La mucocèle biliaire chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013

GASTRO-ENTÉEROLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : Fitzpatrick Referrals Ltd
Halfway lane, Eashing lane
Godalming, GU72QQ
Surrey, United Kindom

Une mucocèle biliaire est une distension de la cavité biliaire due à une accumulation anormale de mucus (encadré). Cette dernière découle d’un dysfonctionnement et d’une prolifération anormale des cellules à mucus de l’épithélium de la vésicule biliaire. L’analyse histologique de la paroi révèle le plus souvent une simple hyperplasie muqueuse [4, 9]. Il est difficile de déterminer la cause de ces changements chez le chien. Une origine multifactorielle est alors suspectée. Quelques cas de mucocèle ont été associés à une infection bactérienne, mais la proportion reste faible.

PHYSIOPATHOLOGIE

Un trouble de la motilité du canal cystique ou de contractilité de la paroi de la vésicule biliaire est suspecté [1, 10]. De la même manière, une obstruction partielle par un calcul biliaire a été associée à la présence d’une mucocèle biliaire dans environ 10 à 15 % des cas [1, 4]. La stase serait à l’origine d’une formation accrue de boue biliaire à la suite d’une réabsorption plus importante d’eau et de précipitation de cristaux de cholestérol, de mucine, de pigments et de sels biliaires [12]. Ainsi, les sels biliaires pourraient exercer une action cytotoxique sur les cellules de l’épithélium [10].

Une origine génétique a été clairement identifiée et est supportée par la forte prédisposition raciale des bergers des shetland et des cockers [1-3, 6, 9, 13].

Une association entre une mucocèle de la vésicule biliaire et un hypercorticisme a été établie (risque 29 fois plus élevé), ainsi qu’un lien plus faible avec l’hypothyroïdie (risque trois fois plus élevé) [7, 8]. Ces dysendocrinies pourraient être liées à une baisse de la motilité biliaire. De plus, en médecine humaine, la thyroxine (T4) a un effet relaxant sur le sphincter d’Oddi [12]. Une dyslipidémie a également été fréquemment diagnostiquée chez les chiens ayant une mucocèle biliaire [7, 9].

SIGNES DE PÉRITONITE BILIAIRE

Il est important de détecter les signes de péritonite biliaire puisque cela nécessite une intervention chirurgicale rapide alors qu’une cholécystectomie pour mucocèle non compliquée peut être planifiée. Une rupture de la vésicule biliaire est présente dans 40 à 50 % des cas [2-4, 9, 13].

Le pronostic ne semble pas être plus sombre chez les chiens présentant une rupture des voies biliaires, mais le faible nombre de cas dans chaque étude nécessite de considérer ces données avec précaution [9].

L’échographie abdominale a démontré une sensibilité maximale de 85 % dans la détection de rupture de la vésicule biliaire [9]. Une élévation de la lactatémie semble être associée à un plus fort risque de rupture des voies biliaires [9]. De plus, les chiens présentant une rupture des voies biliaires ont un taux sérique d’alanine transférase/aspartate aminotransférase, de bilirubine et de calcium ainsi qu’un taux de leucocytes significativement plus élevés que ceux dont la vésicule est intacte [2, 4, 9]. Ces animaux ont également un risque plus élevé de coagulopathie [4].

TRAITEMENTS ET PRONOSTIC

La réussite du traitement médical n’a été que rarement documentée et les auteurs recommandent un suivi très proche de ces chiens jusqu’à résolution des signes cliniques et échographiques [1, 12]. Le traitement médical consiste en la correction des dysendocrinies et en l’administration de cholérétiques et d’hépatoprotecteurs. Il est également important de mettre en place un régime alimentaire spécifique, essentiellement pauvre en graisses.

Le traitement de choix est chirurgical. Son étendue dépend de la viabilité de la vésicule biliaire : une cholécystotomie, une cholécystectomie ou une cholécystoduodénostomie peuvent être réalisées [8, 13]. De nombreux auteurs sont en faveur de la cholécystectomie par rapport aux autres techniques en raison des faibles taux de complications (trois fois plus de morts lors de dérivation biliaire) et de récidives [8, 9].

Un risque de mort est présent (environ 20 à 30 %), mais le pronostic à long terme est bon, voire excellent chez les chiens qui survivent à la période postopératoire immédiate (2 à 3 semaines) [2, 9]. La présence d’une pancréatite pré- ou postopératoire n’apparaît pas comme un facteur de risque de mort, mais le pronostic à long terme est moins bon en raison des récidives de la pancréatite [2]. Les facteurs préopératoires de risque de mort mis en évidence sont l’âge, la fréquence cardiaque, les taux d’urée, de γ-glutamyl-transférase, de phosphore et de bilirubine [2, 11]. Les facteurs postopératoires associés à un plus grand risque de mort sont l’hypotension, la dyspnée, les taux d’albumine/globuline et de bilirubine, ainsi que le pourcentage de neutrophiles jeunes [2]. Aucune influence de l’aspect échographique du contenu de la vésicule biliaire n’a été mise en évidence vis-à-vis du taux de survie [11].

Une technique de cholécystectomie sous cœlioscopie a été décrite chez 6 chiens atteints de mucocèle non compliquée [5]. Les auteurs rappellent la nécessité de pouvoir opter pour une laparotomie en cas de rupture biliaire non détectée au préalable [5].

Conclusion

Le traitement de la mucocèle biliaire canine est préférentiellement chirurgical. Un relativement bon pronostic est rapporté à long terme. Il reste néanmoins important de traiter les dysendocrinies associées.

Références

  • 1. Aguirre AL, Center SA, Randolph JF et coll. Gallbladder disease in Shetland Sheepdogs: 38 cases (1995-2005). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;231(1):79-88.
  • 2. Amsellem PM, Seim HB 3rd, MacPhail CM et coll. Long-term survival and risk factors associated with biliary surgery in dogs: 34 cases (1994-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;229(9):1451-1457.
  • 3. Besso JG, Wrigley RH, Gliatto JM, Webster CR. Ultrasonographic appearance and clinical findings in 14 dogs with gallbladder mucocele. Vet. Radiol. Ultrasound. 2000;41(3):261-271.
  • 4. Crews LJ, Feeney DA, Jessen CR et coll. Clinical, ultrasonographic, and laboratory findings associated with gallbladder disease and rupture in dogs: 45 cases (1997-2007). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2009;234(3):359-366.
  • 5. Mayhew PD, Mehler SJ, Radhakrishnan A. Laparoscopic cholecystectomy for management of uncomplicated gall bladder mucocele in six dogs. Vet. Surg. 2008;37(7):625-630.
  • 6. Mealey KL, Minch JD, White SN et coll. An insertion mutation in ABCB4 is associated with gallbladder mucocele formation in dogs. Comp. Hepatol. 2010;9:6.
  • 7. Mesich ML, Mayhew PD, Paek M et coll. Gall bladder mucoceles and their association with endocrinopathies in dogs: a retrospective case-control study. J. Small Anim. Pract. 2009;50(12):630-635.
  • 8. Norwich A. Gallbladder mucocele in a 12-year-old cocker spaniel. Can. Vet. J. 2011;52(3):319-321.
  • 9. Pike FS, Berg J, King NW et coll. Gallbladder mucocele in dogs: 30 cases (2000-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;224(10):1615-16122.
  • 10. Tsukagoshi T, Ohno K, Tsukamoto A et coll. Decreased gallbladder emptying in dogs with biliary sludge or gallbladder mucocele. Vet. Radiol. Ultrasound. 2012;53(1):84-91.
  • 11. Uno T, Okamoto K, Onaka T er coll. Correlation between ultrasonographic imaging of the gallbladder and gallbladder content in eleven cholecystectomised dogs and their prognoses. J. Vet. Med. Sci. 2009;71(10):1295-1300.
  • 12. Walter R, Dunn ME, d’Anjou MA, Lecuyer M. Nonsurgical resolution of gallbladder mucocele in two dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232(11):1688-1693.
  • 13. Worley DR, Hottinger HA, Lawrence HJ. Surgical management of gallbladder mucoceles in dogs: 22 cases (1999-2003). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;225(9):1418-1422.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Anatomie

La vésicule biliaire (VB) est située entre le lobe hépatique droit médial et le lobe carré. Le contenu biliaire s’écoule dans le canal cystique qui devient le canal cholédoque après l’apport des canaux biliaires hépatiques. Ce canal s’abouche au duodénum au niveau de la papille duodénale majeure où se situe le sphincter d’Oddi.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Décrire les signes cliniques et les découvertes opératoires lors de cholécystectomie chez les chiens atteints de mucocèle de la vésicule biliaire (VB).

• Déterminer les facteurs pronostiques.

MÉTHODE

Étude rétrospective. Tous les chiens ayant subi une cholécystectomie et pour lesquels un diagnostic histopathologique a été établi ont été inclus.

RÉSULTATS

• 43 chiens ont été inclus. La moyenne d’âge était de 9,64 ans et le poids moyen de 12,23 kg.

• Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés étaient des vomissements (91 %), de l’anorexie (72 %) et de la léthargie (81 %).

• Tous les chiens sauf un ont subi un examen échographique : 83,3 % de ces examens ont établi la présence d’une mucocèle de la VB.

• La VB est apparu intacte dans 76,7 % des cas alors que 18,6 % d’entre eux montraient une nécrose focale. Des signes de péritonite biliaire étaient présents dans 37,2 % des cas. Le canal biliaire commun et le canal cystique sont apparus dilatés dans 23,3 et 20,9 % des cas respectivement. Le canal cystique était tortueux dans un cas et un calcul biliaire a été trouvé dans un autre.

• Aucune association n’a été identifiée entre la durée chirurgicale et le résultat clinique. 97,3 % des prélèvements de contenu biliaire testés pour une infection ont donné des résultats négatifs. Une hyperplasie mucineuse a été identifiée dans tous les cas.

• Aucune association n’a été établie entre les paramètres biologiques et le résultat clinique, bien qu’une tendance soit apparue pour les cas ayant un taux d’amylase élevé.

• Les chiens avec une lactatémie élevée et une hypotension postopératoires ont un risque de mourir respectivement 1,3 et 20,4 fois plus élevé.

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