PROFIL THÉRAPEUTIQUE COMPARÉ DE LA CAPROMORÉLINE ET DE LA MIRTAZAPINE - Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025
Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025

THÉRAPEUTIQUE

Thérapeutique

Auteur(s) : Vanessa Louzier*, Yassine Mallem**

Fonctions :
*Unité de physiologie,
pharmacodynamie et thérapeutique
VetAgro Sup
Campus vétérinaire de Lyon
1 avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile
**Auteur coordinateur
***Unité de pharmacologie
et toxicologie
Oniris VetAgroBio
101 route de Gachet
44300 Nantes

Le choix de l’utilisation de la capromoréline ou de la mirtazapine dépend des besoins de l’animal, de la présence de comorbidités et d’éventuelles contre-indications.

La capromoréline et la mirtazapine sont deux agents pharmacologiques utilisés pour stimuler l’appétit chez les chats, en particulier ceux qui souff rent d’une maladie chronique (cancer, insuffisance rénale par exemple), mais aucune étude n’a comparé leurs eff ets dans les mêmes conditions dans cette espèce. Leur mécanisme d’action diff ère, tout comme leur mode d’administration et leur profil d’efficacité.

MÉCANISMES DE FONCTIONNEMENT

La capromoréline a une action ciblée rapide : c’est un agoniste des récepteurs de la ghréline (GHS-R) qui stimule directement l’appétit et la libération de l’hormone de croissance et de l’insulinlike growth factor 1 (IGF-1), avec des eff ets orexigènes directs, anabolisants, immunomodulateurs et antiinflammatoires [3]. Elle possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez le chat et est administrée par voie orale sous la forme d’une solution. Bien absorbée oralement, elle atteint un pic plasmatique en une à deux heures et nécessite une prise quotidienne. Par comparaison, la mirtazapine a un mécanisme d’action plus polyvalent et un eff et prolongé : elle agit indirectement via le blocage des récepteurs sérotoninergiques, histaminiques H1 et alpha2adrénergiques, en combinant la stimulation de l’appétit et des eff ets antiémétiques. Elle dispose d’une AMM chez le chat sous la forme d’une pommade transdermique à appliquer sur la face interne du pavillon auriculaire, ce qui facilite l’administration chez les animaux réticents aux médicaments oraux. Malgré une biodisponibilité par voie transdermique inférieure à celle de la voie orale, la mirtazapine a une demivie prolongée (24 à 48 heures) qui permet des prises espacées. Métabolisées par le cytochrome P450, les deux molécules exposent à des interactions médicamenteuses, surtout en cas d’insuffisance hépatique.

UNE APPROCHE CIBLÉE SELON LES BESOINS CLINIQUES

La capromoréline est principalement indiquée pour stimuler l’appétit chez les chats dysorexiques ou atteints d’insuffisance rénale chronique, avec un gain de poids moyen de 5,2 % après 55 jours de traitement (tableau) [1]. Elle réduit aussi la cachexie inflammatoire dans des modèles expérimentaux. La mirtazapine traite la dysorexie, les nausées et les vomissements, notamment dans des contextes de gastro-entérite, de cancer ou d’insuffisance rénale chronique. Chez les chats qui ont perdu 5 % de leur poids ou davantage, elle entraîne un gain pondéral de 3,9 % en quatorze jours [5]. Après trois semaines, 90 % des chats souff rant d’insuffisance rénale chronique prennent du poids [6]. La voie transdermique de la mirtazapine est avantageuse lors de troubles digestifs [2]. La capromoréline est idéale en cas de dysorexie isolée, tandis que la mirtazapine convient mieux lors de vomissements associés.

EFFICACITÉ ET PRÉCAUTIONS

La capromoréline stimule rapidement l’appétit et ne provoque que des effets secondaires mineurs : des vomissements (29,6 %), une léthargie (13,6 %), une anémie (9,3 %), une diarrhée (7,6 %) et une hyperglycémie transitoire (6,8 %) [1, 4]. Son innocuité a été évaluée sur 90 jours. Elle dispose d’une bonne marge de sécurité et est bien tolérée. Cependant, son métabolisme hépatique à élimination rénale, hyperglycémiant, hypotenseur et bradycardisant (tous trois transitoires), incite à la prudence chez les chats diabétiques, hypotendus, insuffisants hépatiques ou rénaux [1]. Son utilisation dans un contexte cancéreux est controversée : bien que certains cancers expriment des GHS-R et que l’hormone de croissance ou l’IGF-1 favorisent la croissance tumorale, des études expérimentales suggèrent une innocuité, voire un bénéfice [7]. À l’inverse, la mirtazapine combine une action orexigène et antiémétique, mais les effets secondaires observés diffèrent selon la voie d’administration : un érythème, des vocalisations, une augmentation plasmatique transitoire d’urée et de potassium par voie transdermique, mais aussi une sédation, une agitation, des tremblements, une toxicité sévère en cas de surdosage per os [5, 6]. Les contre-indications incluent l’insuffisance hépatique grave et l’usage avec des inhibiteurs de la monoamine oxydase (Imao). Pour les deux molécules, une évaluation attentive de la fonction hépatique ainsi que des interactions se révèle indispensable.

Références

  • 1. FDA. Freedom of Information Summary, NADA 141-536 Elura® capromorrelin oral solution. 2020:11-19.
  • 2. Ferro L, Ciccarelli S, Stanzani G et coll. Appetite stimulant and anti-emetic effect of mirtazapine transdermal ointment in cats affected by lymphoma following chemotherapy administration: a multi-centre retrospective study. Animals (Basel). 2022;12 (2):155.
  • 3. Ida T, Miyazato M, Naganobu K et coll. Purification and characterization of feline ghrelin and its possible role. Domest. Anim. Endocrinol. 2007;32 (2):93-105.
  • 4. Pires J, Greathouse RL, Quach N et coll. The effect of the ghrelin-receptor agonist capromorelin on glucose metabolism in healthy cats. Domest. Anim. Endocrinol. 2021;74:106484.
  • 5. Poole M, Quimby JM, Hu T et coll. A double-blind, placebo-controlled, randomized study to evaluate the weight gain drug, mirtazapine transdermal ointment, in cats with unintended weight loss. J. Vet. Pharmacol. Ther. 2019;42 (2):179-188.
  • 6. Quimby JM, Benson KK, Summers SC et coll. Assessment of compounded transdermal mirtazapine as an appetite stimulant in cats with chronic kidney disease. J. Feline Med. Surg. 2020;22 (4):376-383.
  • 7. Soleyman-Jahi S, Sadeghi F, Pastaki Khoshbin A et coll. Attribution of ghrelin to cancer; attempts to unravel an apparent controversy. Front. Oncol. 2019;9:1014.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La capromoréline et la mirtazapine sont des options thérapeutiques complémentaires pour la prise en charge de l’anorexie chez le chat. La capromoréline offre une action rapide et courte, donc avec des effets facilement maîtrisables, tandis que la mirtazapine transdermique met plus de temps à agir, avec une action plus longue, et est adaptée aux chats souffrant de troubles gastro-intestinaux. Le choix entre ces deux molécules doit être guidé par les besoins cliniques spécifiques de l’animal, la présence de comorbidités et les contre-indications potentielles.