Le statut juridique de l’embryon et du fœtus dans l’espèce équine : le débat est lancé - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

Fiche – Éthique

Auteur(s) : Michel Martin-Sisteron

Fonctions : 15, rue Vieille-du-Temple
75004 Paris

L’évolution à une vitesse exponentielle de la science, des techniques de l’élevage, des échanges et du commerce est la marque de notre début de siècle. Le regard porté sur les animaux change lui aussi. L’évolution sociétale de la filière équine, l’internationalisation des échanges, l’optique de l’amélioration génétique et la recherche de la performance (pour le sport mais aussi pour le gain) sont des données incontournables d’un secteur économique en pleine mutation.

Si l’animal a été récemment reconnu comme un être sensible dans le Code civil, il l’était depuis longtemps déjà dans le Code rural et de la pêche maritime [1, 2]. Le bon sens de l’homme des champs avait anticipé la « façon fort civile » de l’homme des villes.

Cela dit, si tout mammifère voit le jour à sa naissance, à partir de laquelle il devient un sujet (pour l’homme) ou un objet (pour l’animal) de droit, il n’existe pas moins pour autant auparavant, dès sa conception et quelle qu’en soit sa définition.

Les débats autour de l’avortement, de la procréation médicalement assistée (PMA) et de la gestation pour autrui (GPA) dans l’espèce humaine en ont été, ou en sont, la démonstration. Il en est de même pour tous les mammifères, et pour le cheval en particulier. Il se trouve là une mine pour des études en droit comparé.

Le statut juridique et le commerce

La discussion autour du statut de l’animal, de ses droits et de sa place dans la société est d’actualité. Qu’il reste un objet de droit ou qu’il acquiert un statut intermédiaire, il demeurera, en tout cas pour l’animal domestique, un produit d’élevage, donc le support d’une activité de commerce, y compris à l’international. Cet état génère également pour la filière équine des difficultés de sécurité sanitaire et de santé publique qui dépassent les frontières.

L’accroissement des garanties exigées dans les transactions oblige à parfaire l’encadrement et la prudence, alors même que toutes les audaces semblent autorisées. Il est possible de vendre, voire de commander, des embryons. Il existe une commercialisation de produits à naître, donc de fœtus, et non plus seulement de juments gravides.

Il est fait commerce de saillies “sous conditions” : de la garantie “jument pleine” à la garantie “poulain vivant”, en passant par le “foal sharing” (partage du poulain à naître entre les propriétaires de la jument et de l’étalon), etc.

Et en plus de cela, sans parler du clonage, se développe une activité contractuelle autour d’animaux en devenir, lesquels n’existent pas encore puisqu’ils ne sont pas nés, que le droit ignore faute de les connaître (photo). Qu’ils soient appelés “embryons” (avant la placentation) ou “fœtus” ensuite, ils représentent des objets de vente, d’achat, de litiges, de contrats écrits ou tacites (associations, gardiennages indirects, assurances, etc.), de choix de stud-books et de pays d’origine officiel.

Le champ des responsabilités, civiles ou autres, professionnelles ou non, s’accroît au rythme des idées nouvelles qui jaillissent de l’esprit humain. Un groupe de travail a donc été créé, composé de juristes, de vétérinaires, d’assureurs, de professionnels de la filière et d’institutionnels, afin de réfléchir sur le statut qu’il conviendrait de définir pour l’embryon et le fœtus dans l’espèce équine.

L’enjeu est d’importance et ne peut être ni ignoré ni occulté. C’est la raison pour laquelle la question, sans réponse encore, est clairement posée ici. Chaque praticien est d’ailleurs invité à faire part de ses interrogations et avis, de ses expériences, des difficultés rencontrées à ce propos(1).

Thématiques à l’étude

Parmi les thématiques à l’étude, il est possible de retrouver, notamment, et sans classement spécifique :

– la gestion des saillies et des inséminations ;

– la récolte et le transfert éventuels des embryons ;

– le sexage et le diagnostic (génotypique) préimplantatoire des embryons (sexuel ou autre) ;

– l’utilisation des mères porteuses : achat ou location ;

– la qualité à ce propos des naisseurs et des éleveurs ;

– le sexage des fœtus ;

– les ventes d’embryons et de fœtus, à l’amiable, aux enchères ;

– les assurances possibles relatives à ces derniers ;

– les difficultés commerciales et fiscales liées aux transactions, internationales notamment ;

– les difficultés commerciales, fiscales et sanitaires liées aux transports, tant sur le plan national que dans un contexte d’import-export ;

– le transport des embryons, réfrigérés ou congelés, ou déjà réimplantés ;

– le transport des ovocytes, réfrigérés ou congelés, aux fins de fécondations in vitro ;

– la congélation pour stockage d’ovocytes et d’embryons, et ses conditions réglementaires sur le plan tant national qu’international ;

– la récupération d’ovocytes chez des juments venant de mourir pour tenter de produire via la fécondation in vitro des poulains “posthumes” ;

– l’identification et le recensement, qui pourraient devenir prénataux ;

– les responsabilités, individuelles ou professionnelles, qui sont engendrées par toutes les problématiques précitées ;

– les conséquences possibles nées des règlements transactionnels de conflits au travers des contrats d’assurance.

Il ne convient pas dans tous ces domaines de laisser seule la jurisprudence écrire le Droit.

Conclusion

De la sélection empirique à la génétique raisonnée, et de la génétique à une forme d’eugénisme coupable, dangereuse pour l’espèce équine et pour les races qui la composent, des pas peuvent être imprudemment franchis faute d’un encadrement adapté.

Dans le cadre d’une réflexion globale sur la reproduction équine, il est essentiel d’apporter une réponse claire et pérenne concernant le statut de l’embryon et du fœtus.

  • 1. Code civil, article 2 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015.
  • 2. Code rural et de la pêche martitime, article L 214-1.

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN