Particularités de l’examen du tégument chez le cheval - Ma revue n° 018 du 01/01/2018 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 018 du 01/01/2018

Dermatologie équine

Auteur(s) : Marion Mosca

Fonctions : VetAgro Sup
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L’examen du tégument doit être rigoureux et systématique : il commence par une observation du cheval à distance, puis les lésions sont étudiées de plus près.

Le tégument est un tissu de recouvrement, l’enveloppe protectrice d’un organisme. C’est le tissu le plus visible du corps. Il consiste en une barrière anatomique et physiologique avec l’environnement. Les affections cutanées sont fréquentes chez les équidés et l’étape indispensable, lors d’une consultation de dermatologie, est l’examen du tégument du cheval. Cet examen doit être réalisé systématiquement et rigoureusement.

La peau et les poils sains du cheval présentent certaines particularités que nous rappellerons dans une première partie, puis nous nous intéresserons à l’examen du tégument lors d’une consultation de dermatologie avec une description précise des lésions observées.

Particularités du tégument du cheval sain

La peau est le plus grand organe du corps. Elle assure de nombreux rôles (protection, thermorégulation, immunité, sensibilités, production des annexes, stockage, sécrétion et excrétion, métabolisme hormonal et vitaminique, relation sociale) et présente une composition complexe [10].

La peau et le pelage varient selon les races, les individus, l’âge, le sexe et les localisations sur un même individu. En général, la peau du cheval est plus épaisse en partie dorsale (front, partie dorsale du cou et du thorax, croupe et base de la queue, face latérale des membres) et plus fine au niveau des pavillons auriculaires, des zones inguinales, axillaires et périanales, faces médiales des membres [10]. La peau est acide, le pH étant de 4,8 à 6,8 (il peut augmenter jusqu’à 7,9 lors de forte transpiration) [10]. L’anatomie de la peau des équidés est proche de celle des animaux de compagnie mais possède quelques particularités (photo 1).

L’épiderme

L’épiderme est plus épais que chez le chien : cinq à sept strates de cellules nucléées dans les zones velues (trois à quatre chez le chien). Il est plus épais au niveau de la crinière et de la queue et près des jonctions cutanéo-muqueuses. Il est composé de quatre couches, chez le cheval comme chez les autres mammifères : couche basale, couche épineuse, couche granuleuse et couche cornée. Des crêtes épidermiques (replis de la jonction dermo-épidermique qui s’imbriquent dans les papilles dermiques) sont présentes au niveau de l’encolure et de la queue mais absentes dans les autres zones velues [10]. Chez le cheval, l’épiderme est souvent fortement pigmenté. Il existe des zones de dépigmentation localisée : ladres, balzanes. Si les balzanes atteignent l’épiderme générateur de la corne, la paroi du sabot est aussi dépourvue de pigment [10].

Les glandes sébacées

Les glandes sébacées sont plus nombreuses et plus larges que celles des autres espèces de mammifères domestiques. Elles sont présentes sur l’ensemble du corps, plus abondantes et plus volumineuses au niveau des jonctions cutanéo-muqueuses, des paupières supérieures, de la crinière, de la région sous-mandibulaire, de la mamelle, de la tétine et du bourrelet coronaire. Elles sécrètent le sébum grâce aux sébocytes, qui, une fois lysés, libèrent leur contenu lipidique dans la lumière de la glande. Grâce au canal excréteur qui rattache la glande au follicule pileux, le sébum est excrété à la surface de la peau et contribue à la formation du film hydrolipidique, qui a un rôle important dans la protection cutanée (chimique et antimicrobienne). Chez le cheval, la composition du sébum est unique puisque celui-ci renferme, en plus des lipides classiques (cholestérol, ester de stérol, triglycérides et acides gras libres), des lactones [10].

Les glandes sudoripares

La peau du cheval contient de nombreuses glandes sudoripares apocrines ou épitrichiales (810/cm2 de peau) dont l’animal se sert pour transpirer, en particulier lors d’exercices, de températures élevées, de douleur ou d’émotion. Elles représentent 75 % du mécanisme de thermorégulation chez le cheval, bien plus que chez la plupart des autres espèces de mammifères. La transpiration a lieu simultanément sur l’ensemble du corps, mais elle est plus intense au niveau du cou, des épaules, des flancs, de la poitrine et du tronc. La transpiration est soumise à deux mécanismes : un contrôle humoral (par des agonistes adrénergiques sécrétés dans la circulation sanguine) et un contrôle nerveux (par des nerfs autonomes adrénergiques). Les glandes sudoripares épitrichiales, anciennement appelées glandes sudoripares apocrines, sont annexées aux follicules pileux, dans la lumière desquels débouche leur canal excréteur, juste au-dessus de celui de la glande sébacée [5]. Il existe autant de glandes sudoripares épitrichiales que de follicules pileux. Elles sont particulièrement développées sur le dos, la partie dorsale de l’encolure, le bourrelet coronaire et les jonctions cutanéomuqueuses [10]. Les glandes sudoripares atrichiales, anciennement appelées glandes sudoripares eccrines, ne sont présentes que dans le coussinet digital, leurs conduits traversant la sole et s’ouvrant à sa surface, surtout dans le sillon cunéal et dans son voisinage [1].

Les poils

Les follicules pileux

Chez le cheval, chaque follicule pileux donne naissance à un poil (follicule pileux simple) - contrairement aux carnivores domestiques qui ont des follicules pileux composés, chacun à l’origine de plusieurs poils. Ils sont soumis à un cycle pilaire avec une phase de pousse (anagène), une phase de ralentissement (catagène) et une phase de repos (télogène). Ce cycle est sous le contrôle de facteurs extrinsèques tels que la lumière, la température, la nourriture, et de facteurs intrinsèques (hormones, stress physiologique ou pathologique, cytokines, etc.). La durée des phases du cycle dépend de l’âge de l’individu, de la région du corps, de la race, du sexe et de facteurs physiologiques et pathologiques. Le remplacement des poils se fait de manière asynchrone (à un temps donné les poils d’une même région ne sont pas tous dans la même phase du cycle). Certains poils ne suivent pas ce cycle et ont une croissance très longue tels que ceux de la crinière, de la queue et, à un moindre degré, des vibrisses. Par exemple, la croissance de la crinière est de 0,059 cm/jour. La mue a lieu une fois par an, au printemps et peut durer jusqu’à 7 semaines. Elle commence sur les membres et la face ventrale du cou et progresse pour finir par le dos. Un poil fin et court se met en place pour l’été. La pousse reprend de manière intense dès l’automne, ce qui rend le poil plus long et plus épais pour l’hiver (qui restera en place jusqu’à la mue suivante) [10].

Les muscles érecteurs

Le muscle érecteur est le muscle lisse qui relie le follicule pileux au derme superficiel. Sa contraction permet l’horripilation et la vidange de la glande sébacée. Les chevaux ont des muscles érecteurs peu développés (leur diamètre est de 1/6 à 1/4 du diamètre du follicule pileux associé, chez le chien, il est supérieur au quart du diamètre du follicule pileux primaire), donc un système de défense contre le froid moins efficace [6].

Les structures cutanées spécialisées

Certaines structures cutanées sont spécialisées : les poils tactiles ou vibrisses et les poils tylotriches, comme chez les carnivores domestiques [6]. Le cheval possède quatre types de poils : la plus grande partie, soumise aux cycles pilaires, les poils tylotriches (plus épais et avec une fonction sensorielle, distribués sur l’ensemble du corps), les crins et les poils de la queue (avec une phase de croissance très longue) et les poils tactiles (plus larges et isolés, surtout présents sur la tête, les paupières et les oreilles qui ont un rôle dans la sensation tactile).

Les châtaignes et les ergots

Chez le cheval, il est possible de retrouver les châtaignes qui, localisées sur les faces internes des membres, correspondent à des vestiges du doigt I. Une châtaigne est ainsi présente sur chaque membre antérieur, au-dessus des carpes, et sur chaque membre postérieur, au-dessus des jarrets. Les ergots, situés au niveau du boulet, derrière les fanons, sont des vestiges des doigts II et IV [6].

Le sabot

Le sabot (1) est composé de trois parties : la boîte cornée, la membrane kératogène et les organes complémentaires d’amortissement, à savoir le coussinet digital et les cartilages ungulaires. La boîte cornée est ce qui est appelé communément “sabot”. Elle prolonge la couche épidermique et superficielle de la peau. Non innervée et non vascularisée, elle représente la partie insensible du pied mais elle est en liaison intime avec la membrane kératogène. Elle est constituée de trois parties : paroi, sole et fourchette [6].

Vascularisation et innervation

La peau du cheval est particulièrement bien irriguée et innervée. Ceci explique la capacité du cheval à transpirer et son extrême sensibilité à la sensation tactile [6].

Les lésions cutanées lors de l’examen du tégument

Lors d’une consultation pour une affection cutanée, l’examen du tégument permet, dans un premier temps, de localiser les lésions et, dans un second temps, de donner leur description rigoureuse.

L’observation du cheval se fait tout d’abord à distance, afin de caractériser la topographie et la configuration lésionnelles (l’utilisation de silhouettes peut être utile).

- Les lésions sont-elles localisées (par exemple, habronémose, plaques auriculaires, teigne), régionales (par exemple, vitiligo segmentaire) ou généralisées (par exemple, pemphigus foliacé) (photos 2a et 2b) [7, 16, 17] ?

- L’atteinte est-elle symétrique (peu probable lors de dermatophytose, constante lors de dermite estivale récidivante, fréquente lors de lupus cutané discoïde) [12] ?

- L’atteinte n’intéresse-t-elle que les zones blanches (suspicion de photosensibilisation) ?

- Combien de membres sont affectés (par exemple, tumeur sur un seul membre, gale chorioptique sur plusieurs membres) [7, 13] ?

- La densité du poil est-elle normale (par exemple, hypertrichose lors de syndrome de Cushing) (photo 3) [4] ?

- Les lésions sont-elles annulaires (par exemple, dermatophytose, dermatophilose, folliculite bactérienne), simples (par exemple, corps étranger, tumeur), polycycliques (par exemple, lupus cutané discoïde), linéaires (par exemple, urticaire linéaire, kératose linéaire) ou serpigineuses [12-14] ?

Un examen rapproché du tégument est ensuite réalisé afin de définir les lésions primaires et les lésions secondaires [2].

Lésions primaires

Les lésions primaires sont spontanées et sont les plus intéressantes car elles traduisent exactement le processus pathologique. Néanmoins, elles sont souvent rares chez les chevaux.

Plusieurs lésions primaires sont décrites chez le cheval. L’érythème, la macule, la tache, la papule, la plaque, la pustule et le nodule sont les plus fréquentes (tableau 1). Le purpura, la vésicule, la bulle et le kyste peuvent être également observés (2) [11, 15].

Lésions secondaires

Les lésions secondaires surviennent rapidement, par l’évolution des lésions primaires, et peuvent masquer ces dernières à la suite de remaniements inflammatoires, d’une infection secondaire, des effets d’un traitement et surtout des traumatismes que le cheval peut s’infliger (lors des démangeaisons notamment) [11]. Elles sont moins spécifiques de la maladie.

La croûte, l’excoriation, la collerette épidermique, l’érosion, l’ulcère et la lichénification sont les lésions secondaires les plus fréquentes (tableau 2). Il est possible d’observer aussi la sclérose et l’hypo/hyper-pigmentation diffuse [11].

Lésions mixtes

Il existe des lésions qui peuvent être primaires ou secondaires (lésions mixtes) [11]. Ce sont le comédon, l’alopécie, les squames et les manchons pilaires. L’alopécie et les squames sont des lésions courantes chez les équidés (tableau 3).

En pratique

Certaines de ces lésions sont rarement visibles lors d’une consultation équine : papules, pustules, vésicules, bulles, collerettes épidermiques. Les pustules, les vésicules et les bulles sont des lésions fragiles qui se rompent facilement et évoluent rapidement en érosions, ulcères ou croûtes.

Dans de rares cas particuliers, lors de l’observation de certains parasites visibles à l’œil nu (poux, thrombiculidés, tiques et insectes piqueurs), il est possible d’établir le diagnostic grâce à l’examen du tégument [7]. Cependant, dans la plupart des cas, cet examen permet d’émettre des hypothèses diagnostiques et oriente le consultant vers la réalisation d’examens complémentaires de façon rigoureuse.

Conclusion

Le tégument du cheval présente des particularités anatomiques qu’il est important de connaître avant de commencer une consultation de dermatologie. La connaissance de ces particularités permet de mieux comprendre le fonctionnement cutané de cette espèce et de savoir différencier des phénomènes physiologiques (mue, transpiration importante après un exercice) et pathologiques (effluvium télogène, hyperhidrose). L’examen du tégument doit être rigoureux et systématique afin de pouvoir décrire une topographie et une configuration lésionnelles, puis d’identifier des lésions primaires, mixtes ou secondaires. Cet examen attentif permet la mise en place judicieuse de l’étape suivante de la consultation de dermatologie : la réalisation d’examens complémentaires raisonnés, répondant aux hypothèses diagnostiques.

  • (1) Le sabot ne sera pas développé en détail car ce numéro spécial ne décrit pas les affections du sabot.

  • (2) Voir la fiche Glossaire, dans ce numéro.

  • 1. Barone R, Simoens P. Anatomie comparée des mammifères domestiques : tome 7, Neurologie II, Système nerveux périphérique, glandes endocrines, esthésiologie. Vigot, Paris. 2010:838.
  • 2. Carlotti DN, Pin D. Diagnostic dermatologique. Masson, Paris. 2002:93.
  • 3. Fadock VA. An overview of equine dermatoses characterized by scaling and crusting. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1995;11 (1):43-51.
  • 4. Innera M et coll. Comparison of hair follicle histology between horses with pituitary pars intermedia dysfunction and excessive hair growth and normal aged horses. Vet. Dermatol. 2013;24:212-247.
  • 5. Jenkinson D, Elder HY, Bovell DL. Equine sweating and anhidrosis part I - Equine sweating. Vet. Dermatol. 2006;17:361-392.
  • 6. Knottenbelt DC. Introduction. In: Principles and practice of equine dermatology. W.B. Saunders London. 2009:1-24.
  • 7. Knottenbelt DC. Metazoan/parasitic diseases. In: Principles and practice of equine dermatology. W.B. Saunders London. 2009:191-227.
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  • 9. Pilsworth RC, Knottenbelt DC. Urticaria. Equine Vet. Educ. 2007;19 (7):368-369.
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  • 11. Scott DW, Miller WH. Diagnostic methods. In: Equine dermatology. Elsevier Saunders, Missouri, USA. 2011:35-100.
  • 12. Scott DW. Le lupus discoïde équin: description de trois cas. Point Vét. 1990;22:127-131.
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  • 14. White SD. Equine bacterial and fungal diseases: a diagnostic and therapeutic update. Clin. Tech. Equine Pract. 2005;4:302-310.
  • 15. White SD, Affolter VK, Dewey J et coll. Cutaneous vasculitis in equines: a retrospective study of 72 cases. Vet. Dermatol. 2009;20:600-606.
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  • 17. Zakia LS, Olivo G, Basso RM. Imiquimod treatment for Equus caballus papillomavirus infection in equine aural plaques. Vet. Dermatol. 2016;27:175-e44.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

• Il convient de connaître les particularités du tégument du cheval préalablement à une consultation de dermatologie.

• L’observation à distance du tégument permet d’établir la topographie et la configuration des lésions.

• Il est possible d’identifier des lésions primaires, secondaires et mixtes.

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