ÉTAPE 6 : Échographie des affections prostatiques chez le chien - Le Point Vétérinaire expert rural n° 335 du 01/05/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 335 du 01/05/2013

EN 10 ÉTAPES

Auteur(s) : Hélène Kolb*, Isabelle Testault**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
**Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes

L’échographie de la prostate peut donner des indications fondamentales sur l’affection en cause, mais, seule, elle suffit rarement pour établir un diagnostic définitif.

L’échographie prostatique est l’examen complémentaire de choix dans le diagnostic des affections prostatiques. De réalisation facile, elle présente néanmoins de nombreux pièges pour le praticien. Cet article détaille les principales images anormales associées aux différentes affections, des plus fréquentes (hyperplasie et hyperplasie glandulo-kystique) aux plus rares (tumeurs).

HYPERPLASIE BÉNIGNE DE LA PROSTATE ET LÉSIONS KYSTIQUES

1. L’hyperplasie bénigne de la prostate

Présentation

L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) est l’affection prostatique la plus fréquente chez le chien. Elle est due à un déséquilibre hormonal chez l’animal adulte entier et se traduit par une augmentation de la taille de cette glande. Une étude a montré que 50 % des chiens non castrés de plus de 4 ans et 95 % des chiens entiers de plus de 9 ans présentent une HBP [2, 3]. L’HBP est rencontrée le plus souvent chez les chiens âgés de plus de 4 ans, mais elle a été observée dès l’âge de 2 ans [3]. Cette affection étant souvent asymptomatique, sa découverte est en général fortuite lors d’une échographie abdominale (photo 1). L’augmentation de la taille de la prostate peut être majeure et s’accompagner de signes cliniques (comme une coprostase, une hématurie) ou favoriser les infections.

Résultats échographiques

À l’examen échographique, l’HBP se traduit le plus souvent (mais pas systématiquement) par une augmentation de la taille de la prostate, de manière symétrique et régulière. Laquelle peut ainsi atteindre jusqu’à quatre fois sa taille normale. À des stades plus avancés, l’organe peut perdre sa symétrie et ses contours réguliers. Le parenchyme prostatique lors d’HBP est d’échogénicité variable. Il peut rester homogène ou, au contraire, être le siège de territoires hypoéchogènes ou hyperéchogènes secondaires à une fibrose. Lorsque le parenchyme prostatique devient hétérogène, le diagnostic de certitude de l’HBP est difficile et le diagnostic différentiel doit inclure les prostatites, les tumeurs, etc. Dans ce cas, il convient d’examiner les nœuds lymphatiques locorégionaux, en particulier les nœuds lymphatiques iliaques médiaux. Si le parenchyme prostatique est hétérogène et qu’une lymphadénomégalie est repérée, il ne s’agit pas d’une HBP car cette affection n’entraîne jamais de lymphadénomégalie locorégionale. Seules des biopsies ou des cytoponctions à l’aiguille fine permettent d’aboutir au diagnostic de certitude. Une étude a montré que 82 % des biopsies ou des cyto-aspirations prostatiques permettent de conclure à un diagnostic de certitude tandis que les examens réalisés auparavant (radiographie, échographie) n’ont conduit à aucun diagnostic spécifique [1].

2. L’hyperplasie glandulokystique

L’hyperplasie bénigne de la prostate s’accompagne souvent de kystes intraparenchymateux plus ou moins volumineux. Ils apparaissent sous la forme de structures hypoéchogènes, plus ou moins volumineuses, dépourvues de paroi et de forme circulaire ou irrégulière : il s’agit alors d’hyperplasie glandulo-kystique (photos 2 et 3). Une étude indique une incidence de 14 % chez le vieux chien, sans signe clinique associé. Même si cette association lésionnelle est le plus souvent asymptomatique, elle a tendance à favoriser les infections. Ainsi, 50 % des kystes prostatiques sont surinfectés [8].

3. Les kystes paraprostatiques

Présentation

Les kystes paraprostatiques comptent parmi les affections prostatiques les moins fréquentes chez le chien, puisque leur prévalence varie entre 2,6 et 5,3 %. Dans la majorité des cas, ils touchent les chiens entiers, mais n’épargnent pas les chiens castrés [7]. En revanche, l’incidence des kystes paraprostatiques au sein de la population canine globale n’est pas connue. Leur formation serait due à un développement anormal des vestiges des canaux de Müller ou à une rétention des sécrétions prostatiques due à l’obstruction des conduits prostatiques conduisant à une possible extension au travers de la capsule. Cette accumulation anormale des sécrétions prostatiques entraîne ainsi la formation de kystes dits “de rétention”. Selon les auteurs, le contenu des kystes est invariablement stérile ou peut secondairement s’infecter et se transformer en un liquide épais, voire purulent. Les kystes paraprostatiques sont souvent associés à des tumeurs de la prostate ou à des prostatites chroniques. Ils sont susceptibles de se former sur tout le pourtour de la prostate. Le plus souvent, ils proviennent de la partie craniodorsale de la prostate et sont rattachés à celle-ci par un pédicule. Parfois de taille volumineuse, ils peuvent s’étendre cranialement vers la cavité abdominale, déplaçant la vessie, ou caudalement vers la cavité pelvienne. Leur paroi est plus ou moins épaisse, mais reste souvent régulière et lisse [7, 11].

Aspect échographique

À l’examen échographique, les kystes paraprostatiques apparaissent comme des structures ovoïdes souvent volumineuses à contenu hypo- ou anéchogène avec un renforcement postérieur, en continuité avec un pédicule parfois visible. Les kystes possèdent le plus souvent un contenu anéchogène correspondant à un liquide stérile. Le contenu devient échogène s’il s’agit de sang, de fibrine ou de pus, lors de surinfection secondaire. Dans 50 % des cas, les kystes sont cloisonnés. Les septa sont alors visualisés sous la forme de lignes hyperéchogènes délimitant des cavités anéchogènes (photos 4a, 4b et 4c). Des minéralisations peuvent également être visualisées [10].

La proximité des kystes volumineux avec la vessie rend parfois la distinction entre les deux structures difficile. Le manipulateur doit alors utiliser une sonde de haute fréquence pour examiner les parois des organes afin de les différencier. La paroi vésicale est constituée de trois couches parallèles, matérialisées à l’échographie par deux lignes hyper-échogènes séparées par une ligne médiane hypoéchogène. La paroi des kystes paraprostatiques apparaît comme une simple ligne hyperéchogène plus ou moins fine.

PROSTATITES

Les prostatites peuvent être aiguës ou chroniques. Elles sont le plus souvent dues à des infections ascendantes du tractus urinaire [6]. Elles sont à l’origine de modifications prostatiques très diverses selon le caractère aigu ou chronique, focal, multifocal ou diffus de l’affection. En général, leur taille est normale à augmentée. Certaines prostatites très anciennes s’accompagnent d’une fibrose majeure responsable d’une atrophie prostatique sévère. L’organe est symétrique en cas de processus aigu, alors qu’il peut être déformé lors de processus inflammatoire ou infectieux très évolué s’accompagnant de kystes ou d’abcès. Le parenchyme est souvent diffusément hypoéchogène lors de prostatite aiguë, tandis qu’il est beaucoup plus hétérogène lors d’affection chronique. Les prostatites chroniques se caractérisent par une association de territoires hyperéchogènes irréguliers et de zones hypoéchogènes ou anéchogènes (photo 5). Les territoires hyperéchogènes peuvent correspondre à des zones de fibrose, de minéralisation (dans ce cas, un cône d’ombre sous-jacent est visible) ou à la présence de gaz. Les lésions circulaires anéchogènes bien délimitées accompagnées d’un renforcement postérieur sont des kystes prostatiques. Les lésions hypo- ou anéchogènes aux contours plus irréguliers évoquent davantage des abcès prostatiques, fréquemment rencontrés dans les prostatites chroniques. Dans ce cas, les nœuds lymphatiques locorégionaux sont souvent hypertrophiés. Parfois les abcès prostatiques sont entourés d’une coque externe hyperéchogène. Le traitement de ces abcès peut s’effectuer par drainage percutané sous tranquillisation (photos 6a et 6b). Dans l’étude de Boland, les 16 chiens dont les abcès prostatiques ont été drainés sous guidage échographique n’ont présenté aucune rechute ni aucune complication. Le drainage échoguidé des cavités abcédées constitue donc une excellente solution alternative à l’intervention chirurgicale [4].

Le recours à la biopsie ou aux cytoponctions prostatiques est souvent indispensable lors de suspicion de prostatite chronique. En effet, les lésions observées dans ce cas peuvent être identiques à celles obtenues lors d’hyperplasie glandulokystique ou de tumeur (photos 7a et 7b).

Une étude portant sur 16 chiens dont 5 atteints de prostatite lymphocyto-lymphoplasmocytaire a montré l’inefficacité du Doppler pour diagnostiquer échographiquement les prostatites [10]. Elle reposait sur l’utilité du Doppler couleur en médecine humaine pour détecter des tumeurs prostatiques, souvent associées à une irrégularité du signal couleur et à une déformation des structures vasculaires. En attendant d’autres études, la biopsie ou les cytoponctions échoguidées restent le seul outil fiable dans le diagnostic des affections prostatiques.

TUMEURS PROSTATIQUES

Les tumeurs prostatiques ont une prévalence faible dans l’espèce canine, estimée entre 0,29 et 0,6 % et touchent les chiens aussi bien castrés que non castrés [13]. La tumeur la plus souvent identifiée est l’adéno-carcinome prostatique. D’autres types tumoraux sont exceptionnellement rencontrés : des cas de lymphome prostatique sont rapportés [14].

Les néoplasies prostatiques se présentent à l’échographie sous des formes très variées. Le plus souvent, la prostate est hypertrophiée et de forme irrégulière. Son parenchyme est toujours hétérogène. Il abrite des territoires hyperéchogènes très localisés ou, au contraire, de grande taille et mal délimités, des lésions hypo- ou anéchogènes aux contours plus ou moins délimités correspondant à des zones de nécrose, d’abcédation, hémorragiques ou kystiques. Des zones de minéralisation hyperéchogènes accompagnées d’un cône d’ombre sous-jacent sont également souvent présentes. Une étude a montré que la visualisation de minéralisations prostatiques chez un chien mâle castré témoigne du développement d’un processus cancéreux (photo 8).

Ces critères échographiques de reconnaissance rappellent ceux qui sont observés lors de prostatite chronique et dans les cas d’hyperplasie glandulokystique. Le diagnostic différentiel entre ces affections nécessite donc la réalisation de biopsies ou de cytoponctions prostatiques échoguidées. Cependant, quelques éléments échographiques permettent d’orienter davantage le diagnostic vers une néoplasie :

– une lymphadénomégalie locorégionale iliaque et lombaire marquée (il convient cependant de tenir compte des lymphadénomégalies réactionnelles fréquemment rencontrées lors de prostatite chronique) ;

– l’interruption de la capsule prostatique laissant le processus tumoral gagner les structures avoisinantes ;

– la visualisation d’un envahissement tissulaire dans l’urètre ou le col de la vessie [5, 8].

Conclusion

L’échographie prostatique reste un examen incontournable pour le diagnostic des affections prostatiques. Cependant, les images ne sont pas toujours spécifiques et le recours aux prélèvements échoguidés est fréquent. De plus, l’échographie interventionnelle de vidange des kystes volumineux et des abcès doit faire partie de l’arsenal thérapeutique du vétérinaire praticien. Elle constitue une vraie solution alternative à une chirurgie souvent lourde.

Références

  • 1. Barr F. Percutaneous biopsy of abdominal organs Under ultrasound guidance. J. Small Anim. Pract. 1995;36:105-113.
  • 2. Berry SJ, Coffey DS, Ewing LL. Effects of aging on prostate growth in Beagles. Am. J. Physiol. 1986;250:R1039-1046.
  • 3. Berry SJ, Strandberg JD, Saunders WJ et coll. Development of canine benign prostatic hyperplasia with age. Prostate. 1986;9:363-373.
  • 4. Boland LE, Hardie RJ, Gregory SP et coll. Ultrasound-Guided percutaneous drainage as the primary treatment for prostatic abscesses and cysts in dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2003;39:151-159.
  • 5. Cotard JP, Chetboul V, Tessier-Vetzel D. Examen échographique de l’appareil urinaire et de la prostate. Dans : Échographie et Doppler du chien et du chat. Masson, Paris ; 2005;11:319-374.
  • 6. Goodrich ZJ, Wilke VL, Root Kustritz MV. Two cases of paraprostatic cysts in castrated male dogs. J. Anim. Hosp. Assoc. 2011;47(6):195-198.
  • 7. Hecht S. Male reproductive tract. In: Penninck D, D’Anjou MA. Atlas of Small Animal Ultrasonography. Ed. Blackwell Publishing, Ames, Iowa. 2008:417-443.
  • 8. Mattoon JS, Nyland TG. Ultrasonography of the prostate and testes. In: TG Nyland and JS Mattoon, eds. Small Animal Diagnostic Ultrasound. WB Saunders Co, Philadelphia. 2002:250-266.
  • 9. Marquez GA, Nyland TG, Ling GV et coll. Prevalence of canine prostatic cysts in adult large breed dogs. Proceeding of the 6th annual house officer seminar day, School of veterinary medicine, University of California Davis, Davis, CA. 1994:30.
  • 10. Newell SM, Neuwirth L, Ginn PE et coll. Doppler ultrasound of the prostate in normal dogs and in dogs with chronic lymphocytic-lymphoplasmocytic prostatis. 1998;39(4):332-336.
  • 11. Renfrew H, Barret EL, Bradley KJ et coll. Radiographic and ultrasonographic features of canine paraprostatic cysts. Vet. Radiol. Ultrasound. 2008;49(5):444-448.
  • 12. Stowater JL, Lamb CR. Ultrasonographic features of paraprostatic cysts in nine dogs. Vet. Radiol. 1989;30(5):232-239.
  • 13. Weaver AD. Fifteen cases of prostatic carcinoma in the dog. Vet. Rec. 1981;109:71-75.
  • 14. Winter MD, Locke JE, Penninck DG. Imaging diagnosis – Urinary obstruction secondary to prostatic lymphoma in a young dog. Vet. Radiol. Ultrasound. 2006;47(6):597-601.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) est l’affection prostatique la plus fréquente.

→ L’HBP n’est jamais associée à une lymphadénomégalie régionale.

→ Les prostatites chroniques peuvent être associées à des abcès prostatiques.

→ Les tumeurs prostatiques se rencontrent chez les mâles entiers et castrés.

→ Des minéralisations prostatiques chez un chien castré témoignent d’une tumeur.

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