RÉÉDUCATION FONCTIONNELLE LORS DE DISJONCTION ÉPIPHYSAIRE DE LA TÊTE FÉMORALE CHEZ LE CHAT - Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025
Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025

ORTHOPÉDIE

Orthopédie

Auteur(s) : Hélène Tiberghien*, Claire Demars**

Fonctions :
*(DE cinésiologie, physiothérapie
et rééducation fonctionnelle)
**(DipECVS)
***AniCura Nordvet
1 rue Delesalle
59110 La Madeleine

La rééducation fonctionnelle peut être proposée pour améliorer le confort et la récupération postopératoire après une intervention chirurgicale orthopédique, en particulier chez le chat, lors de disjonction épiphysaire de la tête du fémur.

Les disjonctions épiphysaires de la tête fémorale chez le chat correspondent à une perte de continuité entre le col et la tête fémorale au niveau de la plaque de croissance, également appelée physe. Elles occasionnent une boiterie plus ou moins franche, parfois une simple réticence au déplacement ou au saut. Le diagnostic est radiographique et un traitement chirurgical peut être proposé(1). Une prise en charge postopératoire par la physiothérapie, primordiale en cas de résection de la tête et du col fémoral ou de prothèse totale de la hanche, permet d’optimiser la récupération en cas de stabilisation par une ostéosynthèse.

PARTICULARITÉS DE LA RÉÉDUCATION FONCTIONNELLE CHEZ LE CHAT

Bien que la rééducation fonctionnelle puisse sembler difficilement réalisable et qu’elle soit donc peu proposée aux propriétaires de chats, elle apporte de nombreux bénéfices aux animaux coopératifs : diminution de la douleur et du temps de récupération, amélioration de la reprise d’appui, mise en charge progressive et contrôlée, etc. Les protocoles s’adaptent aux spécificités physiques et comportementales du chat, via la diff usion de phéromones faciales et une durée de travail adaptée à la tolérance de l’animal. Les chats sont souvent de bons candidats car, légers et souples, ils forcent peu sur le membre opéré. Ils récupèrent ainsi aisément une bonne amplitude de mouvement après la période d’immobilisation.

Moins tolérants aux nouvelles activités, les chats ont toutefois besoin d’une période d’adaptation qui peut commencer en phase préopératoire [1]. L’hydrothérapie est adaptée aux races félines réputées pour aimer l’eau, comme le maine coon. Parfois peu convaincus au départ, les propriétaires sont souvent ravis de découvrir l’ensemble des possibilités thérapeutiques.

GESTION DE LA DOULEUR POSTOPÉRATOIRE

La rééducation ne peut en aucun cas se substituer à une analgésie médicamenteuse. La cryothérapie diminue la douleur et l’inflammation et réduit l’apparition d’œdèmes grâce à la vaso constriction induite. Elle est réalisée en période postopératoire immédiate par l’application sur la hanche opérée d’une poche froide pendant dix à quinze minutes, à renouveler trois fois par jour pendant 72 heures [3].

Une méta-analyse de 76 publications, réalisée en 2023, rapporte que dans 75 cas sur 76, le laser diminue la douleur et l’inflammation et accélère les processus de cicatrisation grâce à la biostimulation qu’il induit [2]. Son utilisation particulièrement facile et peu invasive en fait une technique de choix chez le chat, avec une excellente acceptation même lorsque les animaux sont peu coopératifs (photo 1).

Les massages doux peuvent être pratiqués sur le membre opéré, ainsi que sur les autres membres qui souff rent généralement d’une sursollicitation due au report de poids.

GESTION DE L’AMPLITUDE ARTICULAIRE

En phase postopératoire, la douleur à l’extension de la hanche peut être responsable d’une rétraction des tissus musculaires et fibreux ainsi que d’une diminution d’amplitude. Afin de maintenir ou de récupérer une bonne amplitude articulaire, des mouvements passifs de flexion-extension peuvent être effectués sur le membre opéré. Ils ne doivent pas déclencher de douleur et leur amplitude doit rester faible pendant les quinze premiers jours postopératoires, avant d’être progressivement augmentée [3]. Lors de prothèse totale de la hanche, les mouvements passifs en abduction-adduction sont strictement prohibés durant au moins trois mois, afin de prévenir le risque de luxation de la prothèse.

REPRISE D’APPUI PRÉCOCE ET MISE EN CHARGE DU MEMBRE

Le chat nécessite une adaptation très progressive aux techniques de rééducation, notamment à l’hydrothérapie.

Exercices de report d’appui

Des exercices actifs de report du poids peuvent être conseillés deux ou trois semaines après l’intervention, en l’absence de toute douleur ou complication. Ils consistent à inciter l’animal à prendre appui sur le membre postérieur opéré en réalisant des mouvements de balancier par une pression latérale sur le postérieur sain. La difficulté de cet exercice peut être augmentée en levant le membre thoracique ou le membre pelvien controlatéral (après un mois).

Hydrothérapie

L’hydrothérapie est tolérée par certains chats et elle est particulièrement intéressante pour une mise en charge précoce, progressive et contrôlée du membre opéré (photo 2). La résistance du milieu aquatique permet un renforcement musculaire doux, sans mouvements brusques néfastes. L’eau est chauffée à environ 28 °C, afin de bénéficier d’effets thermiques tels que l’assouplissement des tissus conjonctifs et le relâchement des spasmes musculaires.

RÉÉDUCATION PROPRIOCEPTIVE ET TRAVAIL DE L’ÉQUILIBRE

Avec matériel

Lors d’acte chirurgical sur une articulation et a fortiori de son retrait, notamment dans le cas d’une résection de la tête et du col fémoral, la proprioception peut être affectée : la faire travailler permet à l’animal de retrouver toute son aisance lors de ses déplacements, par exemple pour les changements de direction. Le coussin proprioceptif ou le plateau de Freeman sont conseillés dans cet objectif (photo 3).

Pour reprendre appui progressivement et travailler l’équilibre et la proprioception de manière plus fine, le chat est positionné sur une plateforme proprioceptive motorisée, de type Imoove-vet.

Ces exercices statiques sont souvent bien acceptés par les chats (photo 4). Le passage de cavaletti peut être proposé à trois ou quatre semaines postopératoires. Il s’agit de petits obstacles (deux plots reliés par une barre) peu élevés, dont la hauteur est progressivement augmentée, que le chat doit franchir lentement, une patte à la fois et sans sauter. Cet exercice permet de travailler la coordination, la proprioception et l’amplitude articulaire (photo 5) [3].

Sans matériel

Ultérieurement, des exercices plus difficiles sont conseillés pour mettre en charge les membres postérieurs et étendre la hanche. La marche en danseuse consiste à lever les membres antérieurs du chat pour qu’il se déplace sur les postérieurs, vers l’avant ou vers l’arrière [1]. La position statique debout peut être obtenue à l’aide d’un plumeau ou d’un laser.

(1) Voir l’article « Pathogénie et prise en charge chirurgicale d’une disjonction épiphysaire de la tête fémorale chez le chat » dans ce numéro.

Références

  • 1. Bockstahler B, Wittek K, Levine D et coll. Essential Facts of Physical Medicine, Rehabilitation and Sports Medicine in Companion Animals. VBS VetVerlag. 2019:720p.
  • 2. Bunch J. Photobiomodulation (therapeutic lasers): an update and review of current literature. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2023;53 (4):783-799.
  • 3. Drum mg, Bockstahler B, Levine D et coll. Feline rehabilitation. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2015;45 (1):185-201.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Peu proposée aux chats, la physiothérapie apporte de nombreux bénéfices pendant la période postopératoire en orthopédie, en particulier pour la prise en charge des cas de disjonction épiphysaire de la tête du fémur. Des soins immédiats sont possibles pour soulager la douleur. De nombreux exercices, à adapter selon le caractère et la tolérance du chat, sont réalisables. Dans tous les cas, la mise en place d’une rééducation fonctionnelle permet d’optimiser la récupération.

Points clés

• Les chats sont de bons candidats pour la physiothérapie si les exercices sont adaptés et l’animal coopératif.

• La rééducation fonctionnelle postopératoire permet de limiter la douleur et d’optimiser la récupération fonctionnelle.

• Le laser contribue à diminuer la douleur et l’inflammation.

• Certains exercices nécessitent des équipements spécifiques (tapis roulant immergé, plateforme proprioceptive, cavaletti), d’autres sont réalisés sans matériel.