Les protocoles vaccinaux chez la jument à la reproduction - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

Médecine préventive

Auteur(s) : Sonia Wittreck

Fonctions : 85, rue Joliot-Curie
69005 Lyon

Un suivi correct des protocoles de vaccination protège la jument à titre individuel contre des infections courantes, mais permet de préserver aussi la santé du futur poulain via un colostrum riche en immunoglobulines.

La vaccination est le moyen le plus efficace de prévenir certaines maladies infectieuses, graves ou invalidantes, et parfois mortelles chez le cheval ou transmissibles à l’homme.

Elle consiste à déclencher les défenses spécifiques de l’animal (anticorps) afin d’éliminer les virus et les bactéries auxquels il peut être exposé.

La vaccination vise à protéger le cheval à titre individuel et à diminuer les risques de transmission entre individus en prévenant les épidémies sur le plan collectif.

Il convient que tous les chevaux d’un effectif soient vaccinés pour obtenir une efficacité maximale (photo 1). En effet, pour une prévention efficace et une meilleure protection d’un cheptel équin, 80 % des animaux doivent être vaccinés régulièrement.

Dans ce cadre, et concernant les juments mises à la reproduction, deux cas de figure peuvent être distingués : les juments “maiden” ou vides qui vont suivre le protocole vaccinal classique de tout cheval adulte et les juments gestantes pour lesquelles la vaccination permet d’optimiser la qualité du colostrum, donc de protéger le futur poulain pendant les premiers mois de son existence.

Pourquoi vacciner la poulinière en gestation ?

La vaccination des juments gestantes est essentielle pour deux raisons principales :

– tout d’abord, pour protéger la jument à titre individuel contre les maladies infectieuses courantes (grippe, tétanos, rhinopneumonie) préjudiciables à la gestation, mais aussi pour préserver la santé du futur poulain. La jument va produire des anticorps en réponse à la vaccination, qui sont transmis au poulain par le colostrum. Ces anticorps permettront à celui-ci de se défendre contre les maladies infectieuses jusqu’à ce qu’il soit lui-même en âge de se faire vacciner ;

– ensuite parce que c’est obligatoire : les règlements de certains stud-books prévoient le respect d’exigences sanitaires pour les reproducteurs équins (étalons et juments).

Ces exigences peuvent porter notamment sur les dépistages de l’anémie infectieuse équine, de la métrite contagieuse équine et de l’artérite virale équine, ainsi que sur les vaccinations contre la grippe et la rhinopneumonie équine (photo 2).

Chaque stud-book ayant ses propres règles, les documents qui précisent les contrôles et les vaccins à réaliser doivent être consultés pour chaque reproducteur selon le stud-book dans lequel le produit pourra être inscrit après sa naissance.

Le protocole sanitaire du stud-book correspond au suivi minimal obligatoire en France depuis le 1er janvier 2007.

Néanmoins, un étalonnier est en mesure de réclamer l’application des protocoles du Code de pratique internationale [3].

Quand ?

Un rappel de vaccination contre le tétanos et la grippe est à réaliser 4 à 6 semaines avant le poulinage (figure 1). Le poulain sera alors protégé jusqu’à l’âge de 4 à 6 mois.

Pour la rhinopneumonie, deux solutions alternatives sont possibles :

– deux injections à 1 mois d’intervalle avant la saillie, puis un rappel tous les 6 mois, si possible au milieu de la gestation ;

– une injection aux cinquième, septième et neuvième mois de gestation, lors de risques importants dans l’exploitation.

Principe

Une protection correcte contre une maladie est généralement obtenue entre 15 jours et 1 mois après la primovaccination (constituée de deux injections) et 2 semaines après chaque rappel, d’où l’importance de respecter les protocoles et les schémas vaccinaux, et d’éviter de dépasser les dates de rappel (figure 2).

En pratique

Il est déconseillé de vacciner un animal malade, parasité ou sous traitement avec des corticoïdes, car la réponse vaccinale serait insuffisante (encadré 1).

Il convient de prévenir tout stress, particulièrement pour les juments gestantes (exercice physique intense, manipulations stressantes, transport) lors de la vaccination et dans les 2 à 3 jours (1 semaine pour la grippe) qui suivent pour minimiser tout risque d’avortement.

Il est recommandé de pratiquer la primovaccination avant la première saillie et, pour les rappels, d’éviter la semaine qui précède la saillie ou les 21 jours qui suivent.

Les principales maladies qui relèvent de la vaccination sont le tétanos, la grippe, la rhinopneumonie et la rage. Des vaccins ont également été mis au point contre l’artérite virale et la fièvre West Nile (tableau 1).

D’autres vaccins existent, mais ils ne sont pas autorisés en France (peste équine, ehrlichiose, encéphalomyélites virales, botulisme, rotavirose).

Vaccinations obligatoires

Grippe

La grippe est une maladie virale et la vaccination est obligatoire au regard du Code des courses et du stud-book (tableau 2).

La primovaccination et les injections de rappel sont effectuées conformément aux prescriptions des autorisations de mise sur le marché des vaccins.

Toutes les vignettes ou les indications concernant le numéro du lot doivent être apposées sur le livret, qui est daté et signé par le vétérinaire.

Rhinopneumonie

La rhinopneumonie est une maladie infectieuse et contagieuse, et représente la première cause d’avortement chez la jument. Celui-ci survient généralement en fin de gestation (entre le huitième et le onzième mois), mais il est possible dès le quatrième mois.

L’avortement peut se produire aussi bien dans les 15 jours que plusieurs mois après l’infection. Le virus herpès équin de type 1 (VHE-1) est à l’origine d’avortements, de maladies respiratoires et d’atteintes du système nerveux ou d’une forme subclinique, alors que le VHE-4 entraîne plus généralement des affections respiratoires.

Les virus de la famille des Herpesviridae ont la capacité de se maintenir chez un animal contaminé, le transformant en porteur latent, donc en réservoir permanent et potentiel du virus en cas de réactivation herpétique, lors de stress, d’une maladie intercurrente, de traitements notamment à base de corticoïdes, etc. Tous les chevaux sont des réservoirs potentiels.

La contamination se fait essentiellement par voie aérienne, mais, au sein d’un élevage, le placenta, les avortons, les tissus et les liquides fœtaux sont la source de contamination la plus dangereuse. Ainsi, tous les avortons et les cadavres de nouveau-nés morts précocement doivent être manipulés avec précaution et envoyés à un laboratoire compétent.

Les poulains contaminés et les juments qui ont avorté ou dont le poulain est mort-né peuvent être des sources de contamination pour les autres chevaux. Le virus pouvant survivre 8 semaines dans le milieu extérieur, une contamination indirecte est aussi possible.

Vaccinations recommandées

Bien que non obligatoire, la vaccination anti­tétanique est fortement recommandée, le cheval étant particulièrement sensible à cette affection (tableau 3).

Cette maladie souvent fatale est due au bacille Clostridium tetani qui se multiplie dans les plaies et sécrète une toxine qui provoque des contractions ou des tétanies musculaires.

Ce bacille est présent dans tout l’environnement (terre, fumier, fourche, etc.) et s’y conserve presque indéfiniment.

Toute plaie du cheval, même minime, est susceptible d’être contaminée, et doit être soignée et désinfectée minutieusement.

Autres vaccinations non obligatoires

Rage

La rage est une maladie virale aiguë mortelle qui est fatale chez tous les mammifères présentant des signes neurologiques (tableau 4). Elle est encore présente à nos frontières et fait toujours l’objet d’une surveillance sanitaire très stricte. La rage est due à un virus présent dans la salive des animaux infectés et transmis principalement par morsure. En Europe, ce sont les chiens et les renards contaminés qui transmettent la maladie aux animaux domestiques et à l’homme.

Artérite virale

L’artérite virale équine est une maladie du système respiratoire et reproducteur, due au virus de la famille Arteriviridae. Ce dernier provoque des avortements, une baisse de la fertilité et des morts néonatales, et se transmet habituellement de façon horizontale par des aérosols ou des contacts vénériens (sperme). La transmission verticale par l’infection in utero et la transmission indirecte par le matériel peuvent également se produire occasionnellement. À la suite de l’infection, jusqu’à 70 % des étalons portent le virus dans leur système reproducteur et l’excrètent dans leur sperme. Ces étalons sont les réservoirs et peuvent transmettre le virus aux juments de l’élevage, même en l’absence de signes cliniques. En France, la surveillance est principalement fondée sur des tests sérologiques car la vaccination des juments n’est pas autorisée.

Fièvre du Nil occidental, ou West Nile

Le virus de la fièvre du Nil occidental est transmis par les moustiques qui s’infectent le plus souvent au contact d’oiseaux. Ces moustiques peuvent contaminer de nombreux mammifères, y compris l’homme et les équidés. Chez le cheval, dans près de 80 % des cas, les infections sont inapparentes. Une forme bénigne, caractérisée par des manifestations pseudo-grippales, est observée dans 10 à 20 % des cas. Les formes graves représentent 1 à 10 % des cas et sont souvent mortelles.

Et le poulain ?

Le poulain présente la particularité de naître totalement dépourvu de défenses immunitaires. En effet, pendant la gestation, le placenta constitue une barrière efficace contre les agents pathogènes extérieurs et le passage des anticorps formés par la jument. Le système immunitaire du poulain n’est donc pas sollicité et ne développe pas d’anticorps. Ceux-ci sont transférés au poulain uniquement via le colostrum produit et absorbé au cours des 48 heures qui suivent le poulinage (encadré 2 et photo 3).

La date de la première vaccination (ou primovaccination) est établie par le vétérinaire selon le statut vaccinal de la mère, la qualité et la quantité de colostrum absorbé par le poulain et l’environnement (cheval isolé ou effectif important, risque de transmission de la maladie, etc.). En général, elle est indiquée vers les 5 à 6 mois en l’absence de risques.

Conclusion

Dans l’environnement, les bactéries, les virus, les champignons et d’autres parasites attaquent tous les êtres vivants et les défenses immunitaires entrent en jeu. Un bon suivi du protocole vaccinal est d’autant plus important chez la jument gestante, sa santé et celle du poulain étant engagées.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

RESPONSABLE TECHNIQUE EUROPE ET MOYENORIENT GAMME ÉQUINE BOEHRINGER-MERIAL SAS

Éléments à retenir

• La vaccination de la poulinière lors des 2 derniers mois de gestation est l’acte médical majeur de prévention.

• Elle assure à la fois la protection du groupe et de la poulinière, mais surtout celle du poulain via l’optimisation de la concentration en immunoglobulines dans le colostrum.

• Selon les particularités des réglementations des stud-book, certains vaccins sont obligatoires, d’autres fortement recommandés ou facultatifs.

• Pour être parfaitement effectives, ces vaccinations doivent être pratiquées conformément aux règles de bonnes pratiques.

ENCADRÉ 1 : BONNES PRATIQUES DE VACCINATION

La vaccination ne concerne que des chevaux en bonne santé et correctement entretenus.

Un examen clinique rapide et exhaustif réalisé avant la vaccination permet de s’assurer de cette bonne santé. Le suivi des vermifugations doit en particulier être vérifié. Il convient également de respecter le protocole (âge minimal, intervalle entre les rappels, etc.), ainsi que le délai de 7 jours avant une épreuve sportive ou un concours d’élevage, et, en règle générale, avant tout transport ou changement de lieu (envoi dans un autre haras pour mise à la saillie ou suivi de poulinage, etc.).

Conservation des vaccins au froid positif (de + 2 °C à + 8 °C)

À la clinique vétérinaire, les vaccins doivent être stockés au réfrigérateur (avec une surveillance des variations de température) depuis leur réception jusqu’à leur utilisation. Dans la voiture du vétérinaire, les vaccins sont également conservés au froid dans une glacière. Mais il est déconseillé de les placer directement sur les blocs réfrigérants (risque de congélation).

Vérifier la date de péremption avant injection.

Ponction des flacons

Utiliser une aiguille à usage unique par flacon et par cheval, et changer d’aiguille avant toute nouvelle injection.

Choix de l’aiguille

• Longueur : les aiguilles doivent être suffisamment longues pour réaliser des injections intramusculaires profondes. Chez un cheval adulte et en bon état d’entretien, ne pas utiliser une aiguille de moins de 30 mm de longueur (40 mm généralement). Chez un poulain, une aiguille plus courte peut être employée, mais elle ne doit jamais mesurer moins de 25 mm.

• Diamètre : pour la gestion de la douleur, c’est le diamètre de l’aiguille qui est à prendre en compte (et non la longueur). Un diamètre de 0,8 mm est généralement un bon compromis entre la douleur et la viscosité du produit à injecter. Pour certains vaccins (Pneumequine®, par exemple), un diamètre plus important est habituellement nécessaire (1 à 1,2 mm).

Site d’injection et désinfection

• Le site d’injection communément admis est le “plat de l’encolure”, un triangle délimité par le ligament nucal, les vertèbres cervicales et l’épaule. Il est possible de piquer dans le poitrail, mais recommandé d’éviter la croupe (tout abcès éventuel étant trop délabrant, voire impossible à drainer dans cette région).

• La désinfection du site d’injection est fortement recommandée, mais il est illusoire de vouloir désinfecter un site d’injection chez un animal sortant du pré ou non toiletté.

Il est contre-indiqué de frotter énergiquement le site d’injection pour enlever la boue, car l’augmentation de la vascularisation induite favorise alors les réactions inflammatoires postvaccinales.

Il est possible d’utiliser de l’alcool à 70° (et non à 90°). Cependant, de la chlorhexidine ou une solution de povidone iodée sont préférables.

Injections simultanées

• Ne pas mélanger les vaccins dans la même seringue.

• Injecter séparément chaque vaccin en espaçant les points d’injection : de préférence de chaque côté de l’encolure.

Surveillance du site d’injection et des réactions générales

Après une vaccination, des réactions postvaccinales la plupart du temps bénignes surviennent parfois, qui peuvent être :

– locales : douleur modérée et léger gonflement au point d’injection, difficultés à mouvoir l’encolure ;

– générales : fièvre modérée (38,5 à 39 °C au maximum), abattement, perte d’appétit, difficultés locomotrices. Surveiller la température et l’appétit.

Ces réactions sont “normales” et apparaissent le plus souvent rapidement (dans les 3 jours). Elles doivent rétrocéder dans les 6 jours au maximum. Au-delà et pour toute autre manifestation anormale, un dossier de pharmacovigilance doit être impérativement instruit.

Que faire en cas de réaction “anormale” ?

• Le vétérinaire doit constater les réactions “anormales”.

• Appeler le laboratoire pour ouvrir un dossier de pharmacovigilance.

• En cas d’abcès ou de réaction locale très volumineuse :

– selon l’évolution, réaliser une échographie pour vérifier la présence éventuelle de liquide ;

– ouvrir et débrider l’abcès ;

– effectuer un prélèvement bactériologique.

Soulager la douleur du cheval soulage aussi le propriétaire

• Éviter de frictionner trop fortement les zones douloureuses du cheval.

• Conseiller des applications de “froid”, d’arnica, de gel du type Ekyflogyl® ou Compagel®, ou encore de poudre armoricaine (si un abcès est suspecté) en légère application.

• Prendre garde aux huiles essentielles qui peuvent brûler.

• L’usage des anti-inflammatoires et des antipyrétiques est indispensable dans ce cas. Selon l’état du cheval, privilégier la voie orale ou intraveineuse (proscrire l’administration intramusculaire).

La vaccination est un acte médical

• Ne pas déléguer l’acte vaccinal au propriétaire du cheval, ni au gérant du club, à l’entraîneur ou à l’éleveur, au palefrenier, ni au cavalier/pharmacien, ni au propriétaire/médecin.

• Ne certifier que les vaccinations réalisées : la vaccination est un acte médical qui engage la responsabilité du vétérinaire. L’apposition des vignettes, la date, le cachet et la signature du praticien constituent une certification. Ce sont les seules preuves officielles de la mise en œuvre de l’acte vaccinal.

ENCADRÉ 2 : SYSTÈME IMMUNITAIRE DU POULAIN

• Avant l’âge de 2 mois, le système immunitaire du poulain est inefficace, immature et inhibé par les anticorps d’origine maternelle.

• Au-delà de 2 mois et demi à 3 mois, il est mature et les anticorps d’origine maternelle ont disparu. Le poulain commence à produire ses propres anticorps.

• À l’âge de 4 mois, la réponse immunitaire du poulain est similaire à celle de l’adulte.

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