PRISE EN CHARGE D’UN PROLAPSUS URÉTRAL CHEZ UN JEUNE AMERICAN BULLY - Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025
Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025

CHIRURGIE

Chirurgie

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*Clinique Vet’Hauts de France
802 boulevard Fernand
Darchicourt
62110 Hénin-Beaumont
**(DipECVS)
***Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Le traitement du prolapsus urétral chez le chien est chirurgical et le pronostic est favorable malgré le risque non négligeable de récidive.

Un american bully mâle entier, âgé de 10 mois, est référé pour l’exploration d’un saignement provenant des voies urinaires qui est apparu vingtquatre heures auparavant.

PRÉSENTATION DU CAS

Examen clinique et démarche diagnostique

Lors de l’examen clinique, le chien apparaît en bon état général. Il présente un saignement important provenant du fourreau, exacerbé lors des phases d’excitation. Une dyspnée inspiratoire marquée est notée pendant la consultation et attribuée à un syndrome obstructif respiratoire du brachycéphale. L’examen du pénis sous anesthésie générale permet de visualiser une muqueuse urétrale prolabée, violacée et œdématiée à son apex (photo 1). Une sonde urinaire est insérée sans difficulté jusqu’à la vessie. La réalisation d’une bandelette urinaire sur les urines recueillies par sondage permet d’écarter l’hypothèse d’une cystite. Le diagnostic de prolapsus urétral est alors confirmé.

Traitement et suivi

Une castration chirurgicale antescrotale à testicule découvert est réalisée. Un guide est passé dans l’urètre (photo 2). Le prolapsus urétral est réduit et une urétropexie est pratiquée à l’aide de trois points résorbables au monofilament 4-0. L’animal est rendu à ses propriétaires après vingt-quatre heures d’hospitalisation pour la prise en charge de la douleur. Au quatrième jour après l’intervention, une récidive des saignements est constatée par les propriétaires qui décrivent une aggravation lors des phases d’excitation ou de dyspnée. Le syndrome obstructif respiratoire de l’animal est alors corrigé via une rhinoplastie et une palatoplastie conventionnelles et, au cours de la même anesthésie, un traitement du prolapsus urétral par résection-anastomose est réalisé (photo 3). Après vingt-quatre heures d’hospitalisation, le chien est de nouveau rendu à ses propriétaires. Au contrôle quinze jours plus tard, aucune récidive n’est constatée.

DISCUSSION

Définition et prédispositions

Le prolapsus urétral est une aff ection rare qui consiste en l’éversion de la muqueuse urétrale distale au travers du méat urétral externe. L’étiologie exacte est inconnue, mais pourrait être liée à un comportement sexuel excessif, à des infections urinaires, à des calculs urinaires ou à une maladie prostatique [3]. Le syndrome brachycéphale représenterait un facteur aggravant en raison de l’augmentation de la pression intraabdominale qu’il provoque [3]. Les races brachycéphales y sont prédisposées (notamment le bouledogue anglais) ainsi que le yorkshire terrier [2].

Signes cliniques et diagnostic

Les signes cliniques incluent souvent une hématurie, des saignements par le fourreau, un léchage pénien compulsif et une strangurie [3]. Le diagnostic est établi via un examen clinique de la zone, où une masse de muqueuse violacée est observée à l’apex du pénis.

Traitement

Gestion des facteurs de risque

L’existence d’une cystite doit être recherchée, sa résolution pouvant entraîner la disparition d’un léger prolapsus urétral [3]. La castration est souvent recommandée car le comportement sexuel excessif et l’engorgement pénien sont des facteurs de risque du prolapsus urétral [3]. En présence d’un syndrome brachycéphale, sa correction chirurgicale se révèle intéressante. En effet, l’augmentation de la pression intra-abdominale due à la dyspnée semble avoir un lien avec le prolapsus urétral [2]. Toutefois, bien que probable, l’effet “protecteur” de la castration ou de la correction du syndrome brachycéphale sur le risque de récidive de prolapsus urétral n’a pas été déterminé avec certitude dans les deux études les plus larges publiées à ce jour [1, 2]. La castration et la correction du syndrome brachycéphale restent cependant largement recommandées pour prévenir une récidive.

Techniques chirurgicales

Les traitements du prolapsus urétral incluent la réduction de la muqueuse avec la mise en place d’une suture en bourse, la résection-anastomose urétrale et l’urétropexie [2].

La technique par résection-anastomose doit être réalisée progressivement afin d’éviter que la muqueuse ne se rétracte dans le pénis [3]. Un monofilament résorbable 4-0 ou 5-0 et des points simples ou des surjets peuvent être utilisés pour l’anastomose [3]. L’urétropexie consiste en l’application de deux à quatre points au travers du pénis et formant un U horizontal en passant par la lumière urétrale [3].

Le port d’une collerette est nécessaire quelle que soit la technique choisie.

Complications

Les complications sont principalement des récidives du prolapsus, rapportées dans 56 % des cas [3]. La suture en bourse seule n’est pas indiquée, l’inconfort présenté par l’animal et le risque de récidive étant trop élevés [3].

La technique par urétropexie présente des risques de récidive plus importants (38,6 %) que celle par résection-anastomose (11,1 %) [2]. Une approche combinant les deux techniques afficherait un taux de récidives plus faible (8 %) [1]. À ce jour, en faisant la synthèse des deux études de Healy et de Grewal, les techniques de résection-anastomose ou de résection-anastomose associée à une urétropexie semblent supérieures à l’urétropexie seule, et sont donc recommandées pour le traitement chirurgical du prolapsus urétral, en association avec une castration et une correction du syndrome brachycéphale, le cas échéant.

Références

  • 1. Grewal MK, Kudej RK, Grace M. Assessment of combined resection-anastomosis and urethropexy in dogs with urethral prolapse. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2024;60 (5):179-187.
  • 2. Healy D, Rizkallal C, Rossanese M et coll. Surgical treatment of canine urethral prolapse via urethropexy or resection and anastomosis. J. Small Anim. Pract. 2024;65 (3):206-213.
  • 3. Johnston SA, Tobias KM. Urethra. In: Veterinary Surgery: Small Animal. Elsevier Saunders. 2018:1899-1996.

Conflit d’intérêts : Aucun