Un nodule, un ulcère, des démangeaisons… Et si c’était une mycose ? - Ma revue n° 018 du 01/01/2018 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 018 du 01/01/2018

Fiche – Mycologie

Auteur(s) : Jacques Guillot*, Didier Pin**

Fonctions :
*Unité de parasitologie-
mycologie-dermatologie
École nationale vétérinaire
d’Alfort, 7, avenue du
Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
**Unité de dermatologie
VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Les champignons sont des organismes eucaryotes présents dans tous les écosystèmes. Ils participent à la dégradation des matières organiques d’origine végétale et, pour certains, ont établi une relation étroite avec des plantes. Plusieurs dizaines de milliers d’espèces fongiques sont décrites à ce jour, mais seules certaines sont responsables de mycoses chez les animaux.

Certains champignons pathogènes sont des parasites obligatoires (les dermatophytes), d’autres se comportent en opportunistes. Certains sont présents dans l’environnement, d’autres ne sont retrouvés que sur la peau, le tube digestif ou le tractus respiratoire des animaux. Quelques champignons sont facilement transmissibles de l’animal à l’homme (la plupart des dermatophytes dits zoophiles à l’exception de Trichophyton equinum), d’autres n’expriment leur pouvoir pathogène que chez certains animaux et ne présentent aucun danger pour l’homme, d’autres enfin sont retrouvés à la fois chez les animaux et chez l’homme, mais ne présentent cependant pas de caractère zoonotique, soit parce qu’ils proviennent d’une source commune (les champignons dématiés), soit parce qu’ils présentent une spécificité d’hôte absolue (les Pneumocystis).

Tableau clinique

Chez le cheval, les mycoses cutanées ou sous-cutanées sont associées à un tableau clinique varié [5, 7]. Des lésions de dépilation et de l’érythème sont observés lors de dermatophytose, de dermatite à Malassezia ou de candidose cutanée (tableau 1). Des lésions nodulaires peuvent survenir à la suite de l’inoculation d’éléments fongiques provenant de l’environnement (tableau 2 et photos 1 et 2). Les phaeohyphomycoses sont dues à des champignons dématiés qui comportent de la mélanine dans leur paroi. Elles ont une répartition mondiale, contrairement aux autres mycoses “nodulaires” observées uniquement dans certains pays tropicaux ou subtropicaux. Enfin, les ulcères cutanés peuvent être causés par le développement d’un champignon pathogène (un histoplasme, le plus souvent), mais uniquement en région tropicale ou subtropicale (tableau 3 et photo 3).

Focus sur les levures Malassezia

Le genre Malassezia comprend 17 espèces de levures commensales de la peau de l’homme, d’un grand nombre de mammifères, domestiques et sauvages, et d’oiseaux (tableau 4 complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr). Ces levures sont dites lipophiles car leur croissance est stimulée par des huiles naturelles. Toutefois, la dépendance envers les lipides n’est pas la même pour toutes les espèces. Seize, dites “lipodépendantes”, ne se développent qu’en présence d’acides gras à longue chaîne (12 à 24 carbones), alors que Malassezia pachydermatis, dite “non lipodépendante”, se contente d’acides gras à courte chaîne (moins de 12 carbones), présents dans les milieux de culture usuels. Toutes vivent dans la couche cornée de la peau et font partie du mycobiote cutané. Ce sont des épisaprobies strictes (1).

Bien que faisant partie du mycobiote cutané, ces levures peuvent acquérir le statut de pathogène et induire des signes cliniques, tels qu’une séborrhée, un squamosis et des démangeaisons, chez l’homme et certains mammifères, en particulier le chien. Chez le cheval, peu d’articles relatent l’existence de levures Malassezia.

Les levures Malassezia chez le cheval

Chez le cheval sain, le taux de portage de levures Malassezia est très variable selon les études : 0 % (25 juments, neuf sites cutanés de prélèvement), 33 % (12 chevaux, cinq sites cutanés de prélèvement), 34,9 % (163 chevaux, trois sites cutanés et le conduit auditif sont prélevés), 54,5 % (11 chevaux, un site de prélèvement), 60 % (50 chevaux, six sites cutanés plus les deux conduits auditifs externes sont prélevés) [3, 8-10, 12, 14-16].

Si aucune variation n’est rapportée avec le sexe ou la race, le taux de portage varie avec l’âge : faible avant 1 an (7,5 %), il est maximal entre 1 et 3 ans (59,4 %) pour se stabiliser ensuite autour de 38 % [14]. M. caprae, M. equina, M. sympodialis, M. furfur, M. obtusa, M. globosa, M. pachydermatis, M. restricta, M. slooffiae et M. nana ont été isolés de la peau ou du conduit auditif de chevaux sains [1, 4, 6, 8, 12, 14, 16]. M. globosa, M. pachydermatis, M. nana et M. slooffiae sont les espèces les plus fréquentes dans le conduit auditif sain de cheval [1, 14]. Sur la peau, les espèces lipodépendantes sont très largement majoritaires comparées à M. pachydermatis. Deux études complètent les prélèvements pour culture par des prélèvements pour examen cytologique [12, 16]. Dans la première, la lèvre, le creux axillaire, le pli inguinal et le pied sont prélevés, et l’examen cytologique ne montre des levures que dans 15 % des prélèvements [12]. Dans la deuxième étude, les prélèvements sont réalisés dans le pli intermammaire des juments ou dans le pli reliant le fourreau à l’abdomen des mâles et 98 % des examens cytologiques montrent de nombreuses levures [16].

Signes cliniques

Les levures Malassezia sont liées à une affection cutanée dans quelques cas publiés [2, 11, 13, 16]. Dans deux cas, leur prolifération est associée à une pelade (alopecia areata), qui a été considérée comme une cause sous-jacente [11, 13]. Dans l’autre cas, il s’agit d’une dermatite séborrhéique et ulcérative du raphé du périnée [16].

Les auteurs ont observé des cas de dermatose prurigineuse chronique dans lesquels l’examen cytologique de calques cutanés montre de nombreuses levures Malassezia.

Les lésions cutanées constatées sont un érythème, des excoriations, des croûtes, de la lichénification, de l’hyperpigmentation et des dépilations et affectaient la face, l’encolure et la poitrine, les flancs, les cuisses et le périnée ou étaient généralisées (photos 4 et 5). Parfois, l’examen microscopique de calques cutanés montre une prolifération bactérienne de surface associée à la prolifération de levures Malassezia.

Le traitement consiste en des shampooings à base de chlorhexidine suivis de l’application d’un hydratant cutané, parfois complétés par l’application d’une solution d’énilconazole.

Si, dans certains cas, seules une résorption partielle des lésions et une diminution des démangeaisons sont observées, malgré la disparition des Malassezia à l’examen cytologique, laissant suspecter une cause sous-jacente prurigineuse, dans d’autres cas, la guérison, clinique et microbiologique, est obtenue.

  • (1) Vivant à la surface d’un être vivant, elles en utilisent les tissus morts (dans ce cas, les lipides), sans lui faire de tort.

  • 1. Aldrovandi AL, Osugui L, Dall’Acqua Coutinho S. Is Malassezia nana the main species in horses’ ear canal microbiome? Braz. J. Microbiol. 2016;47:770-774.
  • 2. Bond R. Malassezia spp. in horses: background to an evolving subject in dermatology. Eq. Vet. Educ. 2002;14:123-125.
  • 3. Bourdeau P, Marchand AM, Alexandre F et coll. Skin fungal flora in horses: Is Malassezia an important component? Vet. Dermatol. 2004;15(Suppl):66.
  • 4. Cabañes FJ, Theelen B, Castellá G et coll. Two new lipid-dependent Malassezia species from domestic animals. FEMS Yeast Res. 2007;7:1064-1076.
  • 5. Cafarchia C, Figueredo LA, Otranto D. Fungal diseases of horses. Vet. Microbiol. 2013;167(1-2):215-234.
  • 6. Castellá G, Hernández JJ, Cabañes FJ. Genetic typing of Malassezia pachydermatis from different domestic animals. Vet. Microbiol. 2005;108:291-296.
  • 7. Chermette R, Bussiéras J. Abrégé de Parasitologie vétérinaire. Fascicule V - Mycol. Vét. Maisons-Alfort. 1993:179p.
  • 8. Crespo MJ, Abarca ML, Cabañes FJ. Occurrence of Malassezia spp. in horses and domestic ruminants. Mycoses. 2002;45:333-337.
  • 9. Gravesen S, Lowenstein H, Weeke B. Demonstration, isolation and identification of culturable microfungi and bacteria in horse hair and dandruff. Allergy. 1978;33:88-92.
  • 10. Ihrke PJ, Wong A, Stannard AA et coll. Cutaneous fungal flora in twenty horses free of skin or ocular disease. Am. J. Vet. Res. 1988;49:770-772.
  • 11. Kim DY, Johnson PJ, Senter D. Diagnostic exercise: severe bilaterally symmetrical alopecia in a horse. Vet. Pathol. 2011;48:1216-1220.
  • 12. Nell A, James SA, Bond CJ et coll. Identification and distribution of a novel Malassezia species yeast on normal equine skin. Vet. Rec. 2002;150:395-398.
  • 13. Paterson S. Identification of Malassezia from a horse’s skin. Eq. Vet. Educ. 2002;14:121-123.
  • 14. Shokri H. Occurrence and distribution of Malassezia species on skin and external ear canal of horses. Mycoses. 2016;59:28-33.
  • 15. Takatori K. Fungal flora of equine skin with or without dermatophytosis. Jap. J. Vet. Med. Assoc. 1981;34:580-584.
  • 16. White SD, Vandenabeele SI, Drazenovich NL et coll. Malassezia species isolated from the intermammary and preputial fossa areas of horses. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:395-398.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

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