Prédire le moment du poulinage - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

Fiche – Indicateurs de prédiction

Auteur(s) : Élodie Chollet

Fonctions : Centre de reproduction
du Petit Hautier
Le Petit Hautier
2, route de Paris
76220 Ménerval

La mise bas est l’aboutissement de 11 mois d’attente d’un poulain qui a une valeur à la fois génétique, financière et/ou sentimentale importante (photo 1). De plus, le poulinage a lieu la plupart du temps la nuit, ce qui complique le suivi de la jument et son accompagnement lors de la parturition (figure 1) [2].

Depuis de nombreuses années déjà, des systèmes préviennent du poulinage à distance grâce à une caméra vidéo, à une ceinture qui détecte la position allongée ou à un aimant fixé sur la vulve. Pour une question d’organisation et d’optimisation du personnel ou de son propre agenda, il est intéressant de savoir prédire le jour du poulinage précisément. Cet article passe en revue les différentes techniques à notre disposition, avec leurs avantages et leurs inconvénients (tableau).

Évaluation humaine

Depuis longtemps, les professionnels de l’élevage et de la reproduction équins savent évaluer certains signes annonciateurs de l’imminence du poulinage (Encadré 1 et photo 2).

Bien que ces manifestations soient facilement mises en évidence, elles s’expriment souvent plusieurs jours avant la parturition, ce qui n’est pas très précis. De plus, de nombreuses juments ne montrent pas ou peu ces changements (les juments primipares notamment).

Cette prédiction n’est donc pas très fiable [2].

Techniques d’évaluation des sécrétions mammaires

Certaines techniques sont connues et reconnues depuis de nombreuses années pour aider à détecter le moment de la parturition, comme le dosage du calcium dans le lait. À l’inverse, grâce à des études scientifiques, la mesure du pH commence seulement à confirmer sont intérêt dans la détection de l’imminence du terme.

Toutes les méthodes sont soumises aux variations interindividuelles des juments et aucune n’est sensible à 100 %. Il s’agit d’aides à l’estimation de l’imminence de la mise bas.

Un petit équipement est nécessaire pour la réalisation de ces tests (Encadré 2 et photo 3).

Mesure du duo sodium-potassium dans le lait

Dans les années 1980, Jennifer Ousey et coll. ont montré l’évolution des courbes de deux électrolytes, le sodium et le potassium, à l’approche du terme. La quantité de sodium dans le lait s’effondre, alors que celle de potassium augmente, les courbes des deux éléments se croisant dans les jours qui précèdent le poulinage [7].

Cependant, ces mesures requièrent de posséder un analyseur de biochimie ou de confier l’échantillon à un laboratoire. Pour une bonne analyse, l’échantillon est à centrifuger afin d’éliminer le gras du lait qui fausse le résultat. La machine doit être paramétrée pour une analyse d’urine car le potassium est trop élevé par rapport à une analyse sanguine.

Cette contrainte liée à l’analyseur rend ce test peu utilisable en pratique courante.

Mesure du calcium dans le lait

La mamelle de la jument se prépare progressivement à la lactation dans le mois précédant le poulinage, avec un développement qui s’accélère généralement les 15 derniers jours. La concentration en calcium dans le lait peut être évaluée lorsque la mamelle commence à excréter.

Il a été démontré que la plupart des juments (97 %) mettent bas dans les 72 heures qui suivent le moment où le niveau de calcium dépasse les 200 ppm [4]. Ce délai est malgré tout assez large. À l’inverse, les probabilités que la jument ne pouline pas dans les 24 heures tant que le calcium n’a pas atteint les 200 ppm sont de 99 %.

Les mesures peuvent être effectuées par deux méthodes :

– le titrage du calcium contenu dans le lait par le test FoalWatch®. Cet examen, disponible aux États-Unis, est précis dans ses résultats. Cependant, il est assez coûteux et requiert quelques manipulations ;

– la mesure de la dureté de l’eau par l’emploi de bandelettes. Celles-ci sont simples à utiliser, faciles à transporter et moins chères que le test précédent. De plus, il est aisé de s’en procurer. Il existe aussi un kit dédié pour les juments poulinières (Predict-A-Foal®), disponible aux États-Unis.

C’est cette seconde technique, plus simple, que cet article détaille.

Dès lors que la mamelle commence à donner du lait, il convient de réaliser une mesure tous les 2 jours, puis tous les jours au fur et à mesure que le terme approche jusqu’à obtenir un niveau de 100 ppm de calcium pour la première fois. À partir de là, il est souhaitable de tester le lait matin et soir jusqu’à obtenir une mesure de calcium de 200 ppm indiquant que la jument va pouliner dans les jours qui viennent [3].

Le test se déroule en plusieurs étapes (Encadré 3 et photos 4a, 4b et 5).

Mesure du pH du lait

Il a été rapporté que le pH du lait de la femme et de la jument baisse avant de donner naissance [6]. Son interprétation, alliée à celle de la mesure du calcium dans le lait, augmente les probabilités d’un poulinage imminent après l’obtention des valeurs souhaitées (figure 2).

Ce test est très facile à réaliser grâce à des bandelettes de mesure du pH (Encadré 4 et photos 6a et 6b).

La lecture du résultat est peu différente de celle de la mesure du calcium. Le pH est interprété encore plus comme une valeur prédictive négative. En effet, lorsqu’il est inférieur ou égal à 6,4, la probabilité d’un poulinage dans les 24 heures est de 54 %, de 85 % dans les 48 heures et de 98 % dans les 72 heures, alors qu’avec un pH supérieur à 6,4 la probabilité que la jument ne pouline pas dans les 24 heures est de 99 %, de 97 % dans les 48 heures et de 82 % dans les 72 heures. La spécificité de cette technique étant donc plus élevée que sa sensibilité, la mesure du pH est utilisée plutôt pour confirmer que la jument ne va pas pouliner, tant que le résultat est supérieur à 6,4 [6].

Le plus des tests

La mesure du calcium est très efficace dans l’évaluation de la maturité fœtale [5, 7]. Associée à celle du pH, elle permet de décider de la date appropriée pour une mise bas déclenchée dans les meilleures conditions [4].

Ces mesures peuvent être utilisées aussi lors d’un développement mammaire précoce, en cas de placentite. Le calcium s’élève alors prématurément, confirmant le caractère anormal de l’événement en cours si la jument n’a pas encore atteint les 310 jours de gestation. Le croisement des courbes du sodium et du potassium n’est alors pas observé et la valeur du calcium n’est pas révélatrice de la maturité fœtale, à l’inverse des cas physiologiques [4, 5, 7].

Ces manipulations de la mamelle ne sont pas nuisibles pour la bonne absorption du colostrum par le poulain et si les mesures hygiéniques sont respectées, l’incidence des mammites n’est pas plus importante [5].

Conclusion

Prédire le moment du poulinage est extrêmement pratique pour les propriétaires et les vétérinaires, afin d’éviter de longues nuits de surveillance inutile et d’accompagner la jument lors de cet événement. En effet, une intervention humaine peut être nécessaire, et se révéler vitale pour la mère et/ou le produit.

Aucune des différentes méthodes décrites n’est efficace à 100 % ; elles permettent seulement d’annoncer l’imminence de la mise bas sans en préciser le moment exact. Cependant, elles représentent une aide précieuse pour plusieurs aspects : la gestion pratique du poulinage, le suivi de la maturité fœtale et le choix du moment pour déclencher une mise bas à bon escient. La possibilité d’évaluer et de suivre un événement précoce comme une placentite ou un développement mammaire prématuré ajoute de la valeur à ces techniques simples, relativement précises et peu coûteuses.

  • 1. Bain AM, Howey WP. Observations on the time of foaling in thoroughbred mares in Australia. J. Reprod. Fertil. Suppl. 1975;(23):545-546.
  • 2. Dascanio JJ. Preparation of the mare for foaling. In: Equine reproductive procedures. Ed. Wiley Blackwell, Oxford. 2014:246-248.
  • 3. Dascanio JJ. Assessment of mammary gland secretions to predict foaling. In: Equine reproductive procedures. Ed. Wiley Blackwell, Oxford. 2014:249-252.
  • 4. Ley WB. Normal prefoaling mammary secretions. In: Current therapy in equine reproduction. Ed. Saunders Elsevier, St. Louis. 2007:446-451.
  • 5. Ley WB. Pre-foaling mammary secretions. In: Equine reproduction. 2nd ed. Ed. Wiley Blackwell, Chichester. 2011:2733-2737.
  • 6. McCue PM. Assessment of pH of mammary gland secretions to predict foaling. In: Equine reproductive procedures. Ed. Wiley Blackwell, Oxford. 2014:253-255.
  • 7. Ousey JC, Dudan F, Rossdale P. Preliminary studies of mammary secretions in the mare to assess fetal readiness for birth. Equine Vet. J. 1984;16:259.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

AUCUN

ENCADRÉ 1 : SIGNES ANNONCIATEURS DE L’IMMINENCE DU POULINAGE

• Une jument qui a plus de 320 jours de gestation [2].

• Le comportement de la jument change quelques jours avant la mise bas : elle se couche plus souvent, devient plus agitée la nuit (tourne davantage en rond, se regarde un peu le flanc).

• La poulinière change physiquement quelques jours avant le poulinage : ramollissement et affaissement des muscles de part et d’autre de la queue, allongement et ramollissement de la vulve, œdème ventral [2].

• La mamelle subit une modification : à l’approche du terme, un œdème mammaire important est noté et les trayons se gorgent de lait, alors que, précédemment, seul le corps de la mamelle était développé. Certaines juments présentent de la cire en bouchon au bout de la mamelle le ou les jours qui précèdent la mise bas [2]. Le lait devient plus épais et collant à l’approche du terme (colostrum).

ENCADRÉ 2 : MATÉRIEL NÉCESSAIRE POUR LES TESTS D’ÉVALUATION DES SÉCRÉTIONS MAMMAIRES

• Eau distillée.

• Tube(1) ou pot (à prélèvement) neuf ou ayant été rincé à l’eau distillée et séché, pour la récolte du lait.

• Compresses alcoolisées pour désinfecter la mamelle avant le prélèvement.

• Tubes de 10 ml pour la dilution pour le test calcium.

• Seringues.

• Tests commerciaux (FoalWatch® ou Predict-A-Foal®) ou tests à bandelettes :

– bandelettes pour la mesure du calcium ; elles mesurent la dureté totale (carbonate de calcium et de magnésium)(2) ;

– bandelettes pour la mesure du pH ; plages de détection de 5,5 à 8 environ pour une bonne précision(3).

• Équivalence. Selon les tests achetés, l’unité de mesure est différente des ppm : mmol/l = ppm/40,078 et 1 ppm = 1 mg/l.

(1) Tube Corning® 50 ml.

(2) Bandelettes Aquadur® de Macherey-Nagel.

(3) Bandelettes Fisherbrand® test pH 5,1 à 7,2 ou de Macherey-Nagel.

ENCADRÉ 3 : MESURE DU CALCIUM DANS LE LAIT PAR BANDELETTE

• 1. Désinfecter le trayon avec une lingette ou une compresse alcoolisée. Récolter dans un récipient environ 2 ml de lait provenant des deux trayons, en ne prenant pas le premier jet qui contient davantage de débris, de bactéries, de lait séché, etc.

• 2. Prélever à la seringue 1 ml de ce lait et le mettre dans un tube à prélèvement de 10 ml dans lequel 6 ml d’eau distillée sont ajoutés. Mélanger.

• 3. Tremper la bandelette dans ce récipient quelques secondes en immergeant bien tous les carrés tests. La secouer en la sortant pour éliminer le surplus d’humidité et attendre le temps indiqué par le fabricant avant de lire le résultat.

• 4. Comparer la couleur de la bandelette avec la référence des couleurs fournie par le fabricant. Un résultat de 200 ppm ou plus (ou « eau très dure ») indique que la jument va pouliner dans les quelques jours qui suivent. Au cours des tests, une chute subite des valeurs obtenues n’est pas alarmante, la courbe reprenant sa croissance ensuite. De la même manière, à 150 ppm environ, les résultats peuvent stagner pendant plusieurs jours avant d’atteindre les 200 ppm.

La mesure de calcium (carbonate de calcium) ainsi obtenue est une valeur diluée qui doit être distincte de celle rapportée par les analyseurs (calcium brut). En effet, le résultat de la bandelette doit être multiplié par 2,8 pour parvenir à la valeur réelle de calcium brut dans la mamelle, exemple : résultat bandelette 200 ppm × 2,8 = 560 ppm. Une valeur de 12 à 14 mmol/l de calcium brut mammaire (correspondant à 560 ppm) indique que le poulinage est proche et est équivalente à la référence bandelette de 200 ppm.

ENCADRÉ 4 : MESURE DU PH DU LAIT PAR BANDELETTE

• 1. Désinfecter le trayon avec une lingette ou une compresse alcoolisée. Récolter dans un récipient 0,5 à 1 ml de lait provenant des deux trayons, en ne prenant pas le premier jet.

• 2. Tremper directement le carré test de la bandelette dans le lait (aucune dilution n’est nécessaire).

• 3. Ressortir la bandelette de suite et lire immédiatement la couleur du carré test en la comparant à la référence de couleurs fournie par le fabricant.