La jument gestante et la réglementation du transport - Ma revue n° 017 du 01/01/2017 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 017 du 01/01/2017

Fiche – Bien-être

Auteur(s) : Claudette Bruna

Fonctions : IFCE BP 207
Terrefort
49411 Saumur Cedex
claudette.bruna@ifce.fr

L’encadrement juridique du transport est régi par le règlement (CE) 1/2005 du 22 décembre 2004 entré en vigueur le 1er janvier 2007, relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes [3].

C’est une mesure de protection des animaux qui s’applique au transport des animaux vertébrés vivants réalisé par un opérateur économique, dans le cadre d’une activité économique :

– à l’intérieur de toute la Communauté européenne ;

– au départ de l’Union européenne à destination de pays tiers ;

– dès l’entrée dans l’Union européenne à partir de pays tiers.

Toutefois, les équidés sont fréquemment transportés pour des raisons non commerciales. Il est admis de déroger à certaines dispositions concernant le transport des chevaux enregistrés dans le cadre de compétitions, de courses, de manifestations culturelles ou d’élevage en raison de la nature de tels déplacements.

Sont aussi exclus de la notion d’activité économique les transports vers ou à partir d’un cabinet ou d’une clinique vétérinaire.

Le transport doit néanmoins être effectué conformément aux objectifs généraux de la réglementation.

Très peu de spécificités existent concernant la jument gestante, pour laquelle la mise en œuvre des exigences de confort et de sécurité est primordiale en raison de son état de fragilité, notamment dans le dernier tiers de la gestation.

Selon la distance et la durée du voyage, différentes obligations administratives sont applicables (tableau 1). Mais il convient toujours de respecter l’aptitude au transport des équidés, de répondre aux exigences de manipulation et de contention et aux conditions d’aménagement du véhicule (Encadré 1 et photo 1).

Aptitude au transport

L’aptitude au transport est soumise à l’obligation pour les équidés d’être à jour de leurs vaccins et identifiés (document d’accompagnement ou attestation provisoire et identification électronique).

Ne peuvent pas être transportés :

– les chevaux malades ou blessés (sauf si le transport n’occasionne pas de souffrances supplémentaires ou lors de déplacement vers ou à partir d’un cabinet ou d’une clinique vétérinaire) ;

– les chevaux incapables de bouger par eux-mêmes sans souffrir ;

– les chevaux tranquillisés (sauf dans les cas extrêmes) ;

– les femelles gravides qui ont dépassé 90 % de la période de gestation prévue ou celles qui ont mis bas au cours de la semaine précédente (sauf pour les équidés enregistrés en présence d’un convoyeur, si le transport vise à améliorer la santé et les conditions de bien-être à la naissance) ;

– les nouveau-nés, si l’ombilic n’est pas cicatrisé (sauf pour les équidés enregistrés : poulains nouveau-nés et jusqu’à 4 mois s’ils sont accompagnés de leur mère enregistrée, et présence d’un convoyeur ; ils voyagent alors sans séparation). Ainsi, une jument gestante peut être considérée comme apte au transport jusqu’à presque 10 mois de gestation, en dehors d’un déplacement vers une clinique vétérinaire.

Quand il intervient dans le cadre d’une certification pour les échanges ou les exportations, ou dans un point d’arrêt, le vétérinaire reste décisionnaire de l’aptitude de la jument gestante de moins de 10 mois à supporter le voyage, dans l’intérêt de la mère et du futur poulain car, selon leur valeur, le propriétaire est plus ou moins sensible aux risques liés au transport.

Manipulation et contention

La notion de bien-être pendant le transport est une composante du règlement conformément aux cinq besoins fondamentaux indispensables au bien-être d’un animal selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) [4].

Plusieurs recommandations sont données (Encadré 2).

Lors de la manipulation et des déplacements des animaux, les réactions non prévisibles doivent être évitées. Les personnels en charge des équidés pendant le transport, mais aussi au chargement et au déchargement doivent avoir été formés et/ou avoir les compétences requises à cet effet, et s’acquitter de ces tâches sans recourir à la violence ou à des méthodes susceptibles d’effrayer inutilement les animaux ou de leur infliger des blessures ou des souffrances inutiles.

Moyens de transport et équipements adaptés

Les conditions générales d’aménagement du véhicule sont définies dans la réglementation [3]. En fonction de la durée du voyage, des équipements complémentaires sont demandés.

Tous les moyens de transport doivent au minimum :

– éviter les blessures et les souffrances, et assurer la sécurité des animaux (pas d’arêtes dangereuses) ;

– protéger les animaux contre les intempéries, les températures extrêmes et les variations météorologiques défavorables ;

– pouvoir être facilement nettoyés et désinfectés ;

– empêcher que les équidés ne chutent ou ne s’échappent ;

– disposer de cloisons de séparation entre les équidés qui résistent aux mouvements ;

– être suffisamment solides pour supporter le poids des animaux ;

– être conçus de manière à permettre des manœuvres rapides et faciles ;

– disposer d’une aération suffisante en qualité et en quantité ;

– posséder un plancher antidérapant ;

– être étanches (plancher et cloisons) ;

– avoir une luminosité suffisante afin de permettre l’inspection des animaux en cours de transport et les soins éventuels ;

– procurer un espace suffisant aux animaux ;

– offrir une litière adaptée ou dont la matière garantisse le confort et convienne à la durée du voyage et aux conditions climatiques (recommandation) ;

– avoir une hauteur minimale interne des compartiments (75 cm au-dessus du garrot de l’animal le plus grand) ;

– posséder une signalétique afin de prévenir les conducteurs des véhicules qui suivent le convoi.

La réglementation impose de disposer d’une signalétique indiquant le transport d’animaux vivants à l’arrière du camion ou du van, ou, à défaut, d’une mention « Attention chevaux » ;

– si les véhicules possèdent plusieurs ponts, il convient de charger les équidés sur le pont inférieur, et en aucun cas sur le pont supérieur ;

– ne pas mélanger des espèces différentes.

Chargement et déchargement

Des protections latérales (ridelles) doivent être prévues afin d’éviter que les animaux ne s’échappent dans les phases de chargement et de déchargement.

D’éventuelles barrières ajourées doivent être adaptées afin de prévenir les accidents.

La pente des rampes (inclinaison maximale) est aussi réglementée :

– si elle est supérieure à 10°, soit 17,6 % par rapport à l’horizontale, elle doit être pourvue d’un système, tel que des lattes transversales, qui permette aux animaux de grimper ou de descendre sans danger ou sans difficulté ;

– les pentes supérieures à 20 % sont interdites.

Le respect de ces mesures de protection à l’embarquement est particulièrement important pour les juments gestantes dont l’équilibre et la locomotion peuvent être modifiés par le poids du poulain (photo 2).

Voyages de longue durée

Des dispositions supplémentaires existent lors de voyages d’une durée supérieure à 8 heures. Le camion ou le van doit alors disposer :

– d’un toit clair et isolé ;

– d’une litière adaptée ou dont la matière permette de garantir le confort et convienne à la durée du voyage et aux conditions climatiques (obligatoire) ;

– d’une porte d’accès aux animaux afin de pouvoir leur donner de la nourriture et les abreuver pendant le transport ;

– d’un système de géolocalisation qui permette d’enregistrer le positionnement, les ouvertures/fermetures des volets de chargement (ce point n’est pas obligatoire pour les équidés enregistrés) ;

– d’un système de ventilation qui fonctionne au moins 4 heures indépendamment du moteur du véhicule et permette de maintenir une température entre – 5 °C et + 30 °C (plus ou moins 5 °C), en marche ou à l’arrêt avec un flux d’air d’une capacité nominale de 60 m3/h/KN de charge utile (1 KN = 100 kg) ;

– d’un système de contrôle et d’enregistrement de la température qui alerte le conducteur si celle-ci atteint la limite minimale ou maximale.

Dans la mesure où les juments gestantes peuvent faire des voyages de longue durée, notamment par la route, les éléments de confort thermique et de litière sont particulièrement importants.

Pour exemple, des lots importants de juments de races de course dont certaines gestantes ont été expédiées en 2012 et en 2013 en Lybie via la Tunisie depuis l’ouest et le nord de la France, par transport routier jusqu’au port de Marseille, puis par la mer et à nouveau par la route. Il est à espérer que le convoi avait respecté le règlement européen.

Densités

Aucune préconisation spécifique n’existe pour les juments gestantes concernant les densités maximales de chargement lors du transport routier d’équidés domestiques.

Toutefois, les espaces disponibles pour les animaux doivent être au minimum conformes à certaines données chiffrées (tableau 2). Ces chiffres peuvent varier de + 10 % pour les chevaux adultes et les poneys et de + 20 % pour les jeunes chevaux et les poulains, en fonction du poids et de la taille des individus, mais aussi de leur état physique, des conditions météorologiques et de la durée probable du trajet.

Pour d’autres espèces d’élevage, il est prévu d’augmenter la surface attribuée à chaque animal en état de gestation, soit 10 % de surface supplémentaire pour les vaches gestantes, et une surface déterminée pour les brebis et les chèvres en état de gestation avancé, lors des transports par voie ferrée et par la route. Il n’est rien prévu de tel pour les équidés.

Pour les transports par le train, par les airs ou par la mer, des densités spécifiques sont prévues [3].

Le respect des densités ne garantit pas celui du poids total autorisé en charge.

Pour certains véhicules et certaines espèces, la surdensité des animaux se traduit fréquemment aussi par une surcharge (infraction = l’immobilisation du véhicule).

Intervalles d’abreuvement, d’alimentation, de pause et de repos

En fonction de l’âge et de la durée du transport, les intervalles de pause et de repos sont différents (figure).

Sanctions

Les sanctions varient selon l’infraction et le montant des contraventions est défini comme suit :

– 450 € au plus pour les contraventions de la troisième classe ;

– 750 € au plus pour les contraventions de la quatrième classe [1].

S’il s’agit d’un délit pénal, l’infraction est punie d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende [2].

CONFLIT D’INTÉRÊTS : AUCUN

ENCADRÉ 1 : DÉFINITIONS À CONNAÎTRE

• Équidés domestiques : chevaux, poneys, ânes et hybrides (mule, bardot).

• Équidés enregistrés : équidés qui appartiennent à un stud-book et d’origines constatées (OC) et qui sont gérés en vue de la compétition, de courses, de manifestations culturelles ou d’élevage.

• Équidés d’élevage et de rente : équidés d’origines non constatées (ONC) et constatées (OC), y compris ceux qui appartiennent à un stud-book de races de travail et de loisirs.

Si le transport n’est pas à destination d’un abattoir :

– en France : les considérer comme des équidés enregistrés ;

– à destination d’un pays étranger : la réglementation à appliquer est différente selon le motif du déplacement et le pays tiers (carnet de route, exigences sanitaires).

• Équidés de boucherie : équidés domestiques destinés à être menés à l’abattoir, soit directement, soit après passage dans un marché ou un centre de rassemblement agréé. Pour ces animaux, il n’existe aucune dérogation.

• Voyage : ensemble de l’opération de transport, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination, y compris le déchargement, l’hébergement et le chargement aux points intermédiaires du voyage. Une pause de 48 heures est nécessaire pour qu’il y ait deux voyages. Deux trajets (aller-retour) pour une compétition ou vers un centre d’insémination artificielle constituent un seul voyage.

• Voyage de longue durée : voyage de plus de 8 heures à compter du moment où le premier animal du lot est déplacé.

• Lieu de départ : lieu où l’animal est chargé en premier lieu sur un moyen de transport, pour autant qu’il y ait été hébergé pendant 48 heures au moins avant l’heure du départ.

Les centres de rassemblement agréés conformément à la législation vétérinaire communautaire peuvent être considérés comme des lieux de départ :

– si la distance parcourue entre le premier lieu de chargement et le centre de rassemblement est inférieure à 100 km ;

– ou que les animaux disposent d’une litière suffisante, qu’ils y sont détachés, si possible, et qu’ils y reçoivent un approvisionnement en eau durant 6 heures au moins avant l’heure du départ du centre de rassemblement.

• Lieu de destination : lieu où un animal est déchargé d’un moyen de transport :

– et hébergé pendant 48 heures au moins avant l’heure du départ suivant ;

– ou abattu.

• Lieu de repos ou de transfert : tout lieu d’arrêt au cours du voyage qui n’est pas un lieu de destination, y compris celui où les animaux ont changé de moyen de transport en étant ou non déchargés.

• Centres de rassemblement : lieux, tels que les exploitations, les centres de regroupement et les marchés, dans lesquels sont rassemblés des équidés domestiques en vue de la constitution de lots [3].

ENCADRÉ 2 : RECOMMANDATIONS DE MANIPULATION ET DE CONTENTION

• Manipuler les équidés avec ménagement.

Il est interdit :

– de les frapper, de leur donner des coups de pied ;

– d’exercer des pressions sur les zones très sensibles du corps ;

– de les suspendre par des moyens mécaniques ;

– de les soulever ou de les traîner par une partie du corps (tête, oreilles, pattes, queue, etc.) ;

– de recourir à des éléments pointus, à des aiguillons, etc. ;

– de faire volontairement obstruction au passage d’un animal qui est guidé ou emmené.

• Minimiser l’excitation (par exemple, ne pas séparer la jument de son poulain).

• Garantir la sécurité des équidés (par exemple, séparer les individus hostiles les uns envers les autres, ou susceptibles de l’être, etc.).

• Veiller à la coordination du personnel [3].

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