Progrès dans la mise en évidence du BoHV-4 en routine - Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013

DIAGNOSTIC EN VIROLOGIE DES BOVINS

Article original

Auteur(s) : Michaël Treilles*, Fabienne Benoit**, Victor Carpinschi***, Maëlle Leborgne****, Béatrice Blanchard*****

Fonctions :
*Laboratoire départemental d’analyses,
1352, avenue de Paris, 50008 Saint-Lô
**Laboratoire départemental d’analyses,
1352, avenue de Paris, 50008 Saint-Lô
***Laboratoire départemental d’analyses,
1352, avenue de Paris, 50008 Saint-Lô
****Adiagène, 38, rue de Paris, 22000 Saint-Brieuc
*****Adiagène, 38, rue de Paris, 22000 Saint-Brieuc

Des outils de diagnostic sérologique et virologique du BoHV-4 ont été mis au point sous l’impulsion du laboratoire de la Manche.

L’herpèsvirus bovin de type 4 (BoHV-4) a été isolé pour la première fois en 1966, en Hongrie. Le BoHV-4 appartient à la sous-famille des gammaherpèsvirus (genre rhadinovirus), alors que les trois autres herpèsvirus bovins appartiennent à la sous-famille des Alphaherpesvirinae : le BoHV-1, responsable de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), le BoHV-2, agent de la thélite infectieuse bovine et le BoHV-5, causant l’encéphalite infectieuse bovine [1].

Le BoHV-4 possède un ADN de grande taille, bicaténaire. Son génome a été complètement séquencé [6]. Le rôle du BoHV-4 en pathologie bovine reste controversé. Il a été isolé à partir de nombreuses entités cliniques :

– des affections oculaires et respiratoires (conjonctivite, rhinite, trachéite, pneumonie) ;

– des affections génitales et mammaires (orchite, épididymite, vaginite, avortement, métrite, mammite) ;

– des lésions cutanées ;

– des troubles associés au tractus digestif (glossite, entérite, tumeurs du rumen).

Il peut également être isolé chez des individus sains. Les essais d’inoculation expérimentale du BoHV-4 n’ont souvent reproduit que peu de signes cliniques. Cela serait dû à la propriété de certains rhadinovirus de s’atténuer rapidement après quelques passages en cultures cellulaires [5].

Le BoHV-4 est de plus en plus souvent suspecté d’être impliqué dans des affections du tractus génital femelle : métrite postpartum, vulvovaginite et avortement. Il pourrait agir en association avec d’autres agents infectieux [2].

Afin d’éclaircir le rôle pathogène de ce virus dans les élevages, plusieurs outils diagnostiques sont maintenant à la disposition du praticien.

LE DIAGNOSTIC SÉROLOGIQUE

La mise en cause du virus BoHV-4 dans les troubles de la reproduction a été objectivée par des études de séroprévalence au sein des groupes d’animaux atteints de métrite, avortements et/ou infertilité.

Dès 1998, il a été constaté en Belgique une séroprévalence pour le BoHV-4 significativement supérieure parmi les vaches ayant un historique d’avortement par rapport à des témoins (17,2 % versus 10 %) [3].

En 2008, un résultat comparable est obtenu dans la Manche, dans une enquête conduite par le Groupement de défense sanitaire de la Manche (GDS 50) et le Laboratoire départemental d’analyses de la Manche (LDA 50). Une différence significative de séroprévalence est établie entre des vaches avortées et une population de référence (sérums de prophylaxie) : 16,9 % pour les premières (sur 350 bovins) contre 5,9 % (sur 118 bovins, parmi lesquels surtout des femelles allaitantes âgées de plus de 24 mois, mais aussi quelques mâles âgés de plus de 2 ans, issus d’élevages non dérogataires aux contrôles de prophylaxie).

Au LDA 50, la mise en évidence des anticorps anti-BoHV-4 est réalisée par immunofluorescence indirecte (IFI) en cultures cellulaires. Cette méthode quantitative permet une évolution de la quantité d’anticorps antiBoHV-4 présents dans le sérum. Elle peut être utilisée pour dépister les séroconversions [4]. Le résultat est exprimé en “titre” et équivaut à l’inverse de la dernière dilution donnant un signal positif. Un titre qui croît de plus d’une dilution signe une séroconversion.

En cas d’avortement et lorsque l’implication du BoHV-4 est suspectée lors d’avortement, les taux d’anticorps retrouvés sont très élevés (titres compris entre 320 et 1 280 pour un seuil fixé à 40) (figure 1, photos 1a et 1b).

Sur la base de cette méthode IFI, un test Elisa indirect (ID Screen® BHV-4, IDvet Montpellier) a été validé en 2009. Il ne donne que des résultats qualitatifs (positif/négatif), mais permet de traiter rapidement un grand nombre d’échantillons(1).

LE DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE

1. Par isolement viral

Le rôle pathogène direct du BoHV-4 mérite confirmation. Son isolement sur des prélèvements d’avortements (placenta) est possible mais peu aisé.

Il est effectué sur des cellules primaires de reins de fœtus bovin. Après 3 jours de culture, l’identification du virus est réalisée par IFI, avec un anticorps monoclonal spécifique (IDvet, Montpellier). Nécessitant une expertise en matière de cultures cellulaires, cette technique n’est pas réalisable en routine dans tous les laboratoires (photo 2).

2. Par amplification génique (PCR)

Une technique facile à automatiser vient d’être développée, en collaboration avec la société Adiagène, basée à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

Le test mis au point permet la détection du virus BoHV-4 à partir de prélèvements tels que des écouvillons vaginaux ou placentaires, réalisés chez des bovins (Adiavetéreg; BoHV-4). Il repose sur l’amplification génique d’un fragment d’ADN spécifique de BoHV-4 grâce à la technologie PCR (polymerase chain reaction) en temps réel.

Le kit a été caractérisé selon la norme en vigueur (Afnor XP U47-600-2).

Sa spécificité a été vérifiée vis-à-vis de 46 souches bactériennes, 13 souches virales et 7 parasites susceptibles d’être retrouvés sur les prélèvements analysés (en particulier virus de l’IBR et de la BVD (diarrhée virale bovine), Coxiella burnetii, Chlamydophila abortus, Toxoplasma gondii, Neospora caninum) (tableau 1 complémentaire sur www.WK-vet.fr).

La méthode a été éprouvée sur culture virale (d’une souche BoHV-4 issue de la collection d’Aly Moussa, virologiste à l’Anses de Lyon).

Elle a ensuite été testée sur la souche virale isolée de prélèvements de terrain ainsi que sur des prélèvements issus d’un élevage où la circulation de BoHV-4 avait été objectivée par plusieurs séroconversions (cinétique d’anticorps réalisée par immunofluorescence). Des écouvillons vaginaux ont été réalisés chez 8 vaches, toutes les semaines pendant 1 mois, à la période des vêlages. La mise en culture de ces échantillons positifs a permis d’isoler la souche virale du BoHV-4 circulante et de confirmer la spécificité du kit PCR mis au point(2).

La détectabilité de la PCR (LDPCR) correspond à la plus petite quantité d’ADN de BoHV-4 pouvant être mis en évidence. Elle a été établie pour ce test à 91 copies de génome par essai (moins de 100 sont généralement acceptables).

Afin de déterminer les homologies entre la souche virale BoHV-4 isolée dans la Manche et celles déjà référencées, quatre gènes différents ont été séquencés. Les résultats obtenus ont été comparés aux génomes complets de deux souches de référence. La souche BoHV-4 isolée dans la Manche apparaît 100 % homologue avec la souche de référence européenne (V. test) et à 94,5 % avec la souche américaine (souche 66-p-347) (figure 2).

Le LDA 50 a testé la nouvelle technique sur 640 extraits d’ADN issus de sa collection de prélèvements d’avortements (placentas) réalisés d’avril 2011 à avril 2012.

Quarante-quatre recherches se sont révélées positives, soit 6,9 % des échantillons. Pour 37 des 44 échantillons “tests” positifs, aucune autre cause d’avortement n’a été détectée (tableau 2 et figure 3).

Cette étude a été complétée, en partenariat avec le GDS 50 en été 2012(1). Sur 1 102 échantillons, le BoHV-4 est trouvé par la nouvelle technique PCR chez 6,6 % des vaches avortées dans la Manche, résultat cohérent avec les 8 % décrits par Czaplicki et Thiry en 1998 [3].

Conclusion

La recherche des causes d’avortement permet d’élucider seulement un tiers des cas dans la Manche. L’intégration de la recherche de BoHV-4 par PCR dans les protocoles avortement va peut-être permettre d’améliorer ce taux et, parallèlement, d’en savoir plus sur l’implication de ce virus dans le processus abortif.

  • (1) Voir l’article “Six pour-cent d’avortements positifs en PCR pour le BoHV-4 dans la Manche” de Christophe Lebœuf, dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article “Flambée d’avortements positifs au BoHV-4 lors d’un passage en monte naturelle” de X. Quentin et coll., dans ce numéro.

Références

  • 1. Carpinschi V, Treilles M, Leboeuf C et coll. Comparaison of Elisa and IIF methods for the detection of BHV-4 antibodies in bovine serum. Poster for the World Association of Vet. Lab. Diagnos., Madrid. 2009.
  • 2. Chastant Maillard S. BoHV-4 et reproduction chez les bovins. Point Vét. 2012;323:66-69.
  • 3. Czaplicki G, Thiry E. An association exists between bovine herpesvirus-4 seropositivity and abortion in cows. Prev. Med. Vet. 1998;33:233-240.
  • 4. Lebœuf C, Treilles M, Carpinschi V. Enquête dans la Manche : le BoHV4 circule notamment chez les avortées. Point Vét. 2009;294:18-19.
  • 5. Markine-Goriaynoff N, Minner F, De Fays K et coll. L’herpèsvirus bovin 4. Ann. Méd. Vét. 2003;147:215-247.
  • 6. Palmeira L, Machiels B, Lété C et coll. Sequencing of bovine herpesvirus 4 v.test strain reveals important genome features. Virology J. 2011;8:406.

Points forts

→ Lorsque l’implication du BoHV-4 est suspectée lors d’avortement, les taux d’anticorps retrouvés sont très élevés (titres compris entre 320 et 1 280 ; seuil : 40).

→ La souche BoHV-4 isolée dans la Manche est 100 % homologue avec celle de référence en Europe (V. test) et à 94,5 % avec la souche américaine.

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