La xylazine, seul α2-agoniste accessible aux éleveurs - Le Point Vétérinaire expert rural n° 334 du 01/04/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 334 du 01/04/2013

SÉDATION ET ANALGÉSIE DES BOVINS

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Auteur coordinateur :
Hervé PouliquenLe Fougerais
44850 Saint-Mars-du-Désert

Les auto-injections accidentelles d’α2-agonistes peuvent être très graves. Moins risquée sur ce point, la xylazine ne permet pas aux éleveurs de pratiquer tous les actes chirurgicaux.

Les α2-agonistes sont étiquetés avec la mention suivante : « Délivrance interdite au public, administration réservée exclusivement aux vétérinaires », à l’exception de la xylazine.

Le ministère en charge de l’Agriculture (DGAL) et l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) ont donc, à la fois, voulu interdire l’usage des α2-agonistes aux non-vétérinaires, fussent-ils des professionnels, mais aussi permettre celui du chef de file de cette famille, la xylazine, aux éleveurs. Pourquoi ? Quels bénéfices l’éleveur peut-il tirer de cet emploi ? Et pour quels risques ?

Bénéfices des sédatifs analgésiques

Les bénéfices des α2-agonistes sont bien connus et peuvent se résumer à travers leur désignation de sédatifs analgésiques. Tout d’abord, ils sont administrés dans le cadre de la contention de l’animal opéré. Le bien-être de l’animal représente une autre indication de ces molécules.

Actes vétérinaires permis aux éleveurs

En 2011, le Code rural(1) a officiellement reconnu que les éleveurs étaient autorisés à pratiquer sur leurs animaux certains actes de chirurgie vétérinaire, comme la castration et l’écornage, voire de dentisterie, comme le meulage des dents.

À l’évidence, un α2-agoniste, sédatif analgésique, peut être utile, voire nécessaire, lors de la réalisation de certains de ces actes, pour des raisons autant de souffrance animale que de contention, et donc d’amélioration de la sécurité des éleveurs. Il s’agissait d’habiliter les éleveurs à pratiquer ces actes tout en leur donnant aussi les moyens de les effectuer correctement.

Risques pour l’utilisateur

En dehors des risques connus pour l’animal, le danger pour l’utilisateur est surtout celui de l’auto-injection accidentelle d’un volume mal déterminé d’α2-agoniste. Cette circonstance est illustrée par le cas d’un vétérinaire néerlandais qui, en 2006, s’est accidentellement administré une dose de romifidine (Sedivet(r)) estimé à 0,3 ml, soit 3 mg. Les effets cardiovasculaires de cette spécialité ont entraîné la perte de conscience de ce confrère qui, heureusement, a pu être réanimé.

À la suite de ce cas très grave, l’Agence européenne du médicament (EMA) a examiné le risque pour l’utilisateur d’α2-agonistes(2). Chez l’homme, les effets pharmacologiques sont similaires à ceux observés chez les animaux, avec, comme premiers signes, une hypotension, une bradycardie et une légère sédation. Toutefois, les doses efficaces en milligrammes et en millilitres sont très différentes selon les composés : de 1 µl pour la détomidine à 1 % à 0,5 ou à 1 ml pour la xylazine à 2 % (encadré). Cela justifie probablement que cette dernière soit le seul α2-agoniste possiblement délivré et administré par l’éleveur. L’ANMV a aussi accepté que les solutions concentrées à 10 % de xylazine (100 mg/ml) puissent être fournies aux éleveurs, mais a refusé d’autoriser celles à 20 % (200 mg/ml).

Risque d’exercice illégal

Pour l’éleveur, cet accès à la xylazine ne doit toutefois pas l’inciter à pratiquer des actes chirurgicaux qui tomberaient sous le coup de l’exercice illégal de la médecine vétérinaire. En d’autres termes, le fait que les éleveurs puissent légalement détenir de la xylazine, des antiseptiques chirurgicaux, des bistouris et des fils de suture ne les autorise pas pour autant à réaliser des césariennes. De même, les vétérinaires qui délivreraient de la xylazine (sur prescription) ou du matériel dans ces objectifs risquent d’être condamnés, avec leurs clients, pour complicité d’exercice illégal. Des éleveurs et leurs vétérinaires « complices » ont déjà été sanctionnés pour ce type de pratique(3).

Si les bénéfices de la xylazine sont évidents, en revanche, cette molécule n’est pas sans risque ni pour l’utilisateur ni le vétérinaire qui la prescrit.

  • (1) Articles L. 243-1, L. 243-2 et D. 243-1 du Code rural, et arrêté d’application du 5 octobre 2011.

  • (2) EMA. Les médicaments à usage vétérinaire contenant des agonistes des adrénorécepteurs α2 (xylazine, médétomidine, détomidine, romifidine). Avis d’arbitrage du CVMP du 30 avril 2009. EMEA/681319/2009. Ce rapport d’arbitrage s’appuie sur les données chez l’homme fournies par les documents d’évaluation des limites maximales de résidus de la xylazine, de la détomidine et de la romifidine publiés par l’EMA.

  • (3) Arrêt du 29 mai 2010 du tribunal correctionnel de Dijon.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Des effets à très faibles doses chez l’homme

Chez l’homme, une hypotension, une bradycardie ou une légère sédation sont observées à partir des doses suivantes (souvent administrées chez des volontaires sains) :

– xylazine : 10 à 20 mg (soit 0,5 à 1 ml de la solution à 20 mg/ml) ;

– (mé)détomidine : 0,01 mg (soit 0,001 ml pour la détomidine à 10 mg/ml et 0,01 ml pour la médétomidine à 1 mg/ml) ;

– romifidine : 0,2 à 0,3 mg (soit 0,02 à 0,03 ml).

D’après (2).

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