TROUBLES NEUROLOGIQUES À L’ÉVOLUTION PROGRESSIVE CHEZ UN CHAT

PRÉSENTATION CLINIQUE

Une chatte européenne stérilisée, âgée de 12 ans, est référée pour l’exploration de troubles neurologiques caractérisés par des épisodes de désorientation, d’hypovigilance et de marche en cercle qui évoluent de façon progressive depuis deux semaines. L’animal vit à l’intérieur sans accès à l’extérieur. Ses vaccinations et ses traitements antiparasitaires externe et interne sont à jour. Les valeurs de la pression artérielle systémique, de l’analyse urinaire et du bilan sanguin hémato-biochimique réalisés par le vétérinaire traitant sont dans les normes. Le statut vis-à-vis des virus félins de l’immunodéficience (FIV) et de la leucose (FeLV), déterminé au moyen d’un test d’immunodosage rapide antigénique et sérologique, est négatif. Lors de l’examen clinique, l’animal apparaît alerte, en bon état général, avec des constantes cliniques dans les valeurs usuelles. L’examen neurologique à distance révèle une démarche en cercle large vers la gauche. Les placers proprioceptifs et les réflexes médullaires sont normaux. L’examen des nerfs crâniens ne décèle aucune anomalie. Un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’encéphale est réalisé (^{photos 1} et ²).

Qualité et description des images

L’animal est bien positionné. Les coupes sont réalisées dans des plans sagittal et transversal parfaits. La présence d’une lésion intraparenchymateuse mal délimitée est observée au sein du thalamus gauche, avec une extension rostrale dans le noyau caudé gauche et une discrète extension controlatérale dans le noyau caudé droit. Mesurant 1,8 cm de large sur 1,2 cm de haut et 2 cm de long, elle est associée à un effet de masse intracrânien caractérisé par une discrète déviation de la faux du cerveau vers la droite. Cette lésion présente un hypersignal hétérogène mal délimité en pondération T2 et T2 Flair, un isosignal en pondération T1 et un rehaussement central hétérogène mal délimité en T1 après l’injection intraveineuse de gadolinium. Le ventricule latéral gauche et le récessus olfactif gauche sont légèrement dilatés. Le bord rostral du cervelet apparaît comprimé, mais le cervelet reste en place dans la fosse caudale, ce qui caractérise un engagement transtentoriel sans signe d’engagement foraminal.

Interprétation des images

L’examen met en évidence une lésion intra-axiale associée à un effet de masse et à des signes d’augmentation de la pression intracrânienne, dont les caractéristiques évoquent un processus tumoral. L’hypothèse d’une encéphalopathie inflammatoire ou granulomateuse ou d’une lésion vasculaire ischémique est moins probable. L’analyse cytologique du liquide cérébro-spinal, prélevé par voie atlanto-occipitale, révèle la présence d’une population monomorphe de grandes cellules rondes à fort rapport nucléocytoplasmique, dont les caractéristiques sont en faveur d’un lymphome à grandes cellules blastiques.

DISCUSSION

Le lymphome est la deuxième tumeur intracrânienne la plus fréquente chez le chat (entre 13 et 31 % des tumeurs intracrâniennes dans cette espèce) [¹]. L’atteinte du système nerveux central est rapportée chez 12 % des chats atteints de lymphome [¹]. Le tableau clinique le plus fréquent inclut des signes non spécifiques (anorexie, abattement, perte de poids) et des troubles neurologiques variables selon la localisation de la lésion (altération de l’état de conscience, modifications de comportement, etc.) [¹]. L’imagerie par résonance magnétique est l’examen de choix lors d’une suspicion d’atteinte de l’encéphale [²]. Les lésions observées à l’IRM lors de lymphome intracrânien sont variées et aucune d’elles n’est pathognomonique de cette affection [¹]. Elles incluent la présence de lésions intra-axiales et/ou extraaxiales uniques ou multifocales, plus ou moins bien délimitées, d’intensité variable avec un rehaussement modéré à marqué après l’injection de produit de contraste, associées à un œdème périphérique [²]. Dans ce contexte, l’examen cytologique ou histologique est indispensable pour établir un diagnostic de certitude [¹]. L’analyse du liquide cérébro-spinal n’est cependant diagnostique que dans 20 % des cas en raison du caractère fréquemment inflammatoire du liquide cérébro-spinal, de la faible cellularité de celui-ci et de la difficulté de distinguer les lymphocytes réactionnels des lymphocytes néoplasiques [¹]. Elle révèle dans le cas présenté une pléiocytose⁽¹⁾ mononucléée et une hyperprotéinorachie⁽²⁾ [¹]. La réalisation d’un polymerase chain reaction for antigen receptor rearrangement (PARR) peut faciliter le diagnostic de lymphome et permettre de préciser le pronostic [¹]. Bien que l’examen histopathologique constitue l’examen de choix pour un diagnostic définitif ante mortem, il est rarement réalisé en pratique en raison des risques inhérents à cette procédure [¹]. Aucun consensus n’existe en médecine vétérinaire sur la prise en charge des lymphomes intracrâniens. L’association de protocoles de radiothérapie et de chimiothérapie peut néanmoins être proposée en raison de la nature systémique de ces tumeurs [³].

• (1) Augmentation du contingent cellulaire dans le liquide cérébro-spinal.

• (2) Augmentation de la concentration en protéines dans le liquide cérébro-spinal.

Références

• 1. Durand A, Keenihan E, Schweizer D et coll. Clinical and magnetic resonance imaging features of lymphoma involving the nervous system in cats. J. Vet. Intern. Med. 2022;36 (2):679-693.
• 2. Troxel MT, Vite CH, Massicotte C et coll. Magnetic resonance imaging features of feline intracranial neoplasia: retrospective analysis of 46 cats. J. Vet. Intern. Med. 2004;18 (2):176-189.
• 3. Nakamoto Y, Ozawa T, Uchida K et coll. Primary intra-axial B-cell lymphoma in a cat. J. Vet. Med. Sci. 2009;71 (2):207-210.