L’INFECTION À HERPÈSVIRUS FÉLIN DE TYPE 1 - Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025
Le Point Vétérinaire n° 463 du 01/03/2025

OPHTALMOLOGIE FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Alexandre Guyonnet

Fonctions : (DipECVO, DESV ophtalmologie)AniCura TRIOVet
1D allée Ermengarde d’Anjou
35000 Rennes

Le mécanisme de l’infection à herpèsvirus de type 1 chez le chat ressemble à celui observé chez l’humain. Comprendre sa pathogénie est essentiel pour adapter la prise en charge.

L’herpèsvirus félin de type 1 (FHV-1), un virus à ADN double brin de la sous-famille des Alphaherpesvirinae, est l’agent responsable de la rhinotrachéite virale féline. Chez le chat, il est une cause très fréquente de lésions oculaires ou d’atteintes des voies respiratoires supérieures.

CARACTÉRISTIQUES VIRALES ET ÉPIDÉMIOLOGIE

L’infection par les virus de la sous-famille Alphaherpesvirinae se manifeste cliniquement par une maladie aiguë avec une lyse cellulaire suivie par une période de latence entrecoupée de phases de réactivation de l’infection [2]. L’herpèsvirus félin de type 1 (FHV-1) est extrêmement répandu dans la population féline, avec une séroprévalence qui peut atteindre 97 % des animaux testés [4]. Après l’exposition au virus, plus de 80 % des chats deviennent porteurs latents et 45 % de ces chats porteurs excréteront à nouveau le virus au cours de leur vie, spontanément ou à la suite d’une situation de stress [1].

PATHOGÉNIE

Transmission du virus

Le FHV-1 est relativement instable dans l’environnement - il peut survivre jusqu’à 18 heures en milieu humide - et reste sensible à la majorité des désinfectants et des détergents. La principale voie de contamination entre chats est donc un contact direct entre les muqueuses nasales, orales et/ou conjonctivales et des sécrétions corporelles contenant le virus, le plus souvent respiratoires (figure) [2].

Primo-infection

La primo-infection survient le plus souvent chez les chatons et les jeunes chats, du fait de la perte de l’immunisation via les anticorps maternels après l’âge de 8 semaines. Les chats vaccinés restent à risque d’infection puisque la vaccination contre le FHV-1 ne confère qu’une immunité partielle contre la maladie [2]. Les signes cliniques apparaissent deux à six jours après l’infection. La réplication virale siège principalement dans les épithéliums conjonctivaux, des cornets nasaux et du nasopharynx et, dans une moindre mesure, au niveau de l’épithélium cornéen [3]. Cette infection est caractérisée par une réplication rapide et des dommages cellulaires importants qui aboutissent à la lyse des cellules infectées, suivie de la formation d’érosions et/ou d’ulcérations de ces épithéliums.

Phase de latence

L’évolution possible vers un état de latence est l’une des caractéristiques des virus de la famille des Herpesviridae. Durant la phase de primo-infection, certaines particules virales envahissent les terminaisons du nerf trijumeau au sein du tissu infecté et progressent jusqu’au ganglion trigéminal, situé dans la fosse médiale craniale à la base du crâne. Le FHV-1 développe alors un état de latence dans lequel son génome persiste à l’état d’épisomes dans le noyau de neurones du ganglion trigéminal [2].

Réactivation de l’infection

Le virus à l’état latent peut être réactivé, donc provoquer une récidive de la maladie. Cette réactivation peut survenir spontanément, mais elle peut également être associée à différentes situations de stress physiologique qui incluent en particulier un relogement, une mise bas, une lactation ou l’administration systémique ou locale d’immunomodulateurs [1]. Le mécanisme responsable de cette réactivation est partiellement compris, mais il en résulte une réplication du virus et une migration de ce dernier le long des axones du nerf trijumeau jusqu’aux tissus épithéliaux. Cette réactivation peut aboutir à une excrétion subclinique du virus (sans signe clinique associé) ou à une récidive des signes cliniques avec des érosions et des ulcérations des épithéliums. Toutefois, l’atteinte est souvent moins marquée que lors de la primo-infection.

Persistance de l’infection

Le développement des techniques de réaction de polymérisation en chaîne (PCR) a permis de détecter la présence de l’ADN viral dans d’autres tissus que le ganglion trigéminal, en particulier dans la cornée chez des animaux cliniquement sains [6]. Cette infection a alors été qualifiée de “persistante”. Cette dernière mime certains aspects de la phase de latence, mais elle semble associée à une inflammation chronique subclinique de ces tissus infectés. Cette persistance est le principal mécanisme proposé pour expliquer certaines affections chroniques à médiation immune, comme la kératite stromale et les conjonctivites chroniques lymphoplasmocytaires [2].

Maladie méta-herpétique

La maladie méta-herpétique résulte des dommages structurels sur les nerfs cornéens et les annexes oculaires générés par les phases successives de cytolyse et d’inflammation chronique subclinique. Cette répercussion de l’infection par les virus de la sous-famille Alphaherpesvirinae est bien connue en médecine humaine et fortement suspectée dans l’espèce féline [5].

Références

  • 1. Gaskell RM, Povey RC. Experimental induction of feline viral rhinotracheitis virus re-excretion in FVR-recovered cats. Vet. Rec. 1977;100 (7):128-133.
  • 2. Glaze MB, Maggs DJ, Plummer CE. Feline ophthtalmology. In: Veterinary Ophthalmology, 6th edition. Wiley Blackwell. 2021:1665-1841.
  • 3. Li Y, Van Cleemput J, Qiu Y et coll. Ex vivo modeling of feline herpesvirus replication in ocular et respiratory mucosae, the primary targets of infection. Virus Res. 2015;210:227-231.
  • 4. Maggs DJ, Lappin MR, Reif JS et coll. Evaluation of serologic and viral detection methods for diagnosing feline herpesvirus-1 infection in cats with acute respiratory tract or chronic ocular disease. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;214 (4):502-507.
  • 5. Sebbag L, Thomasy SM, Leland A et coll. Altered corneal innervation and ocular surface homeostasis in FHV-1-exposed cats: a preliminary study suggesting metaherpetic disease. Front. Vet. Sci. 2020;7:580414.
  • 6. Townsend WM, Jacobi S, Tai SH et coll. Ocular and neural distribution of feline herpesvirus-1 during active and latent experimental infection in cats. BMC Vet. Res. 2013;9:185.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Le virus de l’herpès félin de type 1 est une cause majeure d’atteinte de la surface oculaire et des voies respiratoires supérieures chez le chat. Une bonne connaissance des processus pathologiques liés à l’infection et de leurs manifestations oculaires est primordiale afin de reconnaître les signes cliniques associés à cette herpèsvirose.