Optimisation de la biologie clinique dans l’exploration de l’ictère et des affections hépatobiliaires - Le Point Vétérinaire expert canin n° 334 du 01/04/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 334 du 01/04/2013

BIOLOGIE CLINIQUE

Article de synthèse

Auteur(s) : Clémence Peyron*, Olivier Toulza**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Aquivet
Rue de la Forêt,
33320 Eysines

L’ictère est un symptôme potentiellement grave, dont il convient d’identifier et de traiter la cause (hépatobiliaire). La prise de sang est le bon réflexe, mais il est essentiel de choisir les paramètres utiles et de les interpréter de façon raisonnée.

Les affections hépatobiliaires se divisent en trois groupes principaux : vasculaires, biliaires ou hépatiques (encadré 1) [4].

La biologie clinique met à disposition des outils de laboratoire dont l’utilisation raisonnée permet d’explorer les troubles hépatiques et de hiérarchiser les examens complémentaires.

CE QU’IL CONVIENT DE SAVOIR SUR L’ICTÈRE

L’ictère se caractérise par une coloration jaune des muqueuses et/ou du tégument due à la présence de bilirubine dans le sang (photos 1 et 2). Ses origines sont triples : affections hépatiques, post-hépatiques, ou hémolyse (pré-hépatique, accompagnée d’une anémie) [5]. Le tableau clinique est polymorphe et peu spécifique (encadré 2).

1. Métabolisme de la bilirubine

La bilirubine résulte de la dégradation de l’hémoglobine. L’hème est départi de son fer (qui est recyclé) pour former de la biliverdine puis de la bilirubine libre, laquelle va se lier à l’albumine avant de rejoindre le foie, où elle est conjuguée. Une fois conjuguée, la bilirubine est excrétée dans la bile et gagne l’intestin, où elle est successivement transformée en urobilinogène, en stercobilinogène, puis en stercobiline, avant d’être évacuée dans les selles. Chez les individus sains, la bilirubine présente dans la circulation n’est pas conjuguée, puisqu’elle n’a pas encore été métabolisée par le foie. En revanche, lors de cholestase, de la bilirubine conjuguée peut s’accumuler dans le plasma (photo 3).

2. Pathophysiologie de l’ictère

L’ictère se développe si la production de bilirubine est augmentée (hémolyse) ou en cas de cholestase (présente dans de nombreuses affections hépatiques). Lorsqu’il est d’origine intra-hépatique, l’ictère est la conséquence d’une communication entre les canaux biliaires et les capillaires sinusoïdes (obstruction des voies biliaires, destruction des jonctions intercellulaire, etc.). L’ictère d’origine post-hépatique est plus rare et résulte d’une obstruction du canal biliaire principal. La concentration plasmatique en bilirubine doit être au minimum de 15 µmol/l (soit 8,82 mg/l) pour que l’ictère soit cliniquement décelable. La bilirubine conjuguée qui se trouve ainsi relarguée dans le plasma à travers les jonctions intercellulaires se lie à l’albumine de façon irréversible. Elle est éliminée de la circulation lors du catabolisme de l’albumine, ce qui lui confère une demi-vie de 2 semaines environ. La durée de ce processus explique que l’ictère reste observable après la disparition des signes cliniques liés à l’affection originelle (anorexie, vomissements, léthargie en cas d’hépatite, etc.).

MARQUEURS DE LA CYTOLYSE HÉPATIQUE

Les marqueurs de la cytolyse (souffrance hépatique) sont les transaminases (alanine aminotransférase [Alat] et aspartate aminotransférase [Asat]), les phosphatases alcalines (PAL) et les γ-glutamyltransférases (γGT), à distinguer des marqueurs de la fonction hépatique (albumine, urée, glucose, ammoniac, cholestérol, bilirubine, acides biliaires, paramètres de l’hémostase).

1. Transaminases : alanine et aspartate aminotransférases

Le cytoplasme des hépatocytes contient une grande quantité d’Alat et une plus faible d’Asat (80 % de l’Asat hépatique se trouve dans les mitochondries des hépatocytes et le reste est en solution dans le cytoplasme). De grandes quantités d’Asat sont aussi présentes dans les cellules musculaires. Il est donc important de s’assurer de l’absence de maladie musculaire lors de l’augmentation de l’activité des Asat, en dosant une enzyme musculaire, la créatine-kinase (CK).

De manière générale, l’augmentation d’activité de l’Asat est plus sensible, mais moins spécifique que celle de l’Alat, pour le diagnostic de maladie hépatique.

Lors d’hépatite aiguë, l’activité des Alat et des Asat augmente très rapidement (en quelques heures), reflétant la cytolyse des hépatocytes. L’intensité de la hausse de l’activité enzymatique sérique évolue parallèlement à la sévérité des lésions hépatiques, mais ne donne pas d’informations sur les capacités de synthèse hépatique, ni sur le pronostic.

En revanche, l’évolution dans le temps de l’activité enzymatique sérique permet de préciser l’évolution de la nécrose hépatique et la résolution ou non de l’atteinte, d’autant plus précisément que la demi-vie des transaminases est très courte (de quelques heures à quelques jours pour l’Asat et quelques jours pour l’Alat). L’intérêt pronostique du suivi enzymatique est indéniable. Si l’augmentation d’activité persiste, il convient de rechercher le développement éventuel d’une hépatite chronique.

Dans le cas particulier d’une nécrose hépatique aiguë provoquée par l’ingestion d’aflatoxines, l’activité des enzymes hépatiques n’est pas corrélée à l’intensité des lésions hépatiques et ne permet pas d’établir de manière précoce un diagnostic d’atteinte hépatique. Les aflatoxines inhibent la synthèse des transaminases.

Enfin, lors d’hépatite chronique en phase terminale (avec une cirrhose très marquée, par exemple), il est fréquent d’observer une diminution de l’activité des transaminases hépatiques, après une longue phase de forte augmentation. Cela est lié au très faible nombre d’hépatocytes encore vivants. Il s’agit souvent d’un élément de pronostic très péjoratif (phase terminale de la maladie) [3].

2. Phosphatases alcalines et γ-glutamyltransférases

Ces deux enzymes se trouvent à la surface des canalicules biliaires. L’interprétation combinée de l’activité des PAL et des γGT améliore les performances diagnostiques de chacun des paramètres (meilleures sensibilité et spécificité) (tableau 1).

Plusieurs autres iso-enzymes des PAL existent (autres que l’iso-enzyme hépatique) : l’iso-enzyme osseuse et l’iso-enzyme induite par les médicaments (glucocorticoïdes, anticonvulsivants, etc.). Il convient d’en tenir compte lors de l’établissement d’un diagnostic différentiel.

L’hypercorticisme spontané et l’hyperplasie surrénalienne provoquent aussi une augmentation d’activité des PAL chez le chien. Chez les scottish terriers, une telle hausse d’activité de ces enzymes est fréquemment observée, dont la cause exacte reste encore à découvrir.

L’activité des γGT augmente lors d’hypercorticisme (spontané ou iatrogène) chez le chien uniquement. Le colostrum et le lait contiennent de grandes quantités de γGT, d’où une hausse d’activité de ces enzymes chez les jeunes pendant l’allaitement.

Le chat présente des spécificités notables par rapport au chien.

Tout d’abord, la demi-vie des PAL du chat est très courte (6 heures), comparativement à celle du chien (66 heures).

Lors d’hépatite aiguë chez le chat, l’augmentation d’activité des PAL est moindre que celle qui est observée chez le chien. En revanche, l’hyperbilirubinémie est beaucoup plus marquée dans l’espèce féline que dans l’espèce canine.

L’augmentation d’activité des PAL, lors d’administration de corticoïdes chez le chien, n’est pas notée chez le chat.

Ensuite, la sensibilité de l’activité des γGT chez le chat est plus forte que celle des PAL lors d’affection des voies biliaires (ce n’est pas le cas chez le chien).

Enfin, lors de maladie cholestatique du chat (avec ictère), la lipidose hépatique est la seule à provoquer une augmentation d’activité des PAL, sans hausse d’activité des γGT. Ce profil biochimique (hyperbilirubinémie, PAL augmentées et γGT normales) est très fortement évocateur (voire pathognomonique) d’une lipidose hépatique. Cependant, l’origine de cette maladie ne peut pas être précisée par ces résultats [6, 7].

3. Interprétation croisée des différents marqueurs de la souffrance hépatique

Dans un second temps et pour certains cas, l’étude concomitante des résultats des différentes activités permet de préciser l’orientation diagnostique (tableau 2).

MARQUEURS DE LA FONCTION HÉPATIQUE

1. Albumine, urée, glucose, ammoniaque, cholestérol

L’albumine est synthétisée exclusivement par le foie. Une hypoalbuminémie est fréquemment observée lors d’insuffisance fonctionnelle hépatique, lorsqu’au minimum 60 % des capacités de synthèse hépatique sont détruites. Toutefois, l’hypoalbuminémie n’est pas spécifique d’une maladie hépatique puisqu’elle peut être également présente lors de pertes digestives, rénales, ou de réactions inflammatoires systémiques ou de brûlures étendues.

Une hypo-urémie peut être mise en évidence lors d’insuffisance hépatique, mais cela n’est un paramètre ni sensible ni spécifique. Elle découle généralement d’un dysfonctionnement grave du foie affectant le cycle de l’urée.

L’hypoglycémie est un signe d’appel fréquent d’anomalies hépatiques congénitales (vasculaire ou maladie de surcharge). Elle est plus rarement observée lors d’une insuffisance hépatique acquise.

L’hyperammoniémie est très sensible pour la détection des anomalies vasculaires hépatiques. Cependant, le dosage de l’ammoniémie comporte de nombreuses difficultés techniques qui rendent son utilisation délicate en pratique courante.

Comme l’hypoalbuminémie, l’hypocholestérolémie reflète un défaut de synthèse hépatique. Elle est recherchée systématiquement lors de suspicion d’une atteinte hépatique grave, en vérifiant que le prélèvement sanguin est effectué après un jeûne de 12 heures.

À l’inverse, lors de maladie cholestatique (obstruction des voies biliaires extra-hépatiques, en particulier), il est fréquent de noter une hypercholestérolémie (à la suite d’un défaut de clairance biliaire du cholestérol).

2. Bilirubine

Une hyperbilirubinémie (se traduisant par un ictère) est possible lors d’une atteinte hépatique ou des voies biliaires. Elle n’est toutefois pas spécifique puisqu’il est possible de l’observer lors d’hémolyse importante ou de pancréatite. Elle n’est jamais présente lors d’une anomalie vasculaire congénitale. Très fréquente lors d’une atteinte hépatique aiguë, elle l’est moins dans le cas d’une maladie hépatique chronique. La bilirubine totale (par opposition aux formes conjuguées et non conjuguées) est la seule qui présente un intérêt diagnostique chez les carnivores domestiques.

3. Cinétique des acides biliaires

Elle consiste à réaliser un premier prélèvement sanguin à jeun, puis un second 2 heures après le repas. Ce test doit être effectué en seconde intention, lorsque le clinicien a une suspicion de maladie hépatique sur la base des résultats des examens initiaux (historique médical, examen clinique, activité des enzymes hépatiques, par exemple). L’augmentation de la concentration sérique en acides biliaires est spécifique d’une insuffisance fonctionnelle hépatique et se produit avant l’apparition de l’ictère. Si l’animal est ictérique, il ne sert donc à rien de doser les acides biliaires. La cinétique des acides biliaires ne permet pas de préciser la nature de la maladie hépatique. De plus, l’ampleur de l’augmentation n’est pas corrélée à l’importance des lésions hépatobiliaires ou du shunt vasculaire.

Certaines affections comme l’hypercorticisme peuvent provoquer une élévation modérée des acides biliaires sans maladie hépatique associée. La prise d’acide ursodéoxycholique par voie orale entraîne une augmentation de la concentration plasmatique d’acides biliaires.

Enfin, dans environ 15 % des cas, la valeur postprandiale est supérieure à la valeur à jeun. Cela peut s’expliquer si la vésicule biliaire s’est contractée physiologiquement dans les heures précédant le repas d’épreuve. Cela n’affecte en rien les performances du test ni son interprétation.

4. Paramètres de l’hémostase

Le foie étant chargé de la synthèse et de l’activation de la quasi-totalité des facteurs intervenant dans la coagulation et sa régulation, les troubles de l’hémostase sont fréquents lors de maladie hépatobiliaire. C’est tout particulièrement le cas pour les facteurs dont la synthèse dépend de la vitamine K (facteurs II, VII, IX et X, protéines C et S), mais aussi pour l’antithrombine III et le fibrinogène.

L’absorption de la vitamine K (vitamine liposoluble) requiert des acides biliaires dans l’intestin pour émulsionner les matières grasses. Ainsi, lors de cholestase chronique, la vitamine K n’est plus absorbée et des troubles de l’hémostase en résultent.

Malgré cela, les saignements spontanés sont rares chez les animaux atteints de maladie hépatique, sauf lorsqu’un acte invasif est réalisé (prise de sang, ponction, biopsie ou acte chirurgical).

La concentration plasmatique du fibrinogène est un bon indicateur du risque de saignement postbiopsie. Une concentration plasmatique en fibrinogène inférieure à 0,5 g/l constitue une contre-indication absolue à la réalisation d’une biopsie hépatique.

L’activité de la protéine C (protéine anticoagulante différente de la protéine C réactive, marqueur de l’inflammation) se mesure en pourcentage d’activité (valeurs de référence comprises entre 75 et 135 %). Lors de shunt portosystémique congénital, elle est diminuée (inférieure à 70 % dans 88 % des cas). Lors de dysplasie microvasculaire hépatique (aussi appelée hypoplasie portale), elle est normale (supérieure à 70 % dans 95 % des cas). Cela permet de différencier facilement deux entités qui, jusque-là, nécessitaient la réalisation d’examens complémentaires coûteux et invasifs (portographie, angioscanner ou scintigraphie colorectale). De plus, si la ligature chirurgicale du shunt portosystémique congénital est complète et durable, l’activité de la protéine C se normalise (ce qui permettrait de réaliser un suivi postopératoire simple et non invasif). Pour le moment, le dosage de la protéine C n’est pas disponible en routine en France.

HÉMATOLOGIE

L’observation d’une microcytose isolée (sans anémie) est un signe d’appel fort d’un shunt portosystémique (sauf dans certaines races asiatiques comme les akita inu qui présentent une microcytose physiologique).

Il est fréquent de noter une anémie modérée, souvent non régénérative, normocytaire (lors d’inflammation chronique) ou microcytaire (lors de saignement gastro-intestinal chronique ou de shunt portosystémique). En cas d’inflammation chronique, l’anémie est liée en partie à la séquestration du fer par les macrophages. Lors de shunt portosystémique, le mécanisme n’est pas connu avec certitude, mais un dysmétabolisme du fer est suspecté là aussi (avec peut-être une séquestration du fer dans les cellules de Küpffer du foie).

Des anomalies morphologiques des hématies sont souvent présentes (poïkylocytes, corps de Heinz), traduisant le plus souvent une souffrance de la membrane des hématies à la suite d’un défaut d’activité antioxydante du foie (déficit en glutathion). Des hématies cibles sont également parfois observées.

ANALYSE URINAIRE

La densité urinaire est variable lors de maladie hépatobiliaire. En cas de shunt portosystémique congénital, il est fréquent d’observer une isosthénurie (densité urinaire entre 1,008 et 1,012) ou une hyposthénurie (densité urinaire < 1,007), en raison de l’augmentation du débit de filtration glomérulaire compensateur, d’une hypo-urémie qui diminue le gradient cortico-médullaire rénal et d’un degré de polydipsie psychogène due à l’encéphalose hépatique.

La présence de cristaux d’urate d’ammonium à l’examen du sédiment urinaire doit faire rechercher un shunt porto-systémique. Ces cristaux se retrouvent chez 40 à 70 % des chiens atteints de shunt congénital et chez 13 % des chats. Certaines races de chiens (dalmatiens, bouledogues anglais et cockers spaniels) sont prédisposées aux cristaux d’urate, sans pour autant qu’un shunt portosystémique soit toujours présent.

RECHERCHE D’AGENTS INFECTIEUX

Lors de suspicion de leptospirose, le diagnostic peut être établi par détection de l’agent pathogène dans le sang et/ou les urines par PCR (polymerase chain reaction). Les prélèvements sanguin et/ou urinaire doivent être réalisés dans les 10 premiers jours de la maladie, après une phase fébrile et avant l’administration de tout antibiotique. Ces examens permettent d’identifier le matériel génétique des bactéries du genre Leptospira au sens large, et non le sérovar en cause. L’examen sérologique (test d’agglutination microscopique) reste la méthode de référence. Un titre sérologique supérieur à 1/800 est très évocateur d’une infection leptospirosique. Un titre sérologique multiplié par quatre après 2 à 4 semaines est diagnostique d’une infection active. Dans tous les cas, les résultats doivent être confrontés à la date de la dernière vaccination car des titres postvaccinaux très élevés peuvent être observés pour les valences concernées. Les vaccins conventionnels en France confèrent une protection vis-à-vis des sérovars icterohemorrhagiae et canicola. Cependant, plus de 200 sérovars existent, dont une douzaine potentiellement pathogènes chez le chien.

Lors de suspicion d’hépatite de Rubarth (adénovirus canin de type I), un examen sérologique peut être effectué dès lors que l’animal n’a jamais été vacciné. Si une vaccination, même ancienne, a été réalisée, le résultat sérologique va être presque ininterprétable. Le virus peut alors être mis en évidence par PCR sur un fragment de biopsie hépatique ou sur de la bile obtenue par cholécystocentèse (rarement nécessaire).

Lors de suspicion d’hépatite bactérienne (cholangio-hépatite le plus souvent), la mise en culture d’une biopsie hépatique ou de bile obtenue par cholécystocentèse permet parfois de déterminer l’agent infectieux en cause si aucun antibiotique n’a été administré [1]. Il est préférable de demander au laboratoire des cultures bactériennes aérobie et anaérobie. Les agents infectieux les plus fréquemment mis en cause sont Escherichia coli, Pasteurella, Salmonella, Brucella et Clostridium [4].

Des examens bactériologiques aérobie et anaérobie devraient être réalisés en routine sur toute biopsie hépatique (surtout lors d’hépatopathie chronique).

CYTOLOGIE HÉPATIQUE

Après avoir pris les précautions d’usage concernant d’éventuels troubles de l’hémostase, il peut être intéressant de réaliser des cytoponctions hépatiques échoguidées à l’aiguille fine. Cet examen est utile dans le diagnostic de certaines tumeurs hépatiques localisées ou diffuses et de la lipidose hépatique féline. Lors de suspicion d’hépatite chronique, seule l’analyse histopathologique de plusieurs biopsies hépatiques (prélevées par chirurgie conventionnelle ou cœlioscopie) permet de conclure avec davantage de certitude. La cytologie hépatique est rarement utile dans la démarche diagnostique des shunts portosystémiques congénitaux et n’est pas recommandée dans ces cas-là.

ANALYSE DU LIQUIDE D’ÉPANCHEMENT ABDOMINAL

Plusieurs maladies hépatobiliaires sont responsables de la formation d’un épanchement abdominal (photo 4). Au sens large, c’est un exsudat, à caractériser si possible : hémopéritoine, uropéritoine, etc. Lorsqu’il s’agit d’un transsudat, c’est une ascite. Les capillaires sanguins dans le réseau porte hépatique sont continus. À l’inverse, les capillaires sanguins dans le parenchyme hépatique sont fenêtrés. Ces différences permettent d’expliquer l’apparition d’épanchements de natures différentes.

Un transsudat pur (concentration protéique faible, inférieure à 25 g/l, et cellularité très faible) peut être identifié lors d’hypoalbuminémie importante (baisse de la pression oncotique) ou d’hypertension portale présinusoïdale. C’est le cas lorsqu’un obstacle est présent sur la circulation porte hépatique, dans le foie ou en amont de ce dernier, les capillaires continus du réseau porte ne laissant passer qu’une faible quantité de protéines sanguines et de cellules.

Lors de péritonite biliaire, un exsudat abdominal est observé (concentration des protéines supérieure à 25 g/l et cellularité très élevée). Ces valeurs sont données à titre indicatif et sont susceptibles de varier selon la chronicité de la maladie.

Conclusion

Il n’existe pas un moyen unique d’appréhender les maladies hépatobiliaires. Un interrogatoire minutieux des propriétaires et un examen clinique approfondi révèlent la meilleure façon de gérer un animal qui nécessite souvent d’être hospitalisé (photo 5). De nombreux outils sont à la disposition du clinicien. Tout l’art de la médecine interne, et plus spécifiquement de l’hépatologie, consiste à sélectionner les bons examens et à les réaliser au moment opportun pour obtenir un diagnostic définitif. Les analyses biologiques doivent être pratiquées en premier. Leur interprétation conditionne les autres recherches.

Références

  • 1. Brovidia C, Rothuizen J. Liver and pancreatic diseases. In: Textbook of Veterinary Internal Medicine. Ettinger S, Feldman EC et coll. (eds). 7th ed. Elsevier Saunders. 2010:1609-1611.
  • 2. Center SA. Diseases of the gallbladder and biliary tree. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2009;39(3):543-598.
  • 3. Center SA. Interpretation of liver enzymes. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2007;37(2):297-333.
  • 4. Cullen JM. Summary of the World Small Animal Veterinary Association Standardization Committee Guide to Classification of Liver Disease in Dogs and Cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2009;39(3):395-418.
  • 5. Rothuizen J. Important clinical syndromes associated with liver disease. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2009;39(3):419-426.
  • 6. Toulza O, Hernandez J. Approche diagnostique des affections hépatiques et hépatites aiguës. In: Gastro-entérologie du chien et du chat. Lecoindre P et coll. (eds). Ed. du Point Vét. 2010:400-410.
  • 7. Toulza O. Exploration biologique des affections hépatiques et des voies biliaires du chien et du chat. Conférence CES Hématologie et biochimie. ENV de Toulouse, 29 mars 2012.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Les différents groupes de maladies hépatobiliaires

→ Désordres d’origine vasculaire :

– shunts portosystémiques ;

– obstruction de la veine porte (thrombus, néoplasie, processus inflammatoire, etc.) ;

– dysplasie microvasculaire ;

– péliose (dilatations vasculaires disséminées dans le parenchyme hépatique).

→ Affections du parenchyme hépatique :

– lipidose ;

– hépatopathie vacuolaire ;

– hépatite ;

– néoplasie (carcinome, adénome), etc.

→ Maladies biliaires :

– cholestase ;

– cholangite ;

– mucocèle, etc.

ENCADRÉ 2
Les types d’ictère

→ Ictère pré-hépatique : hémolyse avec apparition d’hémoglobine libre (origines infectieuse, néoplasique, idiopathique, etc.).

→ Ictère hépatique : cholestase intra-hépatique et reflux de bile dans la circulation (cirrhose, lipidose, cholangiohépatite, etc.).

→ Ictère post-hépatique : cholestase extra-hépatique (cholangite, cholécystite, cholélithiase, etc.).

POINTS FORTS

→ L’ictère se développe si la production de bilirubine est augmentée (hémolyse) ou en cas de cholestase (présente dans de nombreuses affections hépatiques).

→ La bilirubine se lie à l’albumine de façon irréversible et elle est éliminée de la circulation lors du catabolisme de l’albumine, ce qui lui confère une demi-vie de 2 semaines environ et explique que l’ictère reste observable après la disparition des signes cliniques liés à l’affection originelle.

→ De manière générale, l’augmentation d’activité de l’aspartate aminotransférase est plus sensible, mais moins spécifique que celle de l’alanine aminotransférase, pour le diagnostic de maladie hépatique.

→ La lipidose hépatique féline est la seule à provoquer une augmentation d’activité des phosphatases alcalines, sans élévation de celle des γ-glutamyltransférases.

→ L’augmentation de la concentration sérique en acides biliaires est spécifique d’une insuffisance fonctionnelle hépatique et se produit avant l’apparition de l’ictère. Il est donc inutile de doser les acides biliaires puisqu’ils sont élevés chez un animal ictérique.

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