Les affections de la gestation chez la jument - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

Suivi de reproduction

Auteur(s) : Anne Josson*, Samuel Buff**

Fonctions :
*VetAgro Sup, 1, avenue Bourgelat,
69280 Marcy-l’Étoile
anne.jossonschramme@vetagro-sup.fr

Plusieurs facteurs peuvent contrer le bon déroulement de la gestation. Le praticien doit suivre toutes les phases pour prévenir au mieux une mort embryonnaire précoce ou un avortement.

L’échographie est un outil diagnostique intéressant en reproduction équine, bien que la maîtrise de la palpation transrectale de l’appareil reproducteur de la jument soit indispensable. Il est judicieux de consigner la conformation vulvaire et la présence d’écoulements avant la palpation (photos 1a à 1d). Une mauvaise conformation de la vulve peut, en effet, prédisposer aux placentites ascendantes.

L’examen exhaustif du tractus génital de la jument comprend toujours la palpation du col, de la bifurcation entre les deux cornes, des deux cornes utérines et des deux ovaires. Chez la jument gravide, les ligaments larges doivent également être palpés. L’examen échographique vient préciser ce qui a été ressenti lors de la palpation.

La gestation de la jument peut être divisée en deux phases selon le stade de développement de l’embryon (de 0 à 40 jours) ou du fœtus (de 40 à 342 jours, jusqu’au poulinage).

Phase embryonnaire

Diagnostic et suivi de la gestation par examen échographique transrectal : mortalité embryonnaire

Entre la fécondation et le 40e jour de gestation, le taux moyen de mortalité embryonnaire est de 20 % chez les juments qui n’ont aucun trouble de fertilité [2].

De 0 à 14 jours postovulation, l’incidence de la mortalité embryonnaire est difficile à estimer ; il n’existe aucun moyen d’établir avec certitude qu’une fécondation ou un arrêt prématuré du développement embryonnaire s’est produit [3].

Selon des études sur le transfert d’embryon, l’incidence de la mortalité embryonnaire survenant avant le 14e jour de gestation semble sept à huit fois plus élevée chez les juments âgées (plus de 12 ans) présentant un défaut de fertilité que chez les juments fertiles [14].

Les juments plus âgées sont susceptibles de produire des ovocytes de mauvaise qualité [4].

Les embryons non viables sont soit résorbés, soit éliminés de l’utérus, et, de ce fait, sont rarement récoltés.

Lorsque la mort embryonnaire se produit avant la reconnaissance maternelle, c’est-à-dire le 15e jour, les juments présentent un nouvel œstrus.

En utilisant un échographe de bonne qualité, équipé d’une sonde de 5 à 8 MHz, les vésicules embryonnaires peuvent être mises en évidence dans la lumière utérine dès le 9e ou 10e jour postovulation (photo 2). Classiquement, le diagnostic de gestation est établi à 14 jours (photo 3). À ce stade, l’image de la vésicule embryonnaire est ronde et régulière, sans liquide utérin. Si la forme et la taille de la vésicule sont inhabituelles, une mort précoce de l’embryon peut être suspectée et des examens réguliers par échographie transrectale devront être réalisés (encadré).

La métrite contagieuse équine (MCE), due à Taylorella equigenitalis, est une maladie qui se transmet principalement à l’accouplement et qui peut être à l’origine d’une mort embryonnaire précoce. Les signes cliniques sont des écoulements vulvaires abondants blanc-gris et mucopurulents observés 10 jours après les accouplements contaminants (photo 4). Les juments affectées retournent alors en chaleur après un cycle œstral raccourci en raison d’un utérus enflammé et infecté (endométrite). Puis la bactérie persiste pendant plusieurs mois ou plusieurs années au niveau du sinus clitoridien de façon asymptomatique. La contamination d’un éventuel poulain est ainsi possible à la naissance de celui-ci, lors de sa sortie du canal pelvien, le rendant porteur, puis contaminant à maturité sexuelle.

Entre le 6e et le 15e jour postovulation, la mobilité de la vésicule embryonnaire joue un rôle important dans le mécanisme de reconnaissance maternelle. Le corps jaune (CJ) produit à ce stade de la progestérone en quantité suffisante pour obtenir des concentrations circulantes d’environ 4 ng/ml. La présence du conceptus dans la lumière utérine inhibe la sécrétion de prostaglandines (PG) F2α par l’endomètre au moment de la lutéolyse. Cela entraîne une sécrétion continue de progestérone par le CJ, responsable du début de la gestation. Le premier CJ est la source principale de progestérone jusqu’au 40e jour de gestation. La moindre inflammation ou infection de l’endomètre, pas toujours identifiable à l’échographie, entraîne une production de PGF2α dans le myomètre qui provoque une lutéolyse du CJ primaire. La jument revient alors en chaleur. La mort embryonnaire s’accompagne d’un œdème et de liquide utérin (photo 5). Le taux de progestérone chute à moins de 1 ng/ml.

En l’absence d’inflammation et/ou d’infection utérine, l’embryon est identifiable ventralement dans la vésicule (dans la partie opposée au mésomètre) dès le 20e ou 21e jour postovulation.

L’activité cardiaque de l’embryon est perceptible dès le 25e jour postovulation.

Au 28e jour postovulation, l’embryon est au centre de la vésicule (le sac vitellin régresse au-dessus, tandis que le sac allantoïdien se développe en dessous). Dans certains cas, une vésicule dépourvue d’embryon peut être observée jusqu’au 35e jour de gestation.

L’administration de médicaments est de préférence interrompue pendant la phase embryonnaire.

Kystes utérins

À l’examen échographique, les kystes utérins sont normalement anéchogènes, plurilobés ou cloisonnés, et des travées hyperéchogènes sont parfois visibles. La structure de certains kystes peut être facilement confondue avec celle d’une vésicule embryonnaire de 14 jours. Leurs taille et localisation chez la jument en diœstrus doivent donc être toujours notées (photo 6). Pour distinguer un kyste d’une gestation avant 16 jours, il est également judicieux de répéter l’examen échographique le lendemain, en mesurant la structure observée. Jusqu’au 16e jour, en effet, la vésicule augmente de diamètre d’un jour à l’autre. Si les kystes sont volumineux, nombreux et groupés dans la même corne de l’utérus, ils peuvent entraver la mobilité intra-utérine des jeunes embryons et perturber la diffusion du signal embryonnaire à l’origine de l’inhibition de la lutéolyse, avec pour conséquence une mort embryonnaire précoce. La présence d’un kyste unique ou de plusieurs petits kystes – moins de 3 cm et peu nombreux (moins de cinq), répartis dans tout l’utérus, et non regroupés au niveau de la bifurcation des cornes – ne justifie a priori aucun traitement avant toute insémination.

Effet du père

L’influence de l’étalon sur le taux de pertes embryonnaires pourrait être liée notamment à des facteurs génétiques, à des maladies infectieuses ou à une chromatine spermatique endommagée. Peu d’informations existent sur les causes génétiques d’une perte embryonnaire. Chez le cheval, une consanguinité accrue est susceptible d’augmenter l’incidence de l’interruption précoce de la gestation associée à des traits létaux récessifs. Cet événement peut également être associé à des anomalies chromosomiques structurelles, comme chez les bovins.

Stress thermique

Le stress thermique est un facteur important de perte embryonnaire précoce chez les ruminants. Peu d’informations sont disponibles chez la jument. L’hyperthermie induite par l’exercice est associée chez la jument à une réduction du taux de récupération des embryons au 7e jour. Au sud des États-Unis (par exemple, Caroline du Nord, Géorgie, Louisiane, Tennessee), où il fait très chaud en été, les poulinières saddlebreds présentent deux saisons de monte (une au printemps et une en automne). Enfin, des températures extérieures supérieures à 40 °C avec 80 % d’humidité entraînent une baisse de fertilité chez la jument (et chez l’étalon).

Nutrition

L’alimentation insuffisante d’une jument en lactation ou présentant une faible note d’état corporel peut entraîner une interruption précoce de la gestation. Un régime appauvri en protéines conduit plus souvent à l’interruption précoce de la gestation qu’un régime à haute teneur en protéines (36 % versus 7 %). Une diminution de poids supérieure à 25 kg pendant la lactation est souvent à l’origine d’une perte de l’embryon en début de gestation, tandis que cela n’est pas observé chez des juments nourries avec une ration de meilleure qualité. D’autres observations suggèrent que les concentrations en progestérone sérique sont altérées par la restriction alimentaire [15].

Gestion de la perte embryonnaire

La perte embryonnaire, en particulier lorsqu’elle se produit sur plusieurs cycles, est une situation frustrante et particulièrement difficile à gérer. Dans de nombreux cas, l’approche diagnostique se réduit à l’échographie et à la mesure de la progestérone circulante. Il existe d’autres solutions pour améliorer le pronostic de gestation chez les juments qui ont subi une perte embryonnaire :

– le placement des vieilles poulinières sous lumière artificielle permet d’initier plus tôt la saison de reproduction, donc l’exploitation d’autant de cycles supplémentaires pour établir une gestation ;

– des examens échographiques plus fréquents permettent le dépistage précoce d’une perte embryonnaire et diminuent d’autant les délais pris pour exploiter les cycles suivants [5] ;

– chez les vieilles poulinières, l’induction de l’ovulation avec des préparations telles que la gonadotrophine chorionique humaine (hCG) ou les analogues de l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires (GnRH) limite la durée de la phase folliculaire et réduit d’autant le risque de vieillissement des ovocytes, qui contribue à l’augmentation des anomalies de l’embryon ;

– la réalisation d’un examen cytologique de l’utérus, d’une biopsie ou d’une culture en début de saison permet de dépister les juments « à risque » et de commencer sur une base saine ;

– le traitement d’une endométrite postaccouplement ou postinsémination consiste en un lavage utérin avec du Ringer lactate ou du NaCl 0,9 %, suivi par des injections d’ocytocine à petite dose (5 UI, par voie intramusculaire [IM], trois à six fois par jour). La réalisation d’une insémination unique sur la base d’une parfaite détermination de la date d’ovulation est préférée chez les poulinières pour réduire les endométrites postinsémination. L’ocytocine peut être remplacée par de la carbétocine(1) qui dispose d’une plus longue demi-vie (T1/2 = 19,6 minutes versus 6,8 minutes) [6, 9, 10] ;

– la supplémentation en progestérone est couramment utilisée pour tenter de prévenir une perte embryonnaire précoce, bien que l’efficacité d’un tel traitement ne soit pas encore bien établie. En France, l’altrénogest (Regumate®) est utilisé à 0,044 mg/kg par voie orale. La durée de la supplémentation dépend de la production de progestérone par les CJ ; elle comprend la période pendant la formation des cupules endométriales et du placenta (environ 120 jours postovulation). Si le traitement progestatif doit être interrompu avant 120 jours de gestation, il est judicieux d’analyser auparavant les concentrations sériques de progestérone. Au-delà de 120 jours, l’altrénogest n’a plus d’effet que sur les contractions utérines (comme cela serait le cas avec le clenbutérol).

Phase fœtale

Les concentrations minimales en progestagènes placentaires requises pour la survie et le développement du fœtus sont difficiles à apprécier. Les placentites (inflammation ou infection) peuvent provoquer une mort fœtale, une momification, un avortement, un retard de croissance, une mise bas prématurée ou une mortinatalité à terme. Il convient de suivre régulièrement les poulinières à haut risque pendant leur gestation.

Avortements

Que les avortements soient d’origine infectieuse ou non, leur incidence varie de 5 à 15 % dans l’espèce équine (photo 7)(2).

Certains avortements surviennent à la suite d’une affection brève et aiguë (par exemple, avortement à herpèsvirus équin de type 1 [EHV-1] qui se déroule sans aucun prodrome). D’autres peuvent être provoqués par une souffrance fœtale plus longue, chronique, sur plusieurs semaines (par exemple, une gestation gémellaire ou une infection mycosique ou bactérienne).

Les placentites sont plus souvent observées lors d’un avortement infectieux et commencent par une congestion, suivie d’une hémorragie, puis de la nécrose et du décollement des villosités choriales (photo 8). L’œdème augmente et l’allanto-chorion change de couleur (de rouge à jaune ou marron). Des micro-organismes peuvent pénétrer le placenta soit par voie hématogène, soit, le plus fréquemment, par voie ascendante depuis le vagin. Une suspicion que Nocardioform actinomycetes arrive dans l’utérus par la semence existe [14, 15].

Le fœtus s’infecte, soit directement par la circulation sanguine ombilicale, soit de manière indirecte à partir du liquide amniotique ingéré, inhalé, ou bien au contact de la peau (passage transcutané). Les signes cliniques de suspicion d’une placentite sont un gonflement mammaire prématuré et/ou des écoulements vulvaires. La mesure échographique de l’épaisseur combinée de l’utérus et du placenta permet d’établir le diagnostic. Le traitement comprend une antibiothérapie par voie générale, l’administration d’un anti-inflammatoire non stéroïdien et une supplémentation hormonale en progestagène(3).

Les anomalies du cordon ombilical sont la première cause d’avortement non infectieux. Une longueur du cordon supérieur à 85 cm augmente les risques de torsion de celui-ci et d’avortement (souvent entre 6 et 8 mois de gestation)(2).

Les avortons de 4 à 6 mois sont en général autolysés.

La mort d’un fœtus à terme se produit juste avant la naissance. Une dystocie, une anoxie ou une asphyxie fœtale et certaines infections (par exemple, EHV-1) peuvent être la cause d’une mortinatalité. Une autopsie du fœtus doit être réalisée, et des échantillons de l’estomac, du foie, des poumons, des reins, de la rate, des glandes surrénales et du placenta sont envoyés au laboratoire dans des emballages séparés et identifiés.

Gémellité

La gémellité est une cause importante d’avortement non infectieux (photo 9) [8]. Il est donc conseillé d’effectuer le diagnostic d’une gestation gémellaire dès le 14e ou 15e jour postovulatoire, avant l’immobilisation des vésicules embryonnaires(4).

Les gestations gémellaires résultent presque toutes d’ovulations doubles (jumeaux dizygotes), mais des cas de jumeaux monozygotes sont également décrits [8-11].

Gestation dans le corps utérin

Les gestations dans le corps utérin sont exceptionnelles et la plupart aboutissent à un avortement tardif. En effet, lors de sa fixation, la vésicule embryonnaire s’immobilise dans le corps utérin, et non à la base de la corne gauche ou droite, réduisant la possibilité d’extension de l’utérus [17].

Le diagnostic doit être établi par un examen échographique entre le 15e et le 16e jour post­ovulatoire avec précaution, pour exclure avec certitude un déplacement du conceptus vers une position plus favorable.

Le traitement consiste en l’administration de 1 ml de PGF2α IM avant 35 jours afin d’interrompre la gestation et de pouvoir ainsi exploiter un nouveau cycle œstral.

Hydro-allantoïde

L’hydro-allantoïde est caractérisé par une accumulation rapide et excessive de liquide allantoïdien (parfois 100 à 200 litres) en raison d’un dysfonctionnement du placenta. Il peut apparaître en quelques jours (au maximum 1 à 2 semaines) dès le milieu de la gestation.

Symptômes cliniques

Les signes cliniques sont :

– une augmentation du volume et de l’inconfort abdominal ;

– une respiration difficultueuse en raison de la pression du diaphragme ;

– une possible rupture du tendon prépubien ;

– un œdème ventral remarquable ;

– si la rupture ventrale est imminente, une démarche difficile, voire un décubitus ;

– le développement d’une hernie inguinale et, occasionnellement, une rupture de l’utérus ;

– un avortement spontané peut également se produire.

Diagnostic

• Par palpation transrectale : l’utérus est extrêmement dilaté, le bras du praticien passe difficilement dans le rectum.

• Par échographie transabdominale : plus de 30 cm de liquide anéchogène, pas de fœtus visible.

Traitement

Si elle n’est pas spontanée, l’expulsion du fœtus peut être obtenue par perfusion d’ocytocine (5 à 10 UI). L’évacuation par le col des liquides fœtaux doit être lente et progressive pour limiter le risque de choc pour la jument. Le fœtus est souvent expulsé vivant, mais rapidement euthanasié. Le risque de rétention placentaire, de métrite puerpérale et de fourbure est augmenté ; l’involution utérine est prolongée et la mise à la reproduction sur les chaleurs de poulinage est déconseillée [7].

Hydramnios

L’hydramnios consiste en une accumulation excessive de liquide amniotique. La dilatation de l’utérus est nettement moins marquée et moins rapide que lors d’hydro-allantoïde. Le fœtus n’est pas viable. Les hydramnios sont encore plus exceptionnels chez la jument que les hydro-allantoïdes.

Rupture du tendon prépubien

La rupture du tendon prépubien est observée chez les poulinières plus âgées qui ont déjà eu plusieurs poulains (photos 10 et 11). Un hydro-allantoïde, un gros fœtus ou une gestation gémellaire constituent des facteurs de risque. La rupture provoque un défaut de soutien de l’abdomen et une absence de liaison entre l’abdomen et le bassin.

Signes cliniques

Les symptômes cliniques sont :

– une plaque d’œdème épaisse de la mamelle jusqu’à l’appendice xiphoïde ;

– une position de la jument caractéristique, dite “en chevalet”, avec le bassin incliné vers l’avant et le bas, les membres étant étendus de l’avant vers l’arrière.

– une mamelle gonflée et congestionnée, avec du sang dans le lait ;

– des difficultés à se déplacer à cause de la douleur.

Diagnostic différentiel

La rupture du tendon prépubien doit être différenciée d’une hernie de la paroi abdominale chez la jument gestante (photo 12).

Traitement

Lorsque la rupture n’est pas encore complète et que l’objectif est de sauver la jument (son état se dégrade en général rapidement), l’interruption de la gestation est indiquée. Si l’objectif est en revanche de sauver le poulain et que la date du terme est proche, un soutien de l’abdomen avec plusieurs rouleaux de bande de contention (ou un corset) est indiqué. La mise bas doit être supervisée, sinon assistée, car les contractions abdominales risquent de faire défaut.

Si la jument survit, sa carrière reproductrice est normalement terminée. En revanche, lors de petites hernies, une reconstruction chirurgicale est envisageable une fois le poulain sevré, et la mère peut retourner à la reproduction et développer une gestation à terme sans récidive.

Gestation prolongée

Si la durée d’une gestation normale est comprise entre 340 et 342 jours postovulation, une gestation prolongée produit rarement de gros poulains ou bien des poulains anormaux, immatures ou dysmatures.

Les causes de telles gestations prolongées sont inconnues, mais plusieurs facteurs favorisants sont envisagés : l’arrêt transitoire du développement embryonnaire ou fœtal, la saison du poulinage (les juments qui doivent pouliner en février présentent une durée de gestation plus longue que celles qui vont pouliner en juin), le sexe du poulain, etc.

Des gestations anormalement prolongées surviennent chez des juments qui consomment des fourrages contenant de la fétuque parasitée par Acremonium coenophalium (affection décrite uniquement en Amérique du Nord). Ces juments présentent un placenta épaissi, un développement mammaire réduit avec une agalactie et parfois un fœtus expulsé mort-né. La contamination des prairies par le champignon parasite entraîne la production d’un alcaloïde qui agit sur les récepteurs à dopamine et inhibe la sécrétion de prolactine. Le traitement, dans ce cas, consiste à administrer un antagoniste des récepteurs D2 dopaminergiques : du sulpiride(1) à 200 mg/450 kg (IM, une fois par jour) ou de la dompéridone(1) à 1,1 mg/kg (voie orale, pendant 7 à 10 jours) [14].

Malformations fœtales

La position du fœtus dans l’utérus semble affecter l’incidence des malformations fœtales (photo 13). Si le fœtus se trouve en présentation longitudinale postérieure ou transversale pendant la première moitié de la gestation, ce n’est pas inquiétant car il peut changer de présentation [1]. En revanche, après le 8e mois, il doit être en présentation longitudinale antérieure. Une présentation longitudinale postérieure est anormale à partir du 9e mois.

Sur 601 cas de dystocie, il a été constaté que les anomalies fœtales étaient proportionnellement plus fréquentes lorsque le fœtus s’était développé dans une présentation postérieure ou transversale : en présentation longitudinale postérieure, la proportion de malformations fœtales était presque 20 fois plus élevée et, en présentation transversale, environ 200 fois plus élevée [13].

Si l’encolure du poulain est maintenue en flexion (à gauche ou à droite) en fin de gestation, la compliance utérine s’en trouve réduite et les vertèbres cervicales vont être ossifiées dans cette posture, entraînant alors une ankylose. Bien que logiques, ces observations restent néanmoins surprenantes dans la mesure où le corps utérin est rempli de liquide en fin de gestation et où la tête et le cou du fœtus restent mobiles à ce stade. Lorsque les anomalies fœtales sont suffisamment graves, une césarienne est nécessaire et le poulain peut naître avec des malformations sévères telles qu’une scoliose, un torticolis et des déformations des membres. Le pronostic en semble assombri, mais une récupération spontanée est possible. Par conséquent, la décision d’euthanasie doit être reportée jusqu’à ce que le pronostic soit définitivement consolidé.

Coliques

En fin de gestation, la fréquence cardiaque des juments au repos est naturellement plus élevée (40 à 60 battements par minute [bpm] versus 28 à 40 bpm hors gestation). Cette augmentation ne doit pas être confondue avec les prodromes d’une atteinte digestive, d’autant que les signes de coliques ne sont pas rares chez la jument presque à terme (au cours des 2 dernières semaines) et que l’exploration de l’abdomen peut se révéler difficile par voie transrectale lorsque l’utérus est élargi. Une abdominocentèse et une échographie transabdominale sont parfois nécessaires.

Un volvulus du côlon est la cause la plus fréquente de coliques chez les juments gestantes. Des coliques dues à une rupture du cæcum sont également associées au poulinage.

La torsion utérine est une affection rare chez la jument, mais doit être recherchée lorsque des signes de coliques sont observés. Le plus souvent, les juments sont atteintes entre le 5e et le 9e mois de gestation, mais une torsion de l’utérus est également possible à terme(5).

À la suite de coliques, la jument gestante présente parfois des signes d’endotoxémie, avec une dépression, une anorexie, de la fièvre, une tachycardie, une leucopénie et une déshydratation. Les opérations chirurgicales de coliques ne sont pas rares pendant la gestation et un avortement peut s’ensuivre, surtout si des signes d’endotoxémie sont présents.

Conclusion

Pour diminuer le risque de complications pendant la gestation, une jument doit idéalement :

– être en bonne santé ;

– être âgée de préférence entre 4 et 12 ans ;

– présenter un état corporel constant de 4/5 ;

– être confortable sur ses quatre membres ;

– posséder une bonne dentition ;

– être correctement vaccinée contre la grippe, le tétanos et la rhinopneumonie ;

– être régulièrement vermifugée ;

– présenter une bonne conformation vulvaire ; si ce n’est pas le cas, une correction par vulvoplastie est requise.

  • (1) Médicament humain, hors autorisation de mise sur le marché AMM.

  • (2) Voir les articles “Les différentes causes d’avortement infectieux chez la jument, actualités en France” et “Les différentes causes d’avortement d’origine non infectieuse chez la jument” de S. Paul-Jeanjean, dans ce numéro.

  • (3) Voir l’article “ECUP : mesure et application pratique chez la jument” de C.-D. Renaudin, dans ce numéro.

  • (4) Voir l’article “Injection létale vers 120 jours et autres techniques de réduction gémellaire” de M. Hamon, dans ce numéro.

  • (5) Voir l’article “La torsion utérine chez la jument” de J.-M. Betsch, dans ce numéro.

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CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

Éléments à retenir

• Si aucun embryon n’est visualisé dans une vésicule de plus de 24 à 25 jours, une anomalie doit être suspectée et la gestation interrompue.

• Lors d’un retard de développement ou d’un arrêt des battements cardiaques de l’embryon, ou en l’absence d’un embryon dans la vésicule, une mort embryonnaire précoce est suspectée.

• Les traitements hormonaux (à base d’altrénogest) et médicaux (antibiotique et anti-inflammatoire) aident à prolonger la gestation de la jument lors d’affections précoces (par exemple, endométrite avec un risque de perte embryonnaire) et tardives (par exemple, placentite ascendante), mais ne sont pas une garantie de résultat positif.

• Des altérations de la fonction placentaire provoquées par des infections ou des anomalies de l’endomètre d’origine non infectieuse peuvent souvent déterminer la naissance de poulains de faible poids.

ENCADRÉ : INDICATEURS ÉCHOGRAPHIQUES DE LA PERTE EMBRYONNAIRE IMMINENTE

Certains signes échographiques pendant la gestation précoce peuvent suggérer une perte embryonnaire imminente :

– la présence de fluides ou d’un œdème utérins 6 à 15 jours postovulation. En effet, un bon nombre des pertes embryonnaires sont liées à une endométrite. Le diagnostic peut être établi seulement après la résorption, par culture (avec antibiogramme), cytologie et biopsie utérines, mais un traitement préventif est indiqué lors d’un œdème utérin associé à une vésicule embryonnaire (altrénogest et antibiotique). La gestation est ensuite surveillée régulièrement par échographie. Si elle se maintient, un dosage de progestérone permet d’indiquer si la poursuite du traitement à l’altrénogest est nécessaire ;

– des embryons significativement en retard dans leur développement entre le 14e et le 21e jour postovulation. Un défaut embryonnaire, avec un embryon ne signalant pas de façon appropriée l’inhibition de la lutéolyse chez la jument, ou un embryon défectueux, avec des vésicules trophoblastiques dans lesquelles le trophoblaste embryonnaire continue de se développer sans progression ultérieure de la masse cellulaire interne et de l’embryon proprement dit, peuvent être en cause. Cela est généralement observé à environ 30 jours de gestation ;

– défaut de fixation de la vésicule embryonnaire à la base de la corne gauche ou droite autour du 16e jour postovulation ;

– une position anomale de l’embryon ;

– l’absence de mouvements cardiaques embryonnaires qui pourraient être observés déjà à partir du 23e ou du 24e jour de gestation. Cependant, un suivi est nécessaire jusqu’au 28e jour La fonction avec Doppler est un complément utile pour visualiser le flux sanguin embryonnaire.

Remerciements

Je voudrais remercier le docteur Marie Denys, résidante en reproduction équine, pour m’avoir aidée dans les corrections de la langue française.

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