Les défauts héréditaires dans la race blanc bleu belge - Le Point Vétérinaire expert rural n° 339 du 01/10/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 339 du 01/10/2013

GÉNÉTIQUE BOVINE

Fiche

Auteur(s) : Arnaud Sartelet

Fonctions : Unité de génomique animale,
Faculté de médecine vétérinaire & GIGA-R,
Université de Liège, Belgique

Cette fiche présente les tableaux cliniques et les données épidémiologiques (fondateurs, fréquences de chaque mutation) et génétiques (cartographie, gènes et mutations causales) de chaque maladie.

Actuellement, sept défauts génétiques ayant un mode de transmission autosomal récessif ont été identifiés dans la race blanc bleu belge (BBB) et la mutation a été caractérisée pour six d’entre eux (tableau).

Dystonies musculaires congénitales de types 1 et 2

Dans les années 1990, deux entités relativement similaires au niveau de leurs phénotypes ont émergé :

– la dystonie musculaire congénitale (DMC) de type 1 (DMC 1), également nommée “veau SMA” (Spinal Muscular Atrophy), se caractérise dès la naissance par une raideur généralisée déclenchée par un stimulus externe et une chute caractéristique sur le flanc, sans flexion des membres, appelée “veau planche” (vidéo complémentaire 1 sur www.WK-Vet.fr) [1]. En l’absence de stimulus, le veau présente une démarche raide, une fatigabilité accrue après un déplacement et des troubles de la déglutition. Ce défaut est létal en quelques mois, principalement à la suite d’une bronchopneumonie par fausse déglutition ;

– la DMC de type 2 (DMC 2), communément appelée par les éleveurs “veau électrique”, se caractérise par l’apparition de crises tétaniformes (similaires à une intoxication à la strychnine) à la suite d’un stimulus externe (photo 1 et vidéo complémentaire 2 sur www.WK-Vet.fr) [1]. Ce défaut est létal dans les jours qui suivent la naissance.

Syndrome de la queue tordue

Entre novembre 2006 et novembre 2007, une centaine de veaux présentant une attache haute et une déviation de la queue (syndrome de la queue tordue : SQT) ont été déclarés à la cellule d’hérédo-surveillance. Une analyse phénotypique complète a principalement identifié un retard de croissance significatif, une musculature exacerbée, une tête courte et trapue et des défauts d’aplomb (droit ou long jointé) (photos 2a et 2b et vidéo complémentaire 3 sur www.WK-Vet.fr). Une parésie spastique des membres postérieurs, des membres antérieurs courts et en extension et une scoliose sont présents chez certains veaux (photos 2c et 2d). Cette tare n’est pas létale, mais dans 25 % des cas le veau n’est pas viable et l’euthanasie est préconisée. Un test diagnostique a dénombré 25 % de porteurs. Cette fréquence élevée a permis de suspecter que la mutation conférait un avantage sélectif aux hétérozygotes.

Les cotations linéaires (système utilisé pour évaluer la morphologie des taureaux reproducteurs et leur descendance) des différents phénotypes évalués dans le cadre du programme de sélection mis en place dans la race BBB ont été comparées chez les porteurs et les non-porteurs. Celles évaluant la musculature étaient significativement plus élevées chez les porteurs. En revanche, les cotations relatives aux aplombs et à la taille étaient significativement plus faibles. Ainsi, la sélection intensive menée sur la musculature au détriment de la taille et des aplombs explique, en partie, la sélection balancée (des hétérozygotes) de cette mutation et le taux élevé de porteurs dans la population.

De plus, 18 veaux issus de deux taureaux testés non homozygotes pour la délétion de deux paires de bases dans le gène MRC2 et présentant des symptômes identiques à ceux du SQT ont été recensés par la cellule d’hérédo-surveillance entre novembre 2009 et mars 2010. Une seconde mutation, une substitution, au niveau du gène MRC2 a été identifiée [5]. Elle aurait été sélectionnée par les éleveurs pour son amélioration de la musculature chez les porteurs. Les 18 veaux étaient des hétérozygotes composés (portant la délétion 2 bp sur l’une des copies du gène et la substitution sur l’autre copie). La fréquence dans la population BBB de cette seconde mutation est inférieure à 0,3 %.

Nanisme proportionné

Depuis 2008, 243 individus de plus de 6 mois présentant un retard de croissance significatif d’environ 15 % sans modification des proportions ni raison particulière ont été recensés par la cellule (photo 3). Une mutation, expliquant 40 % de ces cas de retard de croissance a été identifiée. Le test diagnostique a estimé un taux de porteurs d’environ 25 %. Cependant, la fréquence élevée de la mutation est incompatible avec le faible nombre de cas de retard de croissance. Une sélection naturelle contre les mutants peut dès lors être suspectée. Une étude rétrospective, évaluant l’effet de l’utilisation de taureaux porteurs sur le taux de non-retours, la mortalité, la morbidité et la réforme précoce des veaux, n’a pas vérifié cette contre-sélection. Une étude prospective à partir d’une centaine d’accouplements porteur-porteuse dans une vingtaine de fermes a été réalisée. À la naissance, il n’existe aucune différence avec les proportions mendéliennes attendues. Après un an, 10 veaux sont morts à la suite d’une inflammation sévère et 8 ont été réformés précocement. Un seul n’était pas homozygote pour la mutation. De plus, chez les veaux vivants, nous avons démontré que la mutation, à l’état homozygote, a un effet négatif hautement significatif sur la croissance après l’âge de 6 mois, cela comparativement aux individus porteurs ou non porteurs [4].

Hamartome gingival et ostéopétrose

L’année 2008 a vu l’émergence de veaux présentant à la naissance une masse au niveau de la mandibule. Soixante-huit veaux ont été examinés et la plupart d’entre eux étaient prématurés (gestation comprise entre 210 et 260 jours), mort-nés, de petite taille (25 à 40 kg) et atteints d’hydropisie abdominale (photo 4a). Chez tous les veaux, du brachygnatisme, une tête courte et large (tête de mouton) et une protrusion de la langue ont été notés. Dans 80 % des cas, un hamartome vasculaire de 1 à 15 cm de diamètre a été observé au niveau de la mandibule, principalement constitué d’endothélium vasculaire et de sang. La plupart des veaux sont morts à la naissance. Chez les quelques veaux vivants, une cécité centrale a été mise en évidence et ils ont dû être euthanasiés. Les mères présentaient également une hydropisie des membranes fœtales et, dans 50 % des cas, une réforme précoce, voire la mort, a fait suite aux complications postcésariennes, augmentant les pertes liées à ce défaut. Après la découverte de la mutation, du rôle de ce gène et de son implication chez l’homme et chez la souris dans l’ostéopétrose, un examen des os des cas d’hamartome a confirmé une ostéopétrose chez tous les cas (photo 4b).

Le syndrome d’arthrogrypose létale

En 2009, la cellule d’hérédo-surveillance a été contactée par des éleveurs et des vétérinaires à propos de l’émergence de veaux nouveau-nés présentant une forme d’arthrogrypose généralisée létale dans 100 % des cas dans les minutes qui suivaient le vêlage. L’examen nécropsique de 26 cas a mis en évidence de l’arthrogrypose généralisée associée à de la macroglossie et un défaut d’éruption dentaire, et, dans une proportion variable de cas, une fente palatine et/ou labiale, un omphalocèle et une opacification de la cornée (photos 5a à 5d). Une hydropisie des membranes fœtales a été observée chez une majorité des mères, qui peut conduire à une réforme précoce, augmentant les pertes liées à ce défaut.

La gestation prolongée

Les premiers cas de gestation prolongée (GP) en race BBB ont émergé dans les années 1990, mais c’est seulement en 2008 que l’autopsie de 2 veaux nés après 340 jours de gestation a identifié une hypoplasie de l’adénohypophyse comme étant à l’origine de ce défaut de déclenchement du part (photo 6a) [2]. Depuis 2007, 72 veaux nés après une gestation prolongée ont été renseignés, collectés et autopsiés, confirmant les observations précédentes. La gestation peut durer 15 mois. Les veaux sont mort-nés ou meurent dans les minutes qui suivent le vêlage dans 100 % des cas. Ils sont osseux avec de longs membres, de longs poils, une croissance exagérée des onglons et une longue tête avec un chanfrein busqué (tête de poulain) (photo 6b). Lorsque la GP est confirmée, des complications post-césariennes sont fréquemment observées : une rétention d’arrière-faix, une métrite et une péritonite peuvent compromettre l’avenir de la mère et augmenter les pertes économiques liées à la GP.

Références

  • 1. Charlier C, Coppieters W, Rollin F et coll. Highly effective SNP-based association mapping and management of recessive defects in livestock. Nat. Genet. 2008;40:449-454.
  • 2. Cornillie P, Van den Broeck W, Simoens P. Prolonged gestation in two Belgian blue cows due to inherited adenohypophyseal hypoplasia in the fetuses. Vet. Rec. 2007;161:388-391.
  • 3. Fasquelle C, Sartelet A, Li W et coll. Balancing selection of a frame-shift mutation in the MRC2 gene accounts for the outbreak of the Crooked Tail Syndrome in Belgian Blue Cattle. PLoS Genet. 2009;5:e1000666.
  • 4. Sartelet A, Druet T, Michaux C et coll. A splice site variant in the bovine RNF11 gene compromises growth and regulation of the inflammatory response. PLoS Genet. 2012;8:e1002581.
  • 5. Sartelet A, Klingbeil P, Franklin CK et coll. Allelic heterogeneity of Crooked Tail Syndrome: result of balancing selection? Anim. Genet. 2012;43:604-607.
  • 6. Sartelet A, Stauber T, Coppieters W et coll. A missense mutation accelerating the gating of the lysosomal Cl–/H+ exchanger ClC-7/Ostm1 causes osteopetrosis with gingival hamartomas in cattle. Soumis pour publication.
  • 7. Sartelet A, Li W, Pailhoux E et coll. A splice-acceptor site variant in the bovine PIGH gene causes glycosylphosphatidyl inositol deficiency and lethal arthrogryposis syndrome. En préparation.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ PHOTO
Syndrome de la queue tordue

Hamartome gingival

Arthrogrypose létale

Gestation prolongée

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