CARDIOLOGIE
Cardiologie
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : (DESV de médecine interne, option cardiologie)Oncovet Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
Lors de congestion cardiaque chez le chat, l’examen échocardiographique permet un diagnostic beaucoup plus fiable et plus précis que la radiographie thoracique.
Un chat européen mâle stérilisé, âgé de 14 ans, est référé pour l’exploration de difficultés respiratoires observées depuis moins de deux semaines. Un examen radiographique du thorax a montré la présence d’une densification interstitielle à alvéolaire marquée des lobes craniaux, avec une perte des contours cardiaques (photo 1). Aucun traitement n’a été administré.
Lors de l’examen clinique, l’animal apparaît en bon état général. Il présente de brèves phases de polypnée lors de stress. L’auscultation met en évidence une tachycardie modérée, à 190 battements par minute, sans tendance à l’arythmie. Aucun souffle associé n’est perceptible, mais un bruit de galop intermittent est identifié.
Un examen échocardiographique est réalisé pour explorer une possible origine congestive cardiaque de la polypnée. La coupe tempsmouvement transventriculaire obtenue par voie parasternale droite montre un ventricule gauche à la morphologie très modifiée, avec un septum interventriculaire et une paroi postérieure du ventricule gauche dont l’épaisseur diastolique est augmentée (plus de 6 mm en diastole), avec des contours irréguliers et un myocarde homogène. L’atrium gauche (AG) est très nettement dilaté, avec un rapport AG/aorte de 2,6 (valeur normale en fin de diastole inférieure à 1,2), sans volute préthrombotique ni thrombus associé dans l’auricule gauche visualisée sur la coupe 2D transaortique obtenue par voie parasternale droite (photo 2). Les ondes E et A mitrales diastoliques, en mode Doppler pulsé, sont fusionnées avec une nette augmentation de la vitesse de l’onde résultante (1,5 m par seconde), ce qui traduit une surpression atriale gauche. La contractilité de l’atrium gauche est très diminuée, de même que sa fraction d’éjection qui est inférieure à 10 % (valeur moyenne chez les animaux sains de 57 %).
La pression artérielle systolique est mesurée à 160 mmHg. Un bilan des fonctions rénale et thyroïdienne, réalisé pour rechercher les causes d’une hypertrophie myocardique secondaire (hyperthyroïdie ou hypertension artérielle), se révèle dans les normes. L’évolution d’une cardiomyopathie hypertrophique primitive reste la principale hypothèse, même si une infiltration inflammatoire ou tumorale myocardique ne peut être exclue. Aucun épanchement pleural ou péricardique congestif n’est constaté, mais des lignes B sont visualisées et les signes cliniques observés sont en faveur de la présence d’un œdème pulmonaire cardiogénique.
Le pronostic reste réservé à court terme et dépend de la réponse au traitement ; il est défavorable à long terme. Le traitement préconisé associe deux molécules : l’administration d’un diurétique “à effet” (furosémide, à la dose initiale de 2 mg/kg toutes les douze heures, qui peut être diminuée en cas de réponse clinique suffisante, soit la régression de la polypnée au domicile) et la mise en place d’une thromboprophylaxie à base de clopidrogel (Plavix®(1) 75 mg, un quart de comprimé par jour, préférable à l’aspirine dans le cas présenté étant donné le risque élevé d’accident thromboembolique).
Lors de polypnée chez le chat, les examens clinique et radiographique sont plus délicats à interpréter que chez le chien. À la différence du chien cardiopathe, la détection d’une polypnée au repos n’est pas spécifique d’une congestion cardiaque chez le chat. En effet, près de la moitié des chats non congestifs présentent une fréquence respiratoire supérieure à 36 mouvements par minute, cette polypnée pouvant notamment être liée au stress [3]. L’examen radiographique permet de confirmer la présence d’une densification pulmonaire, mais les images sont nettement moins caractéristiques que chez le chien. Lors de congestion cardiaque, la densification alvéolaire périhilaire n’est qu’exceptionnellement observée chez le chat, mais une localisation sur les lobes ventraux (comme dans notre cas) ou une composante bronchique sont fréquemment observées [1]. L’identification fréquente d’un épanchement pleural limite également l’intérêt de l’examen radiographique. En effet, il masque la silhouette cardiaque et représente une découverte non spécifique, puisqu’il peut être observé en cas d’insuffisance cardiaque congestive, mais aussi lors de nombreuses autres affections (néoplasique, inflammatoire, etc.).
L’examen échographique présente un intérêt majeur pour le diagnostic de l’insuffisance cardiaque féline. Un rapport AG/Ao supérieur à 1,96 permet de distinguer les cardiomyopathies hypertrophiques congestives des non congestives avec plus de 80 % de sensibilité et de spécificité [3]. La mesure de la contractilité de l’atrium gauche permet de renforcer une suspicion de congestion cardiaque. L’atrium gauche doit normalement transférer une importante partie du sang qu’il contient au cours de la diastole, à travers des mouvements passifs et actifs, et ce volume peut être mesuré via un examen échocardiographique (par la méthode volumétrique de Simpson). Chez les chats sains et atteints de cardiomyopathie hypertrophique “compensée”, la moitié du volume atrial gauche est ainsi éjectée vers le ventricule gauche au cours de la diastole. La fraction d’éjection est en moyenne à 25 % lors de cardiomyopathies hypertrophiques en phase congestive [2]. Comme cette dysfonction atriale gauche augmente en plus le risque d’un épisode de thrombose, il justifie la mise en place d’une thromboprophylaxie malgré l’absence d’antécédent de thrombose, comme dans le cas présenté.
(1) Médicament à usage humain.
Conflit d’intérêts : Aucun