Intérêt des pédiluves lors de boiteries infectieuses : avis et pratiques des vétérinaires mixtes et ruraux - Le Point Vétérinaire expert rural n° 333 du 01/03/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 333 du 01/03/2013

MALADIES CONTAGIEUSES ET DÉSINFECTION

Étude

Auteur(s) : Anthony Thibaud*, Yves Millemann**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire des Charmilles
47, rue du Poitou 79130 Secondigny
**École nationale vétérinaire d’Alfort
Pathologie du bétail
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
ant.thibaud@laposte.net

Les données relatives au traitement collectif des affections infectieuses telles que la maladie de Mortellaro ou les autres atteintes du syndrome de l’espace interdigité ne font pas consensus.

La dermatite digitée (DD) et les autres affections du “syndrome de l’espace interdigité” (dermatite interdigitée, panaris essentiellement) sont des maladies contagieuses responsables de boiteries chez les bovins [24-27]. Elles sont de plus en plus observées dans les exploitations laitières françaises. Ces boiteries occasionnent une chute de la production laitière, une baisse des performances de reproduction, donc une augmentation du taux de réformes. Différents facteurs favorisent leur apparition : nutrition minérale, déséquilibre du rumen, état des bétons, ventilation et défauts de parage. La mise en place d’un pédiluve peut sembler le moyen le plus rapide et le plus efficace pour contrôler une infection podale contagieuse en élevage bovin [22]. Selon une enquête auprès de 65 éleveurs laitiers français, ils sont 28 % à utiliser un pédiluve liquide en cas de dermatite digitée [2]. Pourtant, ce moyen de traitement est actuellement discuté, à propos de sa faisabilité, de son efficacité et de son innocuité [9]. L’emploi des pédiluves est encadré par la loi depuis 1998 (encadré). La question se pose de savoir si cette loi est en accord avec les pratiques préconisées par les vétérinaires. C’est un des objectifs de l’enquête qui leur a été proposée.

OBJECTIFS

Les données relatives au traitement collectif à l’aide de pédiluves des affections infectieuses telles que la maladie de Mortellaro ou les autres atteintes du syndrome de l’espace interdigité ne font pas consensus. L’objectif de cette étude est donc de déterminer quelles instructions les vétérinaires praticiens donnent aux éleveurs confrontés à ces maladies podales.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

→ Le questionnaire a été envoyé le 19 juillet 2011 à l’adresse e-mail de 2 050 vétérinaires ruraux et mixtes ruraux ayant une sous-dominante “bovins” dans l’Annuaire vétérinaire Roy et disposant d’une adresse électronique. Le 31 août 2011, 116 documents avaient été complétés.

Le questionnaire possède un branchement conditionnel, c’est-à-dire qu’il est différent selon que les praticiens préconisent ou non l’utilisation de pédiluves.

→ Dans tous les cas, la première partie vise un état des lieux sur la proportion d’élevages de la clientèle qui u-ti-lisent un système de désinfection collective, que ce soit un pédiluve ou un autre procédé (tapis, mousse). Les questions permettent une dichotomie entre les éleveurs laitiers et allaitants, afin de calculer le vrai ratio d’éleveurs laitiers employant un pédiluve. En effet, les maladies infectieuses podales ayant une plus grande prévalence en élevage laitier, il est possible de supposer qu’une proportion plus importante de ces troupeaux utilise des pédiluves, par rapport aux élevages allaitants.

→ Ensuite, les praticiens préconisant des pédiluves sont interrogés sur le protocole d’utilisation, en particulier sur le produit biocide et sa concentration (selon les cas, la définition d’un temps d’attente ou non), la fréquence de passages recommandée, ainsi que sur la fréquence de renouvellement de la solution. À la fin de cette seconde partie, ils sont questionnés sur l’observance du traitement et sur l’efficacité perçue d’un traitement fidèle à leurs recommandations. Puis ils précisent les autres mesures préventives et curatives qu’ils recommandent pour lutter contre la maladie de Mortellaro, d’une part, et le fourchet, d’autre part.

→ Les praticiens ne préconisant pas de pédiluve ont aussi explicité leurs raisons, puis ont indiqué les autres mesures préventives et curatives qu’ils conseillent pour lutter contre les infections podales.

→ Le site de sondage en ligne a mis à disposition tous les questionnaires de l’enquête. Il a effectué un premier trai-tement des informations recueillies : il a donné les résultats sous forme de pourcentages. L’étude des liens qui peuvent exister entre les différentes réponses a ensuite été réalisée à l’aide de tests statistiques tels que le x2 ou encore le test de Fisher, par le biais du logiciel de trai-tement statistique Epi Info version 3.5.

RÉSULTATS

1. Pratiques des éleveurs

D’après les chiffres avancés par les praticiens, 20 % en moyenne des éleveurs laitiers utilisent ou ont déjà utilisé un pédiluve, avec un écart type de 32,4 %, pour un intervalle de confiance (IC) 95 % = [14 % ; 26 %].

2. Préconisations des praticiens

→ Sur les 113 réponses, 87 praticiens, soit 77 % des répondants, ont déjà prescrit ou conseillé un système de pédiluve dans leur clientèle bovine.

86 praticiens ont précisé les affections ciblées par ce traitement (figure 1).

→ L’indication principale d’un pédiluve est la maladie de Mortellaro (83 %) pour laquelle aucun traitement collectif ne fait consensus. Il est également prescrit en cas de fourchet (57 %) et de panaris (10 %). Dans la rubrique “autre(s) maladie(s)”, 4 % des répondants utilisent un pédiluve pour la gestion des altérations de la qualité de la corne : dystrophie, friabilité, qui peuvent être associées à « l’érosion de la corne du talon ». De plus, un vétérinaire conseille la mise en place d’un pédiluve à l’installation d’une nouvelle surface bétonnée.

→ Les pédiluves sont davantage préconisés de manière curative (88 % et à partir d’une prévalence moyenne de 15 %, contre les 10 % recommandés par Relun et coll.) que préventive (66 %) et en grande majorité pour lutter contre la dermatite digitée, puis contre la dermatite interdigitée [24].

3. Protocoles thérapeutiques accompagnant la mise en place d’un pédiluve

Composition chimique de la solution de pédiluve

Quatre-vingts praticiens ont précisé la composition (au moins partiellement) de la solution chimique utilisée (figure 2, tableau 1). Un quart d’entre eux préconisent des solutions industrielles en cours d’autorisation, qui contiennent des substances biocides de type 3 et ont pour indications la « désinfection de la peau, des pieds et des sabots des animaux hors trayon et hors usage médicament vétérinaire » et/ou la « désinfection en pédiluve ». Ce sont majoritairement les ammoniums quaternaires, le glutaraldéhyde et l’acide peracétique.

Fréquence des passages

Il existe deux types de préconisations : enchaîner les jours de traitement (65 %) sur une période courte (en général inférieure à 2 semaines) ou espacer les passages (25 %) sur des périodes plus longues (jusqu’à plusieurs mois).

Fréquence de renouvellement et évacuation de la solution de pédiluve

→ 90 % des praticiens qui ont répondu font renouveler la solution de pédiluve conformément aux recommandations de Holzhauer et coll. (après 300 à 320 passages) et 66 % selon celles de Relun et coll. (après 150 à 200 passages) [17 bis, 24].

→ Pour l’évacuation, ce sont in fine plus de 80 % des praticiens qui indiquent un procédé qui aboutit à un épandage sur les surfaces agricoles.

4. Mesures complémentaires

Mesures curatives en cas de maladies de Mortellaro et de Fourchet

→ Contre la maladie de Mortellaro, les vétérinaires ap-pliquent majoritairement (plus de 70 %) le traitement individuel des animaux atteints, à l’aide le plus souvent de topiques antibiotiques. De plus, ils insistent sur le parage des animaux (73 %) et seulement 16 % instaurent un traitement par voie générale.

En cas de fourchet ou de dermatite interdigitée, les praticiens sont moins nombreux (51 %) à préconiser des topiques, ainsi qu’un parage (64 %). Ils le sont, en revanche, davantage à prescrire un traitement par voie générale, par rapport à la dermatite digitée (36 %).

Mesures préventives

Sur 82 réponses, les principales mesures préventives consistent à améliorer les conditions d’hygiène de l’élevage (92 %) et à maintenir de bons aplombs (79 %) à l’aide d’un parage régulier (figure 3).

Innocuité perçue

Quatre-vingt-un praticiens ont répondu à la question de l’innocuité perçue : 54 % considèrent que la solution de pédiluve représente un risque “assez important” à “très important” pour l’environnement. Les vétérinaires qui conseillent encore le sulfate de cuivre contre les maladies infectieuses podales ont conscience du danger environnemental qu’il peut présenter.

Efficacité et observance perçues

Sur les 85 réponses apportées pour qualifier l’observance par les éleveurs des prescriptions de pédiluves, 64 % caractérisent celle-ci négativement, c’est-à-dire “assez mauvaise” à “mauvaise”, alors que l’efficacité perçue– par les praticiens d’un traitement bien appliqué est bonne (74 %) (figure 4).

Relation entre l’efficacité perçue par les praticiens et les produits prescrits

Aucun des principes actifs utilisés ne semble présenter statistiquement une efficacité perçue supérieure aux autres.

5. Les réfractaires aux pédiluves

Vingt-six praticiens (23 %) ont répondu qu’ils ne pres-crivent pas de pédiluve. Ils ont tous été dirigés vers la partie du questionnaire qui en recherche les raisons.

Critique des pédiluves

→ 18 % des répondants estiment que c’est une pratique trop contraignante. Un vétérinaire souligne son manque de connaissances à propos des produits à utiliser. Un autre fait référence à la démotivation des éleveurs.

→ Ensuite, la plupart des répondants (46 %) expliquent leur désaffection pour ce mode de traitement collectif par le mauvais emploi qu’en font les éleveurs. De plus, ils sont 21 % à le trouver inefficace sur le terrain. Ils sont même 18 % à penser que les pédiluves peuvent empirer la situation et devenir un facteur de risque supplémentaire.

→ Enfin, la prise en compte du risque pour l’en-vi-ron-nement (18 %) est supérieure à celle du risque de toxicité pour les utilisateurs (7 %) (figure 5).

→ Les mesures de lutte complémentaires préconisées par les praticiens réfractaires aux pédiluves et par ceux qui les recommandent sont comparées (tableaux 2 et 3).

Les réfractaires aux pédiluves ne sont que 33 % à conseiller un parage curatif, contre 64 % des adeptes, et ces derniers sont 9 % de plus à prescrire des traitements topiques à base d’antibiotiques. Les adeptes des pédiluves qui ont répondu à l’enquête prescrivent donc davantage de mesures complémentaires à visée curative contre le fourchet.

6. Réactions des praticiens

Les vétérinaires ont eu la possibilité de s’exprimer dans une question ouverte en fin de questionnaire, formulée de la façon suivante : « Avez-vous des remarques quant à l’utilisation pratique des pédiluves pour bovins et à leur prescription en élevage ? (Facultatif.) »

Vingt-cinq praticiens insistent sur la difficulté à mettre en place ce type de traitement en élevage, souvent pour des raisons d’hygiène, mais aussi de charge de travail pour l’éleveur et de coût. Un vétérinaire soulève la question des robots de traite : dans ce cas, comment instaurer un pédiluve dans l’élevage ? Deux praticiens attirent l’attention sur l’absence de contrôle des pratiques en élevage, en particulier sur l’utilisation incontrôlée d’antibiotiques qui sont ensuite déversés sur les champs. Un répondant indique également la difficulté à convaincre les éleveurs et un autre avoue le manque « cruel » d’informations disponibles sur le sujet.

DISCUSSION

1. Un manque d’efficacité dénoncé par les praticiens

Les résultats des essais cliniques ne permettent pas encore de définir comme efficace un produit biocide autorisé. Or, comme l’argumentent Laven et Logue, lorsqu’un traitement est vraiment efficace, les essais cliniques le prouvent d’emblée [18]. Par exemple, malgré les mêmes facteurs de variation extrinsèques au protocole thérapeutique, le traitement topique à l’oxytétracycline est reconnu comme efficace dans la plupart des études [4, 5, 8, 14, 21, 23, 35]. Mais il l’est surtout par une grande majorité d’éleveurs dans l’enquête d’Auzanneau [2]. Les protocoles d’essais cliniques concernant les traitements individuels sont cependant bien moins complexes à réaliser car seule l’efficacité curative individuelle est étudiée. Dans les données publiées, l’une des principales causes de l’inefficacité des pédiluves est l’inactivation des substances actives par la contamination fécale [13, 18]. Si les ouvrages recommandaient jusqu’à récemment, de façon presque unanime, l’utilisation de prépédiluves de nettoyage (souvent remplis d’eau claire), en revanche, leur efficacité n’est pas scientifiquement démontrée [33]. Ces bacs de nettoyage pourraient être mis en cause dans la dilution des substances actives [11]. Une autre hypothèse est fondée sur la variété des agents infectieux responsables de la dermatite digitée. Ils ne seraient pas les mêmes dans tous les élevages, ce qui expliquerait l’efficacité variable des mesures préventives d’un cheptel à l’autre [10]. Enfin, dès les années 1980, l’usage des pédiluves a été associé à l’augmentation de prévalence des infections podales [12, 31]. Blowey et Sharp y voient la cause d’épizooties de panaris [5]. La question se pose de savoir si cette association est due à l’utilisation traditionnellement curative du pédiluve ou si ce dernier devient lui-même un facteur de risque des infections podales combattues. C’est la seconde hypothèse que formulent Zemljic et Nuss [22, 37]. Ils concluent que la macération de la peau digitale et interdigitale peut être un facteur important de développement de la dermatite digitée, laquelle aurait besoin de cette macération pour infecter les animaux, en plus de microlésions. C’est ainsi qu’Holzhauer et Dopfer ex-pliquent des épizooties de dermatite digitée durant des essais cliniques [16]. Les pédiluves deviendraient, en particulier, un facteur de risque lors de leur mauvaise utilisation. Cela peut être dû à un renouvellement insuffisant de la solution ou à une concentration insuffisante en substances actives [1]. Ainsi, comme l’ont suggéré quelques confrères, les pédiluves ne peuvent-ils pas, dans ces conditions, augmenter le risque de transmission d’agents infectieux entre les pieds d’une même vache ou entre plusieurs vaches ?

2. Une innocuité mise en doute

→ Le formaldéhyde et le sulfate de cuivre ne sont plus autorisés par la directive n° 98/8/CE du 16 février 1998 en raison de leur toxicité pour l’utilisateur et l’environnement. Le risque de résidus dans le lait ou la viande concerne surtout l’emploi des antibiotiques en pédiluve. Les études publiées n’ont détecté aucun résidu dans le lait [6, 15]. Cependant, la contamination de la mamelle par des éclaboussures ne peut être exclue. C’est pourquoi tous les auteurs s’accordent désormais pour préconiser les pédiluves en sortie de salle de traite, et non pas à l’entrée. Il est également recommandé d’abandonner l’usage des antibiotiques et du formaldéhyde qui est cancérogène.

→ L’intoxication des animaux par ingestion est la préoccupation qui paraît la plus évidente concernant l’innocuité des solutions biocides [34]. Bruggink rapporte l’intoxication par ingestion de plusieurs animaux [9]. Teixeira et coll. signalent des blessures occasionnées par les pédiluves, mais, cette fois-ci, c’est le support qui était en question [29]. La solution de pédiluve à base de sulfate de cuivre générerait également de la douleur et des retards dans la cicatrisation des lésions [3]. Dans une étude, 33 % des éleveurs indiquent la réticence des animaux à traverser les pédiluves les premières fois [2]. Il n’est alors pas facile de distinguer si celle-ci est provoquée par une gêne ou par l’appréhension de l’objet inconnu. De plus, toujours dans cet essai, 36 % des éleveurs font part de la gêne occasionnée par une irritation oculaire et nasale [2].

→ Le risque de toxicité environnementale concerne les dérivés métalliques tels que le sulfate de cuivre [28]. En raison du mélange des solutions de pédiluve avec les effluents d’élevage et de l’épandage ultérieur sur les pâtures, des inquiétudes ont été formulées dans de nombreux articles et essais cliniques [3, 17, 20, 29, 30, 32]. Cependant, Relun et coll. ont montré que, avec une utilisation bimensuelle d’un pédiluve à 10 % de sulfate de cuivre, il conviendrait d’épandre la totalité des effluents produits sur un an durant 10 années consécutives sur une même parcelle de moins de 10 hectares pour atteindre les seuils toxiques établis en France [28]. De telles conditions sont peu probables. Sur la situation aux États-Unis, ils rappellent que les avis des experts sont davantage partagés sur la saturation des sols en raison d’une utilisation plus fréquente des pédiluves.

→ Il existe peu de données sur les risques environnementaux que présentent les désinfectants contenus dans les solutions commerciales (aldéhydes, ammoniums quaternaires, acides organiques et minéraux chélatés). A priori, leur impact est minime, voire nul, en raison de leur faible concentration dans ces solutions (5 à 10 %, puis dilution pour l’usage à la concentration de 2 à 5 %) [28].

3. Bilan sur la place du pédiluve dans la gestion des boiteries infectieuses

→ L’avantage principal du pédiluve est de traiter l’ensemble des animaux « en même temps ». Tous les animaux infectés ne présentent pas toujours une lésion visible [30]. Même en proposant des méthodes de détection passant en revue régulièrement tous les bovins en salle de traite, Relun et coll. concèdent ne pas déceler 9 % des lésions situées sous le pied (pour des hyperplasies interdigitées) [24]. De plus, les animaux atteints de lésions ne boitent pas forcément [19]. Enfin, le pied est complètement immergé dans la solution bactéricide. La substance active touche donc toutes les zones lésionnelles. En revanche, les traitements topiques appliqués manuellement peuvent en manquer certaines, en particulier dans les régions interdigitées formant des poches, où les bactéries anaérobies sont susceptibles de persister et de se multiplier (photo 1) [13].

Cependant, les pédiluves sont souvent installés après une épizootie de boiteries, souvent due à la dermatite digitée. Les éleveurs attendent un contrôle de l’infection, une efficacité curative importante, et ils sont déçus car la fonction reconnue des pédiluves est avant tout préventive [7, 11]. Les recommandations actuelles soulignent l’importance d’associer plusieurs mesures et de ne pas considérer les traitements comme la formule miracle (photo 2). Selon Relun et coll., en plus du parage fonctionnel et d’une bonne hygiène, les éleveurs doivent porter une attention particulière aux animaux d’achat, ainsi qu’aux vaches à risque que sont les primipares et les laitières hautes productrices au pic de lactation [24].

→ L’efficacité insuffisante perçue par les éleveurs vient de la somme des efforts à mettre en place lors d’un traitement par pédiluve : ils en attendent donc une efficacité curative [22]. Alors que l’objectif de la désinfection collective est de limiter le nombre d’animaux à traiter en cas d’impossibilité de détection de toutes les lésions. Cette désinfection collective ne fait pas disparaître les lésions installées [24]. En effet, soit les lésions sont trop sévères, soit elles sont devenues chroniques, c’est-à-dire granulomateuses.

Conclusion

Malgré le manque de consensus dans l’établissement d’un protocole thérapeutique efficace, 77 % des praticiens interrogés se positionnent largement en faveur. Ils ont conscience d’une gestion intégrée à développer, en traitant individuellement les animaux malades et en corrigeant les paramètres d’élevage et environnementaux, tels que l’hygiène ou l’alimentation des animaux. Des précautions toutes particulières sont aussi à prendre lors des achats d’animaux.

Les soins des pieds devraient désormais être abordés de la même manière que ceux de la mamelle : une bonne détection des affections, suivie de protocoles thérapeutiques individuel et collectif clairs. Des bilans réguliers pourraient être établis sur la situation épidémiologique (détection), les pratiques d’élevage et les traitements.

Concernant la composition chimique des pédiluves, les molécules utilisées sont celles qui ont été les plus étudiées et les plus employées par le passé (le formaldéhyde et le sulfate de cuivre). Cependant, les vétérinaires ont conscience du risque que représentent de telles solutions. L’enjeu est désormais de trouver un biocide autorisé au moins aussi efficace que ces anciennes molécules.

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EN SAVOIR PLUS

Directive n° 98/8/CE du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides. Disponible sur : http://www.ineris.fr/aida/?q=consult_doc/consultation/2.250.190.28.8.4707

Conflit d’intérêts

Aucun.

Encadré
Point sur la réglementation

→ Une réglementation à l’échelle européenne, dont l’application est en cours, définit les produits biocides qui sont autorisés dans les pédiluves pour bovins (directive n° 98/8/CE du 16 février 1998).

→ La directive prévoit un encadrement de la mise sur le marché des biocides, en raison des propriétés dangereuses de ces produits, de la nécessité de la preuve de leur efficacité, de l’importance d’une harmonisation du niveau de protection, du marché communautaire, avec, à la clé, une reconnaissance mutuelle.

→ Selon cette réglementation, les substances actives non antibiotiques mises en solution dans les pédiluves sont des biocides de type 3 (TP3), donc faisant partie des désinfectants et des produits biocides généraux. Ce sont plus précisément les « produits biocides destinés à l’hygiène vétérinaire » qui appartiennent aux groupes de « désinfection de la peau, des pieds et des sabots des animaux hors trayons et hors usage médicament vétérinaire » et de « désinfection en pédiluve ».

→ La procédure d’autorisation fonctionne en deux temps : chaque État membre doit, dans un premier temps, établir une liste des substances actives autorisées au niveau communautaire dans l’annexe I, IA et IB, de la directive n° 98/8/CE. La durée maximale de l’inscription d’une substance dans l’annexe est de 10 ans, puis le produit doit être réévalué afin de renouveler son inscription. Dans un second temps, une autorisation de mise sur le marché (AMM) est délivrée au niveau communautaire, sur la base de l’évaluation du produit. La composition des substances doit être déclarée à l’Institut national de recherche et de sécurité à des fins de toxicovigilance, sur le site : https://www.declaration-synapse.fr/synapse/jsp/index.jsp.

→ Les médicaments humains et vétérinaires sont exclus du champ d’application de la réglementation biocide (tout comme, par exemple, les produits phytopharmaceutiques et les produits cosmétiques).

→ Malgré l’abondance des préconisations et des descriptions de protocoles de traitements au sulfate de cuivre (et quelques-unes au sulfate de zinc) dans des ouvrages et des revues de formation de référence, ces deux molécules ne sont pas classées comme des produits biocides destinés à « l’hygiène vétérinaire ». De même, le formaldéhyde est classé dans les biocides de type 3, mais n’est jamais destiné à la « désinfection de la peau, des pieds et des sabots des animaux hors trayons et hors usage médicament vétérinaire », ni à la « désinfection en pédiluve ». Les solutions commerciales autorisées pour une utilisation en pédiluves pour bovins en élevage sont majoritairement à base de glutaraldéhyde et d’ammoniums quaternaires.

Dans ce contexte, il semble légitime de s’interroger sur les réponses qu’apportent aux éleveurs les protagonistes de la santé animale, c’est-à-dire les vétérinaires praticiens ruraux, mais aussi les industriels producteurs et distributeurs de produits biocides.

Points forts

→ D’après les chiffres avancés par les praticiens, 20 % en moyenne des éleveurs laitiers utilisent ou ont déjà utilisé un pédiluve.

→ 77 % des 116 praticiens sondés préconisent des pédiluves contre la maladie de Mortellaro.

→ La réglementation n’autorise pas l’usage du formaldéhyde ni du sulfate de cuivre en pédiluve, alors que ce sont les produits les plus plébiscités par les vétérinaires interrogés.

→ Les solutions commerciales autorisées pour une utilisation en pédiluve pour bovins en élevage sont majoritairement à base de glutaraldéhyde et d’ammoniums quaternaires.

→ Aucune convergence n’est relevée quant aux régimes d’application préconisés, qui vont de traitements successifs sur quelques jours à des traitements espacés sur plusieurs mois.

→ La principale critique des opposants aux pédiluves est la charge de travail importante engendrée, donc le manque d’observance par les éleveurs.

→ Plus de 70 % des praticiens interrogés font appliquer des topiques antibiotiques sur les lésions de Mortellaro et plus de 50 % conseillent dans ce cas un parage.

→ Les mesures préventives préconisées sont principalement des dispositifs d’amélioration de l’hygiène, de diminution de l’humidité, ainsi qu’un parage régulier des animaux.

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