Comparaison de deux méthodes d’identification bactérienne en clientèle - Le Point Vétérinaire expert rural n° 335 du 01/05/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 335 du 01/05/2013

ISOLEMENT DES AGENTS DE MAMMITES

Article original

Auteur(s) : Ellen Schmitt-van de Leemput*, Nicolas Gaudout**, Olivier Samson***, Daniel Lhuillier****, Guillaume Lhermie*****

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Haute-Mayenne,
1, rue Pasteur 53700 Villaines-la-Juhel
**Clinique vétérinaire Haute-Mayenne,
1, rue Pasteur 53700 Villaines-la-Juhel
***Clinique vétérinaire Haute-Mayenne,
1, rue Pasteur 53700 Villaines-la-Juhel
****Clinique vétérinaire Haute-Mayenne,
1, rue Pasteur 53700 Villaines-la-Juhel
*****Vétoquinol, 34, rue du Chêne-St-Anne, BP 189,
70204 Lure Cedex

Avec VétoRapid®, une seule gélose est ensemencée, laissée incubée à 24 heures et lue sans ajouter de réactif.

Dans les élevages laitiers, les infections mammaires représentent l’affection la plus fréquemment rencontrée et constituent la première source d’utilisation d’antibiotiques. Connaître l’identité des agents pathogènes en cause permet de concevoir des stratégies de traitement et de prévention adaptées à l’élevage.

Plusieurs méthodes d’identification des bactéries à tropisme mammaire sont décrites, dont la bactériologie et la polymerase chain reaction (PCR) [2]. Elles ont un prix de revient élevé et le délai de réponse est long. Elles sont sous-utilisées et les protocoles préventifs et curatifs sont mis en place d’une manière probabiliste.

Différentes méthodes visant à répondre plus rapidement à la demande des intervenants de la filière ont été développées et décrites [3]. Avec VétoRapid® (Vétoquinol, France), par exemple, le lait est ensemencé sur trois milieux gélosés spécifiques intégrés dans une même boîte de Pétri. La lecture est réalisée après 24 heures d’incubation ; l’identification des agents pathogènes majeurs de la mamelle est obtenue sans aucun test supplémentaire (figure). Simplicité, rapidité et prix sont les éléments mis en avant pour ce test.

Peu de données sont toutefois disponibles sur la sensibilité et la spécificité de VétoRapid®. Nous l’avons étudié, comparativement à une autre méthode de bactériologie simplifiée adaptée à l’utilisation en clientèle en France [3].

ESSAI COMPARATIF

Des souches de bactéries ont été sélectionnées, isolées de lait issu de vaches atteintes de mammites cliniques ou subcliniques.

Quatre groupes d’espèces bactériennes considérées comme prédominantes dans les élevages français ont étés retenus : Escherichia coli (n = 15), Staphylococcus aureus (n = 15), Staphylococcuscoagulasenégative (SCN, n = 15), et Streptococcus uberis (n = 15).

Les souches ont étés décongelées et remises en culture sur gélose au sang (Columbia) afin de vérifier leur pureté et la conservation des caractères de l’espèce.

Les bactéries ont ensuite été diluées (0,5 McFarland, soit environ 1,5 x 108 UFC/ml(1)) dans du lait stérilisé UHT (ultra-haute température).

Chaque souche a été mise en culture selon les deux méthodes bactériologiques testées.

Pour la bactériologie classique, trois géloses ont été ensemencées avec 10 µl du lait à l’aide d’une öse(2) : COS (Columbia + 5 % de sang de mouton), ANC (acide nalidixique et colimycine), BCP (gélose lactosée au bromocrésol pourpre).

Pour le test VétoRapid®, les trois compartiments de la gélose ont été entièrement humidifiés avec un écouvillon stérile, imprégné avec l’échantillon de lait. La lecture des géloses a été effectuée après 24 heures d’incubation à 37 °C. Elle a été réalisée en aveugle (le lecteur ne connaît pas l’espèce bactérienne ensemencée) et par deux lecteurs différents. Le temps de travail nécessaire à la lecture de toutes les géloses a été chronométré et enregistré pour chacune des méthodes. Si une seconde incubation avait été nécessaire (exemple : esculine), le chronomètre aurait été stoppé pendant ce temps.

En cas de discordance des résultats entre les deux lecteurs ou entre les deux tests, un test PCR (PathoProof® version 12 agents pathogènes, ThermoFischer) est réalisé et le résultat obtenu tient lieu de référence (Gold standard).

RÉSULTATS

1. Identification

→ Aucune discordance n’a été constatée entre les résultats d’identification de chaque lecteur, ni pour la méthode de bactériologie classique, ni pour VétoRapid®.

→ 58 souches sur 60 ont été identifiées de la même façon avec les deux méthodes (tableau 1). Parmi les deux “discordances”, une souche a été identifiée, comme E. coli par la méthode de bactériologie classique, et, commeautre coliforme par la méthode VétoRapid®. La PCR a identifié E. coli. Une autre souche a été identifiée, S. aureus par la méthode de bactériologie classique, et, comme SCN par VétoRapid®. La PCR a confirmé un SCN.

2. Observations complémentaires des lecteurs avec VétoRapid®

→ L’ensemble des souches d’E. coli sélectionnées ont pu être cultivées sur le secteur de gélose VétoRapid® qui est sélectif Gram-.

Dans plusieurs cas (n = 10 sur 15, soit 67 %), les bactéries Gram– ont poussé dans d’autres secteurs que le compartiment 1 : des colonies de bactéries étaient aussi présentes dans le secteur 2 (staphylocoques), avec virement de la couleur de la gélose du rose vers le jaune (colonies incolores).

→ De même, la totalité des souches de staphylocoques ont pu être identifiées sur le secteur spécifique. Une souche de SCN (6 %) a poussé non seulement dans le secteur 2 (staphylocoques), mais aussi dans le 3 (streptocoques). Cette croissance s’est accompagnée d’un virement de la gélose au noir.

Pour trois souches de S. aureus, une croissance dans les secteurs 2 et 3 a été observée (photo). Dans le compartiment 2, la couleur de la gélose a viré du rose au jaune, tandis que les colonies sont restées incolores (et non jaunes). La gélose dans le secteur 3 a viré au noir.

→ La totalité des souches de streptocoques a poussé exclusivement sur le secteur spécifique streptocoque.

3. Temps de lecture

Les temps de lecture corrigés (c’est-à-dire auxquels ont été soustraits des temps d’incubation et les éventuelles pauses) des deux opérateurs ont étés relevés et la moyenne des deux calculée (tableau 2).

La lecture de VétoRapid® est environ trois fois plus rapide que la lecture d’une bactériologie classique. En moyenne, 22 minutes sont nécessaires pour identifier les 60 bactéries par VétoRapid®, contre 59 minutes pour l’identification par la bactériologie classique.

DISCUSSION

Un des freins sur le terrain pour multiplier le recours à l’identification d’agents pathogènes responsables d’infections mammaires est le coût des méthodes de diagnostic existantes et le temps trop long pour obtenir un résultat. VétoRapid®, test simple, rapide et d’un coût raisonnable (32,47 HT pour 5 géloses) est une solution alternative possible.

1. Fiabilité

Comparé à une méthode de bactériologie classique mais “simplifiée” et largement répandue en pratique vétérinaire en France, VétoRapid® a permis d’identifier correctement la plupart des souches testées (59 sur 60) [3]. E. coli, S. aureus,SCNet S. uberis sont responsables d’environ 90 % des infections mammaires en France [1]. Selon le mode d’emploi du test, S. dysgalactiae, S. agalactiae et plusieurs groupes de coliformes peuvent également être identifiés avec VétoRapid®. En revanche, des micro-organismes comme Mycoplasma bovis, Corynebacterium sp. et les levures ne peuvent pas l’être.

2. Simplicité, rapidité

Le test est facile à mettre en œuvre. Il ne nécessite aucune réaction ni test supplémentaire, contrairement à la bactériologie classique. La simple lecture de la gélose, après ouverture de la boîte, permet de conclure sur l’identité de la bactérie. Le temps de lecture est considérablement diminué, même s’il reste un facteur temps d’incubation incompressible. Dans l’essai décrit dans cet article, le temps de lecture pour VétoRapid® est réduit de 63 % en moyenne par rapport à la bactériologie classique.

3. Des secteurs prioritaires

À la suite de remarques de lecteurs, il serait souhaitable que soit mentionné sur le mode d’emploi une croissance possible des bactéries “hors” secteur. Dans l’étude, 14 souches sur 60 (23 %) ont poussé sur plusieurs secteurs : les E. coli dans les compartiments 1 et 2, les SCN et les S. aureus dans les 2 et 3. Il s’agit donc de secteur prioritaire plutôt quesélectif.

Autre complication d’interprétation : il existe des S. aureus (trois dans l’étude) qui font changer la couleur de la gélose de secteur 2 du rose au jaune, mais les colonies sont jaunes ou incolores. Toute une palette de couleur du rose au jaune est observée.

Dans la configuration où une bactérie pousse sur les secteurs 1 et 2, il est probable que celle-ci soit un Gram-.

Dans la configuration où une bactérie pousse sur les secteurs 2 et 3, les couleurs de la gélose et des colonies sont déterminantes : un virage au jaune de la gélose en secteur 2 signe la présence d’un staphylocoque doré ; une colonie incolore ou jaune en secteur 3 oriente vers un staphylocoque tandis que les entérocoques sont noirs.

Les streptocoques poussent exclusivement sur le secteur spécifique.

4. Repérer les prélèvements contaminés

Les prélèvements contaminés peuvent se manifester de plusieurs façons : croissance sur plusieurs secteurs et/ou croissance de plusieurs colonies différentes sur un même secteur.

Si le second cas est facile à identifier, le premier peut induire en erreur et nuancer la spécificité du test. Dès lors, il importe de spécifier dans le mode d’emploi qu’il est possible que les bactéries poussent dans plusieurs secteurs, mais dans chacun, les colonies doivent être identiques en terme de forme, de couleur et de vitesse de croissance. Les géloses qui contiennent des colonies qui se ne ressemblent pas pour l’un ou l’autre de ces aspects doivent être considérées comme contaminées et ininterprétables.

Conclusion

La méthode rapide étudiée offre des caractéristiques techniques fiables permettant d’identifier les agents pathogènes majeurs incriminés lors d’infections mammaires.

Elle ne nécessite pas de gros investissements matériel et technique (incubateur, paillasse, öses). VétoRapid® est plus simple que les méthodes de bactériologie traditionnelles.

Sa spécificité pourrait être remise en cause pour les bactéries rares, comme il s’entend pour une méthode simplifiée.

Elle constitue néanmoins une solution alternative intéressante pour mettre en place la bactériologie en pratique rurale.

  • (1) Unité formant colonie.

  • (2) Pipette en verre, généralement de petite taille, dont la partie inférieure est fermée à la flamme.

Références

  • 1. Botrel MA, Haennil M, Morignat E et coll. Distribution and antimicrobial resistance of clinical and subclinical mastitis pathogens in dairy cows in Rhone Alp, France. Foodborne pathogens and disease. 2010;7:479-487.
  • 2. Schmitt van de Leemput E, Samson O, Gaudout N et coll. Recours à la PCR multiplex en clientèle et comparaison à la culture bactérienne sur le lait. Point Vét. 2013;334:2-7.
  • 3. Schmitt van de Leemput E, Schmitt-Beurrier A. Bactériologie sur le lait en clientèle. Point Vét. 2005;255:52-53.

Conflit d’intérêts

Les kits VétoRapid® étudiés ont été fournis par Vétoquinol.

Points forts

→ Le test VétoRapid® permet facilement d’identifier les agents pathogènes majeurs de la mamelle.

→ Aucun autre réactif que la gélose n’est nécessaire pour l’identification.

→ L’interprétation de la culture s’effectue aisément, par secteur de gélose.

→ Il est important d’éviter toute interprétation des cultures dans lesquelles plusieurs types de colonie ont poussé.

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