puisse être réalisé à n'importe quel moment du cycle, l'interprétation est plus aisée en diœstrus en raison de l'absence d'œdème. Il convient également d'éviter de mettre en œuvre cet acte au cours de l'anœstrus, car les glandes endométriales sont atrophiées. C'est une intervention très bien tolérée par la jument et qui demande peu de matériel [18].

Les critères de sélection de poulinières candidates à des interventions chirurgicales visant à améliorer la fertilité sont donc les suivants : une incapacité à concevoir malgré des cycles normaux et un étalon fertile, associée à une absence d'anomalies cytologiques et bactériologiques significatives de l'utérus, et un score maximal de biopsie utérine de IIA.

Kystes utérins

Les kystes utérins sont des structures arrondies, remplies de liquide, observées chez 13 % des juments fertiles et 22 % des subfertiles. Ils peuvent apparaître n'importe où dans l'utérus, que l'endomètre soit normal ou la cible d'une inflammation chronique. Les kystes glandulaires, de petite taille, sont situés dans la lamina propria de l'endomètre. Les kystes lymphatiques sont plus gros et résultent d'une accumulation de lymphe. Souvent pédonculés, ils se projettent en dehors de la surface de l'endomètre et font saillie dans la lumière utérine [30]. L'incidence et le nombre de kystes augmentent avec l’âge et la parité. Dans une étude menée chez 259 juments fertiles de race pur-sang, 73 % de celles âgées de plus de 14 ans présentaient des kystes, versus 29 % de celles âgées de 7 à 14 ans et seulement 4 % des moins de 7 ans. Le taux de gestation était significativement inférieur chez les juments avec des kystes [31]. Néanmoins, sachant que ces poulinières étaient les plus âgées et que la fertilité diminue avec l’âge, il est difficile de trancher. Logiquement, les kystes devraient avoir un effet sur la fertilité selon leur nombre, leur taille et leur localisation. De grande taille ou en grand nombre, ils peuvent en effet gêner la mobilité de l’embryon dans la totalité de l’utérus, un processus indispensable à la reconnaissance maternelle en début de gestation et responsable du maintien du corps jaune. Placés à la base d’une ou des deux cornes, ils peuvent gêner l’immobilisation de la vésicule embryonnaire au 16e ou 17e jour de gestation et induire une mortalité embryonnaire précoce.

Le diagnostic des kystes utérins est couramment établi par l’échographie. Ils apparaissent comme des zones hypoéchogènes délimitées par une membrane hyperéchogène dans la lumière ou la paroi utérine [30]. Ils peuvent être confondus avec une vésicule embryonnaire lors du diagnostic de gestation (photo 4). Différentes méthodes d’exérèse sont décrites selon le moment du cycle et le type de kyste. Les juments peuvent être remises assez rapidement à la reproduction, dès 1 mois après l’ablation [24]. Une étude rétrospective portant sur 58 juments ayant subi une ablation chirurgicale de kystes utérins (par électrocoagulation, thérapie au laser ou les deux) montre que leur élimination peut avoir une influence positive sur la fertilité (tableau 4). Cependant, les récidives sont possibles et aucune technique ne traite les lésions dégénératives de l’endomètre potentiellement sous-jacentes (photo 5) [26]. Il est donc important d’en aviser l’éleveur avant toute procédure.

Tumeurs utérines

Les tumeurs utérines sont rares chez la jument, mais lorsqu’elles surviennent, il s’agit le plus souvent de léiomyomes, et plus rarement de léiomyosarcomes, rhabdomyosarcomes et carcinomes [17]. Elles peuvent être une cause d’infertilité car, en obstruant la lumière et en gênant ainsi la vidange utérine, elles contribuent au développement d’une endométrite [25]. Ces tumeurs sont mises en évidence par la palpation transrectale, l’échographie et l’endoscopie de l’utérus. Des écoulements vulvaires séro-sanguinolents sont également rapportés [17].

Quelques cas cliniques publiés décrivent des juments présentées pour une infertilité qui ont pu concevoir à la suite de l’exérèse d’une tumeur [20, 25, 27]. Néanmoins, il n’est pas précisé si toutes les gestations ont atteint le terme. Les juments qui subissent une ovariohystérectomie partielle de moins de 50 % de la corne pourraient encore porter un poulain à terme. Cependant, la quantité précise de tissu utérin qui peut être retirée sans compromettre de manière significative la nutrition fœtale demeure inconnue. La qualité de l’endomètre restant est également un facteur déterminant [13].

Déchirures du col

Les déchirures du col surviennent au cours du stade de l’expulsion fœtale d’une mise bas apparemment sans incident, si le fœtus commence sa traversée de la filière pelvienne avant que le col ne soit complètement dilaté. Elles sont parfois également associées à une dystocie lors d’une extraction forcée, d’une fœtotomie ou à la suite d’une induction de poulinage [21]. Biologiquement, la jument est équipée de trois barrières protectrices pour séparer l’utérus des contaminants (air, urine, micro-organismes) : les lèvres vulvaires, l’anneau vestibulaire et le col. Un col non fonctionnel prédispose la jument aux endométrites chroniques et aux pertes embryonnaires précoces. Même s’il existe un certain degré de fermeture cervicale initiale, la compétence du col de l’utérus peut devenir inadéquate après 3 mois de gestation lorsque l’utérus gravide se déplace cranialement dans l’abdomen, tirant le col vers l’avant. Si la gestation est malgré tout maintenue, la jument risque encore de développer une placentite ascendante au cours de la deuxième moitié de la gestation [5, 28].

Il convient de vérifier l’intégrité du col lors de tout examen gynécologique post-partum, car les déchirures cervicales passent souvent inaperçues. L’examen est réalisé par palpation directe chez la jument en diœstrus, en insérant l’index (recouvert d’un gant stérile) dans le canal cervical et en apposant le pouce sur la protrusion externe du col. L’entière circonférence est alors palpée entre les deux doigts pour rechercher des déchirures complètes, des irrégularités musculaires (déchirure partielle) et des adhérences. La plupart des déchirures sont longitudinales et touchent la couche musculeuse. Un col lacéré sera plus court que la normale et dilaté en permanence [28]. Si la déchirure concerne plus de 40 à 50 % de la longueur du col de l’utérus, sa fermeture est compromise et une intervention chirurgicale est indiquée [21, 28].

Les résultats publiés décrivent une fertilité postopératoire relativement bonne sur de petits groupes [5, 21]. Il existe un risque de récidive, car le tissu cicatriciel peut gêner la dilatation complète nécessaire du col aux poulinages suivants. La jument est donc susceptible d’être opérée après chaque mise bas. Cependant, ces risques diffèrent selon les études et sont compris entre 0 et 50 % [21]. Il est préconisé de réaliser la chirurgie de réparation des déchirures du col 3 à 4 semaines après le poulinage, quand les tissus sont sains et non infectés, et d’attendre au moins 1 mois avant de mettre de nouveau la jument à la reproduction.

Utérus pendulaire

Le processus de vieillissement ainsi que l’étirement de la paroi utérine et des ligaments associé aux gestations peuvent entraîner un allongement du ligament large, qui n’est plus en mesure de suspendre l’utérus en position horizontale. L’utérus plonge alors vers le bas dans la cavité abdominale. Cette mauvaise conformation anatomique perturbe la vidange utérine et prédispose la jument aux endométrites. Qui plus est, les juments à utérus pendulaire répondent mal aux traitements ecboliques.

Le traitement chirurgical proposé est l'utéropexie, ou imbrication du ligament large, qui vise à réduire la taille de ce dernier pour remonter le corps et les cornes de l'utérus à l'horizontale, au même niveau que le col, et ainsi favoriser le drainage de l'utérus. La technique est conduite par laparoscopie sur une jument debout. Deux rapports de cas seulement ont été publiés ces 10 dernières années. Grâce à l'intervention, les utérus des juments ont été replacés à l'horizontale et des adhérences se sont créées entre l'utérus et le ligament large. Dans la première étude, une utéropexie a été pratiquée chez 5 juments vides depuis une moyenne de 3,8 ans, et 3 d'entre elles ont pu concevoir la saison suivante. L'une d'elles a donné naissance à un poulain atteint de schistosomus reflexus, mais elle a pu concevoir de nouveau la même année. L'effet a été, dans ce cas, de plus d'une gestation [4]. Une autre publication, utilisant un type de suture différent, rapporte que 2 juments sur 3 ont donné naissance à des poulains vivants [8]. Bien que la procédure soit prometteuse, il est trop tôt pour déterminer un taux de réussite précis et la nature des complications potentielles [3].

Conclusion

Les affections chirurgicales de l'utérus chez la poulinère, dans un contexte d'urgence, surviennent en fin de gestation ou au cours des périodes du péripartum et du post-partum. La survie de la jument et de son poulain dépend de la rapidité de la mise en place du traitement. Des interventions programmées sur l'utérus et le col permettent quant à elles de restaurer et de prolonger la carrière reproductrice des poulinières pour des cas bien ciblés. Les juments chez lesquelles ces procédures ne sont pas envisageables peuvent éventuellement prétendre aux techniques de reproduction assistée, comme le transfert embryonnaire ou l'aspiration folliculaire et l'intracytoplasmic sperm injection (ICSI) si leur stud-book l'autorise.

Encadré 1

Les particularités à retenir chez la jument en fin de gestation

Informations pertinentes à recueillir

  • Date de saillie, d'insémination ou mieux date d'ovulation.

  • Étalon.

  • Date théorique de mise bas, durée des gestations précédentes.

  • Antécédents de poulinages difficiles ou de poulains anormaux.

Fréquence cardiaque

Une légère tachycardie, secondaire aux exigences cardio-vasculaires accrues de la gestation, est physiologiquement présente.

Palpation transrectale

  • En raison de la grande taille de l'utérus en fin de gestation, la palpation des intestins est moins facile : une distension de l'intestin grêle et du gros intestin peut être difficile à mettre en évidence dans certains cas.

  • Lors de la palpation de l'appareil reproducteur, l'attention doit être portée sur l'évaluation des ligaments larges de l'utérus à la recherche de gonflements, d'un positionnement anormal ou d'une tension.

  • La viabilité fœtale peut être évaluée manuellement via la détection des mouvements fœtaux.

Abdominocentèse

Comme il existe un risque d'allantocentèse ou d'amniocentèse en lien avec la localisation de l'utérus gravide le long de l'abdomen ventral, un guidage échographique est indiqué.

Anesthésie

En raison des modifications physiologiques des systèmes vasculaire et respiratoire pendant la gestation, il convient de veiller à limiter l'hypotension et l'hypoxémie lors de la mise en place d'une anesthésie. Sachant que les molécules utilisées passent à travers le placenta et affectent le fœtus, les doses doivent être adaptées et tout surdosage est à éviter.

D'après [10, 19].

Encadré 2

Césarienne élective

Les candidates à une césarienne élective sont les poulinières qui présentent une anomalie de la filière pelvienne et celles qui ont déjà eu une ou plusieurs dystocies. Hospitalisées 7 à 10 jours avant la date du terme, les juments sont examinées chaque jour pour suivre les signes précurseurs de la mise bas (développement de la mamelle, relâchement des ligaments sacro-iliaques) et mesurer le pH ou les concentrations en ions calcium dans les sécrétions mammaires. Toutes ces observations sont soumises aux variations individuelles selon l'animal, mais elles sont une aide à l'estimation de l'imminence de la mise bas. Les chances de survie du poulain sont maximales si la césarienne a lieu lorsque la jument est prête [3].

Encadré 3

Induction de la maturation fœtale

Un traitement à la dexaméthasone en fin de gestation induit une maturation fœtale précoce et une mise bas chez les juments pur-sang en bonne santé [22]. Trois injections de 100 mg de dexaméthasone par voie intramusculaire aux 315e, 316e et 317e jours de gestation ont permis d'avancer le poulinage chez 5 juments saines, par rapport aux 5 juments du groupe contrôle. L'intervalle entre la dernière injection et la mise bas a été de 5 jours en moyenne. Au moment du poulinage, aucune des juments n'avait un développement mammaire satisfaisant et leur colostrum était de mauvaise qualité. De plus, 2 des juments ont souffert d'une séparation précoce du placenta immédiatement résolue. Néanmoins, les poulains nés étaient cliniquement normaux. Ainsi, il est possible d'induire un poulinage 2 semaines avant le terme sous haute surveillance et sans complications majeures à l'exception d'un colostrum de moindre qualité. Cette option de traitement doit être prise après réflexion et concertation avec le propriétaire de la jument, car il n'existe pas de données sur la réussite du traitement chez des juments souffrantes.

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Résumé

Chez la poulinière, deux grands types d'affections utérines susceptibles de bénéficier d'une correction chirurgicale sont distingués : celles qui nécessitent une procédure d'urgence comme la réduction d’une torsion utérine, la réparation de déchirures utérines ou une césarienne, et celles qui peuvent bénéficier d’une chirurgie élective visant à améliorer la fertilité comme l’exérèse de kystes, de tumeurs, la suture d’une déchirure du col ou d’un utérus pendulaire. Dans ces cas, un examen complet de l'appareil reproducteur doit être réalisé au préalable afin d'écarter les causes communes de subfertilité et de s’assurer de la qualité de l’endomètre.

Mots clés

Jument, chirurgie, utérus, col.

Summary

Surgical conditions of the uterus and cervix in mares: general presentation

There are two types of surgical considerations for conditions affecting the uterus of the broodmare. Those carried out in emergency facing a mare whose vital prognosis is at stake, such as the reduction of uterine torsion and the repair of uterine tears. Caesarean section has many indications and may be a way to save the foal. Elective surgeries of the uterus and cervix aimed at improving fertility such as removal of cysts, uterine tumors, repair of cervical tears and uteropexy will be performed after a complete breeding sound examination to rule out common causes of subfertility and ensure the quality of the endometrium.

Keywords

Mare, surgery, uterus, cervix.

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