Fiche – Post-partum
Auteur(s) : Charlotte Degien
Fonctions : Cabinet vétérinaire
des Cigognes,
rue de la Loire,
44360 Cordemais
L’évaluation du placenta après le poulinage est nécessaire pour s’assurer de l’expulsion de la totalité des annexes fœtales. Elle doit être concomitante du reste de l’examen de la jument et tenir compte de l’anamnèse. Témoin direct du déroulement de la gestation, son examen apporte aussi de nombreuses informations concernant l’état de santé de la mère et du poulain.
L’allantochorion, reflet de l’endomètre de la jument, peut également donner des indications sur les capacités reproductrices de la jument et inciter à l’évaluation gynécologique renforcée post-partum avant une éventuelle remise à la reproduction.
Le placenta de la jument est de type épithéliochorial diffus, c’est-à-dire que l’épithélium de l’allantochorion, tapissant la surface interne de l’utérus, est régulièrement imbriqué dans l’endomètre maternel par de très nombreux cotylédons, richement vascularisés au sein de cryptes ou de microcaroncules, qui permettent les échanges nutritifs et gazeux entre les sangs maternel et fœtal [1, 5].
Chez la jument, aucune attache n’existe entre l’allanto-amnion, la membrane opaque qui enveloppe le poulain et l’allantochorion. Le fœtus, entouré par l’allanto-amnion, flotte librement dans le liquide allantoïdien. Cette grande mobilité lui est permise au début de la gestation jusqu’à ce que sa croissance en limite les mouvements (figure).
L’étoile cervicale est la partie du placenta en apposition avec le col de l’utérus, pâle et dépourvue de microvillosités (photo 1) [3, 4].
La placentation ne débute qu’à partir de 40 à 45 jours de gestation. La mise en place de la structure materno-fœtale qu’est le placenta est très progressive.
Un phénomène unique dans la placentation des équidés est le développement en début de gestation des cupules endométriales. Vers le 25e jour de gestation, des cellules périphériques du trophoblaste subissent des modifications particulières : ces cellules sont localisées le long d’une bande qui forme un anneau circulaire autour de la vésicule, formant le “chorionic girdle” (ceinture chorionique), en regard de la zone d’apposition entre l’allantoïde en plein développement et le sac vitellin en cours de régression [2].
Ces cellules trophoblastiques spécialisées envahissent ensuite l’épithélium utérin, au 38e jour de gestation. Les cellules détachées migrent jusque dans la lamina propria de l’endomètre et deviennent plus volumineuses jusqu’à former les cupules endométriales. Ces dernières atteignent leur taille maximale vers le 70e jour de gestation et disparaissent totalement au 130e jour (elles se détachent et dégénèrent). Les cupules endométriales participent à la formation des corps jaunes supplémentaires (secondaires et accessoires), via la production hormonale d’eCG (equine chorionic gonadotropin) (encadré 1).
Les annexes fœtales sont normalement expulsées dans les 30 minutes après le part, et dans un délai maximal de 3 heures [5]. Un véritable caractère d’urgence existe si la délivrance ne se déroule pas dans les 6 heures qui suivent(1).
Un examen systématique du placenta après son expulsion est recommandé, pour vérifier qu’il est complet et qu’aucun fragment n’est resté dans l’utérus. Une inspection minutieuse de la totalité de la surface des annexes fœtales expulsées est requise afin de s’assurer de l’absence d’une partie même infime de placenta [2].
Il est possible de remplir ces annexes avec de l’eau pour faciliter l’examen du placenta et juger de son intégrité [2].
L’évaluation du placenta commence par une pesée précise, une fois les gros débris enlevés. Son poids est environ 10 à 11 % de celui du fœtus. Des indices importants peuvent ainsi être obtenus sur la formation éventuelle d’un œdème, par exemple, celui-ci étant lié à des altérations pathologiques et faisant augmenter le poids du placenta.
Ensuite, chaque partie est examinée et les anomalies sont notées (tableau et photos 2a et 2b).
Le placenta est posé sur une surface plane, avec une bonne luminosité, et disposé en forme de F, afin d’examiner le corps et les deux cornes. La portion verticale du F correspondant au corps de l’utérus se termine en bas par l’étoile cervicale. Les cornes utérines sont représentées par les deux bras du F, le bras supérieur plus large et plus épais indiquant la corne gravide [5].
Selon une autre méthode, le placenta est placé de façon à visualiser un renflement entre le corps et la corne gravide, correspondant à la déviation ventrale de cette dernière.
Lors de l’examen initial, l’allantochorion est “à l’envers” : la surface chorionique (au contact de l’utérus) est à l’intérieur, alors que la surface allantoïdienne est à l’extérieur, la première avec une apparence de “velours” et de couleur rouge à brun, la seconde, claire, nacrée et lisse (photos 3 et 4) [6]. En effet, le poulain, toujours enveloppé dans l’amnios, déchire et traverse l’allantochorion, avançant vers le col de l’utérus et le vagin. Il passe ensuite par l’étoile cervicale, tout en tirant la face interne du placenta par le cordon ombilical.
Une fois que l’allantoïde est remis à l’extérieur, la présence de trous ou d’anomalies peut être notée plus facilement. Les deux extrémités des cornes (gravide et non gravide) doivent être présentes dans leur intégralité : c’est la meilleure façon de vérifier qu’aucun fragment n’est resté dans l’utérus.
La corne non gravide (plus mince et souvent moins œdématiée) est contrôlée attentivement car c’est souvent une petite portion de son extrémité qui est retenue lors de non-délivrance.
Ensuite, le placenta doit être retourné afin d’exposer la surface chorionique.
La couleur et la texture des différentes structures sont observées : un épaississement, une décoloration partielle ou globale de la corne gravide sont des indicateurs diagnostiques d’un avortement, par exemple [6].
La membrane de l’amnios est évaluée par rapport à sa texture, à sa couleur et à son uniformité.
Physiologiquement, il est blanc et translucide avec de petits vaisseaux fins sans épaississement ni œdème (photo 5).
Une rupture de l’allanto-amnion indique une perforation liée aux mouvements du fœtus ou à un traumatisme externe.
La longueur et le degré de torsion du cordon ombilical sont évalués. Dans 95 % des cas, il mesure entre 32 et 84 cm [6].
Il doit être vérifié si des perturbations vasculaires, des torsions ou des hémorragies se sont produites (photo 6). Lorsque des indicateurs pathologiques sont détectés dans le cordon ombilical, le poulain nouveau-né est considéré comme à risque (complications neurologiques et métaboliques probables).
Il est possible de trouver un hippomane dans la cavité allantoïdienne. Ce dérivé de l’accumulation de débris des fluides présents est formé de dépôts répétés. Ce n’est pas un repère systématique. Il n’est pas significatif de la présence d’une maladie. Sa consistance est celle du caoutchouc, il est de couleur verdâtre à marron et sa surface est lisse.
La quantité de fluides placentaires est à évaluer : une trop grande abondance est significative d’affections (hydropisie des enveloppes fœtales). L’estimation est réalisée au moment du part plutôt qu’après le poulinage. Physiologiquement, entre 3 et 8 l de liquide peuvent être retrouvés [6].
La couleur des liquides fœtaux est appréciée. Si elle est anormale, elle peut être significative de détresse fœtale. Cette interprétation est alors utile au moment du part.
Lorsque le praticien n’est pas sur place au moment de la mise bas, il doit conseiller aux éleveurs de conserver l’intégralité du placenta expulsé afin de le vérifier au moment de la visite postnatale (encadré 2). Il peut aussi apprendre à l’éleveur à distinguer un placenta normal d’un placenta anormal.
Il est recommandé de conserver le placenta pour d’éventuelles analyses demandées par le client.
Lorsque des anomalies du placenta sont observées, des prélèvements doivent toujours être réalisés. Si tout le placenta ne peut être envoyé, les sections nécessaires à l’analyse histologique sont :
– l’allantochorion : un fragment de corne gravide, un autre de la corne non gravide et un dernier du corps ;
– une partie représentative de l’amnios, avec, par exemple, une décoloration, un œdème, des zones hémorragiques ou des inclusions anormales ;
– un fragment de cordon ombilical.
Une analyse bactériologique peut être réalisée sur un échantillon d’exsudat récupéré aussi de façon aseptique.
(1) Voir l’article “Gestion d’une rétention placentaire chez la jument” de L. Mangold, dans ce numéro.
(1) Fiche technique élaborée par le Dr Antoine Lechartier (Clinique équine de Méheudin) d’après le poster “Préparation d’un pansement naturel” du Dr Marotti Campi, Al Khaledia Equine Hospital, 2016.
AUCUN
Le corps jaune primaire, situé au niveau ovarien, sécrète de la progestérone de manière progressive et augmente sa production entre le 35e et le 40e jour de gestation, avant que ne survienne la sécrétion supplémentaire des corps jaunes secondaires.
Tous les corps jaunes dégénèrent et deviennent totalement inactifs vers 150 jours. Le placenta assure alors seul la sécrétion progestative jusqu’à la mise bas.
L’allanto-amnion possède des potentialités qui peuvent être exploitées dans tout autre contexte. Dès le poulinage, tout ou partie de cette membrane peut être récupérée, nettoyée, réfrigérée, découpée et préparée de manière stérile pour réaliser des amniogreffes(1). Congelé pour la conservation, l’allanto-amnion peut être ensuite utilisé comme pansement sur des plaies atones et profondes ou sur des escarres (photo 7).